Corps de l’article

1. Introduction et problématique

Dans l’idée d’alimenter la construction d’un système conceptuel pour accéder et analyser la pratique enseignante, notre contribution vise à lever le voile sur les diverses possibilités de définitions, d’usages et d’ancrages épistémologiques entourant le concept d’intervention éducative. Déjà, notons que le concept d’intervention est employé à divers escients dans la littérature. D’ailleurs, dans les écrits francophones, les possibilités de sens et d’usage de ce concept ont déjà été recensées par Nélisse (1997), au sein d’une centaine de textes majoritairement québécois, et par Couturier (2001), dans les écrits scientifiques de langue française ou traduits incluant aussi les écrits utilisés dans les communautés techniques québécoises provenant des champs disciplinaires des soins infirmiers et du travail social. Ces auteurs ont remarqué que le concept d’intervention est polysémique et polyphonique et que, bien qu’il soit fréquemment utilisé dans les écrits scientifiques, ses définitions empiriques sont plutôt rares. Toutefois, l’approfondissement des écrits anglophones apporterait peut-être un nouvel éclairage à ces conclusions.

De plus, dans le champ des sciences de l’éducation, ce concept d’intervention figure dans les écrits sous une terminologie qui inclut un qualificatif rappelant le champ disciplinaire : l’intervention éducative. Selon Pirès (1997), cet ajout lié à la discipline peut influencer la façon de décrire et d’expliquer. En effet, si chaque discipline construit des conceptions en séparant certains aspects de la réalité sociale (Pirès 1997), certaines variations propres aux sciences de l’éducation pourraient être envisageables lorsqu’il est question du sens et de l’usage de ce concept qui fusionne deux termes. Afin de poursuivre la construction de cet objet scientifique, il est pertinent de tenter d’élucider les variations de sens et la portée de ce concept (Nélisse, 1997) : quels sens l’intervention éducative prend-il dans les écrits scientifiques et quels en sont ses usages ?

En plus des possibles nuances de sens et d’usages associées au champ disciplinaire, une préconstruction sociale induit la manière de voir et de concevoir et peut donc faire obstacle à la manière d’appréhender une réalité (Pirès, 1997). Ainsi, il est important de s’attarder aux postures épistémologiques des auteurs : sur quels ancrages épistémologiques reposent les auteurs lorsqu’ils réfèrent à l’intervention éducative ?

Certes, considérant la complexité et la singularité des actions de l’enseignant, proposer une modélisation de cette pratique relève du défi (Bressoux, 2001). Lever le voile sur les différentes possibilités de conceptualisation de l’intervention éducative permet d’amener un éclairage favorisant l’appréhension de cette pratique. Pour ce faire, une recension des écrits scientifiques a été effectuée. D’abord, nous effectuons un éclaircissement conceptuel de l’intervention éducative. Puis, nous situons l’étude de l’intervention éducative sous divers positionnements épistémologiques avant de présenter la méthodologie associée à cette recension. Enfin, nous tentons d’amener un éclairage d’ordre épistémologique quant à l’usage du concept d’intervention éducative tel qu’utilisé dans les articles scientifiques.

2. Cadre conceptuel

Des écrits portant sur l’intervention éducative ont été repérés grâce aux moteurs de recherche d’une bibliothèque universitaire, de Google Scholars, d’Érudit et d’Eric. Puis, les bibliographies de ces écrits ont été consultées. Voyons d’abord ce que les auteurs francophones ont écrit en tentant de définir ou de conceptualiser l’intervention éducative, ou encore l’usage qui en est fait dans le cadre d’une recension des écrits. Ensuite, approfondissons les usages que trois recensions des écrits anglophones font de l’intervention éducative.

2.1 Dans les écrits francophones

La définition proposée par Nélisse (1997) porte sur l’intervention comme étant une catégorie générale synthétique qui regroupe des façons de penser et de faire. Pour Couturier (2001), l’intervention est aussi une catégorie qui témoigne des transformations et des rationalisations du faire dans les métiers relationnels. Cette référence au faire se rapporte plutôt à la praxis dans les écrits de Laferrière (1993) lorsqu’il traite comme tel du duo terminologique qui forme le concept d’interventionéducative. Il définit cette praxis qui viserait la production d’une action efficace dans l’immédiat communicationnel comme un produit découlant du jugement pratique, jugement considérant les contraintes associées à une situation et les anticipations du déroulement de l’action (Laferrière, 1993,). Afin de saisir cette pratique, soit cette médiation de l’enseignant entre finalités, processus et opérations d’enseignement (Lenoir, Larose, Deaudelin, Kalubi et Roy, 2002), Lenoir (2009, 2014), qui travaille sur ce concept depuis les années quatre-vingt-dix (Larose, Couturier, Bédard, Larivée, Boulanger et Terrisse, 2013), conceptualise ce faire en portant attention à la signification de l’action. D’ailleurs, Lenoir (2009) définit l’intervention éducative comme un processus interactif constitué d’ensemble d’actes et de discours situés temporellement, spatialement et socialement. Il souligne le caractère singulier, complexe, finalisé, motivé et légitime de l’intervention éducative qui vise à favoriser la mise en oeuvre du processus d’apprentissage des élèves. Inspiré de Not (cité dans Lenoir, 2014), Lenoir (2014) recourt au paradigme de la complexité de Morin, aux réseaux dialectiques des rapports socioculturels de Vygotski, à l’habitus de Bourdieu et à l’intentionnalité de Hegel pour construire son modèle. Selon cette proposition, dans sa pratique, l’humain se construit de façon collective, et ce, en opposition à la proposition individualisante d’autres formes de constructivisme. Suivant les propos de Gergen (2001), un ancrage constructionniste est alimenté par le rapport à l’autre situé dans une temporalité et un espace et insiste sur le construit social, culturel et historique sous-jacent aux processus cognitifs. Puisqu’il considère que la praxis change non seulement les objets, mais aussi la conscience de soi, l’intervention éducative est porteuse d’une vision émancipatoire. De plus, au sein du processus de l’enseignement et de l’apprentissage, ne voulant pas exclure les influences contextuelles, sociales, culturelles et politiques, le rapport enseignant-élève-savoir est présenté tel étant le résultat d’une médiation. La clé de l’intervention éducative demeure la double médiation. En effet, Lenoir propose que la situation relève, de un, des processus d’apprentissage des élèves à travers la médiation cognitive qui fait appel aux rapports d’objectivation au savoir, et, de deux, du rapport entre l’enseignant et la pratique à travers une médiation pédagogicodidactique.

Vincent et Lefrançois (2013) recourent à l’intervention éducative dans leur étude qui tente de clarifier les définitions associées aux méthodes déductives et inductives et de comparer les effets de ces méthodes sur l’acquisition des savoirs. Ils effectuent une recension des écrits de 1995 à 2013 et concluent qu’il n’y a pas une méthode plus efficace. En liant ce concept à la théorie de l’acquisition des savoirs, Vincent et Lefrançois (2013) conçoivent l’intervention éducative comme le choix d’une méthode pédagogique analysée sous l’angle de l’efficacité dans le domaine de la didactique et de la grammaire. En quelque sorte, cette façon d’organiser l’activité pédagogique afin que les élèves apprennent mieux relève du choix de la méthode.

2.2 Dans les écrits anglophones

Deux tendances usuelles de l’intervention éducative se dégagent des recensions de Harrison, Thompson et Vannest (2009), de Koutsoklenis et Theodoridou (2012) et de Bal et Trainor (2016). Les deux premières recensions utilisent l’intervention éducative pour qualifier l’action d’un professionnel. Plus en détail, les auteurs américains Harrison et coll. (2009) présentent différents points de vue sur les interventions éducatives ciblant le rendement scolaire des élèves ayant un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité en effectuant une recension des écrits compréhensive. Pour ce faire, ces chercheurs, provenant du domaine de la psychoéducation, ont analysé des rapports statistiques, pratiques et cliniques afin d’en cerner l’efficacité par rapport au besoin des éducateurs qui doivent choisir les interventions éducatives. Les auteurs concluent que les recherches qui communiquent leurs résultats en mettant l’accent sur les effets et sur la reproductibilité de l’étude offrent davantage la possibilité de choisir l’intervention éducative appropriée. L’intervention éducative n’y est pas définie, mais elle est utilisée telle une mise en action devant être efficace et devant suivre certaines recommandations.

Aussi, Koutsoklenis et Theodoridou (2012) font une recension des écrits portant sur les interventions éducatives suggérées pour agir auprès d’élèves ayant le syndrome de Gilles de la Tourette. Leur intérêt porte sur le rôle de l’école, sur les difficultés d’apprentissage de cette clientèle et sur les répercussions qu’ont les tics de ces élèves dans leur parcours scolaire. Leur recension traite aussi du rôle important des parents et des enseignants et des possibilités de traitements pharmaceutiques. L’intervention éducative n’y est pas définie, mais est comparée dans leurs écrits à un traitement comportemental ou encore, dans un autre extrait, à une stratégie comportementale.

Suivant une autre tendance usuelle, Bal et Trainor (2016) réfèrent à l’intervention éducative comme étant une variable au sein d’une recherche dans une visée émancipatoire et construite. Après avoir recensé les écrits scientifiques de trois moteurs de recherche sur une période s’échelonnant des années 2000 à 2010, ces auteurs ont exploré la sensibilité avec laquelle les recherches expérimentales abordent le concept de culture au sein des études traitant de l’intervention éducative. Puis, découlant de leur analyse, ils proposent un outil conceptuel. Cet outil vise à augmenter la réflexivité des chercheurs qui choisiraient cette approche méthodologique. À la suite de leur lecture, les auteurs concluent qu’une vision béhavioriste individualisante domine encore les études sous le paradigme expérimental et, conséquemment, la pensée des chercheurs. Toutefois, selon eux, l’axe culturel de l’intervention éducative devrait être abordé sous une épistémologie plus constructiviste portant davantage attention aux facteurs situés et dynamiques présents au sein des interactions et des contextes sociaux, historiques et spatiaux. L’intervention éducative ferait place à une pratique culturelle permettant la négociation et l’adaptation. L’intervention y est définie tel un processus de transformation en cours, influencé par les conditions externes, par l’organisation interne et par les dynamiques politiques (Long, 2001).

Bref, dans les écrits francophones, l’intervention éducative est utilisée à titre d’action professionnelle et définie comme une catégorie ou encore conceptualisée en référant à une double médiation. Dans les écrits anglophones, les auteurs des recensions des écrits recourent à deux usages différents de l’intervention éducative et mettent ainsi en évidence sa disparité usuelle : telle une variable dans un devis de recherche ou telle une action posée par un professionnel.

3. Cadre théorique

Afin d’approfondir les possibilités d’ancrage épistémologiques de l’intervention éducative, trois modèles types comportant plusieurs variantes internes et plusieurs formes d’agencements entre eux servent à appréhender le monde social selon Pirès (1997). D’abord, le premier modèle valorise la neutralité et l’observation de l’extérieur. Le second valorise la neutralité et l’observation de l’intérieur. Le troisième valorise le parti pris et l’observation d’en bas. Même si l’épistémologie n’apporte pas de réponse, les modèles de pensée et les façons de réaliser les recherches instaurés par les chercheurs, soit les paradigmes dans lesquels ceux-ci s’inscrivent, révèlent des ensembles de conceptions reposant sur quatre dimensions : le rapport des données et des résultats à la réalité versus la vérité, la formulation des théories, les caractéristiques de l’instrumentation et les modalités d’exposition des résultats et de leur interprétation (Van der Maren, 2011, p. 5). Inspirons-nous de ces trois modèles de Pirès et des quatre dimensions de Van der Maren pour tenter d’approfondir l’intervention éducative.

3.1 Valorisation de l’observation de l’extérieur

Dans un courant de pensée qui correspond à ce premier modèle, les chercheurs perçoivent la réalité comme étant extérieure et la divisent en variables afin de l’étudier (Karsenti et Savoie-Zajc, 2011) Puisque l’explication de la réalité est le but de la recherche, la mise en évidence des causes de l’intervention éducative devient fondamentale. En effet, en séparant les variables indépendantes et dépendantes, ces causes se retrouvent dans une réalité découpée et les relations qui liaient deux variables de façon complexe se révèlent alors simplifiées (Mucchielli, 1996). C’est une fois le phénomène décortiqué et simplifié que la généralisation des relations entre ses variables révèle une vérité unique (Savoie-Zajc, 2013).

En ce qui a trait à la théorie, si la science cherche l’atteinte d’une vérité unique, il s’avère essentiel de construire le savoir en se basant sur des lois élaborées qui permettent l’avènement d’un ordre certain (Mucchielli, 1996). Ces lois, fruit du développement systématique de cette construction du savoir, deviennent les théories de notre monde social. D’ailleurs, Cohen, Manion et Morrison (2011) traitent de la théorie comme étant des concepts, des définitions et des propositions présentant les liens entre les variables dans le but d’expliquer et de prédire un phénomène. Les lois et les théories forment donc le corps du savoir scientifique. Ce savoir se crée grâce à l’ensemble de données observables et à leur analyse, se basant sur un raisonnement déductif (Pourtois et Desmet, 2007).

Ainsi, puisque la connaissance découle des faits réels sans référence à quelconque relation entre le sujet et l’objet, les positivistes préconisent une procédure qui cible l’exploitation de faits provenant de l’observation directe et de l’expérimentation. Seul le contenu ayant des correspondances avec des faits constatés est considéré comme valide pour l’analyse (Pourtois et Desmet, 2007). Cette analyse nécessite une méthodologie répondant aux critères précis de rigueur, d’objectivité, de quantification et de cohérence interne : les analyses statistiques et l’approche quantitative. Ces procédures strictes englobent un ensemble de techniques d’investigation, d’analyse et de mesure. Bref, l’intervention éducative ainsi étudiée demanderait l’utilisation d’une méthodologie respectant ces critères afin de formuler des lois généralisables (Mucchielli, 1996).

3.2 Valorisation de l’observation de l’intérieur

Le second modèle valorise la neutralité et l’observation de l’intérieur (Pirès, 1997). Toutefois, cette observation de l’intérieur pourrait aussi cadrer dans un positionnement subjectif du chercheur. Sans vouloir entrer dans ce débat, restons à un niveau plus général en traitant de la valorisation de l’observation de l’intérieur. Cette deuxième vision porte attention à la signification que les acteurs donnent aux constructions quotidiennes qu’ils font pour s’accommoder à leur environnement tant naturel que socioculturel (Schutz, 1987). Ainsi, considérant le phénomène dans sa globalité, le but des chercheurs interprétatifs est de comprendre (Mucchielli, 1996). Une importance primordiale est accordée à la production de connaissances qui sont des faits hétérogènes, non fragmentés en variables et il en résulte des interprétations situées culturellement, physiquement et socialement (Mucchielli, 1996). Ce faisant, le regard se pose sur la multidimensionnalité de l’action qui devient plus importante que la saisie de ses conditions.

C’est l’émergence de reconstructions qui permet, de un, l’analyse d’une réalité perçue dans sa globalité, et, de deux, la compréhension de la dynamique d’un phénomène étudié. Pour atteindre cet objectif de compréhension, ce paradigme explore les réalités coconstruites par les individus et les collectivités (Gube et Lincoln, 2005, Karsenti et Savoie-Zajc, 2011). Ce faisant, c’est par ces coconstructions, par l’accès qu’a un chercheur à l’expérience de l’autre, qu’il en comprend les dynamiques et qu’il construit des synthèses progressives qui mènent vers des synthèses finales (Mucchielli, 1996).

Considérant que les concepts des sciences du sujet sont abstraits, les critères de rigueurs ne peuvent être les mêmes que pour les adeptes des sciences de l’objet. Pour pallier cette différence, les instruments de collecte de données et d’analyse sont la création de l’humain (Mucchielli, 1996). En résumé, l’intervention éducative serait étudiée dans sa globalité en reconnaissant les intentions et les significations construites par les acteurs pour comprendre son monde social (Mucchielli, 1996) selon une instrumentation qui relèverait de la création de l’humain.

3.3 Valorisation de l’observation d’en bas

Enfin, le troisième modèle valorise le parti pris et l’observation d’en bas (Pirès, 1997). Cette vision des choses suggère que les intérêts sociaux influencent l’objectivité des sujets. En effet, les actions et conditions de vie modèlent et limitent la façon de comprendre le monde (Harding, 1987). Le biais de perception, soit l’adoption volontaire d’un regard partisan associé à la perspective dominée, devrait être identifié. C’est ainsi qu’un chercheur considèrerait que les élèves ne voient pas la même chose que l’enseignant lors de l’intervention éducative et que l’oppression pourrait être masquée ou être justifiée par l’enseignant. Pour rendre compte des formes de domination, plusieurs approches ont repris ces préoccupations en privilégiant certains aspects du premier modèle, soit le point de vue de l’extérieur, ou encore du deuxième modèle, soit le regard de l’intérieur (Pirès, 1997). Il faut donc considérer que certains chevauchements entre ces trois modèles aux frontières poreuses sont possibles et qu’il y a plusieurs nuances entre les épistémologies au sein d’un même modèle. Tout en considérant ces nuances, la recension que nous proposons apporte un peu de lumière quant aux possibilités associées à ce concept qui, découlant de la fusion de deux termes, semble avoir des contours encore flous pour certains auteurs qui y recourent pourtant dans leurs écrits.

4. Méthodologie

Voyons d’abord comment les articles ont été sélectionnés avant d’aborder les détails relatifs à l’instrumentation et à la méthode d’analyse des données.

4.1 Articles sélectionnés

Les moteurs de recherche ERIC et ÉRUDIT ont été consultés à deux reprises. Lors d’une première recherche, les mots-clés educational intervention/intervention éducative, teach*/enseign* et student ou learn/appren* devaient se trouver dans le résumé. Le mot-clé education/éducation devait se trouver dans son sujet. Seuls les articles revus par les pairs ont été traités. On y trouve 764 articles sur ERIC et trois sur ÉRUDIT qui répondent à ces premiers critères. Ensuite, seuls les articles ayant les deux termes des mots educational intervention ou intervention éducative joints été conservés. Au final, 65 articles de la base de données d’ERIC et un seul provenant d’ÉRUDIT ont été conservés.

Puisque nous cherchions aussi à comprendre l’épistémologie associée à ce concept, nous avons aussi effectué une seconde collecte. Lors de cette seconde recherche, les mots-clés educational intervention/intervention éducative devaient se trouver dans le résumé et le mot-clé epistemology/épistémologie devait se retrouver dans le texte. Encore une fois, seuls les articles revus par les pairs ont été traités. Vingt-trois articles sur ERIC et sept sur ÉRUDIT répondaient à ces premiers critères. Ensuite, seuls les articles ayant les deux termes des mots educational intervention ou intervention éducative joints ont été conservés. Seulement quatre articles ont été conservés de la base de données d’ERIC tandis que six de ceux provenant d’ÉRUDIT ont été conservés. À la suite d’une première lecture de ces 76 articles, nous n’avons conservé que ceux qui présentaient une démarche méthodologique quelconque, soit vingt-cinq articles.

Tableau 1

Articles sélectionnés

Articles sélectionnés

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4.2 Instrumentation

La grille personnalisée suivante a été complétée pour chacun des articles lors d’une deuxième lecture :

Tableau 2

Grille de collecte des données

Grille de collecte des données

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Comme le proposent Raîche et Noël-Gaudreau (2008), la grille inclut un résumé qui porte attention aux objectifs, aux méthodes et aux résultats afin de faire une synthèse détaillée des articles. Toutefois, si un de ces critères demeure imprécis, l’article est tout de même conservé étant donné que l’objectif de cette recension cible davantage la saisie des nuances associées au concept de l’intervention éducative dans l’usage courant que les auteurs scientifiques en font. Le manque d’information renseignant un des critères traitant de l’intervention éducative est aussi utile à l’analyse. Effectivement, les omissions ou les manques de précision alimentent aussi la réflexion quant à l’utilisation qu’en font les auteurs et quant aux besoins de clarification entourant ce concept.

4.3 Méthode d’analyse des données

Afin de faciliter la saisie des données dans les articles, le logiciel NVivo 11 a été utilisé. Chaque mention de l’intervention éducative a été interrogée : quel est le rapport des données et des résultats à la réalité versus la vérité, comment sont formulées les théories, quelles sont les caractéristiques de l’instrumentation et quelles sont les modalités d’exposition des résultats et de leur interprétation (Van der Maren, 2011) ?

L’approche inductive a laissé place à l’émergence catégorielle, car cette approche élabore de façon formelle son canevas de recherche en cours de collecte de données pour en faciliter l’analyse rigoureuse (Hlady Rispal, 2002, p. 51). Donc, pour chacune des catégories émergentes, un noeud était créé dans le texte. Ainsi, l’utilisation du logiciel a permis d’avoir une vision d’ensemble malgré les multiples références et les diverses nuances associées à ce concept.

5. Résultats

Les articles sélectionnés sont résumés en quelques lignes. L’accent est mis sur les définitions, les usages et les dimensions proposées par Van der Maren (2011). La présentation des résultats suit deux tendances usuelles : l’usage de l’intervention éducative telle une variable au sein d’un devis de recherche et l’usage de l’intervention éducative en référence à l’action d’un professionnel. La valorisation de l’observation de l’extérieur ou de l’intérieur est aussi différenciée ainsi que les tendances méthodologiques.

5.1 L’intervention éducative telle une variable au sein d’un devis de recherche

Dix-neuf études utilisent l’intervention éducative pour nommer une intervention qui prend place dans le cadre d’une recherche qui évalue les apprentissages ou retombées de celles-ci sur les élèves. Ce faisant, cet usage réfère au faire qui prend place dans le cadre d’une recherche portant sur la pratique de l’enseignant ou sur les apprentissages des élèves.

5.1.1 Valorisation de l’observation de l’extérieur

De ces dix-neuf études, quatre s’ancrent dans une approche valorisant l’observation de l’extérieur. En référant aux résultats des élèves pour évaluer l’efficacité de l’intervention qu’ils proposent dans le cadre de leur recherche quantitative, les études d’Evans, Axelrod et Langberg (2004), de Wilhelmsen, Aanstad et Leirvik (2015), de Goldschmidt, Scharfenberg et Bogner (2016) et de Maerten-Rivera, Ahn, Lanier, Diaz et Lee (2016) ne définissent ni ne théorisent l’intervention éducative.

Plus en détail, ancrés dans des théories béhavioristes, Evans et coll. (2004) traitent des effets d’un traitement comportemental sur sept élèves américains du secondaire ayant un déficit de l’attention. Dans le cadre de ce programme pilote, les interventions éducatives incluent la prise d’une posologie de médicaments, des interventions comportementales ainsi qu’un volet portant sur l’apprentissage de compétences sociales. Le concept d’intervention éducative qu’exposent ces auteurs est qualifié à titre de procédure (Evans et coll. (2004).

En Norvège, Wilhelmsen et coll. (2015) s’intéressent à la formation des enseignants sur le handicap visuel. Suite à des exercices sur les mouvements oculaires, l’attention visuelle et la rapidité de réaction de deux élèves ont été mesurées. À partir de ces deux cas d’élèves, certaines recommandations sont formulées afin d’améliorer l’apprentissage des élèves ayant ce handicap.

L’étude de Goldschmidt et coll. (2016) compare une approche d’enseignement guidée par l’enseignant, une approche autodidacte ne fournissant que le texte et une approche centrée sur l’élève. L’intervention éducative qu’ils font vivre à 583 élèves allemands du secondaire divise en phases l’introduction théorique, la phase expérimentale et la phase de discussion. En se basant sur une théorie cognitiviste, leur étude expérimentale compare les approches en évaluant la charge cognitive et l’efficacité d’enseignement en référent aux connaissances qui en découlent.

Cette même année, Maerten-Rivera et coll. (2016) publient un article portant sur leur étude expérimentale dans laquelle l’intervention éducative se déroule sur une période de trois ans. Lors de ces trois années, des enseignants de science oeuvrant auprès de trois cohortes d’élèves américains de cinquième année ont subi une intervention éducative, soit un programme qui faisait la promotion de l’apprentissage de la science. Bien que les auteurs se disent vouloir contribuer à la littérature portant sur l’intervention éducative, ils ne la conceptualisent pas. Leur modèle d’intervention, qui fournissait du matériel pédagogique et qui offrait des ateliers de formations aux enseignants afin de développer des interventions éducatives centrées sur l’élève, structurait le développement professionnel. Eux aussi réfèrent aux résultats des élèves pour évaluer l’efficacité de l’intervention.

5.1.2 Valorisation de l’observation de l’intérieur

Toujours selon ce même usage de l’intervention éducative telle une variable dans un devis de recherche et sans offrir de définition du concept, certains auteurs font place aux interprétations et aux constructions des acteurs. En valorisant l’observation de l’intérieur, quinze études tentent de saisir les conditions entourant l’intervention éducative. Sept d’entre elles recourent à des méthodologies quantitatives, soit celles de Chu (2006), de Morton et Campbell (2008), de Lee, Penfield et Maerten-Rivera (2009), de Emmons et Kelemen (2015), de Zigman, Young et Chalk (2014), de Beavers, Murphy et Richards (2015) et de Reyes, Greenberg, Amdur, Gehring et Lesky (2015).

En effet, Chu (2006) étudie les effets d’une intervention éducative portant sur la technologie menée auprès de 42 étudiants taiwanais. En se basant sur la théorie de l’action raisonnée, cette étude compare les résultats d’un groupe expérimental et d’un groupe contrôle à la suite d’une intervention d’une douzaine d’heures prenant la forme d’une résolution de problème. Il analyse un questionnaire rempli par les participants suite à l’intervention. L’intervention s’inscrit dans un désir de changement comportemental.

Aux États-Unis, Morton et Campbell (2008) accèdent à vingt classes et interrogent les attitudes cognitives et comportementales qu’ont 155 garçons et 141 filles par rapport à l’autisme. Ils comparent ces attitudes en fonction de la source d’où les informations proviennent. Par exemple, l’information pouvait être présentée à l’aide d’une vidéo, par l’enseignante ou l’enseignant, par une actrice ou un acteur jouant le rôle de la mère ou du père d’un enfant autiste ou par un médecin. Dans le texte, les auteurs mentionnent que l’intervention éducative est une stratégie, alors que plusieurs autres approches peuvent aussi faciliter l’inclusion d’un enfant autiste dans une classe ordinaire.

Dans ce même pays, au sein d’une intervention de développement professionnel, Lee et coll. (2009) mettent en lien la fidélité d’implantation et le rendement en classe de sciences d’élèves de troisième année primaire éprouvant certaines difficultés en anglais. Ils portent leur attention sur la fidélité de l’implantation. Suite à l’observation de quarante-quatre enseignants américains et à l’analyse d’un questionnaire rempli par les enseignants à propos de leur perception sur leur pratique, les auteurs concluent que la fidélité d’implantation serait essentielle pour saisir les effets qui découlent d’une intervention éducative.

Toujours du côté américain, Emmons et Kelemen (2015) ont sondé les parents de 25 élèves à propos de leurs croyances, puis testé en laboratoire la rigidité de leurs enfants âgés de six à huit ans à propos des variations au sein d’une espèce. Suite à une intervention éducative, les résultats révèlent que les enfants ne sont pas fondamentalement résistants aux variations au sein d’une espèce. Ce concept d’intervention éducative n’est d’ailleurs présent qu’une fois dans le texte et correspond à une façon de nommer la séquence d’enseignement, soit la procédure utilisée en laboratoire pour exposer l’enfant à la variation au sein d’une espèce.

Au Canada, l’analyse de questionnaires a permis à Zigman et coll. (2014) d’évaluer l’intervention éducative menée auprès de douze résidents en médecine dans l’aile psychiatrique d’un hôpital québécois. L’intervention éducative, basée sur l’apprentissage expérientiel, est présentée telle une simulation servant à enseigner aux résidents comment agir avec des patients agités.

Aux États-Unis, Beavers et coll. (2015) tentent de révéler les impacts d’une intervention éducative sur les habitudes alimentaires en évaluant les connaissances de 424 élèves du secondaire avant et après l’intervention éducative. Ce concept, auquel on ne réfère aussi qu’une fois dans l’article, est ici présenté comme un programme de leçon modelé par les 48 enseignants participants. Afin de modifier les comportements des élèves, les enseignants doivent suivre les instructions afin que les chercheurs évaluent ensuite les retombées de cette méthode.

Dans ce même pays, Reyes et coll. (2015) se sont penchés sur la problématique reliée aux transferts des patients entre les stagiaires et les médecins dans une étude quasi randomisée. Une intervention, soit un atelier d’une heure, a eu lieu afin de former un groupe de futurs médecins à ces transferts. Avant et après l’intervention, les participants ont rempli un formulaire afin d’évaluer leurs perceptions quant à leur performance. Toutefois, les auteurs recourent plus souvent à la notion d’intervention. Le concept d’intervention éducative n’émerge sous cette composition que lorsque les auteurs résument les propos d’autres auteurs.

Sur cette même lancée usuelle de l’intervention éducative et toujours valorisant l’observation de l’intérieur, trois études recourent à des méthodes mixtes, soit celles de Cherubini, Zambelli et Boscolo (2002), de Moore, Graham et Diamond (2003) et de Bers (2007).

Par exemple, dans la recherche de Cherubini et coll. (2002), trente-six enseignants italiens ont participé à un groupe de travail afin d’analyser le matériel pédagogique ainsi que les situations d’apprentissage. Puis, ils étaient invités à les élaborer de nouveau dans un cadrage constructiviste. Des observations, des analyses des narrations des enseignants et des réponses au questionnaire portant sur les croyances qu’ont les enseignants sur la motivation des élèves ont servi de données d’analyse. Une seule référence au concept d’intervention éducative est présente dans cet article sans qu’il y ait de définition qui y soit associée. Il est plutôt question d’une intervention. Celle-ci s’adresse aux enseignants afin qu’ils développent un modèle s’appuyant sur une représentation constructiviste de l’apprentissage. Cette intervention cherchait à insérer ces enseignants au sein d’une démarche formatrice visant une manière de penser et d’agir.

Au Royaume-Uni, les effets d’une intervention éducative portant sur les contraceptions d’urgence auprès d’adolescents sont à l’étude dans la recherche de Moore et coll. (2003). L’efficacité est mesurée par l’évaluation des connaissances acquises par les élèves et les entretiens avec les enseignants servent plutôt à renseigner le déroulement de l’intervention comme telle. Ces auteurs exemplifient l’intervention par les questions qui sont discutées avec les élèves à propos des mythes associés à leur sujet d’étude.

Puis, c’est ancré dans un courant constructionniste que Bers (2007) tente d’éclaircir les complexités associées à l’implication des parents et des enfants participant ensemble à sa recherche expérimentale visant la création d’un objet robotisé. Elle analyse les journaux de bord des parents, les produits résultant de l’intervention, les notes de terrain du chercheur, les entretiens avec les participants et les questionnaires remplis par ceux-ci. Elle mentionne que l’intervention éducative est un programme ancré dans une approche obstructionniste d’une communauté de pratique. Ce faisant, elle recourt au concept telle étant une variable de recherche, mais propose une théorisation de l’apprentissage qui rappelle la proposition de Lenoir (2014).

Cinq études, soit celles de Dyke, Foskett et Maringe (2008), de Falk et Yarden (2009), de Michael et Rajuan (2009), de Chittleborough, Nicholson, Basker, Bell et Campbell (2012) et de Bennett, O’Flynn, et Kelly (2015), poursuivent l’utilisation de l’intervention éducative tel un devis de recherche au sein de leur étude aux méthodes qualitatives.

Plus en détail, Dyke et coll. (2008) questionnent élèves, enseignants et parents dans 24 écoles secondaires afin de comprendre les processus décisionnels des jeunes de 14 et 15 ans au Royaume-Uni. En se basant sur la théorie du risque, l’intervention éducative est identifiée comme ayant un très grand impact dans ce processus. Seules quelques balises y sont associées telles que l’importance de la construction de relations avec l’élève et l’importance d’être connecté à son vécu afin qu’un lien de confiance se développe et que l’adulte soit une référence de confiance dans leur processus décisionnel.

Dans l’étude de cas de Falk et Yarden (2009), les auteurs ont analysé le discours d’une classe d’étudiantes israéliennes de 17 et 18 ans au sein d’une école religieuse et y ont révélé les pratiques de coordination. Le but était de comprendre comment les interventions éducatives incorporent l’authenticité des pratiques scientifiques afin de réfléchir à la création de contextes plus authentiques dans un cadre scolaire qui est non authentique. Deux types d’intervention éducative ont été explorés : les enquêtes de première main permettant aux élèves de résoudre des problèmes eux-mêmes par des projets, des travaux de laboratoire ou des simulations informatisées et les enquêtes de seconde main présentant des résultats qui ont été obtenus par les scientifiques. L’analyse a démontré que l’intervention éducative est importante pour atteindre cette authenticité scientifique, mais que l’équilibre entre la complexité de la science et sa vulgarisation est difficile à atteindre pour l’enseignant.

Certains auteurs recourent à l’intervention éducative dans un but émancipatoire. Par exemple, du côté d’Israël, Michael et Rajuan (2009) ont analysé qualitativement les dessins d’élèves de deux classes de sixième année ayant subi une intervention éducative afin de lever le voile sur les changements d’attitudes et de stéréotypes avant et après l’intervention. Selon eux, les dessins révèlent les pensées, les valeurs et les expériences des élèves. Dans leurs écrits, l’intervention éducative prend le sens de programme interculturel qui vise à promouvoir le développement d’une attitude positive à l’égard des cultures arabe et juive.

En Italie, dans le but de déterminer l’efficacité d’une intervention faisant la promotion du lavage des mains, Chittleborough et coll. (2012) ont étudié les structures environnementales de même que les attitudes des enseignants lorsque les élèves se lavent les mains. Leurs observations et leurs entretiens avec élèves et enseignants les amènent à conclure que l’intervention éducative aurait un meilleur succès si davantage d’informations étaient disponibles, si des supports visuels étaient présents et si des rappels verbaux étaient plus fréquents.

En Irlande, Bennett et coll. (2015) recourent au concept de médiation lorsqu’ils portent un nouveau regard sur l’apprentissage assisté par les pairs au sein de la formation des médecins. Afin de comprendre ce type d’interventions éducatives basées sur l’apprentissage assisté par les pairs en milieu clinique, les auteurs ont eu recours à la théorie socioculturelle. Au sein de quatre hôpitaux, 115 étudiants effectuant leur premier stage en médecine ont assisté à 146 de ces séances d’apprentissage. Ensuite, 590 formulaires de rétroactions ont été récoltés. L’analyse révèle des tensions et des contradictions relatives à ce type d’intervention dans le cadre d’un stage clinique dû à des facteurs contextuels qui sont révélés par une théorie socioculturelle. Ce faisant, l’intervention éducative, bien qu’elle soit utilisée comme une variable au sein de leur devis de recherche, est présentée tel le résultat d’une médiation socioculturelle située dû à la théorisation de l’apprentissage sur laquelle elle repose.

En résumé, dix-neuf études utilisent l’intervention éducative tel un devis de recherche. La majorité d’entre elles, soit quinze études, tentent d’en saisir les conditions en valorisant l’observation de l’intérieur.

5.2 L’intervention éducative telle une action professionnelle

Six études réfèrent à l’intervention éducative davantage en tant qu’action au sein d’une pratique professionnelle, soit un usage se rapportant au faire dans le quotidien de la pratique de l’enseignant.

5.2.1 Valorisation de l’observation de l’intérieur

Trois études, celles de Hawkins, Martin, Blanchard et Brady (1991), de Larose, Lenoir, Karsenti et Grenon (2002) et de Hensley, Kirkpatrick et Burgoon (2013), recourent à des méthodes quantitatives en valorisant la saisie de l’intervention éducative de l’intérieur sans définir le concept.

Plus spécifiquement, celle de Hawkins et coll. (1991) utilisent le concept d’intervention éducative comme concept clé au sein de leur question de recherche. En effet, les auteurs cherchent à savoir si les enseignants sont préparés pour intervenir auprès d’élèves ayant un trouble du déficit de l’attention en recueillant les perceptions et les croyances qu’ils développent lors de leur formation à l’enseignement. Pour ce faire, ils sondent les participants américains de quinze classes d’étudiants en formation des maîtres à propos de leurs perceptions quant à l’efficacité des formes d’intervention éducative auprès de cette clientèle d’élèves. Ces interventions sont de l’ordre de l’adaptation des instructions, de la médication comportementale, de la restructuration de l’environnement ou même de la diète alimentaire. Bien que l’intervention éducative soit au coeur de leur question de recherche, ils n’y réfèrent qu’une seule fois dans le restant du texte, préférant plutôt intervention.

Aussi, l’étude de Larose et coll. (2002) vise à saisir l’apport de la formation ainsi que l’influence de la reproduction par modelage d’étudiants à la formation des maîtres au Québec. Des enquêtes par questionnaires ont dressé les profils d’utilisateurs de 181 enseignants au préscolaire et primaire et de 187 étudiants en formation afin de comprendre les influences sous-jacentes aux choix d’interventions pédagogiques qui en découlent. L’intérêt porte sur les modèles d’interventions éducatives (Larose et coll., 2002). Ces modèles font référence à un choix de pratique des enseignants et à ce que les maîtres en formation reproduisent par modelage.

Un autre sondage mené auprès de 292 étudiants américains du premier cycle universitaire portant sur le plagiat et la tricherie a été effectué par Hensley et coll. (2013). Ces auteurs recourent au concept d’intervention éducative à des fins de recommandations. Selon eux, les politiques et les interventions éducatives, soit les deux sphères ayant le plus d’impact sur ce problème, devraient considérer les aspects sociaux du plagiat et de la tricherie.

Dans cette même orientation usuelle de l’intervention éducative, trois études, soit celles de Lebrun et Lenoir (2001), de Lebrun, Lenoir et Desjardins (2004) et de Leong, Stephenson et Carter (2011), recourent à des méthodes qualitatives. Plus précisément, l’intervention éducative est utilisée par les auteurs pour situer leur vision de la pratique enseignante.

C’est le cas de Lebrun et Lenoir (2001) qui ont analysé 202 planifications effectuées par cent dix étudiantes et deux étudiants finissants du programme en formation des maîtres au Québec dans lesquelles ils dénotent une conception instrumentaliste qui engendre certaines faiblesses au sein de leurs planifications en didactique des sciences humaines. Les auteurs définissent l’intervention éducative par la

médiation pédagogicodidactique (relevant de l’intervenant), qui prend en compte les aspects organisationnels et les perspectives institutionnelles et sociales, qui porte sur la médiation cognitive mise en oeuvre par des sujets apprenants dans leur rapport d’objectivation au savoir et qui instaure une situation problème qui agit comme espace transitionnel au sein duquel ces médiations interagissent à partir de dispositifs de formation

p. 575

Toujours en contexte québécois, Lebrun et coll. (2004) étudient les critères d’évaluation des manuels scolaires québécois qui ont été modifiés en 2001. Selon eux, ces modifications ressemblent davantage à une refonte en surface plutôt qu’à une adéquation visant la mise en oeuvre d’une intervention constructiviste. Ils critiquent le fait que ces critères n’incitent pas les manuels à intégrer une véritable gestion pédagogicodidactique du savoir (p. 526) alors que l’ancrage de ce processus d’évaluation est essentiel puisqu’il reflète aussi les fondements de l’intervention éducative qui sont véhiculés dans les manuels scolaires. Ici, l’intervention éducative y est définie telle étant

l’ensemble des actions finalisées posées par des personnes mandatées, motivées et légitimées en vue de poursuivre dans un contexte institutionnellement spécifique les objectifs éducatifs socialement déterminé, en offrant les conditions les plus adéquates possible pour favoriser la mise en oeuvre par les élèves des processus d’apprentissage appropriés

Lenoir et coll., p. 5, cités dans Lebrun et coll., 2004, p. 514

En Malaisie, à titre de choix de déroulement de l’action suivant des règles précises, Leong et coll. (2011) réfèrent à l’intervention éducative dans leur étude portant sur l’utilisation controversée d’une thérapie de stimulation sensorielle auprès d’enfants handicapés. Ils interrogent dix enseignants afin de mieux comprendre les raisons justifiant leur choix thérapeutique. Ils ne réfèrent qu’une seule fois à l’expression complète d’intervention éducative alors qu’ils résument les propos d’autres auteurs qui stipulent que les recherches empiriques prouvent l’efficacité de certaines pratiques dont Leong et coll. (2011) font la recommandation. Ils réfèrent par la suite simplement à l’intervention, et ils questionnent même les connaissances des participants aux entrevues sur l’existence d’interventions alternatives à la thérapie sensorielle.

Finalement, au sein de ces six études considérant l’intervention éducative au sein des pratiques professionnelles, plusieurs nuances sont notables. Ces nuances orientent vers un choix de procédure (Hawkins et coll., 1991 ; Leong et coll., 2011), de modèle d’intervention (Larose et coll., 2002) ou d’actions menant à une médiation (Lebrun et Lenoir, 2001 ; Lebrun et coll., 2004).

6. Discussion

Attardons-nous d’abord aux définitions et usages associés à l’intervention éducative avant d’approfondir les possibilités d’ancrages épistémologiques.

6.1 Définitions et usages

Déjà, il est étonnant de constater que le terme d’intervention éducative soit plutôt récent dans la littérature scientifique. L’article le plus lointain de notre recension date de 1991. De plus, en accord avec les recensions de Nélisse (1997) et de Couturier (2001) portant sur des écrits majoritairement francophones, les écrits anglophones de cette recension ne proposent pas non plus de définitions de l’intervention éducative. Peut-être que cette majorité d’auteurs ne ressent pas le besoin de définir un terme qu’ils utilisent en tant que notion, soit une connaissance intuitive générale (Larousse, 2019). Si, selon Chartrand et De Koninck (2009), un concept est un objet scientifiquement construit, l’intervention éducative ne serait utilisée à titre de concept lorsque les auteurs de cette recension s’y réfèrent afin de synthétiser les caractéristiques essentielles de la variable à laquelle ils recourent.

Aussi, même si l’intervention éducative est comparée dans ces recherches à une procédure (Emmons et Kelemen, 2015 ; Evans et coll., 2004 ; Hawkins et coll., 1991), à un programme (Beavers et coll., 2015 ; Maerten-Rivera et coll., 2016), à une stratégie (Morton et Campbell, 2008) ou encore à une démarche (Cherubini et coll., 2002), la majorité des articles anglophones utilisent l’intervention éducative en tant que variable d’un devis de recherche. Cette utilisation rappelle l’influence de la théorisation des systèmes. Selon cette théorie, l’intervention est un processus dans un processus, soit l’introduction d’un système artificiel dans un système naturel. Nélisse (1993) souligne d’ailleurs cette influence dans le discours entourant l’intervention.

Aussi, l’intervention éducative est utilisée dans la majorité des études afin de formuler des recommandations et de révéler les conditions les plus efficaces pour qu’un changement advienne chez les sujets la subissant (Beavers et coll., 2015 ; Bennett et coll., 2015 ; Bers, 2007 ; Cherubini et coll., 2002 ; Chittleborough et coll., 2012 ; Chu, 2006 ; Dyke et coll., 2008 ; Emmons et Kelemen, 2015 ; Falk et Yarden, 2009 ; Goldschmidt et coll., 2016 ; Lee et coll., 2009 ; Maerten-Rivera et coll., 2016 ; Michael et Rajuan, 2009 ; Moore et coll., 2003 ; Morton et Campbell, 2008 ; Reyes et coll., 2015 ; Wilhelmsen et coll., 2015 ; Zigman et coll., 2014). Cet accent sur l’efficacité rappelle l’idée de rationalisation du travail par le recourt à des prescriptions en vue d’un changement social normé (Couturier, 2001).

L’efficacité est aussi l’objectif au coeur de la recherche de Hawkins et coll. (1991) qui réfère aux formes de l’intervention éducative, de Leong et coll. (2011) qui étudient les raisons derrière les choix thérapeutiques et de Larose et coll. (2002) qui approfondit ce qui influence les choix des interventions éducatives. Cet objectif est également central dans l’étude de Vincent et Lefrançois (2013) qui traite de l’intervention éducative tel le choix d’une méthode pédagogique. Dans ces études portant sur les choix et les perceptions, les auteurs réfèrent à l’intervention éducative telles les actions dans la pratique professionnelle. Cet usage de l’intervention éducative, de même qu’utilisée dans les écrits de Harrison et coll. (2009) et de Koutsoklenis et Theodoridou (2012), est aussi associé à la mise en valeur de l’efficacité immédiate de l’agir professionnel tel que souligné par Laferrière (1993). De plus, si la totalité des études francophones fait usage de ce concept comme une action professionnelle, c’est peut-être parce que ces recherches valorisant l’observation de l’intérieur cherchent à se rapprocher davantage du discours des praticiens, discours qui témoigne des transformations des professions relationnelles (Couturier, 2001).

Aussi, l’ajout de dimensions liées au cadre, aux conditions externes, à l’organisation interne et aux dynamiques politiques du terrain amplifie la portée de l’étude de ces transformations (Bal et Trainor, 2016). Dans l’univers éducatif, ce terrain est complexe et ces transformations touchent les rapports au pouvoir, au savoir, à autrui, aux sujets et à la société, au temps, à la pratique, à soi et à la profession (Lenoir et coll. 2002, p. 8). Sensibles à cette complexité, Lebrun et Lenoir (2001) et Lebrun et coll. (2004) incluent une dimension liée à l’objectif et prennent en compte les composantes liées aux rapports entre les élèves, les enseignants et les savoirs, tout en considérant les spécificités des contextes socioéducatifs et socioculturels (Lenoir et coll., 2002). Ainsi, les seules définitions présentent au sein de l’échantillon sont spécifiques au domaine de l’éducation et conceptualisent l’intervention éducative de façon ancrée dans le champ des sciences de l’éducation.

Finalement, considérant toutes ces nuances, nous concluons que le concept d’intervention éducative n’a pas la même portée dans les écrits anglophones et dans les écrits francophones. En effet, l’intervention éducative semble être conceptualisée dans les écrits francophones, alors qu’elle semble plutôt être de nature notionnelle dans les écrits anglophones. De plus, l’usage de l’intervention éducative en tant que variable dans un devis de recherche est associé exclusivement aux écrits anglophones, alors que l’usage de l’intervention éducative en tant qu’action professionnelle n’est fait que dans trois articles anglophones et dans la totalité des écrits francophones de cette recension.

6.2 Épistémologies

En approfondissant les dimensions suggérées par Van der Maren (2011), il y a constat du fait que les données se rapportent dans vingt-et-une études à une réalité étudiée de l’intérieur. Certes, cette la valorisation de l’observation de l’intérieur qui est ici prédominante favorise l’appréhension de faits sociaux (Guba et Lincoln, 1998). Toutefois, il est surprenant qu’aucune des recherches recensées ne tente de rendre compte de quelconque forme de domination telle qu’elle pourrait être vécue par les élèves. Si les influences sociales et culturelles sont considérées tant dans certaines définitions (Bal et Trainor, 2016 ; Lenoir et coll., 2002 ; Lebrun et Lenoir, 2001 ; Lebrun et coll. 2004) de l’intervention éducative que dans certaines études recensées (Michael et Rajuan, 2009 ; Bennett et coll., 2015), ces influences ne le sont pas du point de vue du vécu des élèves.

Quant aux théories, elles permettent majoritairement de justifier la pertinence ou encore l’efficacité d’une procédure au sein d’une étude expérimentale. Par exemple, des théories béhavioristes influencent les études de Beavers et coll. (2015) et d’Evans et coll. (2004), rappelant l’approche processus-produit qui décrit la pratique en référant à une norme (Gauthier, 1997). Des théories cognitivistes se concentrant sur le traitement de l’information (Tardif, 2012), sur ce que l’acteur pense (Woods et Knoerr, 2014) et sur ses processus internes considèrent l’environnement et les interactions entre élèves et enseignants dans les études de Morton et Campbell (2008), de Falk et Yarden (2009), de Michael et Rajuan (2009), de Emmons et Kelemen (2015), ou encore de Goldschmidt et coll. (2016). Les théories sous-jacentes aux conceptions de l’apprentissage de Cherubini et coll. (2002), de Bers (2007) et de Bennett et coll. (2015) ont aussi influencé leur protocole d’intervention. Ces auteurs proposent une intervention éducative dans une perspective constructiviste. Selon eux, les individus construisent leurs connaissances de façon active en se basant sur leur savoir pratique et leur croyance découlant de leur expérience professionnelle.

Pour ce qui est des références théoriques invoquées lorsqu’il y a usage de l’intervention telle une action dans la pratique, il y a un ancrage partagé par plusieurs auteurs francophones au sein du constructionnisme, ou du moins, des références à la théorie du constructivisme social (Larose et coll., 2002 ; Lebrun et Lenoir, 2001 ; Lebrun et coll., 2004). C’est d’ailleurs ainsi qu’est conceptualisé l’intervention éducative par Lenoir (2014). De plus, dans le seul cas où les auteurs francophones, Vincent et Lefrançois (2013), font référence à une autre vision de l’intervention éducative, ceux-ci reconnaissent l’existence et la pertinence du positionnement constructionniste tout en justifiant leur propre ancrage.

Pour ce qui est des approches méthodologiques, si quatorze des vingt-cinq recherches ont recours à des méthodes quantitatives, c’est probablement en grande partie liée à l’usage que la majorité des auteurs font de l’intervention éducative. En effet, dans une perspective positiviste, la méthode expérimentale était traditionnellement privilégiée (Pourtois et Desmet, 2007). Si l’intervention éducative est utilisée en tant que variable dans un devis de recherche expérimentale, il est possible que les auteurs aient tendance à suivre ce courant traditionnel. Il faut toutefois faire attention de ne pas présumer que toute étude expérimentale cadre dans ce courant épistémologique. C’est d’ailleurs pour outiller des chercheurs utilisant cette méthodologie et voulant ancrer leur recherche dans un autre paradigme que Bal et Trainor (2016) ont recensé des écrits sur le sujet.

Bref, pour ce qui est de l’épistémologie, une tendance vers le constructionnisme est notable dans les écrits francophones, alors qu’une plus grande disparité fonde les théorisations sous-jacentes à l’intervention éducative dans les écrits anglophones. Aussi, les approches méthodologiques quantitatives sont fortement associées aux études expérimentales dans lesquelles l’usage de l’intervention éducative se révèle être une variable dans un devis de recherche. L’usage que les auteurs font de l’intervention éducative ainsi que leurs conceptions théoriques de l’apprentissage semblent donc influencer les choix épistémologiques sous-jacents à l’étude et à la construction de l’intervention éducative.

7. Conclusion

L’objectif de cette recension des écrits était d’apporter un éclairage quant aux utilisations, aux définitions et aux ancrages possibles du concept d’intervention éducative. Suite à la consultation des moteurs de recherche ÉRIC et Érudit, les propos de vingt-cinq articles ont été analysés. Cette recension révèle que l’intervention éducative est un concept utilisé à deux escients : telle une variable au sein d’un devis de recherche et telle une action professionnelle. Une différence est notable entre les écrits francophones et les écrits anglophones quant aux tendances usuelles et posturales. De plus, l’absence de définition et d’ancrage théorique au sein des écrits anglophones laisse croire que l’intervention éducative aurait une portée notionnelle. Certes, malgré ces nuances et ces différences, il y a constat que l’usage que les auteurs font de l’intervention éducative influence leurs choix d’ancrage épistémologique. Étant donné l’accent mis sur la valorisation de l’intérieur, il serait intéressant que d’autres orientent leur recherche dans une posture valorisant l’observation d’en bas. Aussi, il serait intéressant de comparer le sens que donnent les auteurs à l’agir enseignant à celui que lui donnent les acteurs du milieu scolaire.