Résumés
Résumé
Par l’entremise de sa plateforme numérique, le référent ÉKIP est accessible aux professionnel⋅le⋅s du Québec des réseaux de l’éducation et de la santé et des services sociaux qui s’impliquent dans la promotion de la santé en milieu scolaire pour la santé, le bienêtre et la réussite éducative des jeunes. Une cartographie conceptuelle, sept groupes de discussion et une revue systématique de portée ont permis de développer une stratégie favorisant l’utilisation d’ÉKIP dans les écoles primaires et secondaires du réseau scolaire public et privé du Québec. Nous présentons les résultats de la cartographie et des groupes de discussion ainsi que les grandes lignes d’une stratégie de déploiement d’ÉKIP. Les principaux résultats obtenus par la revue systématique de portée sont présentés brièvement en appui au développement de la stratégie.
Mots-clés :
- jeunes,
- prévention et promotion de la santé,
- plateforme numérique,
- enseignant⋅e⋅s,
- écoles
Abstract
The EKIP reference framework is accessible, via its digital platform, to Québec professionals in the education network and the health and social services network committed to health promotion in schools to support the health, well-being and educational success of young people. A concept mapping operation, seven focus groups and a systematic scoping review were conducted to help develop a strategy to promote the use of EKIP in the public and private primary and secondary school network in Québec. The results produced by the concept mapping and the focus groups are presented, followed by the broad outlines of an EKIP deployment strategy. The main results obtained by the systematic scoping review are briefly presented in support of the strategy development.
Keywords:
- youth,
- prevention and health promotion,
- online platform,
- teachers,
- schools
Resumen
A través de su plataforma digital, el referente ÉKIP está accesible en Québec a los profesionales de la educación, de la salud y de los servicios sociales, implicados en la promoción de la salud y de la prevención en el medio escolar para apoyar la salud, el bienestar y el éxito escolar de los jóvenes. Se desarrolló una operación de cartografía conceptual y siete grupos de discusión con la finalidad de ayudar al desarrollo de una estrategia para aumentar el uso de ÉKIP en el medio escolar público y privado de primaria y de secundaria en Québec. En este artículo presentamos los resultados producidos por las dos actividades de investigación, acompañados de las grandes líneas de una estrategia de implantación de ÉKIP. Los resultados obtenidos a través de una revisión sistemática de alcance son presentados brevemente, como apoyo a su desarrollo.
Palabras clave:
- jóvenes,
- prevención y promoción de la salud,
- plataforma digital,
- maestros,
- escuelas
Corps de l’article
1. Contexte théorique
En 2018, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) lançaient l’initiative l’École promotrice de santé ou EPS (OMS et UNESCO, 2021). Ces deux instances invitaient à apporter des changements pour faire en sorte que la promotion de la santé soit une partie intégrante et durable des systèmes éducatifs pour la santé, le bienêtre et la réussite éducative des jeunes. Elles recommandaient notamment que des investissements soient faits dans les infrastructures scolaires pour faire des écoles des environnements propices à la santé et au bienêtre des jeunes. Des soutiens devaient être offerts pour l’élaboration, la révision et la mise en oeuvre d’activités, d’interventions ou de programmes en promotion de la santé. Bien que mises de l’avant depuis plus de 25 ans au sein des écoles, l’approche École en santé et d’autres approches en promotion de la santé demeuraient encore peu intégrées dans des actions planifiées (OMS et UNESCO, 2021). L’initiative visait à corriger cette situation.
Pourtant, un consensus est bien établi au sujet du lien entre la santé et la réussite éducative (Institut de santé publique du Québec, [INSPQ], 2017). Les études démontrent les effets positifs des activités, des interventions ou des programmes de santé et de bienêtre sur le développement cognitif de l’élève, sa capacité d’apprentissage et d’attention et son rendement scolaire dans les matières de base (Banerjee et coll., 2014 ; INSPQ, 2013 ; Vanhelst et coll., 2016). Sont également notés des effets positifs sur le plan de la prévention du décrochage tout au long du parcours scolaire (Direction régionale de la santé publique du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Ile-de-Montréal, 2019). Ce lien étroit entre la santé et la réussite éducative appelle l’application d’approches et de stratégies en promotion de la santé dès la prématernelle, puis au primaire et au secondaire, pour que tous et toutes puissent se développer pleinement dans un climat scolaire favorable (INSPQ, 2017).
Les personnes professionnelles du secteur de l’éducation et de la santé et des services sociaux du Québec sont bien au fait de cet enjeu, car, depuis plus de vingt ans, elles soutiennent des actions visant à favoriser la santé, le bienêtre et la réussite éducative des jeunes dans les écoles primaires et secondaires (INSPQ, 2017). Les nombreux projets locaux et régionaux menés à ce jour souscrivent au principe d’égalité des chances où les jeunes sont considéré⋅e⋅s comme des acteur⋅rice⋅s de premier plan dans leur réussite et les actions éducatives qui les concernent (INSPQ, 2008, 2017). Ces projets soutiennent le développement et le maintien à l’école de conditions propices à la santé et au bienêtre (INSPQ, 2008, 2017).
Toutefois, les projets en promotion de la santé (maintenant PPS) se déroulent trop souvent en marge des activités d’enseignement (par exemple, projet éducatif) ou des orientations scolaires (INSPQ, 2013, 2017). Les milieux scolaires éprouvent très souvent des difficultés à coordonner les nombreux projets qui leur sont proposés, lesquels tendent à couvrir des thèmes diversifiés en PPS (INSPQ, 2017).
Le référent ÉKIP s’appuie sur une démarche globale en PPS. Développé pour le personnel des écoles, dont les personnes enseignantes, il se veut un cadre de référence accessible qui offre des moyens fondés sur des données probantes pour soutenir les jeunes en plein développement. Ultimement, il s’agit pour les personnes qui l’utilisent de favoriser l’acquisition par les jeunes de sept compétences visant à les aider à composer avec une variété de situations à divers moments de leur vie : la connaissance de soi ; la gestion des émotions et du stress ; la demande d’aide ; l’adoption de comportements prosociaux ; l’exercice de choix éclairés en matière d’habitudes de vie ; la gestion des influences sociales ; l’engagement (INSPQ, 2010, 2013, 2017). Avec l’objectif de maximiser son utilisation et son appropriation, le contenu ÉKIP est aujourd’hui hébergé sur une plateforme numérique, accessible sur le site Web du gouvernement : https://www.quebec.ca/education/prescolaire-primaire-et-secondaire/sante-bien-etre-jeunes/ekip.
Le ministère de l’Éducation (MEQ) et le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) ont mandaté[1] notre équipe pour développer une stratégie pour accroitre la visibilité d’ÉKIP (et de sa plateforme), encourager son adoption et optimiser son utilisation au sein des réseaux scolaires (primaire et secondaire) et de la santé et des services sociaux du Québec. Dans ce cadre, trois activités de recherche ont été menées en étroite collaboration avec deux représentantes du MEQ et du MSSS pour cerner les conditions favorables à l’utilisation d’ÉKIP par les deux réseaux : 1) une cartographie conceptuelle ; 2) sept groupes de discussion et 3) parallèlement, une revue systématique de portée. La revue a été réalisée pour mettre en perspective les résultats des deux premières activités (Dagenais et coll., 2022). Elle visait à faire le point sur le corpus d’études empiriques (disponibles pour les années 2000 à 2018) traitant des conditions d’utilisation des plateformes numériques en promotion de la santé dans les écoles primaires et secondaires par des personnes professionnelles, dont le personnel enseignant.
Les résultats de la cartographie sont décrits brièvement avant d’être détaillés avec ceux des groupes de discussion. En dernier lieu, l’article présente les grandes lignes de la stratégie élaborée pour optimiser l’utilisation du référent ÉKIP. Les principaux résultats de la revue systématique de portée sont présentés en appui au développement de la stratégie.
2. Cartographie conceptuelle (première étude)
La cartographie a servi de point de départ à l’exploration des conditions d’utilisation d’ÉKIP en contexte québécois. Cette méthode (Trochim, 1989) est conçue pour relever les composantes d’une réalité donnée et les mettre en relation visuellement, selon une structure hiérarchique (Caracelli, 1989). Fondée sur des techniques d’animation de groupe, la cartographie comprend généralement six étapes, allant de la formulation de la question à la sélection des participant⋅e⋅s à partir de critères précis, puis à des séances de groupe et des travaux individuels. Lors de ces travaux, chaque participant⋅e formule des énoncés et attribue une cote d’importance relative à chacun d’eux. Les participant⋅e⋅s effectuent par la suite, individuellement, des regroupements d’énoncés qui constituent, à leurs yeux, une idée, un phénomène ou un concept. Puis, les données de l’ensemble des participant⋅e⋅s font l’objet d’analyses statistiques multivariées ; les données sont réunies en grappes autour de concepts similaires à partir d’une analyse typologique hiérarchique, connue sous le nom anglais hierachical cluster analysis. Le coefficient de Jaccard est utilisé comme mesure de similarité de même qu’une technique d’agglomération de liaison moyenne pondérée (Dagenais et Bouchard, 2003 ; Dagenais et coll., 2009)[2].
L’exercice de cartographie s’est tenu à Québec. Il a réuni 16 personnes de différentes régions administratives, dont huit professionnel⋅le⋅s du réseau de l’éducation et huit du réseau de la santé et des services sociaux. L’activité a misé sur le recrutement de diverses catégories de professionnel⋅le⋅s. Ces personnes devaient être susceptibles d’utiliser ÉKIP ou, du moins, de se prononcer sur ses possibilités d’utilisation compte tenu de sa fonction (voir le tableau 1 pour la description de l’échantillon). Les représentantes du MEQ et du MSSS ont envoyé un courriel à des collègues de différentes régions administratives[3] dans le but de solliciter des professionnel⋅le⋅s. Ce courriel décrivait le projet ÉKIP de même que le déroulement de la cartographie et les invitait à solliciter la participation de professionnel⋅le⋅s de leurs milieux appartenant à une liste de catégories de participant⋅e⋅s recherché⋅e⋅s. Le lien Internet de la plateforme ÉKIP a été fourni aux professionnel⋅le⋅s qui ont accepté de participer, avant de réaliser la cartographie.
Une fois les consentements écrits obtenus de la part des participant⋅e⋅s, la rencontre, d’une durée de quatre heures, a été animée par le chercheur principal. Les représentantes du MEQ et du MSSS ont d’abord présenté le référent ÉKIP et répondu aux questions de l’auditoire. Puis, lors d’une activité de remueméninges en petits groupes, l’on a invité les participant⋅e⋅s à formuler verbalement une liste d’énoncés pour compléter la phrase suivante : « Le référent ÉKIP pourrait contribuer à améliorer la santé, le bienêtre et la réussite éducative des élèves si (…). »
Au total, 108 énoncés ont été exprimés par les participant⋅e⋅s. Celles·ceux-ci ont ensuite accompli individuellement deux tâches. La première consistait à attribuer un score d’importance relative à chacun des énoncés selon une échelle allant de 1 à 5 (5 étant le plus important). La deuxième tâche était de regrouper les énoncés de façon à former des grappes en se servant de fiches sur lesquelles était imprimé chacun des énoncés. Ces données ont enfin été saisies dans un module d’analyse conçu à cet effet. Des analyses statistiques (analyses typologique, hiérarchique et étalonnage multidimensionnel[4]) ont été effectuées pour réunir les énoncés en grappes, chacune regroupant des thèmes similaires aux yeux des participant⋅e⋅s. On a dénombré dix thèmes.
Ces thèmes s’articulaient autour de quatre conditions d’utilisation d’ÉKIP. Deux conditions rassemblent des thèmes étroitement associés du fait qu’ils sont rapprochés graphiquement parlant (voir la figure 1). Il s’agit de la mobilisation des ressources matérielles et humaines nécessaires à l’utilisation et l’appropriation du référent (concepts 1, 2, 3 et 5) et son enracinement dans les écoles (concepts 6, 7, 8 et 9). La première condition regroupe les soutiens organisationnels disponibles dans l’école, indispensables à l’utilisation et l’appropriation du référent auxquels s’ajoutent un leadeurship fort et partagé, le travail en commun et la concertation interréseau. La seconde condition englobe tout ce qui favorise l’adoption du référent par l’école et son appropriation. Les participant⋅e⋅s se sont exprimé⋅e⋅s sur l’importance de faire d’ÉKIP un référent dans les milieux scolaires, de convaincre de sa valeur ajoutée, de l’intégrer dans les programmes existants, dans les ententes, les lois et les politiques. L’évaluation des activités liées à son utilisation apparait également cruciale, car elle permet de saisir pleinement la valeur ajoutée d’ÉKIP.
Deux autres conditions réfèrent à des thèmes plus marginaux, mais néanmoins significatifs : la diffusion et la promotion du référent (concept 4) et l’application conviviale de sa plateforme (concept 10). La première met de l’avant des stratégies de diffusion et de promotion reconnues comme efficaces dans les écoles ; la seconde fait valoir les aspects techniques de la plateforme en tant que condition potentiellement favorable ou défavorable à son utilisation.
3. Groupes de discussion (deuxième étude)
Les sept groupes de discussion ont été menés pour clarifier, bonifier et/ou contextualiser les quatre conditions émergentes de l’exercice de cartographie et révéler, s’il y a lieu, d’autres conditions. Fondée sur la dynamique de groupe, la méthode a été retenue parce qu’elle permet de stimuler la discussion, de faire apparaitre de nouvelles idées ou opinions diverses et controversées (Breen, 2006). La discussion y est centrée sur un sujet défini qui a fait ou fera partie des réalités vécues par les personnes regroupées (Leclerc et coll., 2011).
Les groupes ont réuni 72 professionnel⋅le⋅s, 30 du réseau de l’éducation, 37 du réseau de la santé et des services sociaux et cinq du réseau communautaire. Les rencontres se sont tenues à Montréal (secteurs francophone et anglophone) et à Québec, de même que dans trois régions administratives du Québec (04, 09, 12) afin d’être représentatif des différents territoire du Québec. Les discussions de groupe ont duré environ 90 minutes. Les groupes étaient formés de dix participant⋅e⋅s (à l’exception d’un groupe formé de neuf participant⋅e⋅s) de catégories professionnelles variées (voir le tableau 2). Ces personnes ont été recrutées selon la même procédure utilisée pour l’échantillon de la cartographie en recherchant la plus grande diversité. Des consentements écrits ont été obtenus de la part des participant⋅e⋅s au début de chaque rencontre. Après la présentation d’ÉKIP par les représentantes du MEQ et du MSSS, une animatrice, avec le soutien d’une observatrice pour la prise de notes, a invité les participant⋅e⋅s à se prononcer sur chacun des concepts de la cartographie et à soulever d’autres aspects, s’il y a lieu.
Les discussions ont été enregistrées sur bande audio, puis retranscrites partiellement à l’aide du logiciel d’analyse qualitative NVivo (version 12). Une fonction du logiciel permet de diviser le contenu audio en segments et d’en faire une transcription qui demeure liée au contenu tout au long de l’analyse. Ainsi, un simple clic permet de réécouter le segment audio au complet et de tenir compte, dans l’analyse, de l’intonation de la personne participante, de ses hésitations et silences.
Une codification ouverte du corpus de données a par la suite été effectuée. L’exercice a permis de déterminer 22 codes, lesquels ont été réunis autour des dix thèmes relevés par la cartographie et d’autres thèmes émergents (Paillé et Mucchielli, 2012). Des analyses discriminantes ont été effectuées avec NVivo pour dégager les thèmes les plus importants selon leur fréquence d’apparition.
Le regroupement des thèmes a mis en lumière les mêmes conditions d’utilisation que pour l’exercice de cartographie. De manière générale, les participant⋅e⋅s ont soulevé les mêmes préoccupations et recommandations avec, parfois, plus ou moins d’insistance sur certains aspects. Les contenus abordés y sont sensiblement les mêmes d’une région administrative à l’autre, à l’exception de certains enjeux locaux (par exemple, financement moins important, collaboration plus étroite entre le secteur de l’éducation et celui de la santé et des services sociaux dans certaines régions administratives).
3.1 Conditions d’utilisation d’ÉKIP
Les résultats des groupes de discussion sont présentés ci-après avec ceux de la cartographie.
3.1.1 Mobilisation des ressources humaines et matérielles nécessaires à l’utilisation et à l’appropriation du référent
La cartographie et les groupes de discussion confirment l’importance de disposer de ressources matérielles, temporelles, financières et humaines dans les milieux scolaires. Elles sont par contre insuffisantes dans les écoles représentées, notamment en raison du manque de temps et de la surcharge de travail. Il faut du temps pour s’approprier un contenu comme celui d’ÉKIP, lequel apparait trop théorique, trop dense. À ceci s’ajoutent les aléas du quotidien (comme la gestion de crises), selon plusieurs participant⋅e⋅s aux groupes de discussion :
Les infirmières scolaires, les équipes de santé, les travailleurs sociaux disposent de peu de temps pour la PPS, malgré les attentes élevées du milieu scolaire.
région 1
Le référent peut être perçu comme un ajout aux tâches, étant donné notre charge de travail. Le fait de le considérer comme tel peut mener à un désintérêt.
région 1
Le plus difficile est de faire entrer les programmes de promotion de la santé dans le système scolaire, car personne n’est contre, mais tous se demandent quand ils vont avoir le temps de planifier ces activités. Il devient donc difficile de mobiliser, de promouvoir et de diffuser le référent.
région 2
Cette situation est exacerbée par la réduction des effectifs professionnels et le manque de ressources financières au cours des dernières années qui privent les écoles de personnes-ressources en promotion de la santé. Il semblerait que le contexte actuel d’austérité en éducation nuit à la mise en application de programmes en promotion de la santé, car certaines régions se retrouvent avec un nombre réduit de personnes intervenantes. De plus, les financements ne sont pas accordés équitablement entre les deux réseaux, le secteur de l’éducation disposant souvent de moins de moyens financiers que celui de la santé. Des participant⋅e⋅s d’une région proposent ainsi d’ajouter une grappe « finances » à la cartographie pour souligner cet aspect :
Il faudrait ajouter la bulle « finances », car il est important d’avoir de l’argent pour s’approprier ÉKIP. Par exemple, au primaire, les profs sont toujours dans les classes ou en train de surveiller dans la cour d’école. Donc, il faudrait payer pour les libérer et s’approprier ÉKIP.
région 6
Compte tenu de ces contraintes, plusieurs participant⋅e⋅s aux deux activités de recherche sont d’avis qu’il serait difficile de mobiliser le personnel enseignant. À leurs yeux, l’utilisation d’ÉKIP relèverait de la responsabilité de personnes-ressources ou de personnes professionnelles agissant comme pivot à l’interne ayant du leadeurship et dont la mission consiste à promouvoir les contenus ÉKIP. Le rôle de ces intermédiaires pourrait, par exemple, être tenu par les conseiller⋅ères pédagogiques, les animateur⋅rice⋅s à la vie spirituelle et communautaire, les travailleur⋅se⋅s sociaux⋅iales ou encore les infirmier⋅ère⋅s des milieux scolaires. Ces personnes pourraient agir comme relais auprès du personnel enseignant, répondre à leurs questions et les accompagner dans l’utilisation d’ÉKIP. Une formation toutefois s’impose tant pour les intermédiaires que pour les personnes utilisatrices — une dimension considérée comme centrale par plusieurs participant⋅e⋅s aux groupes de discussion. Cette formation devrait s’inscrire dans le long terme, car il est difficile de mobiliser du personnel pendant plusieurs jours d’affilée et faire l’objet d’un suivi :
Il faudrait planifier les formations à long terme plutôt qu’à court terme, car il est difficile de mobiliser les employés pendant 2 à 4 jours d’affilée.
région 3
On doit d’abord recevoir une formation sur ÉKIP pour devenir le vecteur de l’outil. Il faut recevoir de l’information régulièrement à l’aide des infolettres, des articles, une page Facebook avec des publications.
région 6
Aux yeux de participant⋅e⋅s aux deux activités de recherche, un leadeurship fort est nécessaire (à l’interne comme à l’externe). Ce leadeurship devrait être partagé par l’ensemble des protagonistes, ce qui suppose une concertation, une collaboration interprofessionnelle (secteurs de l’éducation et de la santé) qui permettrait de développer plus efficacement une vision commune des actions à mener sur le terrain. Dans un contexte où les écoles du Québec se butent à de fortes contraintes budgétaires, plusieurs participant⋅e⋅s se disent cependant perplexes devant la capacité de réunir des professionnel⋅le⋅s d’une même école autour de travaux communs :
Peu de personnes-ressources sont accessibles lorsque les utilisateurs ont des questions, malgré l’implication apparente de plusieurs personnes. Il faudrait donc identifier des personnes pivots ayant un fort leadeurship.
région 2
Chacun des réseaux doit pouvoir compter sur une personne attitrée. Par exemple, dans un des deux secteurs de notre commission scolaire, il y a un agent de planification, programmation et recherche mobilisé pour la réalisation d’un plan d’action en PPS, tandis que, dans l’autre secteur, personne n’a été désigné comme porteur du plan d’action.
région 3
Les ressources humaines (intervenants) sont déjà en effectif réduit à cause de restrictions budgétaires… donc, il est essentiel de se rappeler que la mobilisation des ressources nécessaires à l’appropriation est reliée au contexte économique du moment.
région 3
Plusieurs participant⋅e⋅s aux deux activités de recherche considèrent la concertation interréseaux comme essentielle, mais estiment qu’elle se manifeste peu dans les écoles du Québec. On déplore un manque de communication et de collaboration, parfois même avec le réseau communautaire, de même que l’absence d’un langage commun. Certaines personnes ont exprimé que les lieux de concertation déjà existants devraient être mis à profit et que l’effort de concertation devrait être mené à l’échelle locale, régionale et nationale :
Il faudrait avoir un langage commun aux deux réseaux… la promotion de la santé fait plus écho dans le réseau de la santé et le terme compétence l’est plus dans le réseau de l’éducation. Il faudrait mieux définir pour que les informations résonnent dans les deux réseaux.
région 1
La concertation entre les deux réseaux est à la base de la mobilisation des ressources et d’un fort leadeurship face au référent. Elle est tout à fait réalisable dans le cadre de rencontres entre gestionnaires des deux réseaux, selon mon expérience en tant qu’intervenant. Le projet ÉKIP pourrait profiter de ces lieux de rencontres qui existent déjà dans les milieux professionnels. Ça serait un lieu stratégique pour ÉKIP, car les gestionnaires des deux réseaux y sont présents et peuvent prendre position et faciliter la collaboration et la mobilisation.
région 2
Pour qu’il y ait un partage de vision commune et une définition claire de l’implication de chacun, il faut avoir une concertation entre les réseaux et de la formation pour tous les milieux.
région 3
Enfin, les écoles du Québec semblent généralement bien dotées en matière d’équipements (par exemple, ordinateurs) et d’installations (par exemple, accès Internet), cet aspect étant soulevé à répétition par les participant⋅e⋅s aux deux activités de recherche. Pendant les groupes de discussion, certaines personnes ont exprimé leur souhait de disposer d’ordinateurs dans leur classe et d’autres, d’avoir à leur disposition un ordinateur portable pour utiliser le référent en dehors des périodes de classe.
Je vais utiliser le référent dans la mesure où j’ai accès à un ordinateur fixe. Par contre, si je dois rencontrer un professeur à l’extérieur de mon bureau et lui présenter ÉKIP, je trouve ça difficile sans portable. En me fournissant un portable, j’utiliserais assurément ÉKIP.
région 4
3.1.2 Enracinement d’ÉKIP dans les écoles
Les données des deux activités de recherche confirment l’importance de consacrer des efforts à l’intégration du référent dans les routines, les pratiques et les activités des écoles. Aux yeux de plusieurs participant⋅e⋅s à la cartographie et aux groupes de discussion, cette intégration est essentielle et serait facilitée si ÉKIP obtenait la caution des professionnel⋅le⋅s des milieux scolaires. Pour qu’ÉKIP devienne une référence dans les écoles, il faudrait convaincre les professionnel⋅le⋅s de la pertinence du référent, de la qualité de ses contenus, de sa valeur ajoutée, des possibilités qu’il offre de valider les interventions professionnelles souvent menées de façon intuitive. Certain⋅e⋅s conçoivent qu’il faudrait mettre de l’avant l’intérêt qu’il représente de rassembler, dans un même lieu, plusieurs thématiques, comparativement à d’autres outils en promotion de la santé qui circulent dans les écoles québécoises. Son contenu devrait aussi être traduit en anglais pour qu’il ait une résonance positive auprès des personnes professionnelles anglophones. En somme, il faudrait qu’ÉKIP réponde aux besoins des personnes professionnelles, thème récurrent des groupes de discussion :
Pour que ça se retrouve dans le projet éducatif, il faut que ça réponde aux besoins des écoles. Si durant le portrait de la situation, les besoins ne se font pas ressentir en PPS, il ne se retrouvera jamais dans le projet. Cependant, ce n’est pas parce qu’il n’y est pas qu’il n’est pas important, c’est plutôt qu’on décide de ce qui doit être priorisé.
région 4
Je pourrais utiliser le référent s’il aborde les thèmes de l’hygiène corporelle et de l’alimentation… ça m’aiderait à mieux aborder ces sujets et, surtout, s’il y a une personne-ressource.
région 2
Il faut qu’ÉKIP soit traduit en anglais sinon la mobilisation pourra être difficile.
région 1
Les informations doivent être accessibles à tous types d’intervenant. Le langage doit être adapté et compréhensible à tous.
région 6
Les contenus d’ÉKIP ne paraissent pas suffire à eux seuls pour inciter les gens à l’utiliser. Le projet d’utilisation devrait également s’inscrire dans les activités pédagogiques de l’établissement, tel que suggéré par les participant⋅e⋅s aux deux activités de recherche. ÉKIP devrait être reconnu par le programme scolaire ; il devrait être intégré dans les plans de cours, dans les programmes ou encore, répondre aux exigences scolaires. Tout ce qui concerne l’environnement scolaire devrait être considéré comme un autre facteur clé d’intégration, qui englobe aussi les milieux municipaux et communautaires. Des efforts devraient être consentis dans ce sens :
Il faut qu’il soit mis à l’agenda, qu’on en parle aux réunions, qu’ils soient dans les plans d’action.
région 1
Pour que le référent demeure une priorité dans les écoles (que le conseil veille à son application, par exemple), il faut qu’il soit inscrit dans un plan de réussite.
région 5
Il faut que les directions d’école assument un rôle de leadeurship. Si tu compares deux écoles avec un directeur qui y croit et une autre, non, ça va faire toute la différence du monde entre la façon que c’est appliqué dans les deux écoles.
région 3
L’environnement scolaire devrait figurer dans les grappes (par exemple, valeurs de l’école, cour d’école, code vestimentaire, sanctions), car il vient soutenir l’éducation faite aux jeunes. ÉKIP devrait en tenir compte.
région 1
Le milieu communautaire doit aussi être formé dans l’utilisation du référent, sinon il ne va pas l’utiliser. Il faut qu’ils (milieu communautaire) aient des agents intermédiaires (agents pivots participant aux tables de concertation) pour les aider à s’approprier le référent et l’adapter à leur clientèle bien précise.
région 1
L’utilisation d’ÉKIP devrait, d’autre part, être inscrite dans des documents officiels (par exemple, plan stratégique du MEQ). Cet effort devrait s’accompagner d’appuis ministériels pour aider à formaliser l’utilisation à grande échelle et à définir des mandats clairs pour les établissements scolaires, mais sans imposer une approche trop directive ni occasionner une surcharge de travail :
Il doit être ancré aux lois. ÉKIP doit faire partie des documents officiels, comme s’ancrer au Projet Engagement vers la réussite ou au plan régional en santé publique.
région 6
Il faut qu’ÉKIP soit ancré dans les politiques scolaires (projet éducatif) et permette d’atteindre les objectifs de la reddition de compte.
région 6
Les participant⋅e⋅s aux deux activités de recherche tablent sur l’évaluation de l’utilisation du référent comme un dernier levier d’intégration d’ÉKIP, car elle leur permettrait de prendre du recul sur leurs actions et de voir la portée du référent. L’évaluation devrait permettre de critiquer de façon constructive le référent et de le faire évoluer en conséquence.
3.1.3 Diffusion et promotion du référent ÉKIP
Les participant⋅e⋅s à la cartographie et aux groupes de discussion ont exposé en long et en large des stratégies prometteuses qui feraient connaitre ÉKIP et inciteraient à l’utiliser. La qualité des messages promotionnels y est évoquée à répétition, ces messages devant, dans le meilleur des cas, comporter les caractéristiques suivantes :
Les modalités de diffusion devraient être adaptées à différents publics cibles selon le type de direction. Un courriel pourrait, par exemple, être régulièrement acheminé au personnel enseignant à partir des liens Web déjà existants ;
Les messages promotionnels devraient être disponibles dans les deux langues officielles ;
Ils devraient mettre de l’avant des thématiques d’importance au fur et à mesure qu’elles deviennent prioritaires dans les écoles ;
Ils devraient être accompagnés d’exemples ou d’activités pratiques de façon à capter l’intérêt ;
Ils devraient promouvoir la pertinence et la qualité des contenus d’ÉKIP et les avantages de leur utilisation ;
Les messages promotionnels devraient s’appuyer sur des données de recherche qui démontrent les répercussions positives sur la réussite éducative de l’élève dont se soucient les enseignant⋅e⋅s et les autres professionnel⋅le⋅s.
Les participant⋅e⋅s aux groupes de discussion ont fait valoir différents moyens de promouvoir l’utilisation d’ÉKIP :
Lors de la diffusion et de la promotion, il faut adapter les stratégies aux différentes clientèles plutôt que de le faire de façon uniforme pour tout le monde.
région 2
Il faut promouvoir ÉKIP en mettant de l’avant les thématiques qui touchent les problématiques prioritaires des écoles. Les directions d’école se sentiront donc concernées.
région 2
Pour accrocher le milieu scolaire, il faut cibler les problématiques phares des écoles. « J’ai une crise d’intimidation dans l’école, comment ÉKIP peut m’aider ? »
région 6
Quand il y a des phénomènes dangereux qui semblent gagner en popularité chez les jeunes, il faudrait qu’ÉKIP réagisse rapidement, comme en envoyant un courriel à tous les utilisateurs qui les inciteraient à utiliser le site pour répondre à cette situation.
région 6
Les participant⋅e⋅s aux groupes de discussion ont relevé des stratégies de diffusion et de promotion d’ÉKIP reconnues efficaces en contexte scolaire. Au nombre de ces stratégies, mentionnons le recours à des supports visuels tels qu’une vidéo de présentation ou les canaux habituels de communication dans les écoles, dont les babillards électroniques ou le portail Écho. Un lancement officiel du référent favorisant le transfert de l’information aux professionnel⋅le⋅s de proximité est également jugé souhaitable :
Le référent est lourd, donc, pour contrecarrer cette perception, je ferais un lancement agréable, dynamique. Il faudrait également investir dans le marketing pour « vendre l’idée comme on vend un frigidaire ». Comme il y a plusieurs autres outils disponibles sur le Web, la promotion d’ÉKIP sur sa valeur ajoutée et son unicité devient très importante.
région 1
Je propose de faire une capsule vidéo ou une présentation du référent qui explique les façons optimales de chercher les informations sur le site. Si je n’ai pas besoin de me déplacer pour aller à une rencontre et que, dans le courriel, il y a une vidéo explicative, c’est un facilitateur.
région 2
Plusieurs ont souligné l’importance de mener régulièrement des actions promotionnelles de façon à maintenir l’intérêt. Ces actions devraient se dérouler dans le cadre des rencontres formelles des milieux scolaires (par exemple, tables de directions du secondaire, assemblées générales, évènements spéciaux). Elles devraient être soutenues par des ambassadeur⋅rice⋅s. Plusieurs personnes peuvent jouer ce rôle : les directions scolaires, les représentant⋅e⋅s de la santé publique, les membres des tables de directions scolaires et des services éducatifs complémentaires, les conseiller⋅ère⋅s pédagogiques. Certains groupes de professionnel⋅le⋅s pourraient aussi agir comme ambassadeur⋅rice⋅s en présentant les retombées positives des initiatives menées dans leurs propres milieux.
3.1.4 L’application conviviale de la plateforme ÉKIP
Des participant⋅e⋅s aux groupes de discussion ont déploré la difficulté de naviguer sur la plateforme ÉKIP, notamment à cause de son manque d’interactivité et de la densité de ses contenus. De l’avis de certaines personnes, le référent ÉKIP pourrait difficilement devenir une référence aux yeux des professionnel⋅le⋅s en raison de cette lacune. En faire la promotion, prend donc ici tout son sens, selon une participante d’un groupe de discussion :
On rêve en couleur, faites une croix là-dessus, car il n’est pas suffisamment convivial et dynamique pour que les gens s’y réfèrent spontanément.
région 3
De l’avis d’autres participant⋅e⋅s, la plateforme devrait présenter une structure simple. Elle ne devrait contenir que quelques onglets pour accéder rapidement à l’information souhaitée, idéalement en trois clics, sans quoi les personnes qui l’utilisent risquent de se décourager et de renoncer à l’utilisation. La quantité d’information devrait être réduite. Un plan de navigation et un CD en accompagnement seraient aussi souhaitables de même que des activités clé en main pour mieux passer de la théorie à la pratique. Certain⋅e⋅s aimeraient disposer d’un plan de navigation ou d’un onglet boite à outils pour renseigner sur la durée d’une activité donnée, sur les tâches à réaliser, le matériel requis et le déroulement. De plus, on aimerait que la plateforme héberge un forum de discussion et qu’elle offre des exemples d’application :
Il faudrait que le référent soit clé en main et concis, je ne me rends même pas à 3 clics.
région 2
Trop de clics est un obstacle. Il faut que la navigation soit facile et atteindre notre but de recherche en un minimum de clics.
région 6
Pour être utilisé, il faut qu’ÉKIP soit le plus clé en main et attrayant possible.
région 1
Il faut avoir des exemples sur comment développer les sept compétences concrètement. Par exemple, comment susciter le comportement prosocial ? ÉKIP explique la compétence, mais pas comment. Le tableau des compétences n’aide pas plus, car il ne contient pas d’exemples. Un prof se découragerait forcément, sauf s’il est clé en main.
région 6
Si l’information n’est pas trouvée rapidement, je préfère laisser tomber pour aller voir ailleurs.
région 1
Enfin, il faudrait faciliter son accès ; des participant⋅e⋅s aux groupes de discussion ont proposé d’utiliser les liens déjà existants dans les écoles :
Il serait intéressant d’avoir un lien sur portail des commissions scolaires. Dans les portails scolaires, il y a des sections réservées à la PPS. Ces sections pourraient intégrer un lien vers ÉKIP.
région 6
4. Proposition d’une stratégie pour favoriser l’utilisation d’ÉKIP
Les mêmes conditions d’utilisation ont pu être relevées dans le cadre de la revue systématique de portée avec, parfois, une plus ou moins grande insistance sur certaines dimensions. À l’exception de la diffusion, un aspect qui n’est mentionné que dans une seule étude de la revue, la forte majorité des 17 études analysées soulignent l’importance de trois conditions qui sont relevées lors de la cartographie conceptuelle et des groupes de discussion : 1) consacrer des efforts pour faire des plateformes en promotion de la santé une référence dans les écoles ; 2) mobiliser les ressources nécessaires à leur utilisation ; 3) s’assurer de leur application conviviale et de leur intégration dans les pratiques et les programmes des écoles (par exemple, inclusion dans les planifications annuelles des cours, soutien administratif). L’importance de soutenir la collaboration interprofessionnelle (à l’interne comme entre établissements) y est soulevée avec plus d’insistance que dans les deux autres activités. Cette collaboration nécessite de relever plusieurs défis, notamment le manque de temps, les conflits d’horaire, le manque de ressources financières et techniques (Dagenais et coll., 2022).
Les résultats de la cartographie, des groupes de discussion et de la revue systématique de portée, instructifs à plusieurs égards, ont permis de procéder avec confiance au développement de la stratégie. Le défi était de répondre au mandat confié par le MEQ et le MSSS, lequel visait le déploiement du référent ÉKIP dans l’ensemble des écoles primaires et secondaires, publiques et privées du Québec. Il fallait ainsi cibler, compte tenu de l’ensemble des résultats, ce qui pouvait être déployé le plus largement possible, mais de façon réaliste. Or, il apparaissait difficile de tabler sur une mobilisation importante de ressources, en raison des restrictions budgétaires et de la réduction des effectifs dans les écoles du Québec, largement soulignés par nombre de participant⋅e⋅s. Le manque de convivialité de la plateforme ÉKIP constituait un autre obstacle à son utilisation (Chen et coll., 2009 ; Durlak et DuPre, 2008 ; Zhao et Frank, 2003). La forme et la présentation de la plateforme ÉKIP ne pouvant être modifiée, il fallait prendre en compte cette limite et recourir à des moyens pour l’aplanir. C’est sur ces bases que les grandes lignes d’une stratégie ont progressivement été échafaudées. Cette stratégie devrait s’appuyer sur deux conditions principales d’utilisation qui sont ressorties des activités de recherche : 1) l’une misant sur des actions pour favoriser l’enracinement du référent dans les écoles ; 2) l’autre misant sur le recours à des stratégies de diffusion et de transfert reconnues pour leur efficacité.
La stratégie devrait faire la promotion d’une approche participative (Cheung et Cheng, 1997 ; INSPQ, 2008) prenant en compte les valeurs, les besoins pédagogiques et les expériences des personnes professionnelles exerçant en milieu scolaire (Durlak et DePre, 2008 ; Ertmer et Ottenbreit-Leftwich, 2010 ; Zhao et Frank, 2003). Ce faisant, on éviterait, au dire de plusieurs participant⋅e⋅s à la cartographie et aux groupes de discussion, un modèle de diffusion de type descendant, lequel a déjà fait l’objet de critiques dans les établissements scolaires (Durlak et DePre, 2008 ; Giavrimis et coll., 2011 ; Jimoyiannis et Komis, 2007). L’approche participative de la stratégie devrait permettre de s’arrimer aux besoins et aux capacités des milieux scolaires (Arthur et Blitz, 2000), de valider la qualité de sa mise en oeuvre et d’y apporter des améliorations au besoin. Cette approche devrait miser sur le partage d’informations et d’actions entre réseaux, par la mise en place de lieux de concertation dans les régions impliquant les réseaux scolaires, de la santé et des services sociaux et le milieu communautaire pour favoriser une utilisation optimale d’ÉKIP par les personnes professionnelles ou intervenantes. L’approche devrait être flexible. Les professionnel⋅le⋅s des écoles devraient être libres de consulter ou non ÉKIP et d’utiliser ou non les outils proposés.
La stratégie prévoit une diffusion planifiée du référent (Greenhalgh et coll., 2004) par l’entremise de stratégies Web et de marketing reconnues pour leur efficacité et adaptées à un public cible, comme suggéré par les participant⋅e⋅s à la cartographie et aux groupes de discussion. À cette fin, une vidéo promotionnelle devrait être réalisée et des infolettres électroniques devraient être envoyées régulièrement aux établissements des réseaux scolaires et de la santé et des services sociaux de l’ensemble du Québec oeuvrant en milieu scolaire. Les infolettres devraient traiter de thématiques d’intérêt pour qui les reçoit, être documentées par ÉKIP et accessibles sur sa plateforme.
La stratégie devrait inclure une formation en ligne, un point largement évoqué par les participant⋅e⋅s aux groupes de discussion. Cette formation est considérée comme un facilitateur de l’utilisation de programmes en promotion de la santé et de technologies en ligne en contexte scolaire (Durlak et DuPre, 2008 ; Dusenbury et coll., 2003 ; Roth, 2014). Elle devrait permettre de contourner les limites de la plateforme ÉKIP, de favoriser la diffusion du référent et d’en maximiser l’utilisation. Cette formation devrait faire connaitre les fondements théoriques qui soutiennent le référent et faciliter la maitrise de l’ensemble des volets devant être pris en compte dans une intervention efficace (par exemple, stade de développement des jeunes, posture de l’intervenant⋅e, savoirs à développer chez les jeunes, conditions d’efficacité). Comme proposé par les participantes à la cartographie et aux groupes de discussion, elle devrait être présentée de façon dynamique pour amener les professionnel⋅le⋅s ou intervenant⋅e⋅s à développer leurs propres outils et leurs propres stratégies d’utilisation du référent de façon souple. Les deux réseaux de l’ensemble des régions du Québec devraient être informés de son existence et y avoir accès.
La stratégie, à elle seule, ne suffira pas, cependant, pour maximiser l’utilisation d’ÉKIP au sein des écoles primaires et secondaires du Québec. Des efforts à long terme devront aussi être consentis pour mettre en oeuvre des activités ou des programmes de développement professionnel pour outiller le personnel enseignant afin qu’il soit en mesure de conseiller les élèves au moment de faire des choix éclairés et responsables en matière de santé et de bienêtre (Ertmer et coll., 2001 ; Mishra et Koehler, 2006). Des financements devront être octroyés et des libérations de temps accordées en guise de soutien.
5. Conclusion
Le présent exercice avait pour but de dégager des pistes d’action qui maximiseraient l’utilisation du référent ÉKIP à l’échelle du Québec. Les données recueillies présentent l’intérêt d’être ancrées dans l’expérience des publics cibles (celle des participant⋅e⋅s à la cartographie et aux groupes de discussion de différentes régions du Québec) et d’être appuyées par des études empiriques analysées dans le cadre d’une revue systématique de portée. L’ensemble des données recueillies a permis de développer une stratégie qui se veut arrimée aux besoins, aux préoccupations et aux capacités des réseaux preneurs, ce qui devrait favoriser une utilisation d’ÉKIP la plus satisfaisante possible. La stratégie présentée dans ce texte est toutefois provisoire. Elle sera mise à l’épreuve progressivement et bonifiée au fur et à mesure des expérimentations, en fonction des capacités des deux réseaux ciblés.
Christian Dagenais
Professeur, Université de Montréal
Michelle Proulx
Professionnelle de recherche, Humanov·is
Marie-Eve Gingras
Directrice de projet, Humanov·is
Parties annexes
Notes
-
[1]
Ce projet a été réalisé grâce à un financement reçu dans le cadre du Plan d’action interministériel de la Politique gouvernementale de prévention en santé. Source : https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2017/17-297-02W.pdf.
-
[2]
Le module d’analyse a été créé par Provalis Research. Il utilise le coefficient de Jaccard comme mesure de similarité. https://2017.bigdataldn.com/exhibitors/provalis-research/
-
[3]
Il s’agit de régions qui se concertent dans le cadre d’une entente de complémentarité conclue en 2003 entre le MEQ et le MSSS sur les questions de santé et de bienêtre des jeunes. Source : http://www.education.gouv.qc.ca/references/tx-solrtyperecherchepublicationtx-solrpublicationnouveaute/resultats-de-la-recherche/detail/article/entente-de-complementarite-des-services-mees-msss/
-
[4]
Le module d’analyse a été créé par Provalis Research. Il utilise le coefficient de Jaccard comme mesure de similarité. https://2017.bigdataldn.com/exhibitors/provalis-research/
Bibliographie
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