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Esta misma integración de la traducción en el circuito investigador institucionalizado también ha aportado al traductor un metalenguaje propio y altamente desarrollado del que carecía hasta el momento. Efectivamente, conceptos como domesticación/exotización, variabilidad, normalización, lealtad frente a fidelidad, anisomorfismos, (in)visibilidad, historicidad o tantos otros que los estudios de traducción han introducido en estas últimas décadas permiten al traductor consciente de la teoría disponer de una terminología específica y con prestigio científico a la que recurrir para explicar sus traducciones […].

Franco Aixelá 2012 : 45

1. Introduction

C’est un fait évident que la réflexion théorique a joué un grand rôle dans l’apparition et la consolidation de la traductologie en tant que discipline autonome, malgré que le débat portant sur la relation entre la théorie et la pratique de la traduction semble presque interminable. En ce sens, la relation entre la pratique de la traduction et la réflexion traductologique serait surtout remise en cause par un bon nombre de traducteurs professionnels (Francí 2013a), même si celle-ci ne semble pas non plus être acceptée par le monde académique (Pym 2010/2011). Selon certains de ses membres, les difficultés de trouver un point de convergence ont été accrues par le statut même de notre discipline, considérée par beaucoup comme interdisciplinaire ou transdisciplinaire (Gambier et van Doorslaer 2016 : 16). Pourtant, de récentes études visent à mettre en évidence les avantages de la collaboration universitaire avec le monde professionnel, c’est-à-dire des rapports plus étroits entre les aspects théoriques et les aspects pratiques (Valdeón 2017 : 184).

De nombreux auteurs ont souligné le besoin de liens plus étroits entre la théorie et la pratique de la traduction (notamment Neubert 1989 ; Balliu 1999 ; Shuttleworth 2001 ; Chesterman et Wagner 2002 ; Lederer 2007 ; Gile, Hansen et Pokorn, 2010 ; Boase-Beier 2010 ; Franco Aixelá 2012 ; Pym et Torres-Simón 2016) ; ces chercheurs considèrent que la réflexion théorique contribue, d’une part, à la pratique de la traduction d’un point de vue appliqué, en termes de perfectionnement méthodologique, d’obtention de métalangage, de prise de conscience des options de traduction et de leurs conséquences ; et d’autre part, du point de vue socioprofessionnel, puisque ce lien favorise la reconnaissance et le statut social et professionnel des traducteurs (Francí 2013b). Valdeón (2017 : 184) fait référence à la relation entre les traducteurs professionnels et ceux qui se dédient au domaine de la traductologie, et souligne certaines tentatives d’établir des synergies entre les deux groupes, grâce à des rencontres qui « provided an excellent opportunity to discuss some of the issues that were relevant to both academics and professionals in a convivial atmosphere, and set a solid base for future communication ».

Le monde professionnel de la traduction a également pris soin de la liaison entre la théorie et la pratique et certaines associations de traducteurs en Espagne ont demandé aux universités d’ouvrir de plus en plus leurs portes aux professionnels et de permettre aux associations de traducteurs d’y collaborer. Par exemple, le congrès El ojo de Polisemo. Encuentro universitario-profesional de traducción, une rencontre entre universitaires et professionnels sur la traduction littéraire qui, depuis 2009, est organisée par la section des traducteurs de l’Association de l’ordre des écrivains (Asociación Colegial de Escritores, ACETT) avec la collaboration des universités espagnoles proposant des études de traduction et qui se tient chaque année dans un centre différent. En 2007, l’ACETT a publié dans la revue Vasos Comunicantes une conversation sur la liste de diffusion Internet avec un titre très suggestif « Les oiseaux sont-ils experts en ornithologie ? », qui mettait noir sur blanc certains des désaccords entre le monde académique et professionnel déjà mentionnés dans l’introduction de cette étude : les opinions des traducteurs évoluent dans un éventail très large, qui va de la croyance que la théorie n’a rien à voir avec la pratique à l’explication de ce qu’elle apporte :

[y]o creo que la teoría de la traducción tiene tres lados positivos :

1) El hecho de analizar cómo traducen profesionales y qué decisiones toman puede ayudar a la hora de enseñar a traducir (que en sí mismo es otro tema de debate que quizá no venga a cuento : ¿El traductor nace o se hace ?

2) Creo que analizar de forma sistemática la traducción, estudiar las decisiones y elaborar una metodología de crítica traductológica puede ayudar a combatir la invisibilidad del traductor y a derribar la quimera del traductor medio alquimista y medio tradittore. El artista y el literato tienen una crítica digna, tienen mecanismos teóricos para respaldar sus decisiones y sus obras. ¿Por qué no el traductor ?

3) Ayuda a tomar conciencia de lo que hacemos y a actuar con cierta responsabilidad […] A mí me ha ayudado, no tanto a traducir, sino a ser un traductor reflexivo, a tener cuidado con lo que hago y a ser consciente de la responsabilidad de mis decisiones.

Vasos Comunicantes 2007 : 98

Du côté des professionnels, Francí (2013b) reprend la relation entre le monde professionnel et universitaire et souhaite une plus grande interaction, un espace de dialogue, une approche théorique de la pratique professionnelle qui ne rejette pas le fait que la traduction, en plus d’être un produit, est aussi le résultat d’un processus.

[l]a capacidad investigadora de las facultades de traducción es considerable y sería enormemente enriquecedor para todos —traductores, lectores y editores— que hubiera una comunicación fluida y en ambos sentidos. El traductor profesional muchas veces se ve obligado a jornadas extenuantes para poder conseguir algo cercano a un salario digno y no siempre tiene tiempo de reflexionar sobre su propio trabajo. […] Y no sólo eso, sería todavía de mayor utilidad que los investigadores académicos pusieran sus ojos en esos rincones oscuros de los que sólo hablamos los profesionales.

Francí 2013b : 1

En ce qui concerne le contexte universitaire, nous trouvons également des travaux faisant référence à l’apport de la théorie de la traduction dans la formation des traducteurs (Gile 1995 ; Gile 2010 ; Bartrina 2005 ; Malmkjaer 2006 ; Calzada 2007 ; Agost, 2008 ; Pym 2010/2011 ; Munday 2012 ; Sabio Pinilla 2017). Ces études mettent non seulement l’accent sur le besoin des étudiants de développer leur capacité de compréhension de la théorie, sous-jacente à la pratique, mais aussi sur le besoin de ceux-ci de prendre conscience de l’évolution de la pratique de la traduction, afin qu’ils puissent devenir des professionnels dotés d’une pensée critique. En ce sens, Pym (2008/2011 : 18-19) souligne l’intérêt d’enseigner la théorie de la traduction dans la formation des traducteurs et des interprètes et la relie étroitement à la pratique :

[c]omo hemos dicho, todos los traductores teorizan, no sólo los que expresan sus teorías en términos técnicos. […] Es más, ciertas teorías pueden ayudar a los traductores a mejorar la imagen que tienen de sí mismos como profesionales y así a transformar el trabajo lingüístico en una carrera gratificante. […] Las teorías suponen unos recursos muy valiosos para los traductores, no sólo para defender sus posturas, sino también porque les permiten descubrir otras. […] Cuantos más términos e ideas conozcan el traductor y el cliente, mejor podrán valorar las posibilidades de la traducción. Tener cierto conocimiento sobre las distintas teorías debería también ser de ayuda en el proceso mismo de la traducción. Al comienzo de este capítulo hemos presentado nuestra propia teoría de la traducción : el traductor identifica un problema, genera posibles soluciones y selecciona una de entre ellas. […] Hoy en día sabemos bastante sobre cómo generar soluciones alternativas, y relativamente poco sobre cómo o por qué nos quedarnos con sólo una de ellas.

Pym 2008/2011 : 18-19

Malgré tout cela, la théorie de la traduction occupe normalement une position secondaire et accessoire dans les plans de cours en traduction et en interprétation dans les universités espagnoles, comme nous le verrons dans le présent article.

En ce qui concerne les enseignants universitaires, nous sommes conscients de l’hétérogénéité des profils et des différents niveaux de formation en théorie de la traduction des professeurs d’université espagnols. Nous avons participé à plusieurs congrès internationaux sur l’enseignement de la traduction ces dernières années (Teditrad 2016 et 2018, Universitat Autònoma de Barcelona et les congrès bisannuels de l’Association ibérique d’études de traduction et d’interprétation 2015, 2017 et 2019), ce qui nous a permis de parler à de nombreux professeurs de cours théoriques dans les programmes de licence en traduction et en interprétation et de constater le besoin d’améliorer les synergies entre le corps enseignant des matières théoriques et celui des matières pratiques afin que disparaisse la perception d’une séparation entre les deux, tant de la part des étudiants que des enseignants. À cet égard, presque vingt ans après, on peut encore partager les idées de Whitfield (2003 : 429) :

L’enseignement de la théorie de la traduction a encore à trouver sa place au sein de nos programmes de formation professionnelle. Si la formation comprend a priori « la transmission de connaissances théoriques et pratiques » (Valentine 1995 : 95), dans les faits, la théorie est perçue le plus souvent comme faisant partie des compétences complémentaires, c’est-à-dire des « matières considérées comme périphériques mais qui viennent renforcer la pratique traductionnelle », à la différence des compétences centrales directement liées à l’acte de traduire ».

Ibid. : 100

À ce stade, il nous semble pertinent d’expliquer comment nous comprenons le concept de compétence. Pour ce faire, nous nous baserons principalement sur les travaux de Hurtado (2020) et PACTE (2020). Nous considérons également que les concepts de connaissance déclarative (savoir quoi), de connaissance opérationnelle (savoir comment), de connaissance explicative (savoir pourquoi) et de connaissance conditionnelle (savoir quand et pourquoi utiliser la connaissance) sont intéressants et utiles. La compétence en matière de traduction peut être définie comme l’ensemble des connaissances, des aptitudes et des attitudes nécessaires pour être en mesure de traduire, ce qui nécessite des connaissances déclaratives et, en particulier, des connaissances opérationnelles. Le modèle PACTE de compétence en traduction (CT, aussi appelée compétence traductrice) se compose de :

  • la sous-compétence linguistique ou bilingue (la capacité de lire dans la langue source et d’écrire dans la langue cible sans interférence) ;

  • la sous-compétence extralinguistique (la capacité d’appliquer des connaissances culturelles, encyclopédiques et spécialisées des deux langues de travail) ;

  • la sous-compétence instrumentale (la capacité d’utiliser les ressources documentaires et technologiques) ;

  • la sous-compétence stratégique (la capacité d’appliquer et d’intégrer les autres compétences dans toutes les phases du processus de traduction) ;

  • les composantes psychophysiologiques (aspects cognitifs, dont la mémoire, l’attention ou l’émotion ; aspects attitudinaux, tels que la curiosité ou l’esprit critique ; compétences telles que la créativité, l’analyse et la synthèse ou le raisonnement logique) ;

  • la sous-compétence « connaissances en traduction » (connaissances essentiellement déclaratives, implicites et explicites des principes régissant la traduction et des aspects professionnels ; il s’agit de la connaissance des principes régissant la traduction [unité de traduction, processus requis, méthodes et procédures utilisées et types de problèmes] et de la pratique de la traduction professionnelle [marché du travail, types de missions et public cible, etc.]).

En ce qui concerne notre étude, peut-être en raison de la situation globale telle qu’elle est décrite ci-dessus par Whitfield, il est couramment admis que les matières théoriques suscitent le désintérêt des étudiants, voire leur rejet, ce qui s’explique en grande partie par les préjugés et les croyances des étudiants à propos de l’utilité de la théorie dans le cadre de la formation des traducteurs qu’ils considèrent comme éminemment pratique (Presas et Martín de León 2014). Ce sentiment serait renforcé par la perception d’un manque apparent de relation entre la théorie et la pratique, qui existe, comme nous l’avons constaté, dans le contexte professionnel de la traduction, mais également dans le domaine universitaire, et qui semble être à la base du rejet de la réflexion théorique tant dans les cours pratiques de traduction que dans l’activité professionnelle.

En tant que professeures responsables des cours de traductologie au niveau de licence et maîtrise à l’Université Jaume I ainsi qu’en tant que professeures de traduction spécialisée qui traduisons aussi professionnellement, nous considérons tout d’abord qu’il est utile de mener une étude empirique pour examiner le rôle des cours théoriques dans le cadre des programmes de formation ; après, et qu’il convient aussi d’analyser la planification pédagogique selon les attentes et besoins de tous les acteurs concernés par la traduction (étudiants, enseignants et marché professionnel de la traduction). L’analyse de la vision des enseignants et des professionnels fait partie de nos projets de recherche en vue d’obtenir une connaissance intégrale. Pour l’instant, les études PACTE indiquent que les connaissances théoriques et méthodologiques, ainsi que certaines compétences attitudinales, font partie de la compétence du traducteur et, par conséquent, nous pensons qu’elles devraient faire partie de la formation des traducteurs. De même, les concepts de connaissance déclarative (savoir quoi) et de connaissance explicative (savoir pourquoi) sont à la base de l’intérêt de proposer des cours théoriques dans la formation des traducteurs. Dans un premier temps, et avec l’objectif d’approfondir nos connaissances au sujet des attitudes et des attentes des étudiants quant au contenu théorique de leur formation, dans le cadre du Groupe Teditrad, nous avons réalisé une étude empirique à partir d’une population de 1120 étudiants issus de quatre universités espagnoles (Ordóñez-López et Agost 2014 ; Agost et Ordóñez-López 2015), ce qui nous a permis de vérifier que la réalité des salles de cours à l’université n’a rien à voir avec les mythes et les préjugés qui entourent la contribution et l’importance de la théorie de la traduction dans la formation des futurs professionnels de la traduction et de l’interprétation.

2. Méthodologie

Comme évoqué précédemment, la présente étude a pour but de faire une analyse comparative entre la vision des étudiants et la planification des cours théoriques dans la formation des traducteurs au niveau de licence en Espagne.

Entre les années universitaires 2012-13 et 2018-19, nous avons contacté 1120 étudiants de licence en traduction et interprétation et nous leur avons fait passer un questionnaire sur leur vision des matières théoriques dans les programmes de traduction. La population interrogée provient des universités suivantes : Universitat Autònoma de Barcelona, Universitat Jaume I, Universidad de Alicante et Universidad de Granada. Le questionnaire est structuré en plusieurs sections bien que, formellement, les étudiants n’ont perçu aucune segmentation. Les questions répondent à différents aspects :

  • la nature de notre discipline ;

  • l’importance et l’utilité qu’ils donnent à la traductologie ;

  • les aspects formels des matières théoriques (crédits, niveau de fréquentation, l’année où il convient de les enseigner) ;

  • les compétences et contenus du cours ;

  • les activités d’enseignement et d’apprentissage ;

  • les activités d’évaluation ;

  • la langue d’enseignement de la matière et le matériel pédagogique ;

  • le rôle des étudiants dans les cours de traductologie ou de théorie de la traduction ;

  • les liens entre les enseignants, la théorie et la profession.

Pour le traitement des données, nous avons utilisé le programme Statistical Package for the Social Sciences (SPSS). Le questionnaire comprend 24 questions fermées et, dans la dernière partie, des questions ouvertes qui nous permettent également de réaliser des études qualitatives. En outre, cette étude nous permet d’analyser la perception que les étudiants ont en ce qui concerne les aspects épistémologiques de la discipline et la théorie de la traduction.

Après avoir analysé la vision de l’ensemble des étudiants, nous avons mené une révision critique portant sur tous les plans de cours théoriques des programmes de licence en traduction aux universités espagnoles, afin d’évaluer à quel point la planification des cours théoriques s’adapte aux attentes et aux intérêts des étudiants. Pour ce faire, nous avons adopté une catégorisation similaire au questionnaire dans le but d’établir des comparaisons appropriées. Dans ce cas, nous avons utilisé une base de données plus simple, mais qui nous permet également de présenter les données à l’aide de graphiques et de pourcentages.

3. La théorie de la traduction vue par les étudiants

Au cours des dernières décennies, la formation universitaire des traducteurs et des interprètes a été caractérisée par son côté pratique axé sur le marché professionnel de la traduction. C’est la raison pour laquelle beaucoup d’étudiants en traduction ont choisi cette formation en Espagne. Ils considèrent que ce genre d’études plus appliquées leur offre plus de possibilités pour accéder au marché de travail.

Il est particulièrement intéressant d’observer qu’il y a seulement 49,6 % des étudiants interrogés qui considèrent la Traductologie comme un domaine d’étude différencié, comme le montrent les données du tableau 1. Ces résultats devraient nous amener à réfléchir, en tant qu’enseignants, à la manière dont nous concevons l’enseignement/l’apprentissage de la traduction, ainsi qu’à la définition et à la délimitation de notre discipline, aspects qui, on le remarquera plus tard, ne sont pas pris en compte de manière appropriée dans les plans de cours.

Tableau 1

Perception des étudiants à l’égard de la traductologie

Perception des étudiants à l’égard de la traductologie

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3.1. Les attentes professionnelles des étudiants

Si l’on examine les données du questionnaire, malgré la crise dans laquelle la société espagnole est plongée depuis plus d’une décennie, les étudiants en traduction et interprétation affirment que leur objectif principal (61,8 %) est de pouvoir travailler dans le domaine de la traduction (43,4 %) et de l’interprétation (18,4 %). Il est intéressant de noter que l’intérêt pour l’interprétation diminue à mesure que la formation avance, et c’est la traduction qui reçoit le plus d’intérêt. Cette situation coïncide avec l’approche des études actuelles en Espagne, où la traduction est privilégiée et où la formation la plus complète en interprétation est généralement réservée à des masters spécialisés. Il convient également de noter que la vocation pour l’enseignement est sensiblement plus faible par rapport à la vocation pour la profession de traducteur et d’interprète. Néanmoins, selon les données du tableau 2, 23,4 % des étudiants prévoient un profil mixte combinant la pratique de la traduction et de l’interprétation avec l’enseignement des langues. En ce qui concerne la vocation et le caractère pratique de la formation, nous voudrions enfin souligner que la plupart des étudiants qui ont répondu « Autres » ont fait référence à leur préférence pour le commerce extérieur et le tourisme, un débouché également lié aux études appliquées. Il est également significatif de constater que l’intérêt pour l’enseignement de la traduction et l’interprétation est pratiquement insignifiant au cours de la formation.

Tableau 2

Débouchés professionnels préférés des étudiants en traduction et interprétation

Débouchés professionnels préférés des étudiants en traduction et interprétation

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3.2. Contenus du cours

D’après les résultats obtenus dans notre étude, il convient de noter que les étudiants n’établissent pas de distinction nette entre la théorie et la pratique, mais, au contraire, ils expriment le besoin de renforcer le rapport entre ces deux volets, dans la ligne des résultats obtenus dans le cadre d’études analogues précédentes (Agost et Ordóñez-López 2015 : 377). Ceci se manifeste par l’intérêt des étudiants à l’égard des aspects professionnels et déontologiques, leur opinion à propos de la formation du professorat concernant les matières théoriques et l’importance qu’ils accordent à l’apprentissage des concepts essentiels de la discipline pour faire face aux problèmes de traduction d’une manière systématisée, révélant un besoin de développer leur compétence métacognitive. Comme nous le verrons plus tard, il est particulièrement remarquable que, selon le tableau 6, 74,2 % des personnes interrogées considèrent que les professeurs doivent disposer, aussi, d’expérience professionnelle en tant que traducteurs.

Les résultats exposés dans le tableau 3 indiquent que les étudiants estiment qu’il est important d’acquérir, spécialement, des compétences combinant des aspects théoriques ou traductologiques et des questions ayant une application directe dans la pratique de la traduction : 36 % des étudiants interrogés considèrent la compétence « systématiser des problèmes et des solutions de traduction » comme étant la plus importante, suivie de « connaître le domaine d’études et son évolution » (23,6 %). On peut constater une augmentation notable de cette compétence au fur et à mesure que les étudiants progressent dans leur formation (14,6 % en première année et 31,1 % en quatrième année). Cependant, il convient de noter que la compétence « analyser ses traductions et celles des autres en utilisant la terminologie appropriée » a été choisie par seulement 13,3 % des étudiants, car cette compétence met en évidence le lien entre le versant traductologique et la pratique professionnelle de la traduction. Il convient de noter que ces compétences spécifiques font partie de la sous-compétence des connaissances en traduction et des composantes psychophysiologiques identifiées par le groupe PACTE comme faisant partie de la compétence en traduction. Elles font également référence aux connaissances déclaratives et explicatives.

Tableau 3

Les compétences essentielles des cours de traductologie d’après les étudiants

Les compétences essentielles des cours de traductologie d’après les étudiants

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En outre, comme le montrent les données du tableau 4 ci-dessous, les étudiants accordent une importance particulière aux contenus relatifs aux aspects professionnels et déontologiques, ainsi qu’aux concepts traductologiques essentiels. Là encore, nous trouvons un lien direct avec certaines des sous-compétences proposées par le groupe PACTE. Ainsi, le tableau 4 montre que 45 % des étudiants considèrent que les « aspects professionnels » doivent représenter le contenu le plus important dans les cours de traductologie, suivis des « concepts essentiels de la traduction », que 21,2 % des étudiants ont choisis.

Tableau 4

Les contenus de base de la matière traductologie d’après les étudiants

Les contenus de base de la matière traductologie d’après les étudiants

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Dans notre étude, nous avons pu découvrir ce que les étudiants pensent de la relation que les enseignants devraient avoir, selon eux, avec les théories de la traduction, et les résultats sont un peu surprenants. En ce qui concerne les connaissances que les étudiants considèrent que les enseignants en traduction et interprétation devraient avoir sur les aspects théoriques de la discipline, 73,4 % considèrent que les enseignants devraient avoir un niveau élevé de connaissances en traductologie (voir tableau 5). Si nous les interrogeons sur l’expérience en traduction que devraient avoir les professeurs de matières théoriques (voir tableau 6), 74,2 % pensent que « bien sûr » les professeurs de matières théoriques devraient avoir des connaissances sur la pratique professionnelle. Cela nous permet de conclure que, dans la perception des étudiants en traduction et en interprétation, il faudrait que les enseignants connaissent à la fois les aspects fondamentaux de la traductologie et du monde professionnel, quelle que soit la matière qu’ils enseignent ; ils établissent donc un continuum naturel entre la théorie et la pratique.

Tableau 5

Connaissances en traductologie de la part des professeurs de licence en traduction et interprétation

Connaissances en traductologie de la part des professeurs de licence en traduction et interprétation

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Tableau 6

Expérience en traduction des professeurs de traductologie

Expérience en traduction des professeurs de traductologie

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3.3. Aspects méthodologiques

Si nous tenons compte des aspects méthodologiques de l’enseignement, nous pouvons souligner, d’une part, que la majorité des étudiants (49,2 %) considèrent que leur participation au processus d’enseignement/apprentissage, c’est-à-dire leur implication directe dans le cours de traductologie, est adéquate, ce qui confirme les résultats obtenus auprès de recherches précédentes (Ordóñez-López et Agost 2014 : 336-337), bien que 23,5 % la qualifient de « passive », contre 13,8 % qui indiquent « active » et 3 %, comme « très active » (voir tableau 7). D’autre part, comme le montrent les données du tableau 8 sur les activités d’enseignement, 33 % des étudiants préfèrent des activités avec des traductions et 19,4 % d’entre eux préfèrent les « débats ». L’option « autres », qui a été choisie par 26,5 %, comprend des activités telles que le travail de groupe, des traductions et une combinaison multiple des activités énumérées dans le tableau 8. En ce qui concerne les pratiques de traduction ou les activités avec des traductions, il y a lieu de préciser que la traduction sert dans ce contexte d’instrument pour illustrer et appliquer les contenus théoriques ; il ne s’agit pas de traduire comme on le ferait dans un cours pratique de traduction.

Tableau 7

Participation des élèves au processus d’enseignement/apprentissage

Participation des élèves au processus d’enseignement/apprentissage

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Tableau 8

Méthodologie : activités d’enseignement

Méthodologie : activités d’enseignement

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D’après les données du tableau 9, nous observons que la plupart des étudiants ont une attitude plutôt conservatrice étant donné que l’activité d’évaluation la plus choisie est celle des « examens avec des questions fermées » (27,2 %), suivie des « travaux écrits » (26,5 %). Nous voyons aussi que des activités telles que les « comptes rendus » ou les « examens avec des questions ouvertes » ont une importance résiduelle, ce qui nous semble un peu inquiétant, vu qu’il s’agit d’études universitaires, puisque les résultats nous indiquent que les étudiants préfèrent éviter les activités liées à la réflexion critique et à leur propre production. Et, comme nous l’avons vu plus haut, les aspects attitudinaux tels que l’esprit critique, la motivation, la créativité ou le raisonnement logique sont des composantes psychophysiologiques qui font partie de la compétence en traduction.

Tableau 9

Activités d’évaluation

Activités d’évaluation

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3.4. Utilité du cours

Lorsque l’on évalue l’utilité de la matière, 54,2 % des étudiants interrogés ont opté pour « considérable » et 11,9 % la considèrent comme « essentielle », contre 22,7 % qui trouvent son utilité « limitée » et 4,7 % qui la définissent comme « nulle », comme le montre le tableau 10. Il s’agit de chiffres qui coïncident avec les résultats de recherches précédentes (Ordóñez-López et Agost 2014 : 339). De plus, les étudiants considèrent que le cours de traductologie peut également les aider dans d’autres matières, notamment dans la présentation et la soutenance des travaux de fin d’études (TFG). Sur les 1120 étudiants interrogés, à la question « Pensez-vous que la formation en traductologie peut vous aider à réaliser le projet TFG ? », ils répondent « Bien sûr » (47,1 %), « un peu » (39,6 %) et « pas du tout » (6,1 %). Cette dernière réponse montre que la plupart des étudiants considèrent que les cours théoriques constituent un fondement solide pour faire des réflexions plus complexes à propos de leur pratique de la traduction ou de l’analyse des traductions. Ceci est directement lié aux connaissances déclaratives et explicatives.

Tableau 10

Utilité de la traductologie

Utilité de la traductologie

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Les questions liées au nombre de crédits qui devraient être consacrés à la pratique de la traduction et le statut des cours de traductologie nous offrent une intéressante information à propos de l’utilité que les étudiants accordent aux cours théoriques. Selon les résultats de notre enquête, 53,1 % des étudiants préfèrent obtenir jusqu’à 6 crédits ; 33,5 % d’entre eux, entre 6 et 9 crédits ; 7,9 %, entre 9 et 12 crédits ; et finalement 1,3 %, plus de 12 crédits ; 4,2 % d’entre eux n’ont pas répondu. En outre, conformément à la perception des étudiants, cette matière devrait appartenir au « tronc commun » pour 43,8 % d’entre eux ; être « obligatoire » pour 34,1 % et « optionnelle » pour 18,3 %, tandis que 3,8 % n’ont pas répondu à cette question.

La plupart des étudiants reconnaissent l’utilité des cours théoriques, soit comme une partie de leur formation générale, soit comme la base sur laquelle rédiger leurs TFG de licence. Cependant, un peu plus de la moitié des étudiants de notre enquête estiment que ces cours ne devraient pas avoir plus de crédits ECTS. Quant au statut des cours théoriques, on constate que la plupart des étudiants pensent qu’ils devraient faire partie du tronc commun ou être obligatoires, puisqu’ils les considèrent comme importants pour leur formation de traducteurs.

4. La planification de l’enseignement universitaire de la traductologie

L’examen des programmes de la licence en traduction actuellement offerts dans les universités espagnoles met en évidence le peu d’importance accordée aux contenus théoriques. La moitié des programmes comprend uniquement un cours portant sur la théorie, 21 % n’abordent aucun contenu théorique, 25 % disposent de deux cours de théorie et seulement 4,2 % (une université) offrent plus de deux cours de théorie. À l’intérieur des cours de nature théorique, nous observons que la plupart d’entre eux, soit 73,3 %, sont consacrés à la théorie de la traduction ; 16,7 % à l’histoire de la traduction ; et 10 % se concentrent sur des aspects professionnels et déontologiques. En ce qui concerne le nombre de crédits consacrés aux contenus théoriques, conformément aux sites des programmes actuels de licence en Espagne, dans 15,8 % des licences, ce sujet fait l’objet de moins de 6 crédits ; de 6 crédits dans 52,6 % des licences ; de 6 à 9 crédits dans 10,5 % des licences ; et de 12 crédits pour 21,1 % d’entre elles (il faut tenir compte du cheminement spécialisé à l’Universitat Pompeu Fabra), ce qui représente une quantité dérisoire par rapport aux 240 ECTS que comprennent les programmes de licence. Dans les programmes actuels de licence en traduction, ce sujet est obligatoire dans 69,6 % des cas ; fait partie du tronc commun dans 8,7 % des cas ; et est optionnel dans 21,7 % des cas.

Un autre aspect qui mérite notre attention est le nom que l’on donne au cours de théorie de la traduction. La pléthore des terminologies utilisées par les traducteurs et les traductologues aujourd’hui et au cours des siècles pour rendre compte de concepts touchant la traduction, non seulement du point de vue de la pratique professionnelle, mais aussi du point de vue de la réflexion, ne fait que créer de la confusion. La diversité de termes pour nommer notre discipline (notamment « Études de traduction », « Traductologie », « Translatologie ») est aussi présente dans la dénomination des cours théoriques dans le cadre de la formation de traducteurs. Selon les informations trouvées sur les sites web des universités espagnoles, la dénomination la plus fréquente est « théorie/s de la traduction » (27,3 %), suivie de « fondements de la traduction » (22,7 %) et « traductologie » (18,2 %). Cette dernière est la dénomination du cours théorique à notre université. On peut trouver encore d’autres dénominations pour le cours à un pourcentage moindre, telles que « théorie et pratique de la traduction » (9,1 %), « analyse et critique des traductions » (4,5 %) ou « introduction à la traduction » (4,5 %). Les diverses dénominations révèlent l’existence d’approches différentes de la matière et même de l’ensemble du programme d’études et sont parfois le résultat du profil académique des enseignants du programme d’études. Toutefois, le manque de standardisation des titres des cours théoriques peut contribuer à donner aux étudiants une idée inexacte de la matière, car quelques dénominations contiennent des aspects qui dépassent la théorie proprement dite. La révision des dénominations des cours révèle également qu’il est relativement fréquent de trouver que la théorie de la traduction est combinée avec d’autres aspects, comme l’histoire (9,1 % des cours), la pratique (4,5 %) ou le genre (4,5 %) ; ces derniers scénarios montrent que les cours ne sont pas exclusivement dédiés à la théorie de la traduction. Compte tenu des questions qui viennent d’être évoquées, les enseignants des cours théoriques devraient peut-être réfléchir aux dénominations reflétant le mieux l’objet d’étude et à celles transmettant aux étudiants l’idée la plus précise possible des objectifs et des contenus de ce genre de cours.

En outre, cette situation semble particulièrement problématique si nous tenons compte de la méconnaissance des étudiants à propos de la Traductologie en tant que discipline, comme nous avons pu le voir au paragraphe précédent.

En ce qui concerne l’analyse de la planification des cours de la théorie de la traduction, nous nous sommes basées sur les plans de cours correspondants. Conformément aux informations affichées sur les sites des 24 universités espagnoles qui offrent actuellement des études de traduction au niveau de licence, il y a au total 22 cours consacrés à la traductologie. Tout en étant néanmoins conscientes de leurs limitations, notamment pour ce qui est de leur caractère formel (par exemple, en termes de manque de flexibilité au moment d’introduire des modifications dans certaines sections), nous considérons que les plans de cours représentent un élément clé, puisque leur fonction est de refléter les orientations des programmes d’études. Notre examen s’est concentré sur trois éléments clés de la planification de l’enseignement : compétences/résultats d’apprentissage ; contenus ; méthodologie et évaluation. Il convient de signaler que lors de notre analyse, seuls les éléments figurant dans au moins quatre plans de cours ont été pris en compte.

4.1. Compétences/résultats d’apprentissage

En ce qui a trait aux compétences, donc, il faut préciser que notre analyse a uniquement tenu compte des « compétences spécialisées » du cours, et non pas des « compétences générales » de la traduction. Rappelons que les compétences qui nous intéressent sont celles qui reposent principalement sur la sous-compétence de la connaissance de la traduction et sur une partie des composantes psychophysiologiques. La figure 1 nous montre une relation entre la vision de l’ensemble des étudiants et les compétences apparaissant dans les plans de cours, si nous considérons que « connaître les fondements théoriques de la discipline » est la compétence la plus fréquente dans les plans (77,3 %) et la deuxième compétence en importance pour les étudiants. D’un autre côté, la « systématisation des problèmes et des solutions » peut correspondre à la compétence « appliquer les connaissances théoriques à la pratique de la traduction » (72,7 %), dont il s’ensuit que deux des compétences les plus fréquentes dans les programmes d’enseignement reflètent les préférences des étudiants qui ont répondu.

D’autre part, il convient de mentionner la présence assez fréquente des compétences qui n’entretiennent pas une correspondance directe avec le contenu des cours, telles que « l’acquisition de connaissances linguistiques », « savoir se documenter », « acquérir des connaissances informatiques », ou « acquérir des connaissances en terminologie ». L’émergence de compétences plus proches des connaissances opérationnelles (comment faire) que des connaissances déclaratives et explicatives (quoi faire et pourquoi) est frappante. Il est aussi étonnant de constater que la compétence « être capable d’analyser et d’évaluer ses traductions et celles des autres en utilisant la terminologie appropriée » ne fait pas partie des plans de cours, bien que cette compétence mette en évidence les liens entre la théorie et la pratique de la traduction. Elle ne fait pas partie non plus des compétences préférées des étudiants.

Figure 1

Compétences du cours de traductologie selon les plans de cours

Compétences du cours de traductologie selon les plans de cours

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4.2. Contenus des cours de traductologie

Comme le montre la figure 2, la catégorie la plus mentionnée par les étudiants lorsque l’on aborde les contenus du cours (réponse choix multiple), l’item « aspects professionnels » occupe le cinquième rang par ordre de fréquence (50 %). Cependant, nous remarquons une coïncidence entre la vision des étudiants et les plans de cours avec les « approches théoriques » (77,3 %) et les « concepts essentiels » (81,8 %). Il faudrait aussi examiner si la vision de l’ensemble des étudiants s’adapte à la matière de la traductologie, car nous pensons que bien qu’il soit intéressant d’inclure des aspects socioprofessionnels, ceux-ci ne devraient pas constituer le noyau de la matière. En outre, il faut mettre l’accent sur l’apparition de contenus qui, a priori, ne seraient pas essentiels et pas directement liés à la traductologie, tels que la linguistique, avec un surprenant 63,6 %, ou l’informatique (9,1 %), comme nous l’avions déjà dit à propos des compétences au paragraphe précédent.

Figure 2

Contenus du cours de traductologie selon les plans de cours

Contenus du cours de traductologie selon les plans de cours

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4.3. Méthodologie des cours

Si nous nous penchons sur la méthodologie, comme le montre la figure 3, les activités les plus fréquentes dans les plans de cours sont les activités pratiques (81,8 %), ce qui correspond bien avec la vision des étudiants qui préfèrent majoritairement des « activités avec des traductions ». Or, les « débats », qui ont un poids important dans la perception des étudiants et qui aident tant à l’acquisition du raisonnement logique et de la capacité critique, de l’analyse et de la synthèse, se situent dans une position plutôt accessoire (22,7 %). En ce qui concerne les travaux dirigés de traduction ou les activités avec des traductions, il convient de préciser que la traduction sert d’instrument pour illustrer et appliquer les contenus théoriques, il ne s’agit pas de traduire comme on le ferait dans un cours de pratique de la traduction ou dans un cours de traduction professionnelle. Mention spéciale pour les « cours magistraux » (81,8 %), au même niveau que les « pratiques », mais qui n’ont pas attiré l’attention des étudiants dans l’enquête, car ils relient les cours magistraux avec une attitude passive de leur part. La tradition semble encore jouer un rôle important dans l’enseignement des aspects théoriques au sein de la formation des traducteurs.

Figure 3

Méthodologie : activités d’enseignement

Méthodologie : activités d’enseignement

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En ce qui concerne l’évaluation, comme le montre la figure 4, l’option la plus mentionnée par les étudiants, les « examens avec des questions fermées », occupe la deuxième place dans l’analyse des plans de cours (50 %). Les « travaux écrits » venant au second rang dans les enquêtes des étudiants ont une correspondance avec l’item « activités », l’option la plus fréquente dans les plans de cours (81,8 %). Il y a donc, sur ces points, une convergence. Il convient de souligner la présence résiduelle du « compte rendu », qui n’apparaît que dans un seul des plans de cours, ainsi que la dernière position des « examens à questions ouvertes » (22,7 %). Ces activités devraient revêtir, a priori, une certaine importance, bien qu’il s’agisse d’étudiants de licence, car elles permettent d’évaluer l’assimilation de concepts, la compréhension de différentes approches et la pensée critique des étudiants ; encore une fois, des compétences que le groupe PACTE (2020) a identifiées comme importantes pour l’acquisition d’un bon niveau de compétence en traduction. D’un autre côté, seulement quatre plans de cours incluent l’évaluation différenciée.

Figure 4

Méthodologie : activités d’évaluation

Méthodologie : activités d’évaluation

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5. Conclusions : vers une planification de l’enseignement intégratrice et dynamique

Dans les sections précédentes, nous nous sommes penchées, d’une part, sur les attentes des étudiants à l’égard des cours de traductologie, de ce genre de cours théoriques et ce qu’ils pensent de certains aspects fondamentaux de leur formation ; d’autre part, sur la façon dont les cours de traductologie sont planifiés dans les programmes de licence en traduction et interprétation en Espagne.

Dans les résultats de notre recherche, la vision des étudiants à propos des cours théoriques montre une très bonne imbrication entre la dimension théorique et la pratique de la traduction. Ainsi, d’après nos données, nous avons pu constater que les étudiants manifestent leur intérêt pour les aspects professionnels et déontologiques, pour acquérir la capacité de systématiser la pratique de la traduction et pour faire des activités avec des traductions. En d’autres termes, ils soulignent l’importance de la connaissance des principes régissant la traduction et de la connaissance de la traduction professionnelle. Cette intégration entre la théorie et la pratique de la traduction ressort également lorsque l’on aborde la formation des enseignants. 

En ce qui concerne l’intégration des cours théoriques dans les programmes de formation, on peut dire que le fait que 21 % des études de traduction ne comprennent pas de matière théorique et que les cours théoriques occupent une position marginale (même marginalisée) dans la plupart des programmes de licence en traduction préconise ou provoque le mépris d’une partie des étudiants et leur permet de remettre en question l’intérêt qu’ils ont pour ces matières dans leur formation. En fait, comme nous l’avons constaté, le nombre de crédits des cours théoriques et leur statut dans les programmes de formation coïncident avec l’opinion des étudiants, dans une large mesure. Cette orientation exclusivement pratique et professionnalisante peut déboucher sur la situation décrite par Vega et Pulido (2013) : « la compétence en traduction se voit réduite à l’apprentissage de quelques rudiments théoriques […] qui n’arrivent pas à transmettre à l’étudiant le vécu de son activité professionnelle future » (Vega et Pulido 2013 : 14, notre traduction). Il conviendrait aussi de se pencher sur le manque d’univocité dans la dénomination des cours, résultat, à notre avis, d’un usage aléatoire du métalangage de la discipline. Le manque de clarté et d’uniformité dans la dénomination de la matière contribue à la confusion des étudiants, qui, comme nous avons pu le voir, ne réussissent pas non plus à visualiser la traductologie en tant que discipline.

Les résultats obtenus mettent en évidence une certaine inadéquation entre les programmes d’enseignement des matières théoriques et les attentes et intérêts des étudiants, même si, dans l’ensemble, leurs attentes coïncident avec la planification du cours, c’est-à-dire avec la conception de la pédagogie du cours. On peut constater un décalage particulièrement évident en ce qui concerne les contenus, qui se manifeste surtout par l’importance que l’on accorde aux aspects déontologiques et professionnels. Ces aspects sont ceux qui concentrent le pourcentage le plus élevé ; c’est-à-dire que c’est l’item le plus fréquent d’après l’enquête tandis que dans les plans de cours, il occupe la cinquième place. En ce qui concerne les cours magistraux, ils retrouvent leur position initiale, au même niveau que les pratiques, mais, par contre, ils ne figurent pas dans les choix des étudiants dans l’enquête. De plus, il est intéressant de noter que les sections consacrées aux compétences et aux contenus dans les plans du cours portent, parfois, sur des thèmes qui se rapportent à la documentation ou à l’informatique. Ces sujets, par définition, ne correspondent pas à ceux habituellement abordés en théorie de la traduction, ce qui met en évidence le besoin d’examiner la planification des cours théoriques avec l’intention de se concentrer sur les compétences strictement liées aux connaissances déclaratives et explicatives et sur la sous-compétence des connaissances en matière de traduction (PACTE 2020 ; Hurtado 2020). D’un point de vue formel, il convient également de remarquer la nécessité d’expliciter et d’élargir les cheminements d’évaluation, par exemple pour les étudiants participant à un programme d’échange ou pour des étudiants ayant des besoins éducatifs particuliers.

En l’absence d’études empiriques sur le rôle que les professionnels et les enseignants universitaires accordent à la formation théorique, certaines des opinions exprimées dans les revues de diverses associations professionnelles nous encouragent à continuer à élargir notre étude, en tenant compte également des autres groupes qui doivent être considérés quand on parle de la formation des futurs traducteurs : les professionnels et les enseignants. Nous croyons donc qu’il est nécessaire de poursuivre notre étude empirique à l’avenir en demandant à nos collègues quelle est leur perception de la traductologie et comment ils l’intègrent habituellement dans leur enseignement. De même, il serait très intéressant de disposer de données précises sur le pourcentage d’enseignants qui s’investissent professionnellement dans la traduction, en tenant compte de la diversité des matières des programmes de formation (théoriques, instrumentales, pratiques, etc.) correspondant aux différentes sous-compétences décrites par PACTE.

Enfin, nous voulons laisser de côté, par le biais d’études empiriques, les vieux préjugés et les mythes qui accompagnent le versant théorique des études en traduction. D’après nous, la traductologie devrait être un point de rencontre où les aspects méthodologiques servent de pont entre la réflexion et l’action. Un espace privilégié dans lequel les étudiants peuvent se pencher sur l’acte de traduire grâce aux réflexions de traducteurs qui les ont précédés, par l’accès aux concepts de l’histoire de cette discipline ; grâce également aux traducteurs et théoriciens dans ce domaine qui ont tenté de systématiser les problèmes, rencontrés dans leur profession, à travers la connaissance des principaux apports des théories contemporaines de la discipline. Un espace idéal pour que la théorie et la pratique, les deux faces d’une même pièce, se développent et convergent, et répondent aux attentes et aux intérêts des étudiants, et où les aspects socioprofessionnels sont reflétés dans les différentes sessions et où le temps est consacré à la rencontre avec les traducteurs et les interprètes professionnels dans une logique de rétroaction collective.