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Introduction

Le 11 mars 2020, l’OMS à travers un communiqué de presse (World Health Organisation, 2020.) déclare que la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) est un problème mondial de santé publique (pandémie). Le 7 juin, on enregistre dans le monde près 6,9 millions de cas confirmés et 400 000 décès (World Health Organisation, s.d.). Plus épargné que le reste du monde, le continent africain fait face, lui aussi, à la propagation de la pandémie. Le premier cas détecté en Afrique est apparu en février 2020 en Égypte. Le 26 mai, l’Afrique comptait déjà 3 589 décès pour 119 391 cas enregistrés et l’ensemble des 54 pays étaient touchés. La pandémie se propage, mais la situation semble maintenant se stabiliser dans tous les pays, même si le spectre d’une deuxième vague plane déjà. Au 3 juin, le Bénin comptait 261 cas confirmés avec 3 décès (Gouvernement de la République du Bénin, s.d.).

Problème majeur de santé publique, la pandémie a des répercussions sur l’ensemble des autres secteurs : commerce, transport, tourisme, éducation, etc. Le secteur éducatif n’est donc pas épargné. En réponse à cette crise, la plupart des gouvernements du monde ont temporairement fermé leurs établissements d’enseignement afin de contenir la propagation du virus. Après quelques hésitations, le Bénin a lui aussi fermé la porte de tous ses établissements scolaires du 31 mars au 11 mai. Selon l’UNESCO (s.d.), le 25 mai 2020, ces fermetures affectaient plus de la moitié (56,6 %) de la population étudiante mondiale.

En effet, même si la fermeture des écoles est vraisemblablement une décision logique pour imposer la distanciation sociale au sein de la population en cette circonstance particulière, cette situation de fermeture des écoles pourrait tendre à avoir dans la durée des effets négatifs disproportionnés aussi bien sur les apprenants de l’éducation maternelle, primaire et secondaire que sur les étudiants du niveau supérieur (Azzi-Huck et Shmis, 2020). La situation est particulièrement préoccupante dans les pays à faible revenu comme le Bénin, déjà confrontés à plusieurs problématiques dans le secteur de l’éducation (Banque Mondiale, 2000 ; Brossard et al., 2009). Par exemple, selon l’UNESCO (2018), le taux brut de scolarisation au Bénin est de 12,27 % avec une grande disparité entre les hommes (16,99 %) et les femmes (7,47 %). Il est donc impérieux d’assurer la continuité pédagogique pour éviter notamment les corollaires de la discontinuité pédagogique au nombre desquels figurent l’abandon scolaire et le risque d’une année blanche.

La mise en place d’un dispositif d’apprentissage à distance suscite alors un intérêt particulier en cette période de pandémie parce qu’elle est susceptible non seulement d’atténuer l’impact sur l’éducation, mais aussi d’accroître la résilience de la population face à la crise sanitaire. En effet, les interventions éducatives peuvent accompagner les mesures de préventions puis réduire les effets néfastes (baisse de performance scolaire, décrochage scolaire, etc.) sur les élèves et sur l’apprentissage (Azzi-Huck et Shmis, 2020). La continuité pédagogique s’inscrit dans le discours public de tous les pays touchés et le gouvernement béninois la considère aussi comme un moyen pour anticiper les impacts.

Dans ce contexte de recours dans l’urgence aux méthodes d’enseignement à distance, nous cherchons à déterminer et à analyser les différentes pratiques d’enseignement à distance utilisées pour la circonstance à l’Université de Parakou (UP) à travers le point de vue ou la perception des étudiants et étudiantes.

Enseignement universitaire à distance en situation de pandémie : contexte du Bénin

Selon le glossaire FIPFOD (Formation en ingénierie pédagogique de la formation ouverte et à distance, 2001-2003), l’enseignement à distance est « l’ensemble des dispositifs et des modèles d’organisation qui ont pour but de fournir un enseignement ou un apprentissage à des individus qui sont distants de l’organisme prestataire de services » (p. 9)

Ce type d’enseignement qui peut-être en ligne (Internet) ou non a connu un peu partout un regain d’intérêt en cette période de crise sanitaire. Comme dans la plupart des pays, on a assisté à la mise en place de diverses initiatives de déploiement de dispositifs d’apprentissage à distance, aussi bien au niveau du primaire et du secondaire que du supérieur.

Avec le soutien de certaines organisations internationales (Agence française de développement, programme APPRENDRE, UNICEF, etc.), le Bénin a tenté d’assurer la continuité pédagogique à la maternelle et au primaire par le biais notamment de la production et de la diffusion de supports pédagogiques numériques (Agence universitaire de la francophonie [AUF], 2020). Les contenus des cours sont diffusés sous forme de vidéos de séquences pédagogiques sur des plateformes en ligne et plusieurs chaînes de télédiffusion et de radiodiffusion.

En ce qui concerne l’enseignement supérieur, après près de cinq semaines de fermeture des universités, le ministère a invité tous les établissements universitaires à poursuivre les enseignements en basculant vers l’enseignement en ligne pour l’ensemble des groupes pédagogiques de plus de 50 étudiants. Cette décision du gouvernement s’est accompagnée après quelques jours de l’accès à une plateforme de formation à distance (http://elearning.etudiant.bj). La plateforme permet de déposer des notes de cours à l’intention des étudiants, de fournir des adresses courriel aux apprenants pour communiquer avec eux, mais aussi de faire des séances de cours en synchrone grâce à l’application Zoom intégrée. Zoom est une application mobile qui offre un service de visioconférence basé sur l’infonuagique. Elle peut être utilisée pour des réunions virtuelles entre plusieurs personnes à la fois, soit par vidéo, soit en audio uniquement ou les deux à la fois. La discussion est directe (synchrone) et il est possible d’enregistrer pour réécouter plus tard. Cette approche est adaptée à l’enseignement, car elle permet aux apprenants de suivre les cours plusieurs fois.

Dans le cadre de la continuité pédagogique, l’UP a consacré une page de son site Web à la publication des notes de cours. Plusieurs enseignants qui avaient encore des cours à donner ont déposé sur ce site Web des notes de cours consultables par les étudiants. À partir du moment où la plateforme gouvernementale pour l’enseignement à distance était accessible, les enseignants ont été invités à y déposer les mêmes notes de cours, pour ensuite essayer de donner leurs cours dans la mesure du possible à travers l’application Zoom intégrée à la plateforme.

Au regard des enjeux actuels, plusieurs préoccupations se posent en lien avec l’adéquation de la plateforme avec le contexte du pays et la capacité d’utilisation de cet outil par les enseignants et les étudiants. Même si des formations sur le fonctionnement technique de la plateforme ont été rapidement données à plusieurs enseignants, il faut noter que très peu d’entre eux ont été formés en technopédagogie et à l’encadrement des étudiants à distance. À cela s’ajoute la faible maîtrise des outils numériques par les étudiants et les enseignants. Dans une publication intitulée Fracture numérique préoccupante dans l’enseignement à distance, l’UNESCO souligne qu’en « Afrique subsaharienne, 89 % des apprenants n’ont pas accès aux ordinateurs familiaux et 82 % n’ont pas Internet » (O’Hagan, 2020). De plus, les travaux du projet SOHA (2016) permettent d’avancer qu’en général, la faible littérature numérique est une problématique majeure pour les étudiants et plusieurs enseignants en Afrique francophone.

Dans le contexte béninois, l’enseignement à distance est donc confronté à d’énormes contraintes, notamment en matière de formations préalables des acteurs, d’outils et d’infrastructures nécessaires de même que d’efficacité du dispositif. En effet, l’apprentissage en ligne peut offrir d’énormes avantages si l’on sait s’y prendre. Ce type d’apprentissage permet aux apprenants de construire eux-mêmes leurs propres connaissances et contribue ainsi à la démocratisation de l’enseignement (Galan, 2017). Cependant, il est très exigeant, car il nécessite des infrastructures et des matériels adéquats, une conception contextualisée ainsi qu’un encadrement et des exigences de formation considérables aussi bien pour les enseignants que pour les apprenants.

Environnement numérique d’apprentissage : de quoi s’agit-il? Et comment étudier la perception qu’en ont les acteurs?

Le cadre théorique de notre étude repose sur les concepts d’environnement numérique d’apprentissage (ENA), d’ingénierie de la formation et d’ingénierie pédagogique appliquée à la formation des enseignants à distance, puis de perception des étudiants. L’ENA est un environnement virtuel facilement accessible sur le Web grâce à un téléphone cellulaire, une tablette tactile, un ordinateur, etc. Cet environnement est favorable à l’enseignement, car il associe des contenus de cours à un ensemble d’outils de communication et d’interaction permettant de promouvoir un apprentissage autonome (Behaz et Djoudi, 2005 ; Bozkurt et al., 2020 ; Charlier, 2011 ; Deci et Ryan, 2008). À travers l’ENA, l’enseignement dispose de la « possibilité d’ajouter des activités en ligne, à exécuter en classe et à la maison ». Cela a fait éclore une nouvelle forme d’enseignement : l’enseignement hybride (Desrosiers, 2013, p. 2). Mais la réussite d’un ENA repose sur la prise en compte des spécificités du contexte d’implémentation. Selon Jean-François Hérold (2012), un environnement d’apprentissage doit suffisamment correspondre aux profils des apprenants.

Durant cette période critique de pandémie, plusieurs enseignements hybrides ou physiques (en présence) sont passés totalement en ligne (à distance). Mais les pratiques d’enseignement à distance sont mises en oeuvre sans aucune véritable préparation des acteurs (Bozkurt et al., 2020). Les enseignants formés ou non sont devenus d’un jour à l’autre des « experts » de l’enseignement numérique. L’apprentissage dans plusieurs pays est passé soudainement à distance, indépendamment du niveau de possession des ressources numériques et du degré de familiarisation des acteurs (enseignants, élèves, parents, etc.) avec elles. De plus, pour les élèves du primaire et du secondaire, les parents ont été appelés à jouer un double rôle de parents et d’éducateurs (Bozkurt et al., 2020). Dans les pays en développement, comme le Bénin où la majeure partie des parents ont un niveau d’instruction faible, voire ne sont pas scolarisés, le défi a été de trouver une pratique d’apprentissage la mieux adaptée au contexte afin d’intégrer le plus d’apprenants possible (AUF, 2020).

Notre étude porte cependant sur les pratiques d’enseignement à distance mises en oeuvre à l’UP. Nous analysons donc les perceptions des étudiants quant à ces pratiques à partir de trois dimensions (connaissance, appréciation, perspectives) importantes retenues sur la base du contexte d’étude, mais aussi de l’étude de la littérature sur le cadre théorique global d’analyse des usages et utilités des environnements numériques. Selon une récession des écrits effectuée par Poyet (2015), « différents modèles d’analyse des usages des TIC font apparaître que l’utilité est une dimension qui intervient non seulement lors de la construction des usages, mais également lors de l’élaboration des intentions d’usage par les utilisateurs potentiels » (p. 47). Dans cette recension, l’utilité est présentée comme étant caractérisée par la possibilité pour le système d’offrir effectivement aux utilisateurs les fonctionnalités nécessaires à la mise en oeuvre des tâches dans les conditions adéquates. La même recension des écrits effectuée par Poyet (2015) explicite le modèle « 3P » de Dillon et Morris (1996), dans lequel « les interrelations fonctionnelles entre ‘l’utilité’ (qui fait référence au verbe ‘pouvoir’ à l’origine du premier P), ‘l’ utilisabilité’ (qui fait référence à la notion de ‘performance’ à l’origine du second P) et les ‘perceptions’ (troisième P) contribuent à faire émerger des ‘intentions’ d’usage chez les utilisateurs » (Poyet, 2015, p. 48). Dans le modèle « 3P », l’utilité et l’utilisabilité constituent ce que nous appelons ici la « connaissance » de l’ENA; la « perception » quant à elle, définie comme étant une représentation mentale construite par le sujet à l’égard de la valeur d’une technologie, se rapproche de ce que nous dénommons ici l’appréciation.

Ainsi, notre cadre théorique se rapproche plus du modèle de DeLone et McLean (2003). Ces derniers déterminent six facteurs de réussite d’un environnement numérique : la qualité du système, la qualité de l’information, la qualité du service, l’usage du système, la satisfaction de l’utilisateur et les bénéfices nets (impact organisationnel et individuel). La qualité de l’information se réfère alors à notre concept de « connaissance », tandis que le concept d’appréciation regroupe les cinq autres éléments que sont : la qualité du système, la qualité du service, l’usage du système, la satisfaction de l’utilisateur et les bénéfices nets.

Enfin, pour aller plus loin, nous ajoutons le concept de « perspectives » (Nuttin, 1985/2014) pour explorer les besoins des usagers, dont il faudra tenir compte pour améliorer l’ENS. Nuttin théorise en effet trois aspects du concept de « perspective » (future time perspective) : « la perspective temporelle en tant que telle, caractérisée par son extension, sa densité, son degré de structuration et son niveau de réalisme; l’attitude temporelle, à savoir l’attitude plus ou moins positive par rapport au passé, au présent et au futur; et l’orientation temporelle, qui étudie la direction préférentielle du comportement et de la pensée des individus, selon qu’ils sont plutôt orientés vers des objets et événements du passé, du présent ou du futur » (Weber, 2014, p. 16.).

Démarche méthodologique

La présente étude exploratoire souhaite faire l’inventaire et analyser les différentes pratiques d’enseignement à distance utilisées à l’UP pour assurer la continuité pédagogique dans le contexte actuel de pandémie de COVID‑19. Dans cet article, nous nous limitons uniquement au point de vue des étudiants et étudiantes de l’UP.

L’Université de Parakou est située dans la ville de Parakou au nord du Bénin. Créée en 2001, l’UP est la deuxième université du Bénin après celle d’Abomey-Calavi. Elle compte en son sein neuf (9) entités de formation et de recherche (EFR) :

  • Faculté d’agronomie (FA)

  • Institut universitaire de technologie (IUT)

  • Faculté de médecine (FM)

  • École nationale des techniques supérieures en santé publique et surveillance épidémiologique (ENATSE)

  • École nationale de statistique, de planification et de démographie (ENSPD)

  • Institut de formation en soins infirmiers et obstétricaux (IFSIO)

  • Faculté de droit et de science politique (FDSP)

  • Faculté des sciences économiques et de gestion (FASEG)

  • Faculté des lettres, arts et sciences humaines (FLASH)

Officiellement, la formation à l’UP suit le régime LMD (licence, master, doctorat) et adopte l’approche par compétences.

L’usage des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans le déroulement des activités scolaires était encore très limité avant l’avènement de la pandémie, car les cours se faisaient presque entièrement en présence en dehors de quelques rares formations en mode hybride intégrant l’envoi préalable de documents au format papier avant les séances en présence très espacées. Cathia Papi qualifie de traditionnel ce type de formation à distance (Papi, 2016). La plupart sinon la presque totalité des activités se déroulaient en présence en évitant tout isolement des acteurs (enseignant, élèves). Selon Papi, dans ce modèle de formation à distance, « la collaboration est forte au sein » de l’université « gage de qualité, mais elle est peu présente dans les démarches d’apprentissage proposées malgré les possibilités offertes par le Web ». En réalité, c’est une activité de transmission et d’apprentissage de connaissances mise en oeuvre en dehors d’une présence physique du formateur et du formé dans un même lieu tout au long de la formation (Glikman 2002). Ce mode de formation requiert des technologies spéciales de formation et de conception de cours (médiation), et des moyens de communication reposant sur une technologie électronique ou autre (médiatisation). La maîtrise des pratiques de formation à distance ainsi que la perception des acteurs (enseignants et apprenants) relativement à ces pratiques constituent des éléments essentiels pour l’analyse de l’efficacité des dispositifs de formation à distance.

Afin d’atteindre les objectifs de cette étude, une enquête a été menée au moyen d’un questionnaire auprès des étudiants de l’Université de Parakou. Le questionnaire est réalisé avec Google Formulaires et diffusé pendant une semaine sur les réseaux sociaux. Il comporte 35 questions fermées et ouvertes permettant de recueillir l’appréciation des apprenants sur trois principaux aspects des pratiques d’enseignement à distance utilisées à l’UP :

  • connaissance des pratiques;

  • appréciation des pratiques pédagogiques;

  • perspectives : pistes pour l’amélioration de la situation.

Le questionnaire demande aussi explicitement aux étudiants de déclarer quelles sont les compétences favorisées par les pratiques pédagogiques adoptées par l’UP.

Le questionnaire est élaboré à partir d’une analyse situationnelle et de la littérature. Il appréhende d’abord l’état des lieux des diverses situations pédagogiques[1] illustrées à travers la figure 1, avant d’analyser le point de vue des étudiants sur les pratiques de la continuité pédagogique avec l’usage de méthodes d’enseignement à distance.

Figure 3

Diversité des situations pédagogiques à l’Université de Parakou en contexte de COVID 19

Diversité des situations pédagogiques à l’Université de Parakou en contexte de COVID 19

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Au total, l’échantillon d’étude compte 41 étudiants de l’UP qui ont volontairement rempli le formulaire. Toutes les entités de l’UP sont représentées au sein de l’échantillon, sauf l’ENATSE. Les femmes sont plus représentées avec un pourcentage de 56%. Avec un âge moyen de 19,6 ans, les étudiants qui ont répondu aux questions du formulaire en ligne sont âgés de 16 à 24 ans. L’échantillon est constitué seulement d’étudiants de licence et de master.

Par ailleurs, il convient de souligner que cette étude se base sur une méthode d’analyse mixte (quantitative et qualitative). L’analyse quantitative est purement descriptive (univariée et bivariée). Elle est étayée par quelques verbatims des étudiants issus d’un traitement qualitatif des questions ouvertes.

Résultats et discussion

Cette partie propose une analyse contextualisée des différentes pratiques d’enseignement à distance évoquées par les étudiants. Après avoir décrit la situation de continuité ou de discontinuité pédagogique, nous présentons les forces et les contraintes des pratiques d’enseignement à distance répertoriées à l’UP du point de vue des étudiants.

Diversité des situations pédagogiques

Le tableau 1 présente la diversité des situations pédagogiques telles que perçues par les étudiants de l’UP depuis sa fermeture le 31 mars 2020 jusqu’à la fin du mois de mai.

Tableau 1

Diversité des situations pédagogiques

Diversité des situations pédagogiques

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Le tableau ci-dessus montre que plus de 58 % des étudiants de l’échantillon ont déclaré avoir arrêté de suivre les cours dès le 31 mars avant de les reprendre à distance. Environ 5 % ont arrêté progressivement les cours en présence, sans continuité pédagogique par la suite. Enfin, 37 % ont déclaré avoir arrêté de suivre les cours dès le 31 mars avant de les reprendre en présence.

Pratiques d’enseignement à distance

Les pratiques pédagogiques sont considérées non seulement comme un moyen d’acquisition des compétences pédagogiques, mais aussi comme une possibilité offerte aux étudiants de maintenir un lien avec les équipes pédagogiques (enseignant, personnels administratifs) pendant la période de confinement. Diverses pratiques d’enseignement à distance ont été mises en oeuvre au sein de l’UP. Le tableau 2 montre bien que plus de 32 % des étudiants enquêtés ignorent l’existence d’une quelconque pratique d’enseignement à distance mise en oeuvre à l’UP. Cela révèle donc le manque d’information chez les étudiants sur l’existence et la mise en oeuvre des politiques pour la continuité des cours en cette période de COVID‑19.

Tableau 2

Connaissance des pratiques pédagogiques basées sur les cours à distance mises en oeuvre à l’Université de Parakou en période de confinement imposé par la COVID‑19

Connaissance des pratiques pédagogiques basées sur les cours à distance mises en oeuvre à l’Université de Parakou en période de confinement imposé par la COVID‑19

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Parmi les étudiants enquêtés, 68 % (28) ont une connaissance des pratiques pédagogiques d’enseignement à distance mises en oeuvre au sein de l’UP.

Comme on peut le voir au tableau 3, l’apprentissage synchrone avec Zoom est majoritairement évoqué par les étudiants. Cette pratique est suivie de l’envoi des vidéos de cours par courriel aux étudiants ou dans des forums WhatsApp, des publications des notes de cours sur le site Web de l’UP et de l’envoi des notes de cours par courriel.

Tableau 3

Pratiques pédagogiques d’enseignement à distance utilisées à l’Université de Parakou dans le but de poursuivre les cours au temps du confinement (N = 28)

Pratiques pédagogiques d’enseignement à distance utilisées à l’Université de Parakou dans le but de poursuivre les cours au temps du confinement (N = 28)

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À ce propos, un étudiant qui a bénéficié de ces pratiques pédagogiques au sein de son établissement précise : « L’enseignant fait le cours par vidéoconférence, puis il envoie la version numérique soit sur le site Web de l’UP, soit sur le forum WhatsApp des étudiants de la classe. »

L’analyse croisée de l’utilisation de ces pratiques pédagogiques avec l’entité de l’étudiant affiche une grande disparité suivant les facultés et les écoles. La pratique d’apprentissage synchrone avec Zoom est essentiellement adoptée par la FM, la FLASH et l’ENSPD. Cette dernière, sans être parmi les entités ayant un effectif étudiant de plus de 50 par groupe pédagogique, avait déjà mis en oeuvre une formule de cours à distance en mode synchrone pour quelques cours avant même la mise en place de la plateforme gouvernementale. Selon l’avis des étudiants enquêtés, la plupart des autres entités se sont surtout contentées d’envoyer des notes de cours aux étudiants ou de publier certaines notes de cours sur le site Web de l’UP. Il semble y avoir, selon les étudiants, une évolution plus lente ou inexistante de ces autres entités vers la formation à distance en mode synchrone.

Or, l’apprentissage synchrone offre l’avantage aux étudiants, s’il est enregistré, de pouvoir suivre plus tard la séance de cours afin de mieux assimiler les notions enseignées. Cependant, même dans le cas où les étudiants suivent des cours en ligne en mode synchrone, il semble selon eux que les enregistrements ne sont pas effectués ou, la plupart du temps, envoyés aux étudiants.

Le tableau 4 nous permet de dire que plus de 72 % des étudiants ayant bénéficié de la pratique d’enseignement synchrone n’ont jamais reçu l’enregistrement des séances de cours. Seulement 17 % ont déclaré avoir reçu chaque fois les enregistrements par courriel, sur le site Web de l’Université ou dans les forums WhatsApp de discussion.

Tableau 4

Réception des enregistrements des séances de cours

Réception des enregistrements des séances de cours

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Appréciation des pratiques pédagogiques d’enseignement à distance

La quasi-totalité des étudiants qui ont bénéficié des pratiques d’enseignement à distance ont apprécié la plateforme mise en place par le gouvernement et sont relativement satisfaits. L’utilisation de ces pratiques a favorisé des compétences à des degrés divers. Selon le point de vue des étudiants interrogés (tableau 5), les pratiques pédagogiques d’enseignement à distance adoptées par l’UP ont principalement favorisé la démocratisation de l’apprentissage, l’approfondissement des notions/connaissances acquises et le maintien d’une forme d’interaction entre les enseignants et les étudiants.

Par ailleurs, d’autres étudiants se plaignent du plan d’organisation des séances de cours. Un des étudiants de la Faculté de médecine déclare : « Nous faisons près de 30 heures de cours en vidéoconférence par semaine. Ça me fatigue. » Pour les étudiants, l’appropriation de cette technologie avec laquelle ils n’étaient pas familiarisés dans un temps relativement restreint demande beaucoup d’efforts.

Tableau 5

Compétences favorisées par les pratiques pédagogiques à distance, selon les étudiants (N = 28)

Compétences favorisées par les pratiques pédagogiques à distance, selon les étudiants (N = 28)

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Il faut dire que les différentes insuffisances soulevées ne sont guère étonnantes. En effet, le passage des cours en présence aux cours à distance s’est effectué de façon relativement brutale face à l’urgence. Ni le ministère de l’Enseignement supérieur ni l’Université de Parakou ne disposent d’un plan de continuité pédagogique. Il a donc fallu bricoler dans l’urgence pour proposer des solutions qui révèlent maintenant les insuffisances de ces cours. La grande majorité des enseignants n’ont jamais reçu de formation, ni sur l’encadrement à distance des étudiants, ni sur la scénarisation des enseignements pour un cours en ligne, ni sur la transformation et la médiatisation à distance d’un cours auparavant en présence. Il s’en suit donc que la plateforme Web proposée, même si elle permet de maintenir le lien éducatif, n’est pas véritablement une plateforme pédagogique puisqu’elle n’intègre aucune possibilité de scénarisation pour rendre l’expérience d’apprentissage intéressante et évolutive pour l’étudiant. Il s’agit plutôt d’une plateforme de dépôt de notes de cours que les étudiants téléchargent par la suite pour les lire et préparer la rencontre synchrone. La plupart des étudiants ont mentionné la difficulté à comprendre certains cours de 20 heures donnés en présence qui ont été délivrés en moins de 3 heures à distance. La majorité des étudiants et étudiantes n’ont jamais été formés pour l’apprentissage en ligne.

Les étudiants et les enseignants se retrouvaient alors face à des pratiques d’enseignement auxquelles ils ne s’habituaient pas. En effet, jusque-là, il y avait une faible intégration des TIC dans les universités béninoises. Malgré le manque de maîtrise de ces pratiques, ni les enseignants ni les étudiants n’ont été formés en ce sens. Or une bonne utilisation de ces pratiques offre des possibilités intéressantes de poursuivre les activités scolaires même en étant confinés.

Besoins des étudiants et étudiantes pour mieux s’approprier la plateforme de cours en ligne et les outils requis pour les cours à distance

Le tableau 6 présente les besoins exprimés par les étudiants en vue d’une bonne maîtrise des nouvelles pratiques mises en place pour la continuité pédagogique en période de COVID‑19. D’après ce tableau, les nouvelles pratiques pédagogiques mises en place n’ont pas été inclusives. En effet, ce ne sont pas tous les étudiants qui en ont bénéficié. Parmi ceux qui ont pu y avoir recours, certains ont du mal à se familiariser avec elles. Ils réclament donc de l’aide pour pouvoir mieux s’approprier ces outils d’apprentissage. Pratiquement tous les étudiants enquêtés (96%) ont déclaré que les outils numériques (ordinateurs, tablettes, téléphones intelligents…) sont indispensables pour la mise en oeuvre de cette politique de continuité pédagogique. De plus, 64% estiment que les ressources numériques sont aussi indispensables.

Tableau 6

Expression des besoins des étudiants et étudiantes sur la maîtrise des nouvelles pratiques pédagogiques mises en place

Expression des besoins des étudiants et étudiantes sur la maîtrise des nouvelles pratiques pédagogiques mises en place

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Synthèse et perspectives

En adéquation avec les objectifs de la présente étude, les analyses quantitatives et qualitatives des données recueillies nous ont permis de rendre compte des difficultés et du point de vue des étudiants par rapport aux pratiques d’enseignement à distance adoptées à l’Université de Parakou.

Face à la crise sanitaire actuelle, les autorités béninoises responsables de l’éducation, à l’instar de beaucoup d’autres pays touchés par la COVID‑19, ont mis en place une stratégie de continuité pédagogique. Le numérique qui était et reste à l’étape embryonnaire est vite perçu comme la solution idéale à laquelle il faudra recourir. Pour ce qui est de l’enseignement supérieur, le ministère de tutelle a mis en place une plateforme de cours en ligne. Cette plateforme est en lien avec les sites Web des universités du Bénin, dont l’UP. Elle permet aux enseignants de mettre à la disposition des étudiants des contenus de cours (documents, vidéos). À l’aide de l’application Zoom (offerte gratuitement pendant la période), les enseignants ont la possibilité d’animer des séances de cours en synchrone.

Bien que cette décision apparaisse nécessaire à cette période, nous notons principalement à travers les perceptions des étudiants trois limites à la mise en oeuvre des pratiques de continuité pédagogique.

La première limite a trait au manque de connaissance des pratiques de continuité pédagogique mises en oeuvre au sein de l’UP. En effet, selon nos résultats, près de 23 % des étudiants interviewés, une proportion non négligeable, n’ont pas connaissance de cette mise en oeuvre. Cette statistique souligne le manque de communication autour de ces pratiques d’enseignement à distance.

La seconde limite perçue par les étudiants interviewés concerne l’insuffisance, en quantité et en qualité, des ressources numériques conformes aux réalités locales. La plupart des études attribuent les lacunes de la formation à distance au manque d’équipement technologique (Caron et al., 2020 ; Freund, 2016 ; Mastafi, 2014). À cet effet, le faible taux de possession d’un ordinateur s’ajoute à la cherté et à la faible qualité de la connexion Internet au Bénin pour influencer l’accessibilité à la formation à distance. Selon Karsenti et Collin (2011), le principal frein à la formation à distance en Afrique est l’accès à la connexion. On ne s’étonne alors guère de la faible couverture des pratiques de continuité pédagogique. Plus de 80 % des étudiants estiment que tous les étudiants n’ont pas pu bénéficier des cours à distance.

Par ailleurs, les étudiants pointent du doigt l’inefficacité des méthodes d’enseignement à distance. Pour les étudiants, les contenus des cours synchrones sur la plateforme sont condensés, moins explicites, avec un temps d’assimilation relativement faible. Il semble donc que la démarche de continuité pédagogique en place doit être complètement repensée en apportant entre autres plus d’accompagnement et de formation aussi bien aux enseignants qu’aux étudiants. Au demeurant, le numérique n’est pas une panacée en éducation, il ne remplace pas l’enseignant, mais reste un outil capable de soutenir le travail d’apprentissage et/ou d’approfondissement des connaissances.

Conclusion

Le présent article a pour objectif d’analyser la perception des étudiants par rapport aux pratiques d’enseignement à distance adoptées à l’Université de Parakou.

Bien entendu, les analyses faites à partir de ces données collectées auprès de 41 étudiants volontaires ne permettent pas de procéder à une généralisation. Néanmoins, elles permettent d’explorer le sujet et d’attirer l’attention sur un certain nombre de points à améliorer dans le but de mieux intégrer les TIC à l’enseignement et de valoriser les acquis et les connaissances en matière de cours en ligne.

L’UP a adopté comme pratiques d’enseignement à distance : l’enseignement synchrone avec Zoom, la publication des notes de cours sur une page Web, l’envoi des notes de cours par courriel ou dans des groupes WhatsApp. L’analyse des perceptions des étudiants suggère que ces pratiques visent à assurer la continuité pédagogique afin de préserver autant que possible l’acquisition des connaissances et des compétences par les étudiants. Ces pratiques ont aussi pour objectif de maintenir un lien entre les étudiants et les enseignants. Toutefois, on note un manque de communication des informations nécessaires autour de ces pratiques ainsi qu’un déficit de formation et d’accompagnement des enseignants et des étudiants pour une bonne maîtrise des outils requis dans le cadre des cours en ligne. Un nombre important d’étudiants ignorent l’existence de ces pratiques pédagogiques à l’UP.

Par ailleurs, les étudiants qui bénéficient de ces pratiques sont principalement confrontés aux contraintes liées à la connexion Internet, à l’accès aux outils informatiques et à la formation sur l’utilisation des plateformes. Ils réclament également du temps et une rétroaction afin de s’approprier correctement les notions de cours étudiées. L’enseignement à distance doit être établi sur l’autonomie et la motivation des étudiants dans l’apprentissage pour la réussite de ces derniers (Freund, 2016 ; Landry et al., 2005 ; Melançon et al., 2013). Il serait sans doute adéquat de permettre à l’étudiant de s’approprier les notes de cours sur une période plus longue. Il s’agirait de diminuer un peu le temps des vidéoconférences et donc d’augmenter le niveau d’autonomisation des étudiants en améliorant la plateforme pour qu’elle permette de faire de la scénarisation évolutive de contenu.

Il serait également intéressant de penser à élaborer un plan de continuité pédagogique en contexte de catastrophe, à développer la formation des enseignants et des étudiants en technopédagogie, à instaurer un dispositif d’enseignement hybride prenant en compte les besoins en ressources humaines en technopédagogie, mais aussi en accompagnement et en formation des enseignants et des étudiants, puis à améliorer significativement la plateforme de cours en ligne.