Corps de l’article
Au mois de mars dernier, un vaste mouvement de protestation a enflammé le Québec et a pris le nom de « Printemps érable », en référence aux événements ayant secoué le monde arabe dès décembre 2010. Dans un petit livre de moins de cent pages, Pierre-Luc Brisson rapporte que, si le point de départ a été les revendications étudiantes, rapidement plusieurs autres sujets controversés au Québec se sont ajoutés en cours de route comme l’exploitation du gaz de schiste, la possible corruption dans le domaine de la construction, le Plan Nord, etc. Devant l’ampleur des manifestations, le gouvernement libéral a adopté le projet de loi spéciale 78 qui restreint la liberté de manifester de la population.
D’après Brisson, le Printemps érable, véritable mouvement de remise en question collective, découle d’une crise de confiance envers le gouvernement ainsi qu’envers l’ensemble de la classe politique. L’auteur nous convie à réfléchir sur nos institutions démocratiques et sur leur fonctionnement. À cette fin, il nous propose différents moyens : assouplissement de la ligne de parti afin que chaque député puisse s’exprimer librement ; financement des partis entièrement public selon les voix recueillies ; référendums d’initiative citoyenne ; réforme du système électoral ; investissement de l’État dans les médias afin de les soustraire aux pressions de l’élite bourgeoise et du monde des affaires ; institutionnalisation des états généraux pour appuyer la gouvernance ; révision du financement des universités ; etc.
Si ce livre résume très bien les événements du printemps 2012, l’auteur fait mention du clivage générationnel sans rien proposer pour rapprocher les parties ; un peu comme si cette division était inéluctable. Il fait l’éloge de la capacité de mobilisation des jeunes ainsi que leur vision du fonctionnement démocratique d’une société, en omettant cependant de préciser que dans plusieurs endroits du monde, le changement social tire souvent son origine des manifestations étudiantes. Une réflexion plus holistique, comparative et fondée sur l’histoire des mouvements étudiants au Québec et ailleurs dans le monde aurait été appréciée et aurait étoffé les propos de l’auteur. Enfin, quand Brisson écrit qu’une certaine remise en question du modèle néolibéral est en cours actuellement, au point de faire passer la question nationale au second rang parmi les préoccupations citoyennes des Québécois, juste après le combat idéologique entre la gauche et la droite, nous ne partageons pas son analyse. La critique du néolibéralisme est un phénomène qui date de peu au Québec, et elle ne saurait supplanter aussi rapidement une question qui agite la scène politique québécoise depuis plus d’un siècle. Ici, les propos de l’auteur nous paraissent davantage prophétiques que le reflet de la réalité vécue au printemps 2012.
Brisson a cependant raison de nous rappeler qu’au printemps 2012, le Québec a été le théâtre d’un important mouvement de mobilisation citoyenne. Son livre invite la population québécoise à exercer consciencieusement sa citoyenneté. Pour terminer, nous partageons l’idée de l’auteur quand il affirme que seul le débat permet la naissance de nouvelles idées et que le consensus représente un horizon dont on doit se méfier. En fait, tout consensus ne devrait être qu’éphémère, puisque le monde social demeure toujours en perpétuel changement.