Comptes rendus de lecture

Conduire une transmission en PME, Henri MAHÉ DE BOISLANDELLE et Jean-Marie ESTÈVE, Cormelles-le-Royal, Éditions EMS, 2015, 208 p.[Notice]

  • Bérangère Deschamps

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  • Bérangère Deschamps
    Professeure des universités en sciences de gestion, Laboratoire LED, Université de Paris 8

Reprendre une entreprise est un sujet d’actualité depuis la fin des années 90, période à laquelle les pouvoirs publics, les institutions et les acteurs entourant les dirigeants de PME ont pris conscience de l’importance à venir du nombre d’entreprises qui allaient changer de gouvernance. Les conseils se sont spécialisés dans ce domaine, et les consultants ont proposé des ouvrages se concentrant très fréquemment sur deux aspects essentiels de la transmission d’entreprise : (1) Où et comment trouver une entreprise à reprendre ? (2) Comment évaluer et réunir le financement permettant de réaliser l’achat ? Ces guides pratiques sont, la plupart du temps, destinés à l’acquéreur. Les chercheurs ont également investi ce sujet en élaborant les processus suivis par le vendeur, l’acquéreur et en proposant des réflexions sur la rencontre et les relations unissant ces deux acteurs. Cet avant-propos montre à quel point la transmission d’une PME, c’est-à-dire le passage de relai d’un dirigeant à un autre à la tête de l’entreprise, est un sujet sur lequel il est pertinent de s’attarder, à la fois du fait de son actualité et parce que les ouvrages sur le sujet foisonnent. Pourtant, celui proposé par Henri Mahé de Boislandelle et Jean-Marie Estève parvient à innover dans cette littérature destinée aux acteurs de la transmission d’entreprise : non seulement il fournit encore des approfondissements et apporte des informations actuelles, mais il met en avant les valeurs humaines essentielles, et suggère une méthode de préparation au transfert. L’une des grandes forces de l’ouvrage, et ce point est souligné dans les préfaces, réside dans l’apport très important des auteurs sur les dimensions « immatérielles, de nature managériale, cognitive, psychologique » (p. 15) que les auteurs qualifient de « zones d’ombre » de la transmission d’entreprise. Pour cela, les auteurs proposent de nouveaux outils pour repérer les attitudes des acteurs, le leadership du cédant et du repreneur, le noyau dur du personnel, les caractéristiques culturelles de l’organisation… autant de thématiques peu traitées, jusque-là, dans les guides pratiques portant sur les transferts d’entreprise. Le chapitre 3 notamment s’affranchit des traditionnels audits juridiques et financiers jugés les seuls pertinents pour évaluer l’entreprise (ces éléments étant étudiés dans le chapitre 2) pour développer une étude approfondie de l’entreprise cible à travers ses audits managériaux, réticulaires et humains. Au titre des approfondissements encore, envisager l’entreprise à travers ses cycles de vie matériels, ceux du personnel et du dirigeant, et celui de l’organisation est particulièrement inédit. Il conduit à envisager l’organisation comme un acteur autonome, dont il est nécessaire d’étudier l’évolution pour la confronter à l’analyse utile à l’éventuel repreneur. Cette conception met également l’accent sur la dimension temporelle d’un transfert de PME. Si des éléments demeurent comme l’opacité du marché ou la confidentialité qui entoure un transfert de PME, l’ouvrage met, en revanche, l’accent sur l’actualité récente. Ainsi, les auteurs développent-ils les conséquences de la loi Hamon, votée en juillet 2014 portant sur l’obligation des PME (dont l’effectif est inférieur à 250 salariés) d’informer tous les salariés d’un projet de transfert. Les auteurs considèrent l’organisation comme une intelligence collective (chapitre 1) et proposent de manager cette intelligence collective, en marge du management individuel (entre un manager et son collaborateur) et du management d’équipe (entre un manager et son équipe). Ce management de l’intelligence collective (MIC) consiste à : « développer et gérer les ressources intellectuelles d’une équipe pour lui donner la capacité de coconstruire, de partager et d’innover » (p. 28). Le ton de l’ouvrage est donné : les auteurs insistent, en effet, sur la dimension humaine, comme socle de la PME. Même dans le deuxième chapitre, plus technique, traitant notamment …