Corps de l’article

Il faut noter que le titre aurait dû être : Être chercheur en France. Cet ouvrage (204 pages) d’analyse et de réflexion s’appuie sur des données issues de trois recherches réalisées au début du XXIe siècle qui couvrent l’état de la recherche en France, telle qu’elle était au tournant du XXe dans le cadre législatif français. Il comporte cinq chapitres.

Le premier traite du contexte de la recherche et s’appuie essentiellement sur différents rapports officiels et sur les cadres légaux qui définissent et balisent, en France, l’activité de recherche dans les universités. À partir d’indicateurs, on y voit que les prescriptions sont décalées par rapport à la réalité locale et nationale et, surtout, par rapport au contexte international. Le deuxième chapitre porte sur la place de la recherche en France, avec les différentes significations et les différentes réalités qu’elle recouvre ; d’abord, d’un point de vue historique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ; ensuite, à partir de l’investissement que l’État lui accorde. Le troisième chapitre présente les représentations du métier de chercheur en confrontant deux situations : celle de l’enseignant – chercheur universitaire et celle du chercheur en milieu industriel. Le point de vue des étudiants de maîtrise, du public et des élus y est rapporté. Le quatrième chapitre porte sur la formation des chercheurs et leur insertion professionnelle. Les auteurs attirent l’attention sur un problème important : étant donné qu’un petit nombre de docteurs trouveront un emploi dans la recherche universitaire, leur formation trop pointue et leur réseau essentiellement académique leur permettront-ils de faire reconnaître leurs compétences dans le privé ? Le cinquième chapitre traite des collaborations entre la recherche publique et l’entreprise privée. D’une manière générale, leur cadre d’analyse revient aux dispositifs légaux typiques de la situation française ; ils notent que c’est au niveau des collaborations que la rupture des deux univers se maintient.

Pour le lecteur non français qui s’intéresse au métier de chercheur, seuls les chapitres 3 et 4 paraîtront intéressants. J’espérais un éclairage plus approfondi du métier de chercheur au chapitre 3, et ma déception tient au mode de collecte des données sur lesquelles les auteurs se basent : les représentations issues des discours sur le métier. On peut aussi regretter un manque de finesse en ne distinguant pas les différentes disciplines. Le chapitre quatre est celui qui suscite le plus de réflexions. En filigrane, c’est le rapport entre les modes de développement des connaissances et leurs critères de validité qui est posé. La validation de la connaissance scientifique par les pairs n’est-elle pas une validation en vase clos qui échappe trop souvent à l’exigence d’une valorisation par son utilisation sociale et économique ? Le chômage des docteurs et le manque de financement de la recherche par les états ne vont-ils pas forcer les chercheurs à revisiter leur conception de la recherche, ses modes de production et ses critères d’évaluation ? Cela implique que soient modifiées les modalités de reconnaissance et de promotion du travail des chercheurs.