Corps de l’article

Un nombre croissant de recherches, en économie, en géographie économique et plus récemment en management stratégique, s’intéresse à l’influence de l’agglomération spatiale des activités sur l’innovation (Amin et Cohendet, 2005; Lauriol et al., 2008; Eisingerich et al., 2010; Loilier, 2010). Parmi les nombreuses formes agglomérées territoriales identifiées dans la littérature, les technopôles se distinguent par l’accent porté au soutien de l’innovation et au couplage industrie, recherche et formation (Longhi et Quéré, 1991; Doloreux, 1999; Antonelli, 2000). Cependant, en dépit de leur potentiel de recherche et d’innovation, les études empiriques sur les technopôles, en particulier les modèles français, font apparaître une relative faiblesse des relations interentreprises et des synergies entreprises - recherche (Castells et Hall, 1994; Cooke, 2001; Asheim, 2007), limitant ainsi l’innovation à l’échelle collective. Une approche par la gouvernance permettrait de renouveler et d’approfondir l’étude de la performance d’innovation des entreprises dans un technopôle, et plus généralement dans un cluster (Bell et al., 2009), en s’intéressant précisément à son rôle dans le développement d’une dynamique collective et interactive d’innovation (Lévesque et al., 1998; Leloup et al., 2005).

Toutefois, cette dimension est encore négligée dans les travaux sur les clusters (De Propris et Wei, 2007). Certains travaux récents ont montré l’importance d’une gouvernance territoriale ou locale[1] dans la création et l’intégration de réseaux d’innovation au sein de clusters (Leloup et al., 2005; Ehlinger et al., 2007; Bocquet et Mothe, 2009). Ils n’apportent cependant pas de réponses sur les pratiques concrètes facilitant l’instauration d’un environnement propice à l’innovation des entreprises co-localisées. Cet article propose de prolonger ces travaux sur la gouvernance dans les clusters en mettant l’accent sur les pratiques concrètes mises en oeuvre pour favoriser l’innovation. Afin de repérer de telles pratiques, nous mobilisons le cadre d’analyse proposé par Lawrence et Suddaby (2006) autour du concept de travail institutionnel. Celui-ci est défini comme « les actions intentionnelles des acteurs ou des organisations visant à créer, maintenir ou déstabiliser des institutions » (ibid., p. 215) et permet de réintroduire les actions stratégiques d’un collectif d’acteurs sur leur environnement (Barabel et al., 2006; Wijen et Ansari, 2007; Ben Slimane et Leca, 2010).

Notre contribution se situe à trois niveaux. Au plan théorique, nous proposons une adaptation du concept de travail institutionnel au contexte inter-organisationnel spécifique aux clusters, contexte qui n’est pas pris en compte dans les travaux de Lawrence et Suddaby (2006). Nous enrichissons ce cadre d’analyse originel par notre grille de lecture sur la gouvernance et l’innovation dans les clusters. Nous pallions ainsi un manque dans les travaux sur la gouvernance des clusters en développant un cadre qui facilite l’identification des pratiques concrètes mises en oeuvre par les acteurs de la gouvernance pour créer un environnement institutionnel propice au développement de l’innovation, individuelle comme collective.

Au plan empirique, le repérage de neuf ensembles de pratiques institutionnelles d’innovation réparties en trois leviers (politique, normatif et cognitif), réalisé au travers d’une revue de littérature exhaustive sur l’innovation et la gouvernance dans les clusters, répond à l’appel de Lawrence et al. (2009) de faire le lien entre théories institutionnelles et réalités managériales. Enfin, au niveau méthodologique, la confrontation de deux types de représentations – celles des membres de la gouvernance et celles des entreprises du technopôle – permet d’offrir des perspectives différentes et plus riches du phénomène étudié (Eisenhardt et Graebner, 2007).

En nous appuyant sur l’analyse de 21 entretiens semi-directifs au sein du technopôle Savoie Technolac, nous montrons comment la gouvernance, au travers des pratiques institutionnelles d’innovation, crée progressivement un environnement institutionnel favorisant les interactions entre les différents membres du technopôle (startups, entreprises, instituts de recherche, université). Cependant, la mobilisation incomplète des trois leviers, avec en particulier un déficit des pratiques de nature politique et normative, freine la dynamique d’innovation à l’échelle collective.

L’article se décompose en trois parties. Dans une première partie, nous présentons les spécificités des technopôles français puis détaillons la grille d’analyse des pratiques institutionnelles d’innovation de la gouvernance dans les clusters. Nous décrivons ensuite la méthodologie utilisée, notre étude de cas, le technopôle Savoie Technolac, et les principaux résultats que nous discutons dans une dernière partie.

Technopôles et pratiques institutionnelles d’innovation

Dans cette partie, nous caractérisons les technopôles français au regard de la place et du soutien accordés à l’innovation. Nous définissons ensuite la gouvernance des clusters avant de détailler le cadre d’analyse développé autour des pratiques institutionnelles d’innovation.

Caractéristiques des technopôles français

Le phénomène technopolitain a connu un fort développement dans la majorité des pays développés depuis la fin des années soixante-dix (Longhi et Quéré, 1991; Doloreux, 1999). Outil privilégié des politiques publiques pour le développement économique et le soutien de l’innovation technologique (Quéré, 1996; Doloreux, 1999), les technopôles se définissent par la concentration, sur un espace géographique délimité, d’entreprises de haute technologie, petites et grandes, et d’organismes de recherche et de formation, privés ou publics, afin de développer des connaissances et de susciter des synergies locales en matière d’innovation technologique (Massard et Torre, 2004).

Trois principales composantes caractérisent les technopôles (Doloreux, 2002) : 1) structurelle, via l’accueil des entreprises dans des espaces et des installations de qualité, 2) productive, en facilitant la croissance des entreprises innovantes via les incubateurs ou pépinières et 3) scientifique, en stimulant le transfert de connaissances parmi les universités, les institutions de R&D et les entreprises. Au-delà de la mixité des acteurs, plusieurs facteurs inhérents à la création d’un technopôle sont mis en avant tels que des incitations fiscales ou financières, la disponibilité du terrain, un bon réseau de communication et de télécommunication (Castells et Hall, 1994; Lévesque et al., 1998) et un marché du travail local caractérisé par une forte mobilité de travailleurs qualifiés (Longhi, 1999).

Cependant, au regard de la mission première du technopôle de faciliter la production de connaissances nouvelles et le soutien de l’innovation dans et entre les entreprises hébergées (Massard & Torre, 2004), ces caractéristiques ne constituent pas nécessairement des facteurs clés de succès (Castells & Hall, 1994). La notion de technopôle recouvre d’ailleurs un ensemble hétérogène de formes d’organisation industrielle – parc scientifique ou technologique, cités scientifiques, technopole – qui correspondent à des dynamiques d’innovation très disparates (Longhi et Quéré, 1991; Castells et Hall, 1994; Lévesque et al., 1998; Antonelli, 2000; Cooke, 2001).

Les technopôles français en particulier se distingueraient par la faiblesse des relations inter-firmes (Carluer, 2006) et l’absence de synergies entre firmes et laboratoires de recherche sur le site (Castells et Hall, 1994; Cooke, 2001; Rallet et Torre, 2007), et ce malgré d’importants investissements en matière de services à l’innovation et d’infrastructures dédiées. Un des objectifs premiers des technopôles français étant la commercialisation de surfaces industrielles (Quéré, 1996; Doloreux, 2002), aucun effort institutionnel n’est fait pour créer du lien entre acteurs co-localisés. Cette faiblesse des interactions peut s’expliquer par la volonté explicite des politiques de fournir une infrastructure d’accueil à des entreprises de haute technologie sans chercher prioritairement à relier, au démarrage en tout cas, potentiel scientifique et/ou universitaire et potentiel industriel (Longhi et Quéré, 1991; Quéré, 1996; Doloreux, 1999). Lorsque ces relations existent, elles restent essentiellement verticales (Longhi et Quéré, 1993; Lévesque et al., 1998; Lazaric et al., 2008), opérant dans un seul domaine d’activité (les TIC) et regroupant souvent les mêmes acteurs, ce qui entraîne un risque de sclérose innovatrice.

Gouvernance et Dynamiques d’innovation

Dans la lignée des travaux récents sur l’innovation et la gouvernance des clusters, la simple co-localisation d’acteurs sur un technopôle ne suffit pas à produire des synergies, et donc soutenir l’innovation efficacement et à long terme. Amin et Cohendet (2005) font bien la distinction entre la proximité spatiale et l’architecture organisationnelle du cluster qui permet aux membres du cluster de s’intégrer dans des réseaux et des communautés et de développer des connaissances nouvelles. Tallman et al. (2004) distinguent aussi la simple co-localisation des acteurs du statut de « membre » du cluster qui repose sur l’absorption dynamique d’une connaissance architecturale spécifique au cluster et issue des interactions constantes entre ses membres. Certains auteurs mettent ainsi en évidence le rôle de la gouvernance dans la création de cette architecture, cadre structurant les relations et les interactions au sein du cluster (Alberti, 2001; Sugden et al., 2006; Bocquet et Mothe, 2009).

L’étude du concept de gouvernance des clusters permet d’identifier trois grandes modalités :

  1. la gouvernance comme mode de coordination facilitant les collaborations entre acteurs hétérogènes et co-localisés. On trouve cette définition dans les travaux sur les districts industriels italiens (Becattini, 1992; Mistri, 1999; Alberti, 2001) mais aussi dans ceux sur la gouvernance des réseaux (Powell, 1990; Storper et Harrison, 1992; Jones et al., 1997; Provan et al., 2007);

  2. la gouvernance comme structure autonome ayant pour finalité non seulement de faciliter les relations de coordination mais aussi de les réguler, ajoutant ainsi une dimension politique au sens de la délégation de l’autorité et de la prise de décision stratégique, en particulier au regard de l’intervention d’acteurs publics et privés (Sugden et al., 2006; De Propris et Wei, 2007; Chia et al., 2008; Bell et al., 2009; Talbot, 2010);

  3. la gouvernance comme dispositif privilégié de management des connaissances (Bahlmann et Huysman, 2008).

Par la place qu’elle accorde aux dynamiques sociales et institutionnelles dans le processus de création et de diffusion de connaissances nouvelles, et donc d’innovation, l’approche KBVC- Knowledge-Based View of Clusters (Maskell, 2001; Tallman et al., 2004; Bahlmann et Huysman, 2008; Arikan, 2009) permet plus spécifiquement d’appréhender le rôle de la gouvernance à travers sa capacité à faire émerger une dynamique d’apprentissage et d’innovation à l’échelle collective. Ce courant considère la connaissance comme la principale ressource stratégique du cluster et la structure de gouvernance comme l’acteur clé dans la construction et le pilotage de ces dynamiques sociales interactives autour de l’innovation (Bahlmann et Huysman, 2008). Recensant les principales faiblesses des clusters à développer l’innovation, Arikan (2009) met en avant le déficit fréquent d’un environnement institutionnel favorisant le développement de relations de confiance et de coopération entre les membres et l’absence de mécanismes permettant de matérialiser les opportunités d’échanges de connaissances interentreprises au sein du cluster. La gouvernance du cluster agirait en tant qu’architecte social (Corno et al., 1999; Alberti, 2001; Amin et Cohendet, 2005) afin de créer un environnement institutionnel propice aux processus de création de connaissances nouvelles. L’apprentissage interactif et collectif, source d’innovation, se base en effet sur des institutions intra- et inter-organisationnelles qui régulent l’action collective et facilitent l’absorption de connaissances propres au cluster (Asheim, 2007).

Pour autant, ces différentes approches de la gouvernance dans les clusters ne permettent pas d’identifier concrètement les stratégies et les pratiques mises en oeuvre par la gouvernance pour soutenir une dynamique de collaboration et d’innovation entre les membres d’un cluster. L’approche néo-institutionnelle facilite cette exploration en profondeur des mécanismes internes à la dynamique des clusters (Sugden et al., 2006). Centrée sur l’influence des institutions sur les actions des acteurs, cette approche a longtemps négligé les effets des pratiques mises en oeuvre par les acteurs eux-mêmes afin de créer, modifier ou déstabiliser l’environnement institutionnel dans lequel ils opèrent (Lawrence et al., 2009). Les travaux autour de la figure de l’entrepreneur institutionnel ont amorcé cette nouvelle orientation (Garud et al., 2007). Toutefois, en proposant le concept de travail institutionnel, Lawrence et Suddaby (2006) dépassent cette vision d’un acteur unique, emblématique, et mettent en exergue le rôle d’un collectif d’acteurs et sa capacité à influencer son environnement institutionnel (Ben Slimane et Leca, 2010).

Grille d’analyse des pratiques institutionnelles d’innovation

Développé à l’origine dans un contexte organisationnel[2], nous avons transposé le cadre d’analyse du travail institutionnel au contexte inter-organisationnel spécifique au cluster, suivant en cela quelques – rares – travaux sur les collaborations inter-organisationnelles (Wijen et Ansari, 2007) ou sur des clusters (Barabel et al., 2006; Chabault, 2008). Barabel et al. (2006) ont ainsi analysé les stratégies des acteurs d’un district industriel pour le maintien d’un ordre institutionnel traditionnel contre les effets de la mondialisation. Chabault (2008) s’intéresse aux processus d’institutionnalisation à l’oeuvre dans un pôle de compétitivité. Nous avons souhaité prolonger ces travaux en mobilisant la notion de travail institutionnel afin d’identifier les pratiques mises en oeuvre par les acteurs de la structure de gouvernance d’un cluster, et plus précisément d’un technopôle. Nous analysons précisément les pratiques facilitant la création d’un environnement institutionnel propice aux coopérations, aux échanges de connaissances et, par là même, au soutien de l’innovation des entreprises membres du cluster.

L’approche multidimensionnelle du travail institutionnel autour de trois principaux leviers – politique, normatif et cognitif – facilite l’identification et la compréhension des pratiques mises en oeuvre par la structure de gouvernance d’un technopôle afin de créer un environnement institutionnel propice à l’éclosion ou l’accélération d’une dynamique d’interactions innovantes entre ses membres. Le travail institutionnel renvoie, en particulier, aux pratiques intentionnelles des acteurs de la gouvernance visant à légitimer le technopôle en interne comme en externe. Dans la lignée des travaux de Suchman (1995) et Human et Provan (2000), nous définissons la légitimité comme « une perception généralisée que les actions, les activités et la structure du réseau sont désirables et appropriées » (Human & Provan, 2000, p. 328). La légitimité se réfère à la perception du statut et de la crédibilité du cluster à la fois par ses membres et par les parties prenantes externes (Etat, collectivités territoriales, partenaires étrangers, clients ou fournisseurs hors cluster…).

Comme illustré dans la figure 1, ce cadre d’analyse s’organise autour de trois leviers et de neuf ensembles de pratiques institutionnelles que nous détaillons ci-après.

Figure 1

Cadre d’analyse du travail institutionnel inspiré de Lawrence & Suddaby (2006)

Cadre d’analyse du travail institutionnel inspiré de Lawrence & Suddaby (2006)

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Le levier politique définit le cadre de coopération et les règles de fonctionnement au sein du technopôle. Lawrence et Suddaby (2006) identifient trois ensembles de pratiques (détail tableau 1) :

  • Advocacy ou les pratiques de persuasion ont pour objectif de mobiliser des appuis politiques afin de s’assurer l’allocation de ressources financières et matérielles suffisantes à court et moyen terme pour soutenir les dispositifs de soutien de l’innovation. Ces pratiques de persuasion sont prépondérantes en phase de création du cluster pour renforcer sa légitimité externe auprès des parties prenantes (Suchman, 1995; Human et Provan, 2000; Lawrence et Suddaby, 2006).

  • Defining correspond à la définition de règles constitutives et non coercitives (Scott, 1995) qui permettent de définir les frontières du cadre de coopération au sein du technopôle. Ces pratiques confèrent au cluster un statut et une identité qui participent à la construction de la légitimité du technopôle en tant que forme organisationnelle (Human et Provan, 2000).

  • Vesting correspond aux modalités de régulation des échanges au sein du technopôle. La formalisation de la structure de gouvernance, la délégation ou le partage de l’autorité et la mise en place de mécanismes disciplinaires visent à légitimer le technopôle en tant qu’entité (Human et Provan, 2000) pour mieux réguler les jeux de pouvoir et assurer ainsi la bonne marche des projets collaboratifs internes au technopôle. Ces pratiques stabilisent les relations et les engagements entre les acteurs du technopôle (Leloup et al., 2005), pallient les problèmes d’incertitude et d’opportunisme propres à la création de connaissances nouvelles (Brousseau, 2000) et stimulent les transferts de connaissances complexes (Boschma, 2005).

Le levier normatif vise à transformer, construire ou diffuser des normes, des valeurs et des croyances communes afin d’engendrer une logique de similitude entre les membres et de favoriser les interactions et les relations de coopération et de confiance (Torre, 2006). Trois ensembles de pratiques sont détaillés dans le tableau 2.

  • Constructing identities consiste en la construction d’une identité forte à travers une image cohérente et reconnaissable qui participe à la construction de la légitimité du technopôle en interne (Human et Provan, 2000). Le partage d’une identité commune influence l’innovation, non seulement parce qu’elle diminue les coûts de communication mais aussi parce qu’elle établit des règles de coordination tacites et explicites et influence les apprentissages interactifs (Kogut et Zander, 1996).

  • Changing normative associations consiste à repérer les habitudes de collaboration, les réseaux d’influence existant avant la constitution du technopôle ou s’étant développés en parallèle afin de les mobiliser pour créer de nouveaux référentiels de collaboration auxquels toutes les parties prenantes du technopôle pourront adhérer.

  • Constructing normative networks fédère les différents acteurs du technopôle autour de projets communs ou groupes de travail. Le renforcement ou le développement de nouveaux réseaux sociaux au sein du technopôle participent aussi à la performance d’innovation du technopôle (Eisingerich et al., 2010).

Le levier cognitif définit les pratiques institutionnelles de mutualisation et de diffusion des connaissances, créant ainsi une « connaissance architecturale » spécifique aux membres du technopôle (Tallman et al., 2004). Cette connaissance commune améliore la capacité d’absorption des entreprises membres, les transferts de connaissances et les interactions d’apprentissages (Boschma, 2005; Torre, 2006; Suire et Vicente, 2008). Trois ensembles de pratiques sont définis dans le tableau 3 :

  • Mimicry que l’on peut assimiler à des pratiques de mimétisme facilitant la compréhension et l’adoption de nouvelles pratiques, en particulier d’innovation.

  • Theorizing qui correspond à la constitution d’une carte cognitive commune au travers de pratiques de conceptualisation (élaboration de concepts clés autour desquels se cristallise la communication et se constitue un socle commun de connaissances).

  • Educating qui consiste à mettre en oeuvre des actions développant les capacités d’absorption des entreprises au travers de la formation et l’apprentissage interactif. Le rôle joué par les incubateurs ou les universités est primordial dans cet ensemble de pratiques (Bocquet et Mothe, 2010; Berthinier-Poncet et al., 2011).

Tableau 1

Levier politique et pratiques institutionnelles de l’innovation

Levier politique et pratiques institutionnelles de l’innovation

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Tableau 2

Levier normatif et pratiques institutionnelles de l’innovation

Levier normatif et pratiques institutionnelles de l’innovation

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Tableau 3

Levier cognitif et pratiques institutionnelles de l’innovation

Levier cognitif et pratiques institutionnelles de l’innovation

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Le cas du technopôle Savoie Technolac

Sur la base de cette grille d’analyse adaptée des travaux de Lawrence et Suddaby (2006) et enrichie par les travaux sur la gouvernance des clusters, nous examinons les pratiques institutionnelles de l’innovation déployées par la structure de gouvernance du technopôle Savoie Technolac. Nous définissons dans un premier temps la méthode de collecte et d’analyse des données : une étude de cas unique et une analyse qualitative. Nous décrivons ensuite notre cas avant de passer en revue les pratiques mobilisées au sein des trois leviers du travail institutionnel : politique, normatif et cognitif.

Méthodologie

Afin d’identifier les pratiques institutionnelles mises en oeuvre par la structure de gouvernance du technopôle pour soutenir l’innovation de ses entreprises membres, nous avons adopté une démarche qualitative, plus appropriée à l’analyse du phénomène social complexe qu’est la gouvernance du technopôle (Eisenhardt et Graebner, 2007; Yin, 2009) et à l’identification de ces différentes pratiques (Boschma et Frenken, 2009). L’étude de cas est aussi la méthode la plus fréquemment utilisée dans les récentes recherches empiriques sur la gouvernance de clusters en France (Barabel et al., 2006; Chabault, 2008; Bocquet et Mothe, 2009). En parallèle de cette approche qualitative, nous avons aussi mené une enquête quantitative[3] auprès des dirigeants des entreprises du technopôle afin d’avancer quelques statistiques descriptives sur le profil d’innovation du pôle au moment de notre analyse.

Tableau 4

Sources des données mobilisées

Sources des données mobilisées

DG = Directeur général / DI = Directeur de l’Innovation / DCE = Directeur de la Création d’Entreprise

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Cette recherche s’appuie sur un ensemble de données primaires issues de 21 entretiens semi-directifs, d’une durée moyenne de 1 h 30, menés entre février 2009 et novembre 2010 auprès de deux catégories d’acteurs : des dirigeants d’entreprises représentatives de la structure du technopôle en termes de taille et de secteur d’activité et des membres de la structure de gouvernance[4] (cf tableau 4 et annexe A). La confrontation de ces deux représentations permet d’offrir une perspective multi-acteurs du phénomène étudié et limite le biais des entretiens semi-directifs qui poussent les répondants à créer du sens a posteriori (Eisenhardt et Graebner, 2007).

Deux guides d’entretien ont été réalisés. Le premier, destiné aux entreprises, se structure autour de deux grands thèmes : l’activité d’innovation de l’entreprise et l’influence de l’appartenance à Savoie Technolac, notamment au travers des actions mises en place par la gouvernance. Le second s’adresse aux membres de la gouvernance du technopôle et s’articule autour de trois thèmes : 1) la structure du pôle, 2) les caractéristiques de sa gouvernance et 3) les dispositifs mis en oeuvre par la gouvernance pour l’innovation. Les entretiens ont été enregistrés, intégralement retranscrits et validés par les répondants. De nombreuses données secondaires, internes et externes (cf. tableau 4), viennent compléter nos sources (Yin, 2009). L’analyse des données s’est faite en deux temps. Une première analyse de contenu nous a permis de réaliser une monographie de notre cas. Il s’agit, à cette étape de l’analyse, d’offrir une vision transversale et synthétique du rôle de la structure de gouvernance du technopôle sur l’innovation tout en contrôlant les éléments contextuels. Sur la base de notre grille d’analyse des pratiques institutionnelles d’innovation, un dictionnaire des thèmes a ensuite été créé autour d’une vingtaine de pratiques institutionnelles d’innovation associées aux trois leviers, politique, normatif et cognitif du travail institutionnel. Nous avons alors procédé au codage systématique de notre corpus en affectant les segments de texte aux différentes pratiques retenues dans notre dictionnaire. La codification facilite la comparaison des propos des membres interrogés et la confrontation des différentes perceptions d’un même phénomène. L’analyse de contenu thématique intra-cas résultant de cette codification nous a ainsi renseignés sur la façon dont la structure de gouvernance du technopôle mobilise, plus ou moins fortement, les trois leviers et leurs pratiques associées afin de créer un environnement institutionnel propice au soutien de l’innovation des entreprises.

Avant de détailler les résultats de cette analyse, nous présentons le technopôle Savoie Technolac autour de son contexte d’émergence et de ses caractéristiques à la fois structurelles et de gouvernance.

Description du technopôle Savoie Technolac

Savoie Technolac (ST) est un technopôle labellisé[5] créé en 1987 en Savoie, au Bourget-du-Lac. Véritable enjeu d’aménagement du territoire, ce technopôle est né de la volonté des acteurs politico-économiques de créer ex nihilo un parc technologique associant université, recherche et nouvelles technologies sur le modèle de la Silicon Valley, alors très en vogue : « c’est l’ouverture sur le monde, la réussite de la Silicon Valley, faut bien le dire aussi, qui a beaucoup fait évoluer les codes » (DG).

Au démarrage, un projet d’aménagement du territoire

Outil du réaménagement du territoire suite à la fermeture de la base aérienne du Bourget-du-Lac, ST porte en lui une composante territoriale forte avec un encastrement institutionnel et culturel prononcé : « c’est un élément du patrimoine savoyard et les savoyards le revendiquent » et plus loin « la vocation de Savoie Technolac, c’est de nourrir le territoire » (DG). La dimension économique s’impose rapidement du fait de la nécessité de trouver de nouveaux débouchés pour l’économie savoyarde confrontée à deux menaces : d’une part, le désengagement progressif des grands groupes industriels qui avaient fait la richesse de la Savoie avec la « houille blanche » et autour desquels un tissu de sous-traitants s’était formé, et d’autre part la dépendance à l’égard de la mono-activité touristique autour de la neige. A la différence de certains technopôles émergents à la même époque, ST résiste à la tentation de s’engager dans une logique commerciale et foncière pour privilégier « la notion de réseau et d’animation économique, donc d’un effort public en faveur du regroupement d’acteurs qui n’ont pas forcément l’habitude de collaborer » (DG). Les bases d’un triptyque recherche – université – entreprises sont posées dès le départ : « il faut des activités innovantes, donc pour ça, il faut de la recherche, des entreprises et de l’enseignement supérieur » (DI).

L’état des lieux des forces en présence, qui s’appuie en particulier sur les savoirs clés développés au niveau de l’Université de Savoie nouvellement créée, permet de dégager quatre thématiques : 1) les matériaux composites, 2) l’intelligence artificielle, 3) l’ingénierie du bâtiment et 4) l’environnement. L’adoption de la fibre optique sur le site dès le départ donne au technopôle une image « nouvelles technologies » qui facilite l’attraction d’entreprises innovantes en lien avec les télécommunications.

20 ans après…pari innovation réussi ?

En 2010, le technopôle concentre, sur un site de 77 hectares, 210 entreprises, 21 centres de recherche et 69 formations supérieures scientifiques et techniques proposées par l’Université de Savoie, l’ESC Chambéry et l’ENSAM. Savoie Technolac est caractérisé par une large proportion de Très Petites Entreprises (TPE) de moins de 10 salariés et majoritairement indépendantes. La grande majorité des entreprises (87,5 %) est engagée dans des activités de services, et pour près de 60 % d’entre elles dans les services aux entreprises intensifs en connaissance (activités de conseil, d’ingénierie ou de R&D). Si leurs marchés restent essentiellement locaux ou nationaux, la faiblesse des relations avec les clients et les fournisseurs est clairement observée dans ce technopôle. Moins de 5 % des entreprises interrogées disent avoir collaboré avec des tels acteurs. Toutefois, près de 16 % d’entre elles déclarent avoir collaboré avec des établissements d’enseignement supérieur et 45,5 % à s’être engagées dans des projets d’innovation en collaboration avec des partenaires (entreprises ou recherche) présents sur ST, sur la période de l’enquête (2006-2008). En ce qui concerne le profil d’innovation des entreprises du technopôle, la plupart font de l’innovation technologique : 55,7 % d’entre elles disent avoir introduit des innovations « produit » au cours des trois dernières années, 52,3 % des innovations de services et 39,8 % des innovations de processus

ST se trouve, au moment de notre étude, confronté à une problématique de changement sectoriel avec le développement important de la filière autour des éco-techniques et de l’énergie solaire. L’implantation en 2005 de l’INES – Institut National de l’Energie Solaire –, la création du pôle de compétitivité Tenerrdis dédié aux énergies renouvelables la même année et l’accélération des créations d’entreprises dans le domaine du solaire sur le site concrétisent la montée en puissance de cette filière sur le technopôle.

Les pratiques institutionnelles de l’innovation à Savoie Technolac

Afin de cerner le rôle joué par la structure de gouvernance de ST sur la dynamique d’innovation à l’échelle collective, nous analysons les pratiques institutionnelles au travers des trois leviers de notre grille : 1) politique, 2) normatif et 3) cognitif.

Mobilisation du 1er levier : Politique

Des pratiques de persuasion autour d’hommes politiques emblématiques

L’encastrement de ST dans la vie politique est très fort. Au-delà du nécessaire réaménagement du territoire évoqué dans la genèse du technopôle, son évolution est marquée par trois figures emblématiques, toutes très engagées dans la vie politique, autant sur le plan national que local : tout d’abord, M.B., ministre à l’époque, charismatique et « fédérateur », ensuite J.P.V, conseiller général et sénateur de la Savoie, véritable « patron » et stratège visionnaire de Savoie Technolac. La troisième figure emblématique de ST est celle de J.T, qui, bien que n’intervenant pas directement dans la gouvernance du technopôle, aura une influence décisive sur son orientation actuelle. Directeur du CEA à Grenoble mais « savoyard de coeur », il dispose aussi d’appuis politiques forts, en particulier au niveau des ministères qui permettent la création de l’INES et son implantation sur le site de Savoie Technolac, donnant ainsi une impulsion forte au développement d’une filière solaire sur la Savoie.

Le solaire, on y avait pensé il y a quelques années et ça a fait flop. Pourquoi ? Parce qu’il n’y avait pas les politiques derrière. (…) Le développement économique, ça ne peut pas se faire sans les élus. De grands projets, ça ne se fera pas sans les élus.

DI
Définition des règles constitutives

La sélection à l’entrée des entreprises se fait au travers d’un comité d’agrément rassemblant élus, chefs d’entreprise, universitaires et experts (ex. banquiers). Les critères de sélection ont évolué depuis les débuts du technopôle, l’innovation prenant rapidement le pas sur la haute technologie et sa définition étant parfois entendue de façon très large :

Assez vite malgré tout, au bout de quatre ou cinq ans, on a trouvé que haute technologie, c’est très restrictif et qu’au fond, il fallait ouvrir la porte à l’innovation. (…) d’où l’intérêt d’avoir des boites dynamiques, qui ont un certain tempérament, comportement culturel et qui peuvent apporter au système. 

DG

Le comité d’agrément est le seul dispositif de gouvernance stratégique dans lequel on retrouve les entreprises, plutôt cantonnées à des dispositifs de gestion opérationnelle (l’ARIST qui gère la restauration ou l’ASST la copropriété du site). A l’exception du contrôle d’accès des nouveaux membres, le technopôle n’a pas de règlement intérieur permettant de définir le rôle et/ou le statut des différents membres du technopôle (entreprises, laboratoires, université). Toutefois, les deux pépinières sur le site offrent un cadre de travail structurant et facilitant les relations entre les entreprises incubées.

Modalités de régulation des échanges

La gouvernance du technopôle adopte un modèle de gouvernance territoriale publique qui s’articule autour d’une structure autonome, un syndicat mixte, le SYPARTEC, regroupant dans un conseil syndical des délégués des communautés d’agglomération voisines et du Conseil général. Le pouvoir est concentré entre les mains du président, J.P.V, le conseil ayant cependant un rôle de modérateur. L’organisation de l’équipe d’animation a été restructurée en 2006 autour de trois directions opérationnelles : 1) création d’entreprises, incubation, implantation, 2) innovation et 3) développement international afin de centrer davantage l’action de la gouvernance sur les besoins d’innovation des entreprises membres. Dans ce modèle de régulation de l’autorité, les parties prenantes, telles que les entreprises, les laboratoires ou l’université, sont totalement absentes. Ceci explique la difficulté pour la structure de gouvernance du technopôle de mettre en place et de faire respecter des mécanismes formels de contrôle, de supervision ou de garantie à l’égard des entreprises adhérentes qui permettraient de réguler les interactions entre les parties prenantes sur le site.

Tableau 5

Récapitulatif des pratiques institutionnelles politiques observées sur ST

Récapitulatif des pratiques institutionnelles politiques observées sur ST

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En résumé, la dimension politique de ST repose principalement sur des actions de lobbying, au niveau national comme local, qui ont permis l’accès à des ressources matérielles stratégiques, telles que l’implantation de l’INES et d’une pépinière dédiée aux énergies renouvelables sur le site. En revanche, l’absence totale d’entreprises dans la structure de gouvernance explique en partie leur faible engagement vis-à-vis des actions proposées par l’équipe d’animation et par conséquent, un déficit de légitimité interne de l’organe de gouvernance du technopôle.

« Je ne sais pas à quoi ils servent » ENT 11; « CJ [la directrice de l’innovation], je la rencontre de temps en temps mais je n’ai appris que très récemment et de façon informelle qu’elle était directrice de l’innovation. Je ne connaissais d’ailleurs pas la nature de sa mission exacte » ENT 12

Mobilisation du 2ème levier : Normatif

Construction identitaire du technopôle

La construction identitaire du technopôle est un processus bien maîtrisé par la gouvernance. L’identité s’est bâtie autour des notions d’innovation, de haute technologie, de proximité et d’environnement. Les membres de la gouvernance du technopôle ont centré leur communication identitaire sur la notion d’innovation : « Le rôle majeur d’un technopôle, c’est l’innovation et de créer l’innovation » (DI); « Nous, notre spécificité, c’est l’innovation » (DCE). Pour les entreprises, c’est aussi la dimension environnementale (environnement préservé, verdure, proximité du lac et des montagnes) qui caractérise ce technopôle, composante beaucoup moins présente dans le discours des institutionnels. Les entreprises interrogées sont ainsi unanimes sur la notoriété et l’image très positive véhiculée par ST. Cette image verte et « high-tech » rejaillit à la fois en interne (peu de répondants envisagent de partir et citent leur cadre de travail comme un élément de cohésion) et en externe, auprès de leurs clients qu’ils n’hésitent pas à faire venir sur le site :

« Technolac, ça donne une bonne image, c’est pratique, bien situé par rapport à Lyon. » ENT1; « On bénéficie du rayonnement collectif de Technolac. (…) Ca parle clairement depuis quelque temps. » ENT 9; « Un cadre de vie propice qui donne envie de travailler » ENT 3; « Ça donne ce côté entreprise nouvelles technologies, on est dans un Technoparc, donc c’est un atout à ce niveau là. » ENT 18

Cependant, la récente orientation sur le solaire brouille l’identité du pôle pour de nombreuses entreprises qui ne se reconnaissent pas dans cette filière et se sentent abandonnées. Le nouveau positionnement identitaire de ST s’est concrétisé début 2010 par le lancement d’une véritable marque constitutive du technopôle : Solar Innovation Campus ®, déclinée sur tous les supports de communication. Cet effort de communication vise à construire a posteriori une certaine légitimité du technopôle dans le domaine du solaire – la Solar Vallée – dans la mesure où cette reconversion est bien plus le fait de la volonté politique des membres de la gouvernance stratégique du technopôle que des entreprises : « A l’époque, il y a 10 ans, c’était un sacré pari parce que personne n’y croyait » DG.

Instauration de nouveaux modes de collaboration 

La gouvernance de ST a conscience de son rôle dans la mise en relation des acteurs du technopôle entre eux et dans le développement des coopérations pour l’innovation. Des dispositifs informels et génériques existent déjà. Ils sont connus et utilisés par tous les répondants : les services de restauration et de crèche, une association culturelle et sportive, le club Ecolac dédié à la protection de l’environnement de ST ou à l’organisation de manifestations annuelles... Bien que participant à la création de certains réseaux sociaux et d’une communauté de « technopolitains », ces outils ne créent pas cependant un sentiment d’appartenance suffisant pour lier les entreprises autour de projets collaboratifs d’innovation.

La gouvernance du technopôle lance alors, fin 2009, deux initiatives qui rencontrent aujourd’hui un succès grandissant : les « Business Lunchs » et les « Solar Meetings ». Le premier est un outil de rencontres professionnelles mais informelles, développé par et pour les chefs d’entreprises uniquement. Ces rencontres mensuelles rassemblent entre 3 et 15 personnes et concernent près de 30 % des entreprises du pôle depuis leur lancement. Centrés au départ sur l’échange de bonnes pratiques en gestion d’entreprise, ces Business Lunchs ont permis l’émergence d’un réseau intra-site de chefs d’entreprises. Ce réseau a été renforcé par l’organisation d’un Business Lunch à grande échelle, mettant en relation plus d’une cinquantaine d’entreprises du technopôle, et par le lancement d’un nouveau site internet avec blog et espace communautaire dédiés aux adhérents de ST. Le lancement par la structure de gouvernance du second outil de mise en relation, les Solar Meeting – un dispositif annuel de rendez-vous d’affaires autour des métiers du solaire – est aussi récent (fin 2010). Il a pour objectif de faciliter la mise en relation des entreprises du technopôle avec les acteurs de la filière solaire dans le monde et de générer des synergies innovantes avec l’INES et les entreprises du site.

Construction d’un réseau normatif

Si la structure de gouvernance du technopôle a relativement bien réussi à développer un réseau relationnel entre dirigeants de ST, elle a plus de mal à favoriser des projets collaboratifs d’innovation, en particulier avec les universités. Peu de synergies sont constatées, de l’avis des entreprises interrogées et des membres de la gouvernance. Les instituts de formation sur le site – université et école de commerce principalement – constituent avant tout un réservoir de main d’oeuvre locale pour près de la moitié des répondants. Toutefois quelques projets émanent de collaborations entre laboratoires de l’Université de Savoie et entreprises du site. Les outils de mise en relation recherche / entreprises proposés par la structure de gouvernance – les « Amphis pour entreprises » ou les « RDV – Recherche Développement Valorisation » – sont connus des entreprises mais peu utilisés, par faute de temps…ou d’intérêt ! La volonté d’un rapprochement université – entreprises existe pourtant de part et d’autre mais les tentatives ont échoué jusqu’à présent : manque d’interlocuteurs valables, différence de culture en termes de temps et d’argent… Ce décalage est constaté par la structure de gouvernance qui a pourtant mis beaucoup d’énergie dès la création du technopôle à intégrer l’université, malheureusement sans évolutions positives concrètes : « Ça a un peu bougé mais pas beaucoup, pas beaucoup. C’est très mou. C’est très, très mou.(…) On peut pas tirer constamment l’université, c’est un boulet » (DG). La mise en place récente d’une mission Enseignement Supérieur (report direct au directeur général) tente de pallier ce déficit de dynamiques interactives. De la même façon, la gouvernance du technopôle a créé en 2010 un poste de chargé de mission « Solaire Savoie », afin de faire le lien entre l’INES et Savoie Technolac et s’assurer du développement de synergies, de l’essaimage et des transferts de technologie entre l’institut et les entreprises implantées sur le technopôle.

La faiblesse des synergies et des interactions autour de projets d’innovation se constate également auprès des entreprises : « L’émulation entre les dirigeants, elle n’est pas présente ici. Ce n’est pas la Silicon Valley, les synergies ne sont pas évidentes » (ENT7); « Je n’ai pas l’impression qu’on essaye de fédérer les entreprises sur le pôle » (ENT14).

En résumé, les pratiques institutionnelles normatives les plus mobilisées par la structure de gouvernance sont centrées sur le repositionnement identitaire du technopôle. L’intégration récente du solaire dans la communication institutionnelle est à la fois porteuse de sens pour les actions de la gouvernance en faveur de l’innovation mais recèle un risque d’exclusion pour certaines entreprises. En revanche, les pratiques visant à instaurer de nouveaux modes de collaboration et de la mise en réseau autour de projets collaboratifs n’en sont qu’à leurs débuts en raison d’une prise de conscience récente à laquelle le partenariat avec le laboratoire de recherche en gestion de l’université n’est pas étranger.

Tableau 6

Récapitulatif des pratiques institutionnelles normatives observées sur ST

Récapitulatif des pratiques institutionnelles normatives observées sur ST

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Mobilisation du 3ème levier : Cognitif

Pratiques de mimétisme

La faiblesse constatée de projets collaboratifs d’innovation sur le site se traduit par une asthénie des comportements mimétiques. Toutefois, la pépinière joue un rôle majeur dans la constitution de pratiques communes pour les entreprises nouvellement créées. Si le rythme des créations était relativement faible jusqu’au début des années 2000 (5 par an), la structuration de l’outil par l’équipe du technopôle a permis le développement d’un véritable dispositif d’accompagnement des entreprises innovantes qui se concrétise aujourd’hui par plus d’une vingtaine de créations par an, la moitié d’entre elles évoluant dans le domaine du solaire et des énergies renouvelables. Au-delà des modalités avantageuses d’hébergement (bureaux à loyer modéré) et du suivi individuel du porteur de projet, la pépinière de ST se caractérise par l’accent mis à la fois sur l’accompagnement collectif et la mise en réseau au travers de l’émergence d’un véritable « écosystème entrepreneurial d’innovation » (DCE).

La structure de gouvernance du technopôle a développé une offre de formation spécifique : la « Base Académie ». En plus du développement des compétences managériales des porteurs de projet, ce programme facilite la mise en réseau avec les institutionnels de l’innovation (CRITT, OSEO par ex.) et les « investisseurs de proximité » (association Savoie Angels) et propose des actions d’animation au sein de la pépinière. La dimension collective et collaborative est bien ressentie par les entreprises incubées du technopôle. Elle les aide à développer des relations d’affaires ou d’innovation collaborative plus rapidement : « Le démarrage dans la pépinière permet de rencontrer et d’être en relation complète avec tous les interlocuteurs : agence éco, le CRITT, l’équipe de Savoie Technolac… » (ENT 2). Le passage par la pépinière crée notamment un langage et un système de pensée communs, une logique de similitude et facilite les interactions et les collaborations pour l’innovation. Ainsi la collaboration entre deux startups de la pépinière a-t-elle pu récemment déboucher sur une innovation commune dans le domaine du solaire (chargeurs solaires).

Pratiques de conceptualisation

Deux concepts forts ont émergé ces dernières années et cristallisent les efforts de la gouvernance : la notion « d’écosystème entrepreneurial d’innovation » que nous venons de détailler dans le contexte de la pépinière et le développement de la filière solaire. Plus qu’un secteur économique, celle-ci devient un véritable concept dans la communication institutionnelle du technopôle et canalise les actions de la structure de gouvernance. Ainsi le nouveau label « Solar Innovation Campus® », sans le remplacer, relègue le nom de Savoie Technolac en second plan.

JP Vial souhaite que, quand on dit : « le solaire », hop Savoie Technolac ! A partir de là, ça veut dire, on fait un évènement sur le solaire, on appelle ST, il y a un projet de recherche sur le solaire, on appelle ST, on cherche une boite, on cherche d’abord sur ST. ST doit rayonner sur toute la Savoie et si possible plus loin. 

DI
Développement des capacités d’absorption

En positionnant Savoie Technolac comme la référence incontournable dans le solaire, la gouvernance stratégique du technopôle souhaite mobiliser, faire adhérer et intégrer toutes les initiatives autour de ce concept et constituer une plateforme commune de connaissances. En collaboration avec l’INES et l’Université de Savoie, la structure de gouvernance de ST travaille sur la mise en place d’une plateforme solaire-énergie-bâtiment qui a pour objectif « d’être le leader dans tout ce qui touchera à la formation dans le solaire » (DI). Cette plateforme s’organise autour de trois volets : 1) la formation initiale, continue et des formateurs des métiers liés au solaire, 2) la labellisation avec l’ambition de délivrer à terme un label national et 3) la diffusion des connaissances. Ce nouveau dispositif vise à construire un socle commun de connaissances codifiées et normalisées dans le secteur du solaire et des énergies renouvelables.

La mobilisation de pratiques cognitives par les membres de la structure de gouvernance est récente et s’inscrit dans la dynamique générée par le recentrage de ST sur le solaire. Elle permet de créer un cadre institutionnel fédérateur propice au développement de collaborations pour des projets d’innovation. Cependant, les retombées ne sont pas encore ou peu visibles pour le moment.

Tableau 7

Récapitulatif des pratiques institutionnelles cognitives observées sur ST

Récapitulatif des pratiques institutionnelles cognitives observées sur ST

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Discussion

Le but de cet article était d’identifier les pratiques institutionnelles mobilisées par la structure de gouvernance d’un technopôle afin de créer un environnement institutionnel favorable au soutien de l’innovation. Notre travail de recherche sur le technopôle Savoie Technolac met en exergue trois principaux résultats. Tout d’abord, le constat que nous faisons de la situation paradoxale du technopôle, tiraillé entre une approche linéaire et interactive de l’innovation (Cooke, 2001), enrichit les travaux empiriques sur cette forme de cluster. Savoie Technolac constitue en cela un terrain d’étude pertinent, dessinant les contours d’un modèle français spécifique. Ensuite, l’analyse de cette situation par les pratiques du travail institutionnel permet d’éclairer certaines de ces contradictions en montrant une mobilisation très largement inégale des trois leviers identifiés. Enfin, nous mettons en évidence le rôle de la légitimité de la structure de gouvernance du technopôle dans le développement d’un environnement institutionnel propice au soutien de l’innovation. Nous discutons ces résultats ci-dessous.

Savoie Technolac, une illustration du paradoxe linéaire vs interactif

Fortement ancré dans le territoire, par son histoire et ses liens étroits avec les institutionnels locaux, ce technopôle réunit les principaux facteurs clés de succès repérés dans la littérature (Castells et Hall, 1994; Lévesque et al., 1998) : présence d’un grand nombre de petites entreprises innovantes, de centres de recherche et d’instituts de formation, qualité de l’environnement de travail (espace, verdure, services à la personne, réseau de communication et télécommunication), image High Tech perçue de façon très positive, infrastructures et dispositifs de soutien à l’innovation. Cependant, dans la lignée des études empiriques sur les technopôles français (Castells et Hall, 1994; Cooke, 2001; Carluer, 2006; Rallet et Torre, 2007), les premiers résultats de notre enquête soulignent l’intérêt porté à l’aménagement du territoire et à l’accueil des entreprises au détriment de véritables synergies entre membres du technopôle (entreprises, laboratoires de recherche, universités). Ceci tendrait à classer Savoie Technolac dans les technopôles dits « linéaires ». Ces résultats sont cohérents avec le choix stratégique d’implantation fait au début par les pouvoirs publics locaux : un choix fonctionnel plutôt qu’institutionnel. L’enjeu prioritaire était alors de créer un nouveau territoire économique (territorialité fonctionnelle) et non de concevoir le technopôle comme un outil de coordination des ressources territoriales existantes (territorialité institutionnalisée), comme cela est le cas pour les modèles allemands ou nord-américains (Doloreux, 1999).

Toutefois, une analyse plus fine par les pratiques institutionnelles d’innovation laisse entrevoir l’évolution du technopôle vers un modèle plus interactif, catalyseur d’interactions innovantes (Cooke, 2001; Löfsten et Lindelöf, 2002). La gouvernance met progressivement en place les bases d’un environnement institutionnel visant à modeler le comportement et les pratiques des entreprises à l’égard des collaborations d’innovation sur le technopôle (Wolfe et Gertler, 2004). Le déploiement récent d’actions spécifiques par la structure de gouvernance du technopôle favorise l’émergence de synergies et d’interrelations autour de l’innovation et des énergies renouvelables : l’implantation de l’INES, le développement d’une pépinière dédiée, le soutien aux spin-offs (Doloreux, 1999; Longhi, 1999), les Business Lunchs et les Solar Meetings. Un facteur explicatif de cette situation paradoxale, entre linéaire et interactif, peut être trouvée dans la mobilisation inégale des trois leviers – politique, normatif et cognitif – de notre grille d’analyse.

Mobilisation inégale des trois leviers du travail institutionnel

Le levier politique est plus mobilisé dans sa composante institutionnelle qu’organisationnelle. Il assure ainsi un accès privilégié à des ressources matérielles et financières – notamment l’implantation de l’INES sur le site, la création de pépinières dédiées – mais échoue à créer un cadre de coopération clairement identifié par les parties prenantes du technopôle. Le choix d’un mode de gouvernance publique, centralisé et déconnecté des préoccupations des entreprises, absentes de la structure de gouvernance, freine l’acquisition d’une légitimité interne qui faciliterait la reconnaissance du technopôle comme lieu propice aux échanges de connaissances et aux interactions innovantes. La faible similarité sectorielle et le manque de complémentarités entre les entreprises rendent le processus de légitimation interne encore plus délicat. En outre, l’absence de mécanismes disciplinaires ne facilite pas la définition des rôles complémentaires à jouer dans l’action collective par des acteurs hétérogènes (Talbot, 2008). Elle ne permet pas non plus de pallier les problèmes d’incertitudes liés au risque d’opportunisme et à l’asymétrie d’information (Brousseau, 2000; Boschma, 2005). On a ainsi un double impact sur l’innovation : positif pour les entreprises dans le secteur du solaire / ER (startups essentiellement) qui bénéficient de la proximité de l’INES et des infrastructures, et non significatif voire négatif pour celles établies depuis plus longtemps dans d’autres secteurs. Elles ne sont incitées ni à créer des collaborations autour de l’innovation (Assens et Jacob, 2008) ni à développer des transferts de connaissances complexes (Boschma, 2005).

Le levier normatif, autour des pratiques de construction identitaire, de mise en place de nouveaux modes de collaboration et de mise en réseau, est plus mobilisé sur ces trois dimensions bien qu’encore peu maîtrisé. La récente construction identitaire du technopôle autour du solaire facilite l’établissement d’un cadre de référence commun et une identification plus rapide par les parties prenantes externes. En interne, les actions de la structure de gouvernance participent au développement de nouvelles communautés d’acteurs, autour des chefs d’entreprise pour les Business Lunchs ou autour des professionnels du solaire et des énergies renouvelables avec les Solar Meetings. Ces initiatives ont également un effet sur la complémentarité des activités et des compétences et sur la dynamique du marché local du travail, favorisant ainsi l’innovation (Longhi & Quéré, 1991). La mobilisation du levier normatif, parce qu’il joue sur la création d’une logique de similitude et d’appartenance entre les membres du technopôle (Torre, 2006), développe une double dimension : organisationnelle, avec la mise en place d’actions collectives, et institutionnelle, en liant les acteurs entre eux au travers d’un système de sens et de représentations partagés.

Le levier cognitif est mobilisé autour de deux concepts forts : le développement d’un cadre entrepreneurial d’innovation et le recentrage sur le solaire. Le cadre de travail mis en place par la pépinière facilite les coopérations interentreprises ou avec des établissements de recherche sur le pôle en développant une logique d’appartenance (Torre, 2006) qui lie les entreprises incubées entre-elles. Le déploiement de l’outil de formation et de développement entrepreneurial – la Base Académie – augmente les capacités individuelles d’absorption, de diffusion et d’exploitation créative des connaissances des startups et donne naissance à une dynamique d’apprentissage au sein du technopôle (Giuliani et Bell, 2005). Dans le domaine des énergies renouvelables, la construction d’une plateforme de connaissances, centrée sur la formation des acteurs du solaire, vient renforcer cette dynamique récente au travers d’un espace commun d’échanges de connaissances, de la même façon qu’à Sophia Antipolis (Lazaric et al., 2008).

En résumé, l’analyse des pratiques institutionnelles d’innovation mobilisées par la gouvernance du technopôle permet d’avancer sur deux points. Premièrement, la faible mobilisation des pratiques politiques de nature structurante et régulatrice freine la mise en place d’un cadre de coopération et d’un sentiment d’appartenance commun à tous les acteurs du technopôle. Deuxièmement, les pratiques cognitives plus récentes autour du solaire et de l’entrepreneuriat posent les fondations d’une base de connaissances communes, d’une « architecture de la connaissance » (Tallman et al., 2004) propice à l’éclosion de collaborations autour de l’innovation.

Le rôle de la légitimité sur l’interactivité du technopôle

Une des réponses au manque d’interactivité peut être trouvée dans la construction de la légitimité par la gouvernance du technopôle. Notre analyse fait apparaître un déficit de légitimité interne de Savoie Technolac en tant que forme organisationnelle et entité facilitant les interactions innovantes. Ainsi, pour Human et Provan (2000), la construction de la légitimité d’un réseau inter-organisationnel à dominante PME est un élément nécessaire à son succès et sa pérennité. Portée par les actions de la structure de gouvernance du réseau, cette légitimité s’appuie sur trois dimensions : la reconnaissance, en interne comme en externe, du réseau comme 1) une forme, 2) une entité et 3) un lieu d’échanges et d’interactions. Les efforts de la gouvernance autour des pratiques de persuasion ont légitimé le concept de technopôle (« network-as-form », Human et Provan, 2000), en interne mais surtout en externe, comme en témoignent les ressources dont il dispose, sa labellisation, sa croissance en nombre d’entreprises. En revanche, il semble plus délicat de parler de légitimité en tant qu’entité et surtout interaction. La reconversion identitaire récente du technopôle autour du solaire n’est légitime que pour une faible portion des membres du technopôle, parmi les plus récents. De plus, les membres de l’équipe de direction peinent encore à faire accepter l’idée que les interactions coopératives autour de l’innovation sont un atout pour les entreprises et la dynamique du technopôle dans son ensemble.

En nous inspirant des travaux de Human et Provan (2000), nous constatons que la structure de gouvernance de ST a tout d’abord adopté une stratégie de légitimation « outside-in », c’est-à-dire qui vise à faire reconnaître le technopôle par les parties prenantes externes avant de s’intéresser à la cohésion interne des membres. Cette stratégie rend difficile l’appropriation du technopôle par ses membres comme une forme organisationnelle et une entité légitime, propice aux interactions inter-organisationnelles (Provan et Kenis, 2007). L’analyse des pratiques institutionnelles montre cependant une réorientation stratégique « inside-out » qui soutient la construction de la légitimité interne. Elle agit à la fois sur la légitimité du technopôle en tant qu’entité (levier normatif) et en tant qu’interaction (levier cognitif), deux dimensions nécessaires à la construction de relations de confiance entre les membres du technopôle et au développement d’une dynamique interactive autour de l’innovation (Human et Provan, 2000). Toutefois, cette stratégie de légitimation « inside-out » du cluster ne remplace pas la stratégie « outside-in » initiale, mais vient au contraire la renforcer, ne mettant pas en péril l’accès privilégié aux ressources dont bénéficie Savoie Technolac.

Conclusion

Cette étude exploratoire sur le technopôle Savoie Technolac propose de nouvelles pistes de recherche importantes pour l’identification des pratiques concrètes mises en oeuvre par les membres de la gouvernance afin de créer un environnement institutionnel propice au soutien de l’innovation des entreprises. D’une part, elle renouvelle l’approche néo-institutionnelle en portant l’accent sur les actions intentionnelles d’un collectif d’acteurs dans un contexte inter-organisationnel particulier, contribuant ainsi à l’enrichissement du cadre d’analyse sur le travail institutionnel développé par Lawrence et Suddaby (2006). Ce faisant, elle participe au mouvement plus vaste de réintroduction de l’acteur dans l’analyse néo-institutionnelle (Barabel et al., 2006) et de conceptualisation des mécanismes par lesquels une dynamique collective d’innovation se met en place. D’autre part, elle met en évidence les caractéristiques d’un modèle français de technopôle, et plus généralement de cluster, qui se distinguerait des modèles américains, tels que la Silicon Valley ou la Route 128, traditionnellement pris pour exemples de réussite en termes d’innovation.

Crozier (1963) insistait déjà sur la nécessaire prise en compte du contexte culturel français dans l’analyse des organisations, caractérisées notamment par une combinaison d’isolement individuel, de manque de communications entre les catégories, de prédominance des activités formelles sur les activités informelles et de manque de coopérations. Une analyse des pratiques institutionnelles d’innovation de la gouvernance des clusters « à la française » sous l’angle de la spécificité culturelle serait particulièrement pertinente. En s’appuyant notamment sur la comparaison avec d’autres cas tels que les pôles de compétitivité, derniers-nés de la politique industrielle française, elle permettrait d’approcher ce phénomène d’une façon à la fois objective et novatrice.

Ce travail n’est évidemment pas exempt de limites qui constituent autant de perspectives de recherche. La principale limite réside dans la délicate transposition du modèle de Lawrence et Suddaby (2006) au contexte des clusters. Une double approche longitudinale et comparative apporterait des éléments de compréhension complémentaires sur les stratégies et pratiques mises en oeuvre par la structure de gouvernance des clusters pour créer un environnement institutionnel spécifique et soutenir les dynamiques collaboratives en faveur de l’innovation. Ceci permettrait en outre de vérifier l’impact des pratiques identifiées sur la performance d’innovation des entreprises. Un échantillon plus large d’acteurs, en particuliers auprès des représentants du monde académique, organismes de recherche et établissements d’enseignement supérieur, et des collectivités territoriales, consoliderait cette recherche exploratoire au niveau de la représentativité de notre échantillon de départ.

Enfin, l’analyse des stratégies de légitimation du cluster par la gouvernance, qui vient renforcer la compréhension des pratiques institutionnelles d’innovation, nécessiterait la comparaison avec d’autres cas afin d’identifier les stratégies les plus efficaces pour favoriser la création d’un environnement institutionnel propice à l’innovation.