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La place de l’enseignement des religions à l’école varie beaucoup selon les pays, et à l’intérieur de chacun, selon les juridictions et les systèmes scolaires. Malgré ces différences qui relèvent à la fois de grandes traditions politiques et de conceptions diverses de la laïcité, il demeure possible et pertinent de proposer des comparaisons entre des situations qui ont au moins quelques points en commun. C’est le cas des exemples qui sont étudiés dans les études rassemblées dans le présent ouvrage collectif : la France, la Belgique, l’Irlande, l’Écosse et le Royaume-Uni, le Québec et les États-Unis. Les responsables de cet ouvrage, qui résulte d’un colloque tenu en France en 2007, ont privilégié les situations dans lesquelles des débats importants ont permis de mettre à jour les grands enjeux liés à la place de la religion dans les programmes scolaires.

Le contexte général qui se dégage de ces analyses est celui d’une évolution très différenciée de la laïcité scolaire dans chacun des pays considérés : qu’il s’agisse du rôle de l’État, qu’il s’agisse encore de l’influence des Églises, chaque situation révèle l’existence de tensions dont l’école devient, volens nolens, le champ de bataille. L’exclusion du « religieux » hors de la sphère scolaire apparaît souvent comme la condition de la « paix scolaire », mais cette manière de formuler l’enjeu n’est guère fidèle à l’ensemble des situations. Dans plusieurs sociétés en effet, le modèle républicain d’une laïcité exclusive, principalement élaboré en France, considère une telle exclusion comme son principe fondateur et les sociétés qui, comme l’Allemagne ou les pays scandinaves, maintiennent un enseignement religieux confessionnel modulé selon la demande des communautés, présentent un modèle entièrement différent.

En plus de l’étude de ces situations scolaires diversifiées, la réflexion doit également se porter vers les questions de liberté de conscience et d’accommodement qui témoignent, elles aussi, d’une diversité considérable. Ce ne sont pas seulement les politiques d’éducation qui sollicitent les analystes, mais aussi l’ensemble des problèmes résultant du croisement de l’enseignement des religions ou du fait religieux avec celles qui proviennent des préoccupations croissantes pour l’enseignement moral et la formation citoyenne. Dans le présent ouvrage, les études sont regroupées historiquement et thématiquement en quatre grandes sections : De la prééminence catholique au pluralisme religieux, De l’enseignement de la religion à celui du fait religieux, L’idéologie en cause et Processus de laïcisation et de sécularisation. Cette organisation des matières est sans doute celle qui permettait le mieux de nourrir la visée comparatiste de l’ouvrage, mais la présence d’études portant sur des points particuliers ne permet pas aux auteurs de parvenir à des conclusions très précises sur la nature des évolutions en cours sur chacun de ces registres. Les responsables de l’ouvrage sont bien conscients de ces limites. Chaque situation nationale relève à la fois d’une histoire particulière des relations de l’État et des religions, d’une tradition idéologique relative à la laïcité et de politiques publiques concrètes affectant tous les niveaux du système scolaire. Aucune comparaison ne saurait rendre compte de la complexité de tous ces niveaux. Ce livre permet néanmoins d’esquisser quelques constats qui pourraient faire l’objet de travaux à venir.