Résumés
Résumé
L’ambition de cette recherche est d’étudier la relation entre l’altruisme et le développement de l’entreprise familiale par création de nouvelles unités. L’information, collectée par le biais d’un entretien semi directif auprès des dirigeants propriétaires de cinq cas d’entreprises familiales, a fait l’objet d’une analyse de contenu thématique. Cette étude montre que la création de nouvelles unités familiales a pour objet d’assurer le bien-être des membres de la famille en évitant les conflits. Cela permet de répondre au souci des parents quant à l’avenir de leurs successeurs et d’assurer l’évolution de la famille et son développement dans le cadre d’une logique patrimoniale. Les successeurs ayant des profils différents, le développement se fait par la voie de la diversification.
Mots-clés :
- l’entreprise familiale,
- l’altruisme,
- diversification,
- la création de nouvelles unités
Abstract
The aim of this research is to study the relationship between altruism and the development of the family business by creating new units. The information, collected through semi-structured interviews with managers who are owners of five cases of family businesses, was the subject of a thematic content analysis. This study shows that the creation of new family units is to ensure the well-being of family members by avoiding conflicts. This addresses the concern of parents about the future of their successors and to ensure the evolution of the family and its development within the framework of a patrimonial logic. For the successors with different profiles, the development takes place through diversification.
Keywords:
- family business,
- altruism,
- diversification,
- creating new units
Resumen
La ambición de esta investigación es estudiar la relación entre el altruismo y el desarrollo de la empresa familiar por la creación de nuevas unidades. La información recogida a través de una entrevista semi-estructurada con los propietarios administradores de cinco casos de empresas familiares, ha hecho el análisis del contenido temático. Este estudio muestra que la creación de nuevas unidades familiares tiene el objetivo de asegurar el bienestar de los miembros de la familia evitando los conflictos, lo que permite responder a la preocupación de los padres en cuanto al futuro de sus sucesores y asegurar la evolución de la familia y su desarrollo en una lógica patrimonial. Para los sucesores con diferentes perfiles, el desarrollo se realiza a través de la diversificación.
Palabras clave:
- la empresa familiar,
- el altruismo,
- la diversificación,
- la creación de nuevas unidades
Corps de l’article
Au sein de l’entreprise familiale, les critères de décision sont affectés par les considérations familiales incluses dans les objectifs de l’entreprise et les choix à considérer (Sharma et al, 1997). Les décisions ne sont donc pas uniquement fondées sur la logique commerciale mais doivent s’adapter aux exigences de la famille.
En Tunisie, 84 % des entreprises sont familiales. Sfax, à elle seule, dispose de plus de 25 % de ce tissu entrepreneurial (Rapport n°200173-tun, décembre 2000). Dans cette région en particulier, les relations de sang fonctionnent comme supports de solidarité et de domination sociale (Zghal, 1994). Ainsi, dans ce travail de recherche, nous mettons en avant le rôle central des émotions et des valeurs dans le management et le développement des entreprises familiales notamment l’altruisme. L’altruisme est selon Schulze et ali. (2003) une fonction d’utilité qui lie le bénéfice/richesse d’un individu à celui des autres. Il pousse le dirigeant propriétaire à être à l’écoute des membres de la famille, à concilier les intérêts de la famille et la croissance de l’entreprise et à obtenir l’adhésion à long terme des membres de la famille qui, par leur multitude, ont des opinions divergentes.
De là se fait sentir le besoin d’un moyen structurel pour continuer à contrôler et préserver le caractère familial de l’entreprise. Selon Aktouf (1994), on verrait les structures évoluer surtout en fonction des moyens à trouver pour conserver, le plus intact possible, le contrôle et le pouvoir. Ainsi, lorsqu’il faut gérer plusieurs dimensions stratégiques interdépendantes, les dirigeants des petites entreprises familiales peuvent constituer un ensemble d’unités dispersées mais appartenant en propre à un même groupe (Crémadez, 2004). Dans ce cas, la croissance de l’entreprise familiale peut être accompagnée de la création de nouvelles unités familiales. La question qui se pose alors est de savoir quel serait l’impact de l’altruisme sur le développement des petites entreprises familiales ?
Ainsi, l’objectif de ce travail de recherche est de savoir comment l’altruisme peut avoir un impact sur la création de nouvelles unités dans le cas des entreprises familiales ?
Afin de répondre à cette question, nous allons présenter la particularité du comportement stratégique de l’entreprise familiale. Ensuite, nous allons définir l’altruisme et le besoin de la création de nouvelles unités familiales qui en découle. Puis, nous expliquons les liens qui définissent les nouvelles unités. Enfin, nous présentons la méthodologie de recherche et les résultats des analyses afin de déterminer l’impact de l’altruisme sur la création de nouvelles unités dans le cas des petites entreprises familiales.
Le comportement stratégique de l’entreprise familiale
Pour guider ce travail de recherche, nous considérons qu’une entreprise est familiale si « la famille doit détenir au moins 50 % du capital pour les entreprises ne faisant pas appel public à l’épargne et 10 % dans le cas inverse. L’entreprise doit avoir au moins dix années d’activité continue. Plus d’un membre de la famille doit être impliqué dans ses activités et il y a une volonté du propriétaire de transmettre l’entreprise à la prochaine génération » (Astrachan et Kolenko, 1994).
Cependant, indépendamment de la définition adoptée, les chercheurs reconnaissent que le processus de planification stratégique, s’il existe, ainsi que les stratégies en résultantes pour l’entreprise familiale seraient différentes de ceux de l’entreprise non familiale (Daily et Thompson, 1994; Gudmundson et al, 2001). Sharma et al (1997) observent que les différences principales entre entreprises familiales et non familiales résident dans l’ensemble des objectifs poursuivis, les manoeuvres utilisées pour les atteindre et la qualité des participants au processus (membres de la famille ou professionnels).
D’un point de vue structurel, voire même organisationnel, l’entreprise se perçoit comme familiale suite à la manifestation d’un certains nombre d’échanges formels et informels entre l’entité « entreprise » d’une part et « famille » d’autre part, avec une forte implication de cette dernière dans l’appropriation du patrimoine de l’entreprise. Appropriation très souvent visible et manifeste par l’identification de l’entreprise au nom de la famille. Il en découle les considérations suivantes :
L’importance de l’harmonie familiale (Trostel et Nichols 1982) : l’affaire reste avant tout une histoire de famille et la croissance ne doit pas conduire à dilapider ce patrimoine familial.
Le maintien du contrôle de la famille sur l’entreprise (Ward 1988) : les entreprises familiales adoptent des stratégies de défense dans le but de maintenir le contrôle de la famille sur l’entreprise.
L’orientation vers l’environnement familial (Donckels et Fröhlich 1991) : en comparant les comportements stratégiques des entreprises familiales à ceux des entreprises non familiales, Donckels et Fröhlich (1991) ont pu conclure que les entreprises familiales sont orientées vers l’environnement familial. Leur comportement stratégique est plutôt conservateur et leur équipe dirigeante comprend le plus souvent des généralistes.
La vision à long terme moins tournée vers la croissance (Cadieux 1999, Mouline 2000) : C’est à dire que la vision d’une entreprise familiale est qu’elle puisse continuer à être la propriété de la famille et à être dirigée par les membres de cette famille. Cette vision donne un horizon de long terme aux décisions stratégiques de l’entreprise.
Le comportement stratégique de l’entreprise familiale vise alors le maintien du contrôle de la propriété et du management en maîtrisant la croissance. La vision d’une entreprise familiale est avant tout la pérennité du pouvoir et de la direction.
Le comportement lié a la croissance
L’aspect critique de la croissance pour l’entreprise familiale est la dilution du capital. Ce type d’entreprise veut garder la propriété et le management dans les mains de la famille le plus longtemps possible (Donckels, 1996). Pour cette raison, la croissance n’est pas un objectif prioritaire de l’entreprise familiale car le dirigeant sait que gérer une grande entreprise nécessite des procédures bureaucratiques qui réduisent son pouvoir interne et nécessitent une autre configuration du pouvoir. Ainsi, les entreprises familiales sont parfois amenées à refuser les opportunités de croissance car elles sont réticentes à la dilution du capital. En fait, l’entreprise familiale ne désire pas prendre de risque, ne veut pas s’associer et partager le pouvoir pour une quelconque activité et ne veut surtout pas créer des problèmes parmi les membres de la famille (Basly, 2005). L’entreprise familiale est donc plus résistante au changement et plus réticente à la croissance que l’entreprise non familiale. Sa préférence irait davantage vers l’expansion dans la même activité ou dans une activité sensiblement proche.
Dans ce cas, la croissance risque t’elle d’être évitée vu la rigidité du dirigeant et sa résistance au changement mais aussi vu les conflits entre les successeurs et la divergence entre les objectifs, les valeurs et les besoins de la famille (Ward, 1997). L’entreprise familiale souhaite donc rester en deçà d’une certaine taille pour préserver le contrôle familial.
Les principes qui inspirent ce type d’entreprise, sa structure et sa façon d’être gérée peuvent lui ouvrir la porte à de nouvelles formules pour la croissance et utiliser différentes solutions pour les moments difficiles (Neubauer et lank 1998). Les modèles des théoriciens de l’organisation paraissent les plus proches de la réalité des entreprises familiales. Ils penchent en faveur de la croissance cellulaire à fin de préserver la propriété (Stevenson et Jarillo-Mossi, 1986). Mais, bien que ce soit le seul type d’approche qui envisage la multiplication d’entreprises comme un développement possible, voire privilégié de la petite entreprise, il ne nous éclaire pas sur les logiques sous-jacentes et les objectifs de cette forme de croissance (Debray, 1997).
Le comportement lié à pérennité
Du fait qu’elle engage la pérennité de l’entreprise, la transmission de la direction au sein de l’entreprise familiale apparaît comme l’ultime défi à relever par le dirigeant ayant la volonté d’assurer la pérennité de son entreprise (Youaleu et Filion, 1996). Cette transmission peut être définie comme un processus dynamique durant lequel les rôles et les fonctions des deux principaux groupes d’acteurs, soit le prédécesseur et le successeur, évoluent de manière dépendante et imbriquée dans le but ultime de transférer la direction et la propriété de l’entreprise à au moins un membre de la nouvelle génération (Cadieux, 2005).
La longévité des familles et des entreprises met souvent à l’épreuve l’efficacité des pratiques de transmission de la direction. Les entreprises familiales veillent soigneusement à les adapter au fil des ans. De ce fait, les actions que porte la transmission de la direction ne sont pas neutres dans le développement futur de l’entreprise. Celle-ci est conçue comme un patrimoine collectif que les dirigeants partagent entre les membres de la famille dans un esprit de partenariat (Ward, 2005).
La logique derrière l’objectif de transmission est la préparation des futurs héritiers à la prise du contrôle patrimonial et managérial. Le souci de préserver l’état d’esprit dans lequel l’entreprise a été créée puis gérée pendant le règne du dirigeant fondateur incite celui-ci à accorder une attention toute particulière à la formation de son successeur (Cater et Justis, 2009). Selon Haddadj et Andria (2001), stimulé par son désir de retarder son propre départ de l’entreprise, le dirigeant se charge lui-même de cette mission. La transmission de ses compétences est une façon de prolonger intellectuellement sa présence dans la firme.
La transmission ne pouvant pas s’improviser, le dirigeant l’englobe dans sa stratégie. Elle consiste à intégrer les héritiers à l’entreprise tout en les ayant assurés d’un capital technique, culturel et relationnel important.
L’altruisme
L’altruisme consiste, selon Becker (1974), à intégrer positivement l’utilité de l’autre dans sa propre fonction d’utilité et donc à réduire sa propre utilité le cas échéant pour augmenter celle de l’autre. Il est défini comme un trait qui relie positivement le bien-être d’un individu au bien-être des autres. L’altruisme encourage les membres de la famille à être attentif les uns aux autres et favorise la loyauté et l’engagement au management de l’entreprise (Kellermanns et Eddleston, 2004).
Les résultats de Schulze et al (2003) montrent que l’altruisme peut expliquer pourquoi les conduites de ce type d’entreprise diffèrent de celles des autres. La thèse de ces auteurs est que les relations dans l’entreprise familiale sont différentes parce qu’elles sont ancrées dans les relations parents - enfants et par la suite caractérisées par l’altruisme. Ce caractère a été souvent conçu comme une fonction d’utilité dans laquelle le bien-être des individus est positivement lié au bien-être des autres (Basly, 2006). Aussi, l’altruisme du dirigeant propriétaire se manifeste t-il par le lien existant entre son bien être, en tant que chef de famille, et celui des autres membres de sa famille (Schulze et al, 2001).
En fait, Lubatkin et al (2005) estiment que lorsque les parents font participer leurs enfants au management de l’entreprise, l’altruisme de ces parents peut influer les décisions concernant l’exploitation des ressources. L’échange de ressources dans la famille est guidé par l’altruisme qui attire l’attention de chaque membre de la famille sur les besoins et le bien-être à long terme des autres (Lansberg, 1983).
En outre, Zahra (2003) montre théoriquement et empiriquement que l’altruisme peut affecter positivement les décisions stratégiques. Cet auteur suggère que l’altruisme génère une culture organisationnelle qui encourage l’exploitation de nouvelles opportunités de croissance. Ainsi, l’altruisme permet de concilier les objectifs divergents c’est-à-dire d’atteindre les objectifs de la famille tout en assurant le développement de l’entreprise (Zahra, 2003).
Un comportement altruiste peut être une force positive pour le développement de l’entreprise familiale. Même si Schulze et al (2003) suggèrent que ce comportement peut aussi avoir des conséquences négatives, ils soulignent la primauté d’un intérêt familial commun en intégrant la prise en compte des préférences des autres membres dans la courbe d’utilité des dirigeants.
Si à l’altruisme s’ajoute la présence de différentes générations de la famille dans l’entreprise, il se créerait une culture organisationnelle qui rend plausible la prise de risque relative à l’exploitation de nouvelles opportunités de croissance (Lansberg, 1999). Cette caractéristique de l’entreprise familiale peut alors, d’une part, façonner le développement de celle-ci et conduire à la création de nouvelles unités au bénéfice des membres de la famille et peut aller jusqu’au choix des postes occupés par ces membres au sein de ces différentes unités (Mzid, 2009 ; Onana, 2009).
Comme le soulignent Mzid et Mezghani (2004), l’une des motivations des dirigeants propriétaires des entreprises familiales diversifiées est l’offre d’emploi pour les membres de la famille. En plus des objectifs économiques, la famille peut avoir des objectifs non économiques tels que la création de postes d’emploi pour les membres de la famille et construire une cohésion familiale (Marchesnay et al, 2006).
En fait, la création de nouveaux domaines d’activités va de paire avec la création d’emploi et le recrutement de nouveaux responsables pour les nouvelles unités organisationnelles. Les membres de la famille seront alors les premiers à intégrer les nouvelles structures. Dans ce cas, l’affectif joue un rôle fédérateur en incitant les membres de la famille à éviter les conflits entre eux et à renforcer leur solidarité autour de l’entreprise (Barrédy, 2002). Les décisions du dirigeant affectent et reflètent le bien être des autres membres de la famille. Un tel comportement fait de la création de nouvelles unités familiales une stratégie qui préserve l’organisation, encourage la légitimité et rend l’entreprise mieux profitable pour les futures générations (Zahra, 2003).
Ainsi, l’altruisme n’est pas sans effet sur le développement des petites entreprises familiales. Toutefois, quelle serait la stratégie poursuivie pour créer de nouvelles unités familiales ? La section suivante explique les relations pouvant exister entre les différentes unités familiales.
La création de nouvelles unités
Il convient d’apprécier la pertinence des formes d’organisation au regard des spécificités de chaque entreprise, lesquelles tiennent à la stratégie qu’elle développe et à son propre stade de développement, plutôt que d’y adhérer d’une façon aveugle. Le développement des entreprises familiales, notamment de petite taille, introduit l’idée d’une forme d’organisation susceptible de permettre la mise en oeuvre des stratégies de croissance.
La multiplication des unités familiales est spécialement soutenue pour faciliter le processus de diversification de l’entreprise familiale (Iacobucci, 2002). Cette dernière est caractérisée par une forte personnalisation de la direction et par une centralisation de celle-ci. Le dirigeant de l’entreprise familiale, selon ses objectifs et dans un contexte de développement de son activité, va choisir une voie de croissance permettant de se développer tout en conservant la taille humaine de l’entreprise (Iacobucci et Rosa, 2004). La création de nouvelles unités n’est pas simplement une structure organisationnelle mais aussi un processus de développement lié à la stratégie de diversification.
D’un point de vue stratégique, il existe une logique industrielle et/ou une logique commerciale entre les nouvelles unités. Par conséquent, il existe une stratégie commune et des objectifs communs émanant de la société mère où le pouvoir de décision revient au dirigeant propriétaire. Cette stratégie de développement émerge d’opportunités et se traduit par un processus de diversification induit, incrémental du portefeuille d’activités stratégiques en matière de technologies et services clients (Boissin, 2000). L’indépendance des unités familiales autorise une répartition des risques et permet de diminuer le risque financier provenant de la diversification des activités.
Pour expliquer ce processus de développement, Iacobucci et Rosa (2005) identifient quatre principaux mécanismes conducteurs à la création de nouvelles unités familiales :
Un développement de l’activité d’origine de manière à ce qu’il nécessite la création d’entreprises indépendantes et ce dans le cas où le dirigeant est motivé par l’exploitation des niches ou des segments de marchés dans le cadre d’une spécialisation.
Un processus dont l’objectif est d’exploiter, dans des activités liées, des ressources distinctives accumulées dans le domaine d’activité d’origine (savoirs-faire communs et réseaux de relations).
Une exploitation de nouvelles opportunités en investissant dans des activités non liées.
Une stratégie de diversification de survie stimulée par la faible performance de l’activité d’origine.
Ces auteurs signalent que le premier mécanisme conducteur (a) peut lui-même être scindé en deux sous mécanismes : la pénétration de marché ou l’exploitation de niches de marché. Ils expliquent aussi que ces mécanismes sont mis en oeuvre à travers différentes voies de développement qui mènent (ou pas) à la création de nouvelles unités.
Dans la section suivante, nous abordons les choix méthodologiques pour expliquer la relation entre cette création de nouvelles unités et l’altruisme en tant que trait particulier du comportement des dirigeants des entreprises familiales.
Les choix méthodologiques
L’ambiguïté des concepts étudiés et la volonté de comprendre la logique du développement des entreprises familiales par création de nouvelles unités, difficilement quantifiable, sont propices à l’adoption d’une démarche qualitative. Nous sommes, en fait, orientés vers une démarche exploratoire, caractéristique de la construction théorique.
Pour ce faire, la méthode des cas est un mode d’observation précis de thèmes préalablement définis par le questionnement (Yin, 1994). C’est une technique particulière de cueillette, de mise en forme et de traitement de l’information qui cherche à rendre compte des explications des dirigeants propriétaires de leurs choix de création de nouvelles unités au lieu de la croissance de l’unité familiale d’origine. Les dirigeants altruistes vont décrire les situations, liées à la volonté de transmission, qui ont conduit à la création de nouvelles unités.
La sélection des cas
La sélection des cas de l’étude est en revanche plus complexe en raison du nombre de cas à opérer. Toutefois, Eisenhardt (1989) remarque que la plupart des recherches de ce type incluent un nombre compris entre quatre et dix cas.
La grande difficulté pour le choix des entreprises familiales a consisté dans le fait qu’en Tunisie il n’existe pas de statut juridique reconnu de celle-ci. Pour cette raison, nous avons eu recours à l’API (Agence de Promotion de l’Industrie) pour nous aider à sélectionner les cas à étudier. Ainsi, les entreprises familiales, objets d’analyse, ont été sélectionnées sur la base des critères liés à la fois à la définition que nous avons adoptée de l’entreprise familiale et à des critères spécifiques à la petite entreprise (moins de 50 salariés). Les unités d’analyse sont alors les groupes de petites unités familiales.
C’est à travers des dialogues avec des dirigeants d’entreprises, l’exploitation des réseaux et des entretiens que nous avons pu constituer un échantillon de cinq cas d’entreprises de la région de Sfax (Sud de la Tunisie). La difficulté de repérer les entreprise familiales, la prise de rendez vous avec les dirigeants très occupés par la gestion de l’entreprise et la durée nécessaire pour un entretien en profondeur présentent certaines contraintes. Ainsi, il n’y a pas eu de sélection aléatoire mais tous les dirigeants propriétaires sont systématiquement interrogés selon la même démarche.
La collecte des données
La conduite de l’entretien varie en fonction des entreprises considérées, c’est-à-dire que nous avons procédé d’une manière appelée par Bourdieu (1994) « improvisation réglée ». Une improvisation parce que chaque entretien est une situation singulière susceptible de produire des effets de connaissance particuliers. Réglée car, pour produire ces effets de connaissance, l’entretien demande un certain nombre d’ajustements qui constituent à proprement parler la technique de l’entretien (Blanchet et Gotman, 1992).
L’information est alors collectée par le biais d’un entretien semi directif qui se prête bien à la nature inductive de cet aspect de recherche. Nous avons alors interviewé, pour chaque cas d’entreprise familiale, deux dirigeants propriétaires et lorsque c’est possible le fondateur et son successeur. Chacune de ces personnes interviewées dirige une unité familiale indépendante. Cet entretien se déroule à partir d’un guide défini au préalable et qui liste les thèmes qui doivent être abordés dans le courant de l’entretien. Notre objectif est de repérer l’impact de l’altruisme sur le comportement stratégique de l’entreprise familiale et plus précisément sur le développement de celle-ci par création de nouvelles unités. Les thèmes abordés apportent alors des réponses pour ces principaux axes d’interrogation :
La direction des entreprises
Les dirigeants du futur
La prise de décision concernant les activités de l’entreprise familiale et la considération du bien être des membres de la famille lors de la création et du choix de la nouvelle activité
Impact de la transmission sur le comportement stratégique de l’entreprise familiale
Le traitement des données
Les données collectées sont traitées suivant la méthode de l’analyse de contenu thématique qui nous permet de découper des données brutes par thème et selon l’importance de ces thèmes (Evrard et al, 1997). Cette méthode nous permet de nous intéresser plus au sens des données et aux interprétations des dirigeants propriétaires des cas du comportement stratégique qu’à la fréquence d’apparition des thèmes.
Comme le préconisent Miles et Huberman (2003), nous avons défini un projet de codage précis, qui a établi au préalable une liste de codes que nous avons attribués aux segments de texte sélectionnés. Plus qu’une approche purement descriptive, nous avons opté pour un codage par induction afin de dégager des tendances susceptibles d’expliquer le comportement stratégique des entreprises familiales. Lorsqu’un segment de texte semblait pouvoir faire l’objet d’un codage multiple, c’est-à-dire, il représente simultanément plusieurs thèmes, nous avons opté pour un codage multiple afin d’éviter de « forcer » les données vers une variable particulière (Vas, 2005). Dans le souci de préserver l’anonymat de nos interlocuteurs et de leurs entreprises, nous allons désigner les cas par des numéros.
L’étude empirique
Dans un premier temps, nous allons présenter les résultats de l’analyse intra cas en identifiant la relation entre les impératifs de la transmission, l’altruisme des dirigeants et le comportement stratégique des entreprises familiales. Ensuite, nous allons discuter l’analyse inter cas et présenter une synthèse du comportement altruiste des dirigeants propriétaires lors de la transmission de l’entreprise familiale et son impact sur le comportement stratégique de celle-ci.
Les résultats de l’analyse intra cas
Nous allons présenter, pour chaque cas, les activités de l’entreprise familiale, les membres dirigeants et les affirmations de l’interviewé par rapport aux éléments d’enquêtes.
Le cas 1
Cette entreprise familiale a été fondée par deux frères et l’épouse de leur troisième frère. Chacun des fondateurs et leurs successeurs dirigent les six unités qui sont présentées ci-dessous (voir tableau 1). Nous avons pu interviewer le fondateur (2) et son fils unique le successeur (3).
L’altruisme des dirigeants était l’un des facteurs qui ont conduit au développement de cette entreprise familiale. En fait, le premier fondateur voulait améliorer le niveau social de son frère qui était un fonctionnaire. Lorsque l’opportunité s’est présentée, il l’avait sollicité en lui offrant des parts de capital en contre partie de sa confiance. En plus, comme il allait renoncer à tous ses droits de son emploi d’origine dans le secteur public, le fondateur (1) voulait le prémunir contre les aléas du développement d’une nouvelle activité en lui garantissant un capital dans l’entreprise d’origine.
En fait, la recherche du bien-être des membres de la famille marque tous les stades de développement de cette entreprise. A travers chaque création de nouvelle activité, les dirigeants cherchent à satisfaire des besoins d’un membre de la famille au moins afin d’assurer le bien-être de toute la famille. Ainsi, ces dirigeants se portent garants de l’offre des meilleurs emplois pour les membres, de la réalisation et du bien-être de la famille.
Le fondateur (2) et le successeur (3) expliquent le comportement altruiste par le fait que chaque membre de la famille a une bonne connaissance des conditions et des objectifs des autres et qu’il agit par conséquent. L’altruisme vise à faire évoluer la famille en offrant à ses membres les emplois qui correspondent à leurs profils. Ceux-ci étant différents, il fallait diversifier les activités en unités indépendantes. Chaque unité est créée dans le but d’offrir un poste de direction à un membre de la famille. Le choix de l’activité dépend des domaines de compétences du membre concerné. En plus, le successeur (3) ajoute que l’altruisme des fondateurs s’explique aussi par le désir des parents de préparer le futur de leurs enfants en leur créant un terrain favorable à leur évolution. C’est aussi une stratégie adoptée pour faciliter l’intégration des successeurs au management de l’entreprise familiale dans le cadre de la transmission.
Le cas 2
Cette entreprise a été développée par les successeurs à partir d’une activité d’origine fondée par leur père. Il est à noter que la direction des unités familiales est assurée par deux successeurs seulement parmi les trois. En fait, le troisième successeur possède les mêmes parts de capital mais étant médecin, il ne peut pas exercer l’activité de gestion. Nous avons alors interviewé ces deux directeurs propriétaires. Les unités familiales peuvent être présentées par le tableau 2.
Tous les dirigeants propriétaires sont altruistes : le père vis-à-vis de ses enfants, les successeurs entre eux et les successeurs vis-à-vis de leur père. En fait, c’est pour faire plaisir au père que les successeurs (1) et (2) maintiennent toujours l’activité d’origine qui n’est plus vraiment rentable. D’ailleurs, l’objectif visé par la multiplication des unités et des domaines d’activités est de couvrir les charges de cette entreprise qui représente tous les espoirs du père. Elle représente son passé, c’est comme un enfant qui l’avait vu grandir et qui lui tient à coeur. Lorsque les dirigeants évoquent la crise et les difficultés du secteur textile, ce fondateur le défend toujours en ayant l’espoir que ce n’est qu’une période passagère. Il est nostalgique. Quitter cette activité risque de lui briser le coeur. Ainsi, les décisions ne sont pas vraiment rationnelles. L’essentiel est que le bien-être du père ne soit pas affecté. Le développement de cette entreprise familiale a été initié par les successeurs afin de diversifier les risques sans heurter le père. La création de nouvelles unités permet d’assurer la continuité et la pérennité de l’entreprise à travers les générations tout en tenant compte de l’aversion du père à la croissance.
Le père, de son côté, encourage ses enfants pour défendre leur bien-être et pour qu’ils apprennent de leurs échecs. Entre frères, la solidarité et la volonté de maintenir l’union familiale avait déclenché le processus de création des nouvelles unités. Lorsque le successeur (2) n’était pas satisfait de la situation de départ et qu’il voulait quitter l’entreprise, ses frères l’avaient aidé pour créer une nouvelle unité indépendante en bénéficiant de la solidarité familiale.
Les dirigeants affirment qu’ils prennent toujours les décisions de façon à satisfaire tous les membres de la famille. Ils arrivent toujours à trouver un compromis grâce au dialogue et à l’esprit de famille.
Le cas 3
Ce cas d’entreprise familiale est à sa troisième génération. Le prédécesseur, ayant assuré la pérennité de l’entreprise familiale pour sa deuxième génération, est décédé. Ce sont ses fils qui ont pris la relève. Cependant, la différence d’âge entre l’aîné et les autres successeurs est un peu grande. De ce fait, la relation entre ces membres se rapproche de celle reliant deux générations distinctes. Nous avons pu conduire les entretiens avec le successeur (1), l’aîné, et le successeur (2). Par ailleurs, ces unités familiales opèrent dans les domaines suivants tels que décrits dans le tableau 3.
Le développement par création de nouvelles unités préserve l’union familiale. C’est une manoeuvre qui assure le bien-être des membres de la famille puisque toutes les actions sont orientées vers la satisfaction des objectifs de chacun de ces membres.
Le successeur (2) affirme qu’il essaye, avec ses frères, de créer des synergies et de profiter des relations et des connaissances de chacun pour la performance de tout le groupe et pour préserver le respect et le bien-être de chaque membre. Tout un chacun est totalement autonome mais il y a une force interne et innée qui pousse à prendre l’avis de ses frères. Cette recherche de bien-être s’explique aussi par le fait qu’ils ont tous le même niveau de vie et les mêmes avantages stratégiques recherchés.
Le successeur (1) sentait le malaise de son frère et était conscient de la sensibilité de la situation où on est subordonné à son frère. Il avait alors cherché l’opportunité pour le faire jouir de son indépendance à travers la création et la direction d’une nouvelle unité. De même, le successeur (3), encore jeune, ne s’aperçoit pas du vide inhérent à la saisonnalité de l’activité qu’il dirige. Pour cette raison, ses frères, connaisseurs du domaine, sont en train de lui chercher un nouveau projet afin d’assurer son bien-être futur et combler le vide potentiel.
Lorsque les frères travaillaient ensemble, ils s’accordaient les mêmes avantages alors que le poste ne le justifiait pas. Cela pèse lourd sur l’entreprise. Il était plus judicieux d’exploiter les compétences des membres de la famille dans de nouveaux domaines et de leur permettre de jouir de leur autonomie. En même temps, il s’agit d’offrir des postes d’emploi aux successeurs qui étaient préparés pour travailler dans l’entreprise familiale. La responsabilité familiale du successeur (1), l’aîné, lui dicte de créer des opportunités de recrutement des membres de la famille. La taille et la nature de l’activité de l’unité d’origine ne favorisent pas l’intégration de tous les successeurs à la direction. La création de nouvelles unités permet de diversifier les activités en exploitant les réseaux de relations et éviter le fait d’avoir son frère comme supérieur hiérarchique.
Le cas 4
L’entreprise d’origine du cas 4 a été créée par trois frères. Une année après la mort du père, le frère cadet qui poursuivait ses études en Belgique voulait revenir en Tunisie. Il avait un projet en tête mais il n’avait pas de financement. Ainsi, le frère aîné, qui avait son propre commerce, l’avait soutenu en subvenant à ses besoins financiers. Il a eu en échange des parts de capital. Quant au troisième frère, il s’occupait jusque là du commerce du père sauf qu’il n’était pas content de la situation à cause du déclin du secteur. De ce fait, toujours dans le cadre de la recherche du bien-être et de la solidarité entre les membres de la famille, ce successeur intègre l’entreprise familiale en tant que propriétaire sans avoir des tâches particulières de direction.
Tous les moyens étaient alors concentrés pour financer ce développement et le capital de départ de 25 mille dinars était réparti à parts égales entre les trois frères. Le développement de cette entreprise a conduit à la création de cinq unités familiales appartenant au secteur du cuir et chaussures (voir tableau 4).
L’entreprise familiale d’origine était fondée sur l’altruisme et la solidarité familiale d’après les propos de ses dirigeants. En effet, l’association entre ces propriétaires avait pour objectif de soutenir les uns les autres en finançant le projet du frère, en améliorant le niveau social et en stabilisant le travail de l’autre frère.
Cette famille cherche, en plus de la pérennité de l’entreprise, la pérennité des relations familiales. Ils ne voulaient pas se perdre de vue du fait que chacun soit pris par le rythme des affaires et le stress. Le partage de la propriété est une sorte d’alliance qui leur permet de rester unis et de faire évoluer la famille. Par la suite, l’altruisme s’est manifesté par le développement d’activités en espérant offrir à chacun des trois fondateurs un poste de direction et par conséquent le bien-être social. En réalité, les apports en capital ne sont pas égalitaires et le domaine d’activité n’est pas accessible à tous. Ce contexte suscite un sentiment de soumission des uns par rapport aux autres. Par altruisme, le fondateur (2) s’est soucié du développement de nouvelles activités indépendantes dirigées par les deux frères qui avaient d’autres compétences que celles requises pour l’activité d’origine. Ainsi, le pouvoir de direction est partagé et chacun bénéficie de son indépendance en plus de l’offre d’emploi pour les propriétaires qui n’avaient pas vraiment de responsabilités de gestion.
Malgré l’indépendance des unités, les membres de cette famille demeurent solidaires et partagent le même siège social puisque la direction des unités familiales est centralisée. Par conséquent, la décision est plutôt de type collégiale qu’individuelle du fait que les dirigeants propriétaires sont souvent ensemble. Ainsi, la création de nouvelles unités familiales permet de créer des postes de direction pour les propriétaires actuels parce que l’entreprise d’origine ne requiert pas plus qu’un dirigeant. Il permet aussi de garantir des emplois futurs pour la deuxième génération. C’est aussi une stratégie de développement qui favorise l’exploitation des connaissances des membres de la famille et bénéficier des sources de synergies possibles.
Le cas 5
Pour ce cas, nous avons eu un entretien avec le dirigeant fondateur et son fils le successeur (2). Ce cas d’entreprise familiale est encore à sa première génération dont les membres ont une volonté manifeste de transmission. Il est présenté comme au tableau 5.
Les successeurs avaient appris à vivre en union familiale, à respecter les objectifs de tous les autres membres de la famille et à penser aux intérêts de chacun comme si c’étaient les siens. En effet, ces valeurs, que le père voulait implanter, se manifestent à travers la création de nouvelles unités.
Concernant le fondateur, la recherche du bien-être de ses enfants a guidé le développement des nouvelles unités. Il avait une vision du futur de ceux-ci. Il voulait contribuer à la construction de ce futur en leur offrant les postes de direction qui correspondent à leurs profils et à leurs aspirations. Le partage des tâches se fait par le consentement de tous les membres et suivant les compétences de chacun.
Les successeurs sont solidaires et se soucient parfaitement du bien-être des autres. Le successeur (2) donne l’exemple de l’achat des voitures : son frère aîné lui avait acheté sa première voiture et à son tour il avait acheté la première voiture du cadet. Il a aussi signalé qu’il n’y a pas de notion de partage entre les membres de cette famille. Le plus important pour ces dirigeants c’est le bien-être, c’est d’éviter les conflits et de garder l’unité familiale.
Le successeur (2) estime que la pérennité de l’entreprise familiale requiert une solidarité familiale et une réduction des conflits. L’esprit de famille et la recherche du bien-être des autres constituent une force qui a été exploitée pour développer cette entreprise tout en maintenant le contrôle familial et en accordant à chaque membre l’autonomie de gestion sans avoir de supérieur hiérarchique.
Les résultats d’ensemble des cas étudiés pour montrer la manifestation de l’altruisme et son impact sur la création de nouvelles unités sont présentés dans le tableau 6.
Les résultats de l’analyse inter cas
L’altruisme a été souvent conçu, dans une acception économique, comme une fonction d’utilité dans laquelle le bien-être des individus est positivement lié au bien-être des autres. En effet, l’altruisme du dirigeant propriétaire se manifeste dans tous les cas étudiés par le lien existant entre son bien-être, en tant que père, successeur ou responsable du patrimoine familial et celui des autres membres de sa famille. Ce caractère a été soulevé par tous les dirigeants et justifié par le fait qu’il existe une bonne connaissance des objectifs et des préférences des autres membres. Par altruisme, les dirigeants ne peuvent pas négliger cet aspect et contribuent à la réalisation du bien-être de chacun. Cet altruisme conduit, pour tous les cas étudiés, à l’offre d’emploi aux membres qui en ont besoin par création de nouvelles unités familiales.
Le bien-être des membres de la famille nécessite dans les cas étudiés la création de nouvelles unités familiales pour deux raisons principales :
Le souci des parents quant à l’avenir de leurs successeurs.
L’évolution de la famille et son développement dans le cadre d’une logique patrimoniale.
En fait, les cas (1) et (5) se situent dans la première catégorie. L’altruisme avait obligé les parents à être généreux avec leurs enfants. Concernant le cas (1), malgré les divergences entre le père et son fils, il ne l’avait pas lâché mais au contraire il avait soutenu son successeur en lui créant une unité qui correspond à ses aspirations afin qu’il lui garantisse un avenir respectable. Cet avenir était préparé en avance pour le cas (5) où le fondateur avait préparé à ses enfants des unités pour leur offrir des postes d’emplois indépendants après qu’ils terminent leurs formations de gestionnaires. Ainsi, ils n’ont pas à chercher du travail.
Il paraît que les entreprises familiales étudiées ont tendance à employer des agents de basses compétences ou de nature opportuniste de par leur volonté de promouvoir l’actionnaire à une position de dirigeant. Le développement par création de nouvelles unités familiales permet alors d’assurer cette promotion suivant les compétences des membres concernés.
Par contre les cas (2), (3) et (4) sont liés à l’évolution de la famille. Le soutien apporté dans ces cas ne concerne pas les successeurs (les enfants) qui n’ont pas ou peuvent ne pas trouver des emplois mais plutôt des frères dont la situation était dégradée. Par altruisme, le dirigeant propriétaire, ayant une position meilleure, avait pris en charge son frère afin d’améliorer sa situation sociale (cas 2). Il lui avait créé et financé une nouvelle unité familiale où le frère en difficulté occupe la responsabilité de dirigeant. Alors que dans les cas (3) et (4), le fondateur était en conflit avec l’un des successeurs qui avait des objectifs divergents. Par exemple, le fondateur du cas (3) voulait éviter d’entreprendre des investissements supportés par le successeur (2). Il perçoit ces investissements comme étant trop risqués et l’obligeant à acquérir de nouvelles compétences. Les successeurs se mettent en groupe pour encourager les nouveaux développements sans contrarier le fondateur et cela par création de nouvelles unités indépendantes. Les successeurs s’entraident pour que certains d’entre eux puissent atteindre leurs objectifs prioritaires qui divergent par rapport à ceux du père fondateur. Le but est de faire évoluer la famille.
Ainsi, les dirigeants propriétaires constituent un actif clé de l’entreprise familiale. Grâce à leur attitude altruiste, ils parviennent à obtenir l’adhésion des membres aux objectifs de l’entreprise à long terme. En fait, il n’est pas suffisant que ces membres profitent du patrimoine familial mais en plus ceux-ci cherchent à avoir les mêmes responsabilités de direction. La création de nouvelles unités permet alors d’éviter la hiérarchie entre frères et d’accorder à chacun un poste de dirigeant puisque l’entreprise d’origine est de petite taille et ne permet pas d’assurer l’égalité entre eux au niveau des responsabilités de gestion.
L’altruisme permet, en outre, de concilier les objectifs divergents c’est-à-dire d’atteindre les objectifs de la famille tout en assurant le développement de l’entreprise. L’altruisme est, effectivement, un élément important pour la survie et la croissance de l’entreprise familiale du fait qu’il facilite la création de postes d’emploi et de la richesse pour les membres de la famille.
Tous les dirigeants, lors de la prise de décision de développement par création de nouvelles unités, étaient soucieux du bien-être et de l’offre d’emplois aux membres de la famille. Ce comportement altruiste avait conditionné le choix entre plusieurs manoeuvres stratégiques. Nous tenons à dire à ce niveau que malgré la distinction faite pour la typologie des dirigeants, le comportement altruiste demeure valable quelque soit le type de dirigeant. C’est un déterminant lié à l’appartenance à la famille et non aux caractéristiques du dirigeant.
Discussion des résultats
A travers nos résultats, il s’avère que l’altruisme affecte la création de nouvelles unités familiales du fait que c’est un moyen pour éviter les conflits entre les membres de la famille. Bien que ces conflits puissent avoir lieu pour plusieurs raisons dont la divergence au niveau des objectifs, le comportement altruiste réduit l’arrogance des membres de la famille. Chacun essaie de trouver les moyens pour surmonter les tensions du fait qu’il cherche le bien-être de l’autre. Pour concilier les différents objectifs, la création de nouvelles unités est conçue comme une manoeuvre souhaitable pour la survie et la croissance de l’entreprise familiale (Kellermanns et al, 2008). L’altruisme vient alors modérer les effets négatifs des conflits qui peuvent avoir un impact sur la performance de l’entreprise. En effet, l’échange de ressources dans l’entreprise familiale est guidé par l’altruisme qui fait que chaque membre de la famille se concentre sur les besoins et le bien-être des autres. Dans le cas de ces petites entreprises familiales, les dirigeants propriétaires ont eu recours à la création de nouvelles unités en tant que manoeuvre stratégique permettant de répondre aux préoccupations de chaque membre pour assurer son bien-être.
Cet altruisme est d’ordre stratégique puisque le dirigeant altruiste choisit la solidarité dans ses relations inter individuelles. En fait, Lubatkin et al. (2006) considèrent l’altruisme comme un facteur conférant le droit aux membres de la famille d’encourager le dirigeant à recourir aux ressources entrepreneuriales pour offrir de l’emploi aux membres de la famille, les avantages en nature et les privilèges à ceux qui ne pourraient pas y accéder autrement. Lorsque le dirigeant ne peut pas intégrer les membres de la famille au management de l’entreprise d’origine à cause de leurs profils de compétence ou pour ne pas être hiérarchiquement inférieur aux membres déjà impliqués, celui-ci créé une nouvelle unité dirigée par la personne concernée.
En fait, pour Salvato (2002), contrairement à la vision égoïste reliant l’intérêt de l’acteur à celui des autres, l’altruisme est une préoccupation et une dévotion non intéressée donc sans attente de bénéfices personnels. Cette acception implique l’offre d’emplois pour les membres de la famille et le développement de celle-ci par souci de solidarité et de communisme. Ainsi, les dirigeants propriétaires créent de nouvelles unités dont les finalités correspondent aux aspirations et aux profils des membres de la famille.
L’altruisme qui débouche sur une gouvernance efficace, est celui par lequel les enfants employés dans l’entreprise sont imprégnés des valeurs et des normes préexistantes ainsi que de leur renforcement et de l’obligation familiale qui encourage la réciprocité et autres comportements tournés vers autrui (Lubatkin et al, 2006). Grâce à ses relations sociales, un membre du réseau peut bénéficier d’une influence et d’un pouvoir plus ou moins forts qui lui permettent de faire réaliser certaines actions aux autres et ainsi d’atteindre ses objectifs (Arregle et al, 2004).
Conclusion
La famille tend à prendre ses repères de l’altruisme. Entant que tel l’altruisme est un aspect considérable de la vie économique. Steier (2003) a développé un modèle permettant de situer la rationalité en oeuvre au sein de l’entreprise familiale sur un continuum entre deux limites. Il situe la gouvernance de l’entreprise familiale entre les mécanismes d’altruisme / confiance et les mécanismes de marché / profit. Les gains économiques ou les profits ne sont pas les seuls moteurs de l’activité au sein de l’entreprise familiale (Coeurderoy et Lwango, 2008).
La relation entre générations et la relation entre successeurs font converger les dirigeants altruistes vers le développement de l’entreprise familiale par création de nouvelles unités. Adopter une stratégie de croissance, maintenir le caractère familial de l’entreprise et assurer le bien-être des membres de la famille ne devraient pas être des décisions incompatibles. Cette croissance ne peut pas conduire à diluer ce patrimoine familial mais au contraire, la création de nouvelles unités, en tant que modalité de croissance, vient au service du développement de l’entreprise dans un contexte purement familial. La flexibilité des petites unités familiales et le fait qu’elles permettent de s’adapter à différents besoins organisationnels et familiaux notamment l’indépendance et le bien-être, sont d’importantes raisons qui expliquent ce comportement stratégique de l’entreprise familial.
Cependant, les résultats de cette recherche présentent certaines limites. Tout d’abord, l’altruisme n’explique pas à lui seul le comportement stratégique de l’entreprise familiale. Le concours d’autres variables familiales motivent le choix de la création de nouvelles unités. L’étude des relations entre ces variables familiales a fait l’objet d’une étude plus large.
Ensuite, bien qu’elle permette d’étudier le concept en profondeur, la méthode des cas ne nous permet pas d’examiner les différents cas de figure susceptibles de se présenter. Par conséquent, nous ne pouvons aboutir à une généralisation à l’ensemble des entreprises familiales tunisiennes. Ce problème de généralisation pourrait être dépassé par l’ajout de nouveaux cas jusqu’à la saturation sans dépasser tout de même les dix cas (Einsenhard, 1989). En plus, les entretiens étaient conduits auprès de deux dirigeants ce qui peut concevoir un problème de « fiabilité ». Il est possible de surpasser cette limite en interviewant d’autres dirigeants et membres de la même famille.
Il serait aussi intéressant de conduire une étude quantitative dans le but de construire et vérifier des hypothèses. Toutes ces recherches devraient contribuer à une plus grande compréhension de l’entreprise familiale.
Parties annexes
Notes biographiques
Imen Mzid Ben Amar est Maître-assistante à l’Institut des Hautes Etudes Commerciales de Sfax (Tunisie). Elle est titulaire d’un doctorat en sciences de gestion de l’Université de Toulon (France). Elle est membre de l’unité de recherche en gestion des entreprises (URGE). Elle travaille sur les stratégies de développements des entreprises familiales et auteur de certains articles sur ce thème. Elle enseigne la stratégie et la gestion des ressources humaines.
Lassaâd Mezghani est Professeur de management stratégique à la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de l’Université de Sfax. Il est titulaire d’un Doctorat en Management Stratégique de l’École Centrale Paris et d’un Master of Science et d’un Bachelor of Science en Génie Industriel de l’Université du Wisconsin à Madison (USA). Il enseigne la stratégie, le management de la technologie, les systèmes et technologies de l’information (STI) et la gestion de projet de STI. Il dirige, au sein de l’URGE, des thèses de doctorat et des travaux de recherche portant sur les stratégies concurrentielles, les stratégies de développement des entreprises familiales, l’adoption des STI et plus récemment le management des milieux innovants (pépinières et technopôles). Il est membre du Conseil de l’Université de Sfax et du Conseil d’Administration de l’Association Internationale de Management Stratégique (AIMS).
Bibliographie
- AKTOUF O. (1994), Le management, entre tradition et renouvellement, Gaëtan morin éditeur, Montréal.
- ARREGLE J. L., DURAND R. ; VERY P. (2004), «Origines du capital social et avantages concurrentiels des firmes familiales», Management, vol. 7, n° 2, p. 13-36.
- ASTRACHAN J. H.; KOLENKO T. A. (1994), «A Neglected Factor Explaining Family Business Success: Human Resources Practices», Family Business Review, vol. 7, n° 3.
- BARREDY C. (2002), “Structures juridiques, gouvernance et développement de l’entreprise”, dans La gestion des entreprises familiales, Economica.
- BASLY S. (2005), L’internationalisation de la PME familiale : Une analyse fondée sur l’apprentissage organisationnel et le développement de la connaissance, Thèse de Doctorat en Sciences de Gestion, Université Montesquieu - Bordeaux IV.
- BASLY S. (2006), «Propriété, décision et stratégie de l’entreprise familiale : une analyse théorique», Congrès International de l’AFFI, IAE Poitiers, 26 et 27 juin.
- BECKER G. S. (1974), “A Theory of Social Interactions”, Journal of Political Economy, vol. 82, n° 6, p. 1063-1093.
- BLANCHET A.; GOTMAN A. (1992), L’enquête et ses méthodes : l’entretien, Nathan Université.
- BOISSIN J. P. (2000), «Système de valeurs du management familiale en PME», 5ème Congrès International Francophone sur la PME, 25, 26 et 27 octobre à Lille, p. 1-16.
- BOURDIEU P. (1994), Raisons sociales, Essais, Paris, éditions du seuil.
- CADIEUX L. (1999), La succession en entreprise familiale : analyse du processus dans le cas de quatre entreprises manufacturières fondées par des femmes, mémoire présenté à l’université de Québec à trois rivières.
- Cadieux L. (2005), «La succession dans les PME familiales : vers une compréhension plus spécifique de la phase du désengagement», Journal of Small Business & Entrepreneurship, vol. 18, n° 3, p. 343-355.
- Cater J. J.; Justis R. T. (2009), “The Development of Successors from Followers to Leaders in Small Family Firms: An Exploratory Study” Family Business Review, vol. 22, n° 2, p. 109-124.
- COEURDEROY R.; LWANGO A. (2008), “Capital social, coût de mesure et efficacité organisationnelles : y a-t-il un avantage spécifique à l’entreprise familiale?”, Working Paper 04, Louvain School of Management.
- CREMADEZ M. (2004), Organisations et stratégie, Dunod, Paris.
- DAILY C.; THOMPSON S. S. (1994), «Ownership Structure, Strategic Postures and Firm Growth: An Empirical Examination», Family Business Review, vol. 7, n° 3, p. 237-249.
- DEBRAY C. (1997), Structure et stratégies de l’hypogroupe, Thèse de doctorat, Université de Montpellier, Faculté de Gestion et de Droit de l’Entreprise.
- Donckels R. (1996), “Family Businesses on their way to the next millennium”, Brussels: Small Business Research Institute.
- DONCKELS R.; FROHLICH E. (1991), “Are Family Business Really Different?” Family Business Review, vol. 4, n° 2, p. 149-160.
- Eisenhardt k. (1989), “Building Theories from Case Study Research”, Academy of Management Review, vol. 14, n° 4, p. 532-550.
- Evrard Y., Pras B.; Roux R. (1997), Market, études et recherches en marketing, Nathan.
- Gudmundson D., Tower C. B.; Hartman E. A. (2001), “Strategic Implications of Data Gathering Activities in Small Firms: A Comparison between Family and non Family Firms”, Journal of Small Business Strategy, n° 12, p. 19-29.
- HADDADJ S.; ANDRIA A. (2001), “Mesurer les phénomènes agissant sur la transmission des PME familiale”, Revue Française de Gestion, n°132, janvier février, p. 11-22.
- IACOBUCCI D. (2002), «Explaining Business Groups Started by Habitual Entrepreneurs in the Italian Manufacturing Sector”, Entrepreneurship and Regional Development, vol. 14, n° 1, p. 31-48.
- IACOBUCCI D.; ROSA P. (2004), “Business Group as Evolutionary Entrepreneurial System”, Babson Kauffman Entrepreneurship Research Conference, Scotland, 3-5 June.
- IACOBUCCI D.; ROSA P. (2005), “The process of Business Group Formation by Habitual Entrepreneurs: Entrepreneurial dynamics and Organisational Setting”, www.inform.unian.it/~iacobucci/iacobucci-rosa.pdf, Access le 10-04-2005.
- Kellermanns F. W., Eddleston K. A., Barnett T. & Pearson A. (2008), “An Exploratory Study of Family Member Characteristics and Involvement: Effects on Entrepreneurial Behavior in the Family Firm”, Family Business Review, vol. 21, n° 1, 1-14.
- KELLERMANNS F. W.; EDDLESTON K. A. (2004), “Feuding families: when Conflict Does a Family Firm Good”, Entrepreneurship Theory and Practice, vol. 28, n° 3, 209-228.
- LANSBERG I. (1999), Succeeding Generations: Realising the Dream of Families in Business, Harvard Business School Press, Boston.
- Lansberg S. (1983), “Managing Human Resources in Family: the Problem of Institutional Overlap”, Organizational Dynamics, vol. 12, n° 1, 39-46.
- LUBATKIN M H., SCHULZE W., LING Y.; DINO R. (2005). “The Effects of Parental Altruism on the Governance of Family-managed Firms”, Journal of Organizational Behavior, vol. 26, n° 3, p. 313-330.
- LUBATKIN M. H., DURAND R.; LING Y. (2006), «The Missing Lens in Family Governance Theory: A Self-Other Typology of Parental Altruism», Journal of Business Research, vol. 60, p. 1022-1029.
- MARECHESNAY M., CHABCHOUB S.; KARRAY H. (2006), “Y a t-il un entrepreneuriat méditerranéen ?”, Revue Française de Gestion, n°166, 101-118.
- Miles M. B.; Huberman A. M. (2003), Analyse des données qualitatives: recueil de nouvelles méthodes, seconde édition, De Boeck, Bruxelles.
- MOULINE J. P. (2000), «La PME familiale française et son orientation stratégique : une étude exploratoire», http://www.univ-nancy2.fr/GREFIGE, p. 1-26.
- MZID I. (2009), L’approche stratégique du développement des groupes familiaux : cas des hypogroupes, Thèse de Doctorat en Sciences de Gestion, Université du Sud Toulon-Var.
- MZID I.; MEZGHANI L. (2004), « étude de la relation entre le profil du dirigeant de l’entreprise familiale et sa stratégie de développement », 13ème Conférence de l’Association Internationale de Management stratégique, Normandie – Vallée de Seine, 2 au 4 juin.
- NEUBAUER F.; LANK A. G. (1998), The Family Business, its Governance for Sustainability, McMillan business.
- Onana F. X. (2009), «Les motivations des femmes à entrer en affaires au Cameroun», 11e Journées scientifiques du Réseau Entrepreneuriat, du 27 au 29 mai.
- SALVATO C. (2002), «Towards a Stewardship Theory of the Family Firm», 13e Conférence du FBN, Helsinki.
- Schulze W. S., Lubatkin M. H., Dino R. N.; Buchholtz A. K. (2001), “Agency Relationship in Family Firms: Theory and Evidence”, Organization Science, vol. 12, n° 9, p. 99-116.
- Schulze W. S., Lubatkin M. H.; Dino R. N. (2003), “Toward a Theory of Agency and Altruism in Family Firms”, Journal of Business Venturing, vol. 18, n° 4, p. 473-490.
- Sharma P., Chrisman J. J.; Chua J. H. (1997), “Strategic Management of the Family Business: Past Research and Future Challenges”, Family Business Review, vol. 10, n° 1, p. 1-36.
- STEIER L. (2003), “Variants of Agency Contracts in Family-Financed Ventures as a Continuum of Familial Altruistic and Market Rationalities”, Journal of Business Venturing, vol. 18, p. 597-618.
- STEVENSON H. H.; JARILLO-MOSSI J. C. (1986), “Preserving Entrepreneurship as Companies Grow”, Journal of Business Strategy, summer.
- TROSTEL A.; NICHOLS M. (1982), “Privately Held and Publicly Held Companies: A Comparison of Strategic Choices and Management Processes”, Academy of Management Journal, vol. 25, n° 1, p. 47-62.
- VAS A. (2005), “Le processus de changement Organisationnel à l’épreuve des faits : une approche multi paradigmatique”, Management International, hiver, vol. 9, n° 2, p. 21-36.
- WARD J. L. (1988), «The Special Role of Planning for Family Business», Family Business Review, vol. 1, p. 105-117.
- Ward J. L. (1997), “Growing the Family Business: Special Challenges and Best Practices”, Family Business Review, vol. 10, n° 4, p. 323-337.
- WARD J. L. (2005), “La gouvernance des entreprises familiales”, E Journal USA : perspectives économiques, Février, 42-45.
- YIN R. (1990, 1994), Case Study Research: Design and Methods, Beverly Hills, Sage Publications.
- YOUALEU C. K. ; FILION L. J. (1996), “Neuf étapes du processus entrepreneurial”, 13e Colloque du CCPME, HEC Montréal, 31 octobre, 1er et 2 novembre, 307-321.
- ZAHRA S. A. (2003), «International Expansion of U. S. Manufacturing Businesses: The Effect of Ownership and Involvement», Journal of Business Venturing, Vol. 18, n° 4, p. 495-512.
- Zghal R. (1994), La culture de la dignité et le flou organisationnel, CPU, Tunis.
Parties annexes
Biographical notes
Imen Mzid Ben Amar is assistant professor at the Institute of High Commercial Studies (L’institut des Hautes Etudes Commerciales) in Sfax (Tunisia). She holds a PhD in management science from the University of Toulon (France). She is a member of the research unit in Business Administration (URGE). She is working on the strategies of the development of family businesses and she is author of some articles on this topic. She teaches the strategy and management of human resources.
Lassaâd Mezghani is Professor of Strategic Management at the Faculty of Economics and Management, at the University of Sfax. He holds a Ph.D. in Strategic Management from the Ecole Centrale, Paris and a Master of Science and a Bachelor of Science in Industrial Engineering from the University of Wisconsin, Madison (United States). He teaches the strategy and the management of technology, information systems and information technologies (IT) and the management of information technologies projects. He directs, within the Research Unit in Business Administration, doctoral theses and research on competitive strategies, the strategies of the development of family businesses, the adoption of IT and more recently the management of innovative environments (high-tech business zones and project nurseries). He is a member of the University of Sfax and the Board of Directors of the International Association of Strategic Management (AIMS).
Parties annexes
Notas biograficas
Imen Mzid Ben Amar es profesora asistente en el Instituto de Estudios Avanzados de Sfax (Túnez). Tiene un doctorado en ciencias de gestión de la universidad de Toulon (Francia). Es miembro de la unidad de investigación en gestión de empresas (URGE) trabajando en las estrategias de los desarrollos de las empresas familiares. Es autora de algunos artículos sobre este tema. Ella enseña la estrategia y la gestión de recursos humanos.
Lassaâd Mezghani es profesor de gestión estratégica en la facultad de Ciencias Económicas y de Gestión de la Universidad de Sfax. Tiene un doctorado en gestión estratégica de la Escuela Central Paris es maestro de ciencia y tiene la licenciatura de ciencia en Ingeniería Industrial de Wisconsin en Madison (USA). Enseña la estrategia, la gestión de la tecnología, los sistemas y tecnologías de la información (STI) y la gestión del proyecto de STI. Dirige tesis doctorales y trabajos de investigación sobre las estrategias competitivas, las estrategias del desarrollo de empresas familiares, la adopción de los STI y más recientemente la gestión de entornos innovadores (viveros tecnόpolis ) en URGE. Es miembro del Consejo de la Universidad de Sfax y del Consejo de Administración de la Asociación Internacional de Gestión Estratégica (AIMS).