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Ce numéro de Mi est constitué en grande majorité d’articles traitant du thème de la responsabilité sociale des entreprises à l’échelle internationale, qui s’impose aujourd’hui comme l’un des thèmes majeurs des sciences de gestion. Dans les 10 contributions qui suivent, les auteurs dont les articles ont été sélectionnés par la procédure rigoureuse d’évaluation de la revue apportent des éclairages très inspirants sur les différentes facettes de responsabilité sociale des entreprises dans un contexte de management international.

Nous vous souhaitons une excellente lecture ainsi que nos meilleurs voeux de succès dans vos recherches et publications tout au long de cette année 2023.

Dans l’article « Les éditoriaux des rapports de développement durable : Un signal prédictif pour l’inclusion d’une entreprise dans un indice de durabilité ? », Yohan Bernard, Laurence Godard, Fabrice Herve et Mohamed Zouaoui, analysent les références à la responsabilité sociale des entreprises (RSE) dans les éditoriaux des rapports de développement durable en posant la question de savoir si elles permettent d’anticiper l’inclusion des entreprises dans le Dow Jones Sustainability World Index (DJSWI). En s’appuyant sur la théorie du signal et sur une analyse textuelle des éditoriaux des rapports de développement durable publiés par les entreprises françaises, les auteurs montrent que les éditoriaux peuvent servir d’indicateurs avancés de la performance RSE. Le pouvoir prédictif des éditoriaux est renforcé lorsqu’ils sont signés par le directeur général, publiés dans un rapport de développement durable et rédigé dans un style clair et lisible.

Karen Geitzholz, François Durrieu, et Stéphane Trébucq, dans leur contribution « Le capital humain et les achats responsables comme déterminants de la performance financière ? Test d’un effet de médiation sérielle appliqué au cas des entreprises cotées européennes » visent à analyser l’effet de médiation sérielle du capital humain sur les achats responsables, et la performance financière. Ils s’appuient sur une étude empirique réalisée sur la période 2016-2020, à partir d’un échantillon de 240 entreprises européennes cotées, évaluées sociétalement par l’agence de notation extra-financière Vigeo-Eiris. Une médiation sérielle est validée en retenant comme variable de performance financière la capitalisation boursière sur capitaux propres (MTB). Elle n’est toutefois pas confirmée en ce qui concerne la rentabilité sur actifs (ROA). Ces résultats attestent ainsi de l’importance des perceptions des investisseurs quant aux effets attendus, à long terme, de telles politiques.

L’article de Mehdi Dahmen, Pascal Paillé, Norchène Ben Dahmane Mouelhi, et Lotfi Hamzi « Encourager les comportements écoresponsables en milieu organisationnel par les échanges sociaux : l’effet contingent du climat de travail sur la justice perçue » aborde le rôle méconnu de la justice perçue sur les comportements pro-environnementaux. Une étude empirique a été réalisée sur un échantillon de 223 employés de bureau travaillant dans une administration publique en Tunisie. En se basant sur les principes de l’échange social, les résultats révèlent que l’effet de la justice perçue est renforcé lorsque les employé(e)s perçoivent l’existence d’un climat de travail favorable à leur engagement pro-environnemental. En revanche, aucune interaction n’est reportée pour la justice perçue au niveau du supérieur.

Sabri Boubaker, Mohamed Firas Thraya et Mohamed Zouaoui, dans l’article « excès de contrôle et responsabilité sociale des entreprises », partant de la constatation selon laquelle les stratégies des entreprises en matière de responsabilité sociale dépendent de la structure de leur actionnariat, examinent l’effet de l’écart entre les droits aux bénéfices et les droits au contrôle (excès de contrôle) sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE). L’analyse d’un échantillon d’entreprises françaises cotées montre que les entreprises détenues avec un excès de contrôle réalisent des performances RSE nettement inférieures à celles détenues sans excès de contrôle. La présence d’un actionnariat familial accentue l’effet négatif de l’excès de contrôle sur la performance RSE alors que la présence d’autres actionnaires importants neutralise cet effet. Les résultats sont robustes à l’utilisation de plusieurs mesures de l’excès de contrôle, de la performance RSE et au contrôle des problèmes d’endogénéité potentielle.

La contribution de Jean Biwole Fouda et Charles Robert Kamga, « Vers un modèle de RSE issu du discours des entrepreneurs en Afrique subsaharienne : résultats d’une étude dans le contexte camerounais » a pour objectif de révéler un modèle de RSE issu du discours des entrepreneurs en contexte africain. Les concepts de justification et de légitimation, associés à l’approche du mécanisme conciliateur, sont mobilisés pour analyser le contenu des entretiens menés auprès de dix entrepreneurs de TPE implantées au Cameroun. Il apparait que, dans ce contexte, l’entrepreneur perçoit sa responsabilité en se situant à la fois dans des mondes domestique, marchand et spirituel. Le modèle de la RSE qui émerge est tridimensionnel. Il correspond à une agrégation des responsabilités généalogique, géo-économique et spirituelle, chacune étant ancrée respectivement dans un des mondes sus-cités. Les discours et pratiques de RSE à promouvoir sur ce continent devraient s’en inspirer.

Guillaume Plaisance dans l’article « Vers une gouvernance relationnelle des parties prenantes internes dans les organisations à but non lucratif : quand l’engagement ne suffit pas » considère que l’engagement des parties prenantes internes dans les OBNL est une ressource cruciale pour leur fonctionnement. Le contexte de désengagement trouve une réponse à travers la gouvernance des parties prenantes et ses mécanismes spontanés et spécifiques. Ces mécanismes reposent sur la qualité de la relation avec les parties prenantes et ses composantes (confiance, satisfaction, influence, engagement) et jouent un rôle dans la compréhension du succès organisationnel. L’étude est menée au sein du syndicat Jeunes Agriculteurs. Les résultats contribuent à la théorie de la dépendance des ressources, mais soulignent également l’importance d’une différenciation stratégique en fonction des parties prenantes.

Dans l’article « Le rôle des parties prenantes de l’accélérateurs dans l’innovation du business model des jeunes entreprises », Amina Hamani et Fanny Simon, constatent que si les chercheurs reconnaissent la nécessité d’intégrer les parties prenantes dans l’innovation des business model (IBM), peu de recherches ont été menées sur le lien entre les rôles des parties prenantes et l’IBM des jeunes entreprises, en particulier dans le contexte des accélérateurs. Nos collègues apportent sur ce sujet des contributions nouvelles en menant une étude longitudinale multi-cas dans deux accélérateurs d’entreprise. Des entretiens semi-structurés, des observations et des données secondaires ont été collectées concernant les jeunes entreprises incubées et l’évolution de leur business model. Les résultats élargissent les connaissances sur l’IBM en offrant une compréhension plus granulaire de la façon dont les différentes parties prenantes permettent la configuration de business model initial des jeunes entreprises et génèrent l’IBM. Plus précisément, l’étude fournit des apports originaux sur les écosystèmes des accélérateurs, les activités de mise en réseau et leur contribution à l’IBM des jeunes entreprises.

Virginie Francoeur et Pascal Paillé dans leur contribution « Trop fatigué(e)s pour être écoresponsables… à moins d’être soutenu(e)s ! » considèrent que dans un contexte où les questions environnementales constituent un enjeu urgent pour la pérennité de nos sociétés, les organisations sont reconnues pour leur rôle dans la dégradation des écosystèmes, mais elles peuvent aussi faire partie de la solution. Pour répondre à cet enjeu, une étude quantitative a été réalisée auprès de 313 employés travaillant dans différents secteurs d’activité au Canada. Selon la théorie de la conservation des ressources de Hobfoll & Shirom (2001), l’étude a pour but de comprendre comment les facteurs de stress ainsi que les ressources sociales et personnelles influencent l’adoption de comportements écoresponsables. Les résultats montrent que le soutien environnemental du supérieur (ressource sociale) a plus d’influence sur les comportements écoresponsables de leurs subordonnés lorsque ceux-ci ressentent une fatigue citoyenne élevée en comparaison à une faible fatigue citoyenne (ressource personnelle). D’ailleurs, lorsque les subordonnés ressentent de la surcharge de travail (facteur de stress), l’effet du soutien du supérieur se détériore et a moins d’impact sur les comportements écoresponsables.

Dans l’article « Les fintechs vue de la perspective de la soutenabilité : Potentiel de transformation et réalisation effective », Elisabeth Paulet et Francesc Relano ont pour objectif de prolonger les approches traditionnelles sur l’impact des Fintech dans le paysage financier. Au-delà des perspectives d’innovation technologique et de marché, leur étude explore le rôle des Fintech dans le domaine de la soutenabilité. L’analyse empirique s’appuie sur un échantillon composé de banques traditionnelles, de banques éthiques, et de différents types de Fintech Suisses. Les résultats montrent que, en matière de soutenabilité, les Fintech changent beaucoup moins la donne qu’on ne pourrait le penser.

Mohamed Arouri, Sabrine Ayes, et Mathieu Gomes, dans « Les firmes socialement responsables sont-elles plus difficiles à arbitrer ? » étudient comment la responsabilité sociale des entreprises (RSE) affecte les limites à l’arbitrage. En utilisant un échantillon d’entreprises du S&P 500 (2002-2020), les auteurs montrent que les entreprises socialement responsables sont associées à un degré plus élevé de limites à l’arbitrage. Ces résultats sont confirmés lorsque l’on utilise uniquement les dimensions sociales et environnementales, et lorsque l’on teste séparément la relation entre la RSE et chaque composante des limites à l’arbitrage. Par ailleurs, ces résultats sont validés lorsque l’on utilise une mesure alternative des limites à l’arbitrage et sont robustes aux contrôles d’endogénéité. L’étude suggère que la RSE rend l’activité d’arbitrage plus difficile et plus risquée, conduisant à une mauvaise évaluation des prix des actions.