L’entrevue

Intervenir au moment de l’injectionLe défi relevé par les SIS[Notice]

  • Catherine Chesnay

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  • Catherine Chesnay
    École de travail social, Université du Québec à Montréal

Entrevue avec Carole Morissette, M.D., FRCPC, Chef médical, Secteur Prévention et contrôle des maladies infectieuses, Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, Direction régionale de santé publique.

À Montréal, le terme « SIS » réfère aux « Services d’Injection Supervisé ». Plusieurs autres termes sont utilisés ailleurs — Salle de consommation, Site d’injection supervisée, etc. Au Canada et au Québec, un SIS est un endroit où une personne qui fait usage de drogues par injection (UDI) peut s’injecter en toute sécurité et en toute légalité sous la supervision d’un personnel qualifié. Ce personnel qualifié est défini comme du personnel médical infirmier formé à la supervision de l’injection et capable de réagir en cas de complications. Quant à [la] légalité, un service d’injection supervisée doit avoir obtenu l’exemption à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LRCDAS) en vertu de l’article 56. Cette exemption est accordée par Santé Canada. En fait, à Vancouver, deux sites ont obtenu une exemption de Santé Canada. Le Dr Peter Centre est beaucoup moins connu. C’est un centre de traitement du VIH pour les personnes vulnérables. Ils offrent de multiples services — y compris les logements — et ils ont depuis plus de 10 ans une petite salle de consommation à l’intérieur pour leur usager… pour laquelle ils ont obtenu leur exemption tout récemment ! La police aurait pu intervenir et fermer l’endroit, car ils opéraient sans exemption, mais ce service a été toléré, car c’était un petit service de quelques places dans une grande structure. C’était somme toute très discret. Quant à Insite, c’est un SIS qui a commencé comme un projet de recherche. Insite est né au début des années 2000 pour répondre à un besoin bien précis dans le centre-ville de Vancouver, plus précisément dans le Downtown Eatside. L’équipe d’infirmières qui travaillent à Insite et qui offrent la supervision médicale des injections est employée par le Vancouver Coastal Health, l’agence régionale de santé qui a piloté le développement d’Insite. Quant aux services d’accueils et de répit offerts par des intervenants sociaux et des pairs, ils sont fournis par le Portland Hotel Society, un organisme à but non lucratif. En termes d’offre et de trajectoire de services, c’est relativement le même modèle qu’on implante à Montréal. Par contre, à Montréal, nous avons rapidement constaté que la répartition de la population des personnes qui font usage de drogues par injection n’est pas concentrée au centre-ville. Depuis le début des années 90, nous avons constaté que près de la moitié des personnes qui font usage de drogues par injection sont présentes dans d’autres quartiers que le centre-ville, tel que Hochelaga-Maisonneuve, le Centre-Sud… et c’est moins connu, mais aussi dans le Sud-Ouest, Petite-Patrie–Villeray, Ahuntsic. Bref, dès le début des années 90, nous avons eu cette préoccupation de répondre aux besoins des personnes UDI de Montréal réparties dans différents quartiers et nous avons développé l’approche de réduction des méfaits au-delà du centre-ville. Plusieurs services ont été développés, tels que le travail de rue, les sites fixes de distribution de matériel stérile d’injection et de récupération et le réseau de pharmacies qui participent à notre programme de distribution de matériel. Nous avons aussi développé l’implication par les pairs. Cette implication a mené au développement de l’AQPSUD (Association québécoise pour la promotion de la santé des personnes utilisatrices de drogues) qui est un regroupement de personnes qui consomment des drogues et qui sont les producteurs de la revue l’Injecteur. Bref, tous ces services s’inscrivent dans notre programme de santé publique et nous les avons soutenus de différentes façons, y compris financièrement. Et c’est à cause de cet éventail de services en réduction des méfaits que nous avons conclu qu’à Montréal, un SIS ne serait pas seulement un site, mais un service de supervision …

Parties annexes