Daniel Mercure, Mircea Vultur et Charles Fleury
p. 177–198
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Résumé
Cet article vise à évaluer le degré de différenciation des valeurs et attitudes relatives au travail des jeunes travailleurs québécois en regard de celles des travailleurs d’un âge plus avancé. Pour ce faire, nous analysons les trois dimensions essentielles du rapport au travail, à savoir la centralité du travail, sa finalité principale et les attitudes à l’égard des normes managériales dominantes. Nos analyses sont fondées sur les données d’une enquête réalisée en 2007 sous forme de questionnaire auprès de 1 000 travailleurs représentatifs de la population active québécoise âgée de 18 ans et plus et n’étudiant pas à temps plein. L’étude révèle que s’il n’y a pas un hiatus profond quant aux valeurs et aux attitudes des travailleurs selon les groupes d’âge considérés, reste que les jeunes ont tendance à accorder moins d’importance au travail que les plus âgés tout en ayant de moins grandes aspirations associées au travail que ces derniers, cependant que leur adhésion aux normes managériales dominantes est légèrement plus élevée que celle de leurs aînés. Aussi, la stigmatisation des jeunes au chapitre de leurs valeurs et de leurs attitudes à l’égard du travail ne correspond-elle pas à la réalité observée, du moins en ce qui concerne la centralité du travail, sa finalité et les attitudes à l’égard des normes managériales. Pour chacune des dimensions retenues, la situation professionnelle et le niveau de formation semblent plus déterminants de la configuration des valeurs et des attitudes que la classe d’âge.
Marie Laberge Ph.D., Nicole Vézina Ph.D., Bénédicte Calvet, Sophie Lévesque M.Sc. et Livann Vézina-Nadon B.Sc.
p. 199–221
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Résumé
La recherche effectuée vise à décrire l’environnement social entourant la période d’entrée en emploi d’élèves inscrits à la nouvelle Formation menant à un métier semi-spécialisé (FMS), en oeuvre au Québec depuis 2007. Les jeunes visés par la FMS ont tous entre 15 et 17 ans. Ils sont considérés plus à risque de développer une lésion professionnelle que les travailleurs plus âgés. Dans une perspective de prévention, les auteurs proposent de mettre à plat l’écart entre le cadre prescrit de supervision en entreprise des élèves inscrits à la FMS et la dynamique sociale réelle lors de leur accueil et intégration en milieu de travail, suivant un cadre d’analyse ergonomique de l’activité. Les résultats présentés sont issus d’une recherche intervention visant à intégrer la prévention des lésions professionnelles au programme de formation. Les résultats montrent que les conditions d’accueil et de parrainage sont bien différentes de ce qui est prescrit dans le programme de formation. Les stagiaires sont tous dans des situations très différentes, selon le contexte de leur entreprise de stage et le métier choisi. Bien souvent l’élève est entouré de plusieurs pairs significatifs et pas seulement du superviseur désigné. Cela dit, l’accessibilité aux ressources n’est pas toujours immédiate et les jeunes peuvent rencontrer certaines difficultés à obtenir de l’aide. Au regard de ces résultats, le modèle du binôme superviseur – apprenti proposé dans ce programme devrait être revu pour maximiser l’utilisation des ressources et favoriser l’apprentissage lié à la préservation de la santé. Les entreprises doivent se questionner sur les conditions d’accueil et d’intégration sécuritaire et compétente qu’elles offrent aux élèves qu’elles acceptent de former.
Sylvie Ouellet
p. 222–241
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Résumé
Dans le monde actuel du travail marqué par la mondialisation des marchés et le changement technologique rapide, les dirigeants d’entreprises se tournent vers de nouvelles formes d’organisation du travail et la diversification de leurs produits pour faire face à une compétition de plus en plus féroce. Dans un tel contexte, la formation au travail est devenue un enjeu crucial pour les organisations. Il existe diverses modalités d’organisation de la formation en entreprise pour lesquelles les formateurs sont habituellement les employés expérimentés qui reçoivent le mandat de former les nouveaux. Toutefois, l’insertion de la formation dans l’action productive de l’entreprise est complexe puisque qu’elle créé une réalité où l’activité de formation entre en relation avec toutes les autres activités ce qui peut compliquer la tâche des formateurs. Le présent article rend compte d’une recherche-intervention en ergonomie réalisée dans le secteur de la transformation de la viande qui a permis de mettre en évidence les défis et les difficultés que pose aux formateurs la mise en oeuvre d’une formation structurée dans le système productif d’une PME. Les données recueillies montrent que les travailleurs-formateurs sont peu préparés à former et que le statut de formateur est peu valorisé dans l’entreprise. De plus, les résultats mettent en évidence que pour organiser des situations d’apprentissage, les formateurs ont dû agir sur plusieurs conditions (organisationnelles, techniques, physiques et sociales) en faisant des compromis entre ce qu’ils auraient souhaité faire et ce que ces conditions leurs permettaient de faire. Des pistes d’amélioration sont apportées pour valoriser la fonction de formateur et mieux les appuyer dans la mise en oeuvre de leurs activités de formation. Les constats faits dans le cadre de cette étude peuvent être matière à réflexion pour quiconque s’intéresse aux conditions de formation en milieu de travail.
Corinne Gaudart et Jeanne Thébault
p. 242–262
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Résumé
Cet article présente des résultats d’une recherche réalisée en France et portant sur la transmission des savoirs professionnels entre anciennes et nouvelles, infirmières et aides-soignantes. Le secteur hospitalier est soumis à des transformations démographiques qui pointent l’accueil et la formation des nouveaux comme un enjeu important. Par ailleurs, il connaît des transformations organisationnelles fortes, relatives à la réduction des dépenses de soin, qui touchent les métiers des personnels soignants, notamment dans l’articulation du cure et du care. À partir de l’analyse ergonomique de trois situations de transmission, cet article examine la place du care dans la transmission et questionne ses déterminants organisationnels, individuels et collectifs. Il propose de considérer la transmission comme une activité nodale. C’est en effet une activité qui permet de tisser le métier et d’en débattre entre des personnels de différentes anciennetés, de différents parcours ; c’est aussi un lieu de tensions entre les exigences de l’organisation et celles portées par le métier, notamment dans l’articulation du cure et du care. Son absence de prise en charge concrète par l’hôpital en fait une tâche discrétionnaire pour les anciennes. Les contenus transmis et la dimension collective de la transmission sont donc variables et dépendent fortement des ressources et des contraintes immédiates. Au final, un des enjeux forts de la transmission réside dans la possibilité, pour les anciens comme pour les nouveaux, de travailler en santé et en qualité.
Pierre-Sébastien Fournier, Sophie Lamontagne et Julie Gagnon
p. 263–282
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Les problèmes de rétention de main-d’oeuvre qualifiée se dessinent depuis les années 80 dans l’industrie du transport routier des marchandises en Amérique du Nord. Ces problèmes entraîneraient des conséquences économiques et sociales importantes. Par exemple, une augmentation du taux de roulement serait associée à une augmentation des accidents. La littérature scientifique a clairement établi un lien entre le rôle du répartiteur et le roulement des camionneurs. Si ce lien est bien connu, on en sait peu sur la dynamique de cette relation dans la réalité quotidienne du travail. L’objectif de cet article consiste à documenter le contexte dynamique qui structure la relation entre les répartiteurs et les camionneurs pour faire face aux problèmes de roulement de main-d’oeuvre. Une démarche qualitative visant à documenter la réalité quotidienne des acteurs a été utilisée. Elle repose sur 17 entrevues individuelles et trois entretiens collectifs réalisés auprès de représentants patronaux, de répartiteurs, de représentants syndicaux et de camionneurs oeuvrant dans 11 organisations distinctes. Les résultats présentent des caractéristiques de la dynamique du travail au quotidien : l’importance de la relation dans l’efficacité et la qualité des opérations, la prédominance de la satisfaction du client dans la relation, la relation d’interdépendance entre le répartiteur et le camionneur et, finalement, l’écoute et le respect dans les activités de transport. De façon plus spécifique, l’étude montre un contexte d’interaction caractérisé par de fortes contraintes de travail où la pression productive amène souvent les acteurs à prioriser les préoccupations opérationnelles aux dépens des aspects relationnels. De plus, elle montre une relation de donnant donnant entre les acteurs où les bonnes relations, le respect et l’écoute constituent des conditions importantes pour la réalisation efficace et satisfaisante du travail. Ces résultats confirment plusieurs constats d’études précédentes et apportent de nouveaux éclairages dans la compréhension de la relation entre ces acteurs.
Jean Bernier
p. 283–303
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Résumé
L’industrie des agences de location de personnel a connu une expansion considérable au Canada et au Québec depuis une dizaine d’années. Devenue un mécanisme important dans le fonctionnement du marché du travail, elle apporte non seulement une flexibilité numérique et fonctionnelle accrue aux entreprises, mais elle est aussi une voie privilégiée d’accès au marché du travail pour de nombreux travailleurs, entre autres chez les jeunes travailleurs. La location de personnel s’inscrit dans le cadre d’une relation de travail tripartite entre le salarié, l’agence et l’entreprise cliente. Ce type de relation ne va pas sans poser des difficultés particulières qui trouvent difficilement leur solution dans la mesure où l’activité de location de personnel en tant que telle n’est nullement réglementée au Québec. La question qui se pose est celle de savoir si, compte tenu de la nature particulière de la relation tripartite, les droits reconnus aux salariés peuvent être exercés, en pratique, de façon à atteindre leur juste fin.De nombreux travaux, surtout à caractère juridique ont mis en lumière la difficulté d’identifier l’employeur véritable de même que l’incapacité des lois du travail, mieux adaptées aux relations de travail binaires, de prendre en compte adéquatement la situation particulière qui résulte de ce type de relations tripartite. D’autres travaux illustrent la disparité de traitement dont sont tributaires les salariés d’agence, les limites que pose la location de personnel à la liberté d’emploi et à la mobilité ou encore le taux élevé de lésions professionnelles observées chez les salariés d’agence, notamment chez les jeunes travailleurs.Les conséquences juridiques de l’absence réglementation de ce type d’activité sont bien connues et bien documentées. Le progrès de la connaissance repose désormais sur des recherches empiriques de façon à mieux connaître les conditions de travail réelles des salariés d’agence de même que les pratiques des agences de location.
Esther Cloutier, Élise Ledoux et Pierre-Sébastien Fournier
p. 304–324
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Dans un contexte de mutations démographiques et de transformations du monde du travail, les préoccupations pour la gestion des âges se sont progressivement transformées en préoccupations pour la gestion des savoirs. En effet, les nombreux savoirs développés avec l’expérience par le personnel pour faire face aux multiples situations rencontrées dans l’exercice de leur travail et se protéger des risques à leur santé et à leur sécurité constituent une part du capital immatériel essentiel pour la pérennité de l’expertise, voire la survie de l’entreprise. Les pratiques de gestion occupent une place importante pour assurer la sauvegarde des savoirs dans les entreprises de même que le contexte organisationnel. Or les transformations du monde du travail des dernières années en réponse à un univers économique instable ont poussé les entreprises à introduire de nombreux changements dans les milieux de travail. Trois études de cas menées au Québec, portant sur un métier donné (technicien de cinéma, aide en alimentation, infirmière en soins à domicile), et s’appuyant sur des entrevues des observations sur le terrain, seront présentées pour tenter de décrire l’influence de certains de ces changements, telles que la précarité d’emploi, la flexibilité et l’intensification du travail sur la transmission des savoirs en situation réelle de travail. Les résultats suggèrent que ces changements, en fragilisant les collectifs de travail et en augmentant la charge de travail des expérimentés vont agir comme un frein à la transmission des savoirs. En effet, dans un tel contexte, les équipes sont en continuelle recomposition, ce qui peut démobiliser les expérimentés qui doivent constamment initier de nouvelles recrues alors qu’ils sont déjà surchargés. Des pistes de recherche sont proposées afin de pouvoir composer avec ces changements de façon à mieux soutenir la dynamique de transmission et de partage des savoirs d’expérience essentielle à la performance organisationnelle et à la préservation de la santé des personnes.