Recherches sémiotiques
Semiotic Inquiry
Volume 38, numéro 3, 2018 Biosémiotique. Tome 1 Biosemiotics. Tome 1
Cette livraison de RS/SI couvre exceptionnellement deux volumes (vol. 38, 2018, no.3 et vol. 39, 2019, nos. 1-2). En vertu de notre entente avec la plateforme Érudit elle est présentée ici en deux tomes (Biosémiotique 1 et 2) dont l’ensemble correspond à l’intégralité de la version imprimée.
This publication of RS/SI exceptionnally covers two volumes (vol. 38, 2018, no.3 and vol. 39, 2019, nos. 1-2). According to the terms of our agreement with the Érudit Plateform it is presented here in two tomes (Biosemiotics 1 and 2) which, together, correspond to the integrality of the printed version.
Sommaire (6 articles)
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Présentation : marges de la biosémiotique / Presentation: Biosemiotic Margins
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From Ethological Linguistics to Animal Linguistics and Ecolinguistics
Prisca Augustyn
p. 15–34
RésuméEN :
Biosemiotics and biolinguistics share some common origins in comparative psychology and ethology, both viewing language as a species-specific cognitive capacity whose main purpose is not communication but thought. From this perspective, biosemiotics should be at the center of cognitive science. However, biolinguistics and biosemiotics (or linguistics and semiotics) have been marginalized in the context of cognitive science and neuroscience; nonetheless there are currents in mainstream linguistics and cognitive science operating from a biosemiotic perspective without overtly articulating their research agendas as such. I believe that the future success of the biosemiotic movement will depend on recognizing and connecting with those research agendas.
FR :
La biosémiotique et la biolinguistique partagent des origines communes en psychologie comparative et en éthologie, deux disciplines qui considèrent le langage comme une capacité cognitive propre à une espèce et dont la finalité n’est pas la communication, mais la pensée. De cette perspective, la biosémiotique devrait se retrouver au centre des sciences cognitives. Toutefois, la biolinguistique et la biosémiotique (ou la linguistique et la sémiotique) ont été marginalisées par les sciences cognitives et les neurosciences. Il y a cependant des tendances dans la linguistique et les sciences cognitives conventionnelles d’opérationnaliser une perspective biosémiotique, sans pour autant le faire de façon explicite. Je crois que les succès à venir de la biosémiotique dépendront de son aptitude à reconnaître ces programmes de recherche et de s’y lier.
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Interspecies Signaling and Habituated Conviviality
Yogi Hale Hendlin
p. 35–54
RésuméEN :
The conviviality of sharing habitat can lead species to learn and benefit from other species’ signals, even if those communications are not intended for them. Purposeful interspecific signaling is also common. Forms of symbiotic semiosis, intentional and unintentional, result from repeated interactions between cohabitating species. Attunement to neighboring species’ dispositions through sharing habitat carves overlapping grooves in the semiosphere predictable for organisms to make some sense of their overlapping Umwelten. Interspecies semiosis may be less generalizable than conspecific signaling, yet these interactions nonetheless can be interpreted as a form of modus vivendi ethics.
FR :
Des espèces qui partagent convivialement un habitat peuvent apprendre à interpréter les signaux des autres et tirer profit de cet apprentissage, même si ces communications ne leur sont pas adressées. La signalisation interspécifique intentionnelle est également répandue. Des formes de sémiose symbiotique, intentionnelles ou pas, sont le résultat d’interactions répétées entre des espèces vivant en état de cohabitation. La syntonie des dispositions d’espèces voisines partageant un habitat, a comme effet de recouper les sémiosphères des organismes ce qui leur permet d’appréhender les points de rencontre entre les Umwelten. Il se peut que la sémiose interspécifique soit moins généralisable que la signalisation conspécifique. Or ces interactions peuvent tout de même être interprétées comme l’éthique d’un modus vivendi.
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Boundary Conditions: Crossing Spatial Boundaries as a Matter of Mind
Judith van der Elst
p. 55–78
RésuméEN :
A key step in understanding different ways of experiencing the world, consists in exploring the limits of the human mind and the languages we use to make sense of our surrounding worlds. The concept of boundary is central in this endeavor. When we think of a boundary in the broadest sense, we think of an entity (or event) demarcated from its surroundings. Whether these boundaries reflect the structure of the world or just the organizing activity of our mind is a matter of intense philosophical debate. In this paper, human spatial thinking is a starting point to further explore our interactions with and within our environment. I argue that biosemiotics offers the most suitable framework for doing so, as it integrates humans in the larger communication network flow. Yet the spatial aspect of communication has received only limited attention in the biosemiotic literature. Furthermore, basing myself on my recent crossover practice in art/science, I argue that an embodied-embedded approach is necessary to dissolve and redefine spatial categories, allowing the investigation and potential crossing of the boundaries of our perceptual worlds.
FR :
Une étape clé dans la compréhension des différentes façons d’expérimenter le monde, consiste à explorer les limites de l’esprit humain et les langages employés pour donner un sens aux mondes qui nous entourent. Le concept de frontière est central à cette entreprise. Lorsque nous pensons à une frontière au sens large, nous pensons à une entité (ou à un événement) démarquée de son milieu. À savoir si ces frontières reflètent la structure du monde ou si elles reflètent simplement l’activité organisatrice de notre esprit, est un sujet de débat philosophique intense. Dans cet article, la pensée spatiale humaine est le point de départ pour explorer plus avant notre interaction avec notre environnement. J’affirme que la biosémiotique offre le cadre le plus approprié pour y parvenir, puisqu’elle intègre les humains à même le flux des réseaux de communication. Pourtant, l’aspect spatial de la communication n’a reçu que peu d’attention dans la littérature biosémiotique. En outre, sur la base de ma pratique actuelle à l’intersection des arts et des sciences, je soutiens qu’une approche incorporée est nécessaire pour dissoudre et redéfinir des catégories spatiales, permettant ainsi d’investiguer et potentiellement de franchir les limites de nos mondes perceptuels.
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Music as Environment: Biological and Ecological Constraints on Coping with the Sounds
Mark Reybrouck
p. 79–95
RésuméEN :
This paper deals with musical sense-making in a real-time listening situation. Revolving around the ecological conception of organism-environment interaction, it elaborates on the interactions between the listener as an organism and the music as environment. The listener, in this view, can be described in terms of coping behavior that is shaped by biological and ecological constraints. Relying on the seminal work by von Uexküll and Gibson in the fields of biosemiotics and ecology, with a special emphasis on the concepts of functional tone and affordance, listeners are defined as organisms that actively seek for information by carrying out physical and epistemic interactions on the sonic environment. As such, they construct an inner model of the sonic world as the sum total of subjective meanings that are assigned to those elements that receive semantic weight. By stressing the role of functional significance and interactions, this approach is on a continuum with the biosemiotic claims that music knowledge must be generated as a tool for adaptation to the sonic world. Musical sense-making, in this view, relies on several levels of processing, going from low-level reactivity to higher-level processing by the brain.
FR :
Cet article traite de la signification musicale dans une situation d’écoute en temps réel. Articulé autour de la conception écologique de l’interaction organisme-environnement, il explore les interactions entre l’auditeur en tant qu’organisme et la musique en tant qu’environnement. Selon ce point de vue, l’auditeur peut être décrit par son comportement d’adaptation, comportement façonné par des contraintes biologiques et écologiques. S’appuyant sur les travaux précurseurs de von Uexküll et de Gibson dans les domaines de la biosémiotique et de l’écologie, et en mettant particulièrement l’accent sur les concepts de tonalité fonctionnelle et d’affordance, les auditeurs sont définis comme des organismes qui recherchent activement des informations en effectuant des interactions physiques et épistémiques sur l’environnement sonore. Les auditeurs construisent ainsi un modèle intérieur du monde sonore comme la somme totale des significations subjectives attribuées aux éléments qui reçoivent un poids sémantique. En soulignant le rôle de la signification fonctionnelle et des interactions, cette approche s’inscrit dans une tradition biosémiotique selon laquelle la connaissance de la musique doit être générée en tant qu’outil d’adaptation au monde sonore. Dans cette perspective, la création de sens musical repose sur plusieurs niveaux de traitement, de la réactivité de bas niveau jusqu’aux traitements cérébraux plus élaborés.
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Growth as Constraint
Paul Cobley
p. 97–115
RésuméEN :
Human modelling is unique among the modelling of all the animals because it features both nonverbal and verbal communication. Yet, in the development of this modelling, something must be lost with the movement to one mode from another. Biosemiotics, positing ‘semiotic freedom’, claims the organism ‘builds’ on its relation to the environment. This paper will consider the theoretical approaches in biosemiotics which suggest freedom of, repression within and constraints on (in Deacon’s sense) organismic action. The paper aims to stimulate discussion regarding which conceptions and terminology are most appropriate in this sphere.
FR :
Les capacités modélisatrices des humains sont uniques dans le règne animal puisqu’elles conjuguent de la communication verbale et non-verbale. Cependant, dans le développement de cette modélisation, quelque chose doit être perdu dans le mouvement d’un mode à un autre. La biosémiotique, qui postule une « liberté sémiotique », soutient que l’organisme se construit en relation avec l’environnement. Cet article considère les approches théoriques en biosémiotique qui concernent la liberté d’action de l’organisme, ainsi que la répression et les contraintes au sein de cette action. Cet article vise à stimuler la discussion afin de déterminer quelles conceptions et quelle terminologie sont les plus appropriées dans ce domaine.