Comptes rendus

Alain Dubuc, George Erasmus, John Saul (dirs), Dialogues sur la démocratie au Canada, Conférences Baldwin-La Fontaine, Montréal, Boréal, 2003, 165 p.[Notice]

  • Stéphane Kelly

Ce livre réunit trois conférences (ainsi que des échanges) tenues sous les auspices de la Fondation La Fontaine-Baldwin. Les conférenciers sont des personnages publics connus et respectés dans les milieux politiques canadiens. Le titre de la plaquette est ambitieux. Le thème retenu, la démocratie, est hélas abordé superficiellement. L’idée derrière le livre est néanmoins intéressante. Peut-être inspirera-t-elle dans le futur d’autres entreprises similaires. Le dialogue est un exercice à la mode en cette époque qui se dit citoyenne. Dans une préface nuancée, André Pratte résume les trois impératifs soulevés par les conférenciers pour renforcer la démocratie canadienne : 1) désuniformisation de la culture politique ; 2) décentralisation des structures ; 3) décrispation du débat public. Pratte déplore que les politiciens n’assurent plus de leadership politique, préférant se faire les porte-voix des fonctionnaires ou du Bureau du Premier ministre : « Ils passent bien plus de temps à des soupers spaghetti qu’à préparer leur travail législatif » (p. 12). La crispation du débat public mine selon lui l’idée du Canada. Cette dernière considère le débat et le compromis comme des vertus. Les trois conférences sont introduites par un texte de Rudyard Griffiths, qui propose une lecture idéaliste de la création du régime de 1867. Les pères fondateurs, selon lui, n’étaient ni des opportunistes ni des coquins, mais des hommes épris d’une grande vision politique. Il s’agit moins d’une question de faits historiques que de santé nationale : « cette idée reçue voulant que l’opportunisme et l’intérêt personnel aient défini l’évolution du Canada dans son passage de l’état d’oligarchie coloniale à celui de communauté démocratique est néfaste pour notre mémoire collective ainsi que pour le discours civique actuel » (p. 22). Les passages sur les années 1840 sont irrecevables. D’abord, il n’y avait pas de mouvement sécessionniste au Bas-Canada durant cette décennie. Ensuite, les réformistes n’étaient pas tous derrière La Fontaine. Enfin, ce dernier n’était pas opposé au patronage. Il voulait plutôt l’enlever des mains du gouverneur pour le concentrer dans les mains du Premier ministre. Tout au long du livre, Griffiths s’avère un piètre animateur intellectuel. En interpellant constamment Saul par l’expression « votre excellence », il nous rappelle que la démocratie canadienne est restée nostalgique du lustre impérial d’autrefois. La conférence de John Saul est aussi décevante. Selon lui, la démocratie canadienne devrait se nourrir à la mémoire collective. L’événement central de l’histoire canadienne serait l’alliance Baldwin-La Fontaine, qui a mené au triomphe du gouvernement responsable. Cette thèse, déjà énoncée dans Les frères siamois, est cependant nuancée. Depuis la publication de ce livre, Saul semble s’être aperçu que le gouvernement responsable ne date pas au Canada de 1848 mais de 1847… C’est pourquoi Saul s’attarde aux idées de Joseph Howe. À ses yeux, 1847 était le préambule de 1867. Un préambule qui inspira l’esprit de conciliation et le sens de la complexité… Saul passe trop rapidement sur les objections de Howe à l’égard du projet de Cartier et Macdonald. N’était-il pas le chef de file du mouvement d’opposition à la Grande Coalition en Nouvelle-Écosse ? Autre passage surprenant : Saul fait un éloge vibrant de l’attitude du gouvernement Baldwin-La Fontaine lors de l’incendie du parlement de 1849. En refusant d’exercer une répression à l’égard des incendiaires (l’oligarchie coloniale anglo-montréalaise), il aurait fait preuve de sagesse. La douceur et la clémence des autorités seraient les valeurs cardinales du modèle canadien de gestion des crises politiques. On sait pourtant que les Métis (en 1869) et les Québécois (en 1917) n’ont pas goûté à la même médecine. Néanmoins, le point de vue de Saul n’est pas dépourvu d’intérêt. Les liens qu’il …