Ottawa Law Review
Revue de droit d’Ottawa
Volume 53, numéro 2, 2021–2022
Sommaire (5 articles)
Compte rendu de lecture / Book Review
Articles
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“Other Materials” — Traitorous Love and Decolonizing the Canadian Guide to Uniform Legal Citation
Danielle Lussier et Steven Stechly
p. 301–326
RésuméEN :
The Canadian Guide to Uniform Legal Citation, colloquially known as the “McGill Guide,” is both a strong symbol of, and a prerequisite for, any form of engagement within Canadian legal academia. While studying law requires a deep understanding of the Guide, it does not inherently encourage interrogation of the pedagogical structures the Guide upholds. In this sense, critical engagement with the politics of citation is often overlooked in legal curricula.
Examining their own attempts to centre Indigenous knowledge systems in legal research, the authors suggest that a critical failure in efforts towards decolonization of the legal academy resides in the exclusionary and Eurocentric nature of legal citation practices. They argue that citational politics become more problematized when scholars must “fit” Indigenous Knowledge into one of the pre-existing Western sources of law included in the Guide, a process that frequently results in Indigenous Knowledge being relegated to the unenviable bibliographic category of “other materials.”
The authors argue that there is an opportunity to valourize long-subjugated Indigenous knowledge and amplify voices often silenced within the academy through the decolonization of legal citation methods. Situating the conversation of Indigenous citation politics and exploring the input of Indigenous librarians and scholars from a variety of academic fields, the authors survey a variety of citation manuals across disciplines and present the case for creating inclusive Indigenous legal citation practices. Beyond Indigenous oral knowledge citation, the authors specifically turn their minds to the citation of wampum and “extra-intellectual knowledge” including art, beadwork, and personal knowledge such as dreams, encouraging learners and researchers to engage in thoughtful citation practices and imagine decolonial legal futures grounded in a spirit of traitorous love.
FR :
Le Manuel canadien de la référence juridique, plus couramment appellé le « Guide McGill », est à la fois un symbole important et une condition préalable à toute forme de participation dans le milieu universitaire juridique canadien. Bien que l’étude du droit exige une compréhension approfondie du Guide, elle n’encourage pas en soi l’interrogation des structures pédagogiques qu’il soutient. En ce sens, l’engagement critique en ce qui concerne les politiques de la référence juridique est souvent négligé dans les programmes d’études juridiques.
En examinant leurs propres tentatives cherchant à mettre en évidence le savoir autochtone dans la recherche juridique, l’auteur et l’auteure avancent que l’échec flagrant des efforts déployés vers la décolonisation du milieu juridique universitaire réside dans la nature excluante et eurocentrique des pratiques de la référence juridique. Ils et elles soutiennent que les politiques de la référence juridique deviennent plus problématiques lorsque les chercheurs et chercheuses doivent « faire rentrer » le savoir autochtone sous l’une des sources occidentales de droit préexistantes qui figure dans le Guide, un processus qui aboutit souvent à la relégation du savoir autochtone à la catégorie bibliographique peu enviable « Autres documents ».
L’auteur et l’auteure soutiennent qu’il y a une possibilité de faire valoir le savoir autochtone, longtemps subjugué, et d’amplifier les voix souvent réduites au silence dans le milieu universitaire par la décolonisation des méthodes de référence juridique. En situant la conversation autour des politiques de références autochtones et en explorant les contributions de bibliothécaires et de chercheurs et de chercheuses autochtones dans plusieurs domaines d’étude, l’auteur et l’auteure font l’examen d’une variété de manuels de référence dans diverses disciplines et présentent des arguments en faveur de la création de pratiques de référence juridique autochtones inclusives. Au-delà du savoir autochtone oral, l’auteur et l’auteure s’intéressent plus particulièrement à la référence concernant de « wampums » et du « savoir extra-intellectuel », qui comprend l’art, le perlage et le savoir personnel comme les rêves, encourageant ainsi les apprenants et apprenantes et les chercheurs et chercheuses à s’engager dans des pratiques de référence réfléchies et à imaginer des avenirs juridiques décolonisés fondés dans un esprit d’amour traitre.
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Le onzième sénateur. Une pause d’archéologie constitutionnelle récente
Pierre Foucher
p. 327–385
RésuméFR :
En 1990, le Sénat s’est vu ajouter huit sièges additionnels en vertu de l’obscur article 26 de la Loi constitutionnelle de 1867. La nomination des huit sénateurs additionnels a permis au gouvernement au pouvoir à l’époque d’échapper de justesse à un vote de confiance. Cependant, le recours à l’article 26, et particulièrement la nomination du Sénateur James Ross, a mis en péril la constitutionnalité de la Chambre des communes en raison du fait que le Nouveau-Brunswick avait maintenant plus de sièges au Sénat que de députés à la Chambre des communes. Ces évènements ont généré six décisions judiciaires où les tribunaux ont tenté d’explorer les tenants et aboutissants de l’ancienne disposition qu’est l’article 26 de la Loi constitutionnelle de 1867, ainsi que son interaction avec l’article 51A de ladite loi. Le présent texte cherche à exhumer ces litiges ainsi que ceux qui les ont précédés, d’en présenter les arguments, et de les mettre en rapport avec certaines propositions récentes de réforme du Sénat. Notre analyse révèle que le silence doctrinal ayant entouré l’incident du onzième sénateur démontre la pauvreté relative de la réflexion constitutionnelle et juridique entourant la représentation dans les institutions parlementaires canadiennes.
EN :
In 1990, eight additional seats were added to the Senate pursuant to Section 26, a relatively obscure provision of the Constitution Act, 1867. The appointment of these eight additional Senators allowed the then government to remain in power by narrowly escaping a vote of confidence. However, the use of Section 26, and particularly the appointment of Senator James Ross, put the constitutionality of the House of Commons in jeopardy due to New Brunswick being left with more seats in the Senate than members in the House of Commons. These events led to six judicial decisions in which courts attempted to explore the intricacies of Section 26 of the Constitution Act, 1867, and its interaction with Section 51A of that Act. This article seeks to unearth these proceedings and earlier disputes, to present their arguments, and to examine them in relation to recent senatorial reform proposals. Our analysis reveals that the doctrinal silence surrounding the incident of the eleventh Senator demonstrates the relative scarcity of constitutional and legal thought surrounding representation in Canadian parliamentary institutions.
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Prolégomènes à la reconnaissance de droits à l’éducation postsecondaire en vertu de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés
Mathieu Tovar-Poitras et François Larocque
p. 387–435
RésuméFR :
L’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit le droit à l’instruction dans la langue des minorités de langues officielles. Avec son objet préventif, réparateur et unificateur, l’article 23 contribue à assurer la sécurité linguistique des communautés de langues officielles minoritaires. Pourtant, à l’heure actuelle, la pénurie d’enseignantes et d’enseignants francophones au Canada met en péril la capacité des provinces de réaliser l’objectif constitutionnel de l’article 23. La reconnaissance d’un droit à l’éducation postsecondaire en vertu de l’article 23 de la Charte constitue une avenue réparatrice face à cette réalité.
Les auteurs proposent certains prolégomènes à la reconnaissance de droits constitutionnels en lien avec l’éducation et la gestion postsecondaires découlant de l’article 23 de la Charte. Ils mettent en exergue certains principes jurisprudentiels qui permettraient de défendre une telle extension du libellé de l’article 23 de la Charte. La première partie de cet article soutient qu’il est possible de conclure à l’existence de tels droits au regard de canons ordinaires d’interprétation législative et constitutionnelle. La deuxième partie présente des pistes de réflexion quant au droit de gestion et de contrôle implicite dans le contexte postsecondaire qui pourrait découler d’une telle reconnaissance.
EN :
Section 23 of the Canadian Charter of Rights and Freedoms guarantees the right to minority language education. With its preventative, remedial, and unifying purposes, section 23 contributes to the language security of official language minority communities. However, at present there is a shortage of Francophone teachers in Canada that jeopardizes the ability of provinces to fulfill the constitutional goal of section 23. The recognition of a right to post-secondary education under section 23 of the Charter constitutes a remedial approach to this reality.
The authors propose some prolegomena to the recognition of constitutional rights in relation to post-secondary education and management under section 23 of the Charter. They highlight some jurisprudential principles that would potentially support such an extension of the text of section 23 of the Charter. The first part of this article argues that it is possible to conclude that such rights exist using the ordinary canons of statutory and constitutional interpretation. The second part of the paper offers some thoughts on the implied right to management and control in the post-secondary context that might flow from such recognition.
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“Clearly a Subjective Determination”: Interpretations of “Undue Suffering” at the Canada Agricultural Review Tribunal (2000–2019)
Andrew Stobo Sniderman
p. 437–465
RésuméEN :
How much suffering does our legal system tolerate? This paper focuses on Canada’s federal Health of Animals Regulations, which purport to provide a measure of protection to farmed animals, notably during their transit to slaughterhouses. More specifically, this paper interrogates how the concept of “undue suffering” is interpreted by the Canada Agricultural Review Tribunal (CART) and Federal Court of Appeal (FCA) between 2000 and 2019. During this period, a total of 157 CART decisions applied the “undue suffering” standard with respect to provisions of the federal Health of Animals Regulations, guided in part by three significant FCA decisions. These cases allow us to conduct a longitudinal study of the standard of “undue suffering,” to see how it is interpreted and evolves over time. A core implication is that some degree of suffering was deemed reasonable, though the contours of this permissible suffering remained ambiguous. I argue that twenty years of CART cases demonstrate the shortcomings of regulations which are premised on a standard as vague as “undue suffering.”
FR :
Jusqu’à quel point notre système juridique tolère-t-il la souffrance ? Cet article se concentre sur le Règlement sur la santé des animaux du gouvernement fédéral du Canada, qui vise à assurer une certaine protection aux animaux d’élevage, notamment pendant leur transport vers les abattoirs. Plus précisément, cet article examine comment la Commission de révision agricole du Canada (CRAC) et la Cour d’appel fédérale (CAF) ont interprété le concept de « souffrance indue » entre 2000 et 2019. Au cours de cette période, un total de 157 décisions rendues par la CRAC ont appliqué les critères de « souffrance indue » à l’égard des dispositions du Règlement sur la santé des animaux du gouvernement fédéral, guidées en partie par trois décisions importantes de la CAF. Ces causes nous permettent de mener une étude longitudinale des critères de la « souffrance indue », afin de voir comment elle est interprétée et évolue au fil du temps. Une implication essentielle souligne qu’un certain degré de souffrance a été jugé raisonnable, bien que les limites de cette souffrance admissible demeurent ambiguës. Je soutiens que vingt ans de causes rendues par la CRAC démontrent les lacunes de la réglementation fondés sur des critères aussi vagues que la « souffrance indue ».