FR :
L’intervention militaire dans le conflit des autres a inauguré, dès la chute du Mur, une thématique nouvelle en Relations internationales qui mêlait la volonté d’enrichir les dispositifs de « conflict solving » et de mettre en place une véritable « diplomatie transformationnelle » ayant pour objectif de changer et d’améliorer les régimes politiques des autres. Dans l’euphorie d’une bipolarité disparue, le projet paraissait audacieux mais prometteur : il bouleversait les canons souverainistes, mais il relançait aussi la double idée de gendarme du monde et de projet émancipateur des peuples souffrants. Le point d’aboutissement de ce processus intellectuel et politique se trouve incontestablement dans l’idée-phare de la responsabilité de protéger, édictée en 2001. Pour autant, le bilan est loin d’être convaincant : fin plutôt que moyen et finalité de puissance plus que finalité de régulation. La pratique suggère bien des échecs, des effets pervers et surtout un énorme décalage par rapport à la nature nouvelle des conflits visés. Ce désordre, souvent occulté, implique que soient posées, à propos de cette démarche nouvelle, trois questions encore oubliées : qui est habilité à intervenir, comment et pourquoi ?
EN :
After the fall of the Berlin Wall, military intervention in other people’s wars spawned a new theme in international relations combining the desire to enhance conflict-solving mechanisms with ambitions for developing a true « transformational diplomacy » capable of changing and improving political regimes in other countries. In the euphoria of a post-bipolar world, the enterprise seemed ambitious but promising ; it turned sovereign convention on its head, but also revived the dual idea of a global police force and emancipation for the suffering. The culmination of this intellectual and political process was undoubtedly the central notion of the responsibility to protect, framed in 2001. Yet the results have been far from convincing. An end more than a means, with outcomes resembling exercises in power more than regulation, the practice has seen more than its share of failures and pernicious effects, and most of all, a huge disconnect with respect to the kind of new conflicts it is meant to resolve. The resulting disorder, often underplayed, raises three as yet unanswered questions about this approach : who has the authority to intervene, how, and why ?
ES :
La intervención militare en conflictos de otros inauguró, desde la caída del muro, una temática nueva en las Relaciones internacionales que pretende enriquecer los dispositivos de « conflict solving » y poner en marcha una verdadera « diplomacia transformacional » que busca cambiar y mejorar los regímenes políticos. En la euforia de una bipolaridad desvanecida, tal proyecto parecía ambicioso y prometedor, sacudía los cánones soberanistas y relanzaba la doble idea de un gendarme del mundo y de emancipación de los pueblos subyugados. El punto culmine de ese proceso intelectual y político se encuentra, sin lugar a dudas, en la idea-frase de la responsabilidad de proteger, elaborada en 2001. Sin embargo, el balance está lejos de ser convincente : “fin” más que “medio”, y “finalidad de poder” más que “finalidad de regulación”, la práctica señala numerosos fracasos, efectos perversos y sobre todo una falta de adecuación a la nueva naturaleza de los conflictos cubiertos. Ese desorden, a menudo ocultado, impide que tres preguntas sean planteadas : quién está habilitado a intervenir, cómo y por qué ?