Recensions

Laura E. Corso de Estrada, Cicerón. Sobre las Leyes. Edición bilingüe. Traducción, notas e introducción, Buenos Aires, Colihue (coll. « Colihue Clásica »), 2019, cxxxii-292 p.[Notice]

  • Violeta Cervera Novo

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  • Violeta Cervera Novo
    Université Laval, Québec

Dans ce nouveau volume de la collection « Colihue Clásica », coordonnée par Mariano Sverdloff et Emiliano De Bin, l’auteure Laura Corso de Estrada (Universidad Católica Argentina ; Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicas [Argentine]) offre au public de langue espagnole une nouvelle traduction du De legibus de Cicéron (106-43 av. J.-C.). Bien que l’auteure s’accroche à l’édition critique de Georges de Plinval (1968), reproduite en face de la version espagnole, les éditions de Konrat Ziegler (1950) et de Clinton Keyes (1961), entre autres, servent parfois à justifier le choix des variantes textuelles adoptées dans la présente traduction (présentée aux p. 1-259). Le texte latin est rendu dans un espagnol clair et élégant, mais qui cherche surtout (outre le respect du génie littéraire de l’Arpinate) à mettre en évidence l’importance de Cicéron dans la constitution d’une philosophie proprement romaine, fondée certes sur la pensée hellénistique, mais « investie d’une physionomie de caractère propre » et en conséquence, « non réductible à ses sources » (p. cx). La traduction (d’une grande valeur en elle-même) n’est donc qu’une partie d’un projet beaucoup plus ambitieux qui, s’inscrivant dans le cadre des travaux antérieurs de l’auteure, s’intéresse tout particulièrement à la théorie cicéronienne du ius naturae et à ses projections sur le Moyen Âge et la Modernité. Le présent volume est par conséquent un instrument de valeur pour ceux qui désirent s’approcher de la pensée cicéronienne et en évaluer la portée, et apporte une série de compléments très utiles, que je passe brièvement en revue dans ce qui suit. La complexe Introduction (p. ix-cxxxii), déployée en huit sections, offre une étude préliminaire visant à montrer, dans l’ensemble, la valeur éminemment philosophique du De legibus. C’est pourquoi l’auteure montre d’emblée (via une révision critique de la littérature spécialisée) ce qui lui semble être la motivation centrale de la philosophie cicéronienne : l’élucidation des liens unissant la vie théorétique et la vie pratique, dans le but de comprendre les principes rationnels régissant la vie commune, ou, pour le dire autrement, la recherche du fondement immuable de la vie pratique (p. ix-xvii). C’est là l’objet que Cicéron poursuit dans l’ensemble de ses ouvrages, malgré les différences thématiques ; le De legibus n’est donc qu’une manifestation de cette motivation. Le dialogue Sur les lois montre en effet l’enracinement du droit (ius) dans la loi naturelle (lex naturae), expression de la rationalité divine du monde dont l’homme participe. En harmonie avec cette première idée, l’auteure cherche à montrer, dans le reste de l’Introduction, la cohérence de la pensée philosophique cicéronienne prise comme une totalité, ainsi que l’importance du rôle joué par le De legibus dans cette totalité. Ainsi, la section présentée comme une simple « localisation chronologique du De legibus » (p. xviii-xliii) passe très vite sur la discussion obligée concernant la datation du texte, pour se concentrer sur le parcours intellectuel de l’auteur (bien au fait des traditions philosophiques alors en vogue : l’Académie, la Stoa et l’Épicurisme). Loin d’être un simple orateur et un homme public (position que l’auteure rejette), Cicéron s’est consacré aux études philosophiques pendant toute sa vie, convaincu de la liaison indissoluble entre rhétorique et philosophie : en effet, la sagesse n’est pour lui que la convergence entre « penser et dire » (p. xxxiv). La totalité des écrits de Cicéron vise donc, d’une manière ou d’une autre, cette union entre connaissance spéculative et vie pratique, entre philosophie et bien public (le De legibus n’étant qu’un moment particulier de ces développements). La forme dialogique adoptée dans ce texte (p. xliii-liv) a aussi …