Volume 45, numéro 2, automne 2020 La santé mentale des immigrants et réfugiés Sous la direction de Marc Corbière, Jean-Marie Bioteau et Cécile Rousseau
Dinh Duong Nguyen (tableau de la couverture)
Né au Vietnam en 1964, Dinh Duong Nguyen a joint Les Impatients en 1998 où il a tôt fait d’impressionner par sa maîtrise picturale exceptionnelle. Il emploie le tachisme avec brio et compose des tableaux où la lumière, toujours reine, fait naître, entre autres, des paysages classiques, des instruments de musique ou des lacs remplis de nénuphars et de lotus. Difficile de ne pas penser aux impressionnistes en regardant son travail. D’abord enfermé dans un quasi-mutisme, Dinh s’est peu à peu ouvert et épanoui en atelier. Impossible toutefois de savoir exactement dans quelle école vietnamienne l’artiste a acquis son savoir en matière d’art. On sait par contre qu’il a été victime de la guerre, séparé de sa famille, et a trouvé refuge au Québec avec son frère. Il aurait vraisemblablement fait partie des tristement célèbres réfugiés de la mer : les boat people. D’ailleurs, le thème maritime est récurent chez ce créateur : embarcations, bord de mer, ponts, ruisseaux et rivières. On réalise, au détour, que l’eau se fait souvent menaçante et houleuse, avec ses profondeurs sombres et des falaises aux angles tranchants. On rencontre aussi dans les dessins et les peintures de Dinh Duong Nguyen des stigmates de son profond traumatisme : des chars d’assaut, des tanks et des armes à feu, peints avec la même signature impressionniste et les mêmes fuchsias et pourpres doucereux qu’il affectionne. Le contraste entre la violence du sujet et la légèreté de la technique est saisissant. Il peint à la gouache des soldats, des champs de bataille tout comme des portraits de « femme au chapeau », des natures mortes et des danseuses à la Degas. Si les thèmes sont hétéroclites, la palette de couleur décline les teintes du coucher de soleil.
Amélie Dumoulin (2015).
Sommaire (11 articles)
Présentation
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L’engagement dans les soins en collaboration en santé mentale jeunesse pour les familles migrantes : des lieux cliniques ancrés dans leurs contextes institutionnel et sociopolitique
Lucie Nadeau, Janique Johnson-Lafleur, Annie Jaimes et Emmanuelle Bolduc
p. 19–38
RésuméFR :
Objectifs Cet article vise à combler certaines lacunes dans la littérature concernant les conditions propices à des soins en collaboration de qualité en santé mentale jeunesse (SMJ) pour les jeunes migrants et leurs familles, dans les services de première ligne. Il examine les facteurs susceptibles de favoriser l’engagement des familles migrantes dans les services, en tenant compte des dimensions liées à la rencontre clinique, aux enjeux systémiques et aux questions institutionnelles/sociopolitiques.
Méthode Utilisant un devis multiphase en méthodes mixtes, l’article présente séquentiellement les résultats qualitatifs et quantitatifs spécifiques aux familles migrantes, d’un vaste programme de recherche sur les soins en collaboration en SMJ dans des quartiers culturellement et socioéconomiquement diversifiés. Ces résultats proviennent de données collectées à Montréal au cours de la dernière décennie par le biais de questionnaires, d’entrevues semi-structurées, de groupes de discussion, d’observation participante et de documentation. Les participants à la recherche étaient des enfants, des adolescents et des parents de familles migrantes, des cliniciens et des gestionnaires.
Résultats Les résultats suggèrent que le macrosystème sociopolitique et institutionnel structure l’espace de la clinique et influence le processus de soins. En particulier, les réformes successives du système de santé posent des défis de taille aux institutions et aux équipes en SMJ quant à leur capacité à créer un environnement favorable à la continuité des soins et au partenariat interinstitutionnel et à la collaboration interprofessionnelle, des facteurs associés à l’engagement des familles dans les soins. Cet engagement est également tributaire des représentations que les familles migrantes se font de la santé mentale et des services. Ces représentations sont façonnées par leur expérience des soins, mais aussi par ce que leur environnement socioculturel et les discours publics leur permettent d’imaginer de ces services. Cela invite à considérer une intégration de dimensions culturelles et sociopolitiques dans le concept d’engagement. Enfin, les résultats suggèrent également que les écoles jouent un rôle important pour favoriser l’engagement dans les soins de santé mentale.
Conclusion La qualité des soins de santé mentale pour les enfants et adolescents migrants dépend de l’engagement des familles dans les services, et aussi de l’engagement réciproque des cliniciens et des institutions. Les contextes politiques où des tensions entre les groupes majoritaires et minoritaires sont présentes peuvent également faire obstacle aux soins. Étant donné que les familles migrantes s’engagent moins dans les services par rapport aux familles non migrantes, ces considérations appellent à un examen important des moyens pour faciliter l’engagement des familles migrantes dans les soins en collaboration en SMJ. L’article propose certaines avenues pour favoriser cet engagement.
EN :
Objective This article aims at filling some gaps in the literature regarding conditions conducive to high-quality collaborative care in youth mental health (YMH) for migrant families. It focuses on the factors that are susceptible to foster the engagement of migrant families in the services, by examining the clinical encounter, as well as sociopolitical and institutional dimensions.
Methods Using a multiphase mixed methods design, it sequentially follows qualitative and quantitative results regarding migrant families within the different projects of a research program on collaborative care in YMH in culturally and socioeconomically diverse neighborhoods, done in Montreal during the last decade. These results come from data collected through questionnaires, semi-structured interviews, focus groups, participatory observation and documentation, with research participants being children, adolescents and parents from migrant families, clinicians and managers.
Results The results suggest that the sociopolitical and macro institutional system finds its way into the clinical space by influencing the process of care. In particular, successive reforms of the health system challenge institutions and YMH teams in their capacity to create a favourable environment for continuity of care and interinstitutional partnership and interprofessional collaboration, factors associated with families’ engagement into care. This engagement is also dependent on the representations of mental health and services that migrant families hold. These representations are shaped by their experience of the services, but also by what their sociocultural environment and the public discourses allow them to imagine of these services. This calls for the integration of cultural and sociopolitical dimensions within the concept of engagement. Finally, results also suggest that schools are playing an important role to foster engagement in mental health care.
Conclusion The quality of mental health care for migrant children and adolescent relies on the engagement of families, as well as on the mutual engagement of clinicians and of their institutions. Political contexts where tensions between majority and minority groups are present can also act as barriers to the care. Given that migrant families are engaging less in the services compared to non-migrant families, these considerations call for an important review of avenues to facilitate engagement of migrant families into collaborative care YMH services. This article suggests certain avenues to promote this engagement.
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Sept stratégies pour collaborer avec l’interprète de service public
François René de Cotret, Noelia Burdeus-Domingo et Yvan Leanza
p. 39–60
RésuméFR :
Introduction L’Interprétation de Service Public (ISP) s’intègre graduellement à la société québécoise. Les mécanismes institutionnels et organisationnels destinés à encadrer cette pratique interprétative ne sont pas généralisés à l’ensemble des services publics de la province, et là où ils le sont, de nombreux défis demeurent.
Objectif L’étude avait pour objectif de fournir à l’intervenant oeuvrant dans le secteur de la santé mentale des stratégies concrètes pour favoriser la collaboration avec l’interprète de service public.
Méthode Une lecture critique de la littérature (narrative overview) a été effectuée afin d’offrir un regard neuf sur l’objet d’étude, déjà existant. Parce qu’elle offre une synthèse critique d’informations clés du domaine, cette méthode répond particulièrement bien aux besoins du lecteur qui n’est pas à jour dans les avancées du domaine.
Résultats La lecture critique a d’abord permis de circonscrire 2 défis généraux concernant l’intervenant appelé à collaborer avec l’interprète de service public, soit la reconnaissance du rôle de celui-ci et la reconnaissance de la diversité des situations de communication aptes à favoriser leur collaboration. Sept stratégies de collaboration interprofessionnelle à la disposition de l’intervenant ont été formalisées pour répondre à ces défis : 1) utilisation des vocabulaires tirés de la Typologie des positionnements de l’interprète de service public (René de Cotret et coll., en cours de publication) et de la Typologie des postures de l’interprète de service public (Leanza, 2005) ; 2) obtention des informations à transmettre dans la demande de service ; 3) allocation de temps pour le briefing avec l’interprète ; 4) et pour le débriefing ; 5) appui à la présentation de l’interprète ; 6) encadrement du small et du big talk ; 7) promotion de la continuité des soins.
Discussion La présente étude offre un regard neuf sur certaines lignes de tension caractéristiques du domaine de l’ISP. Les 7 stratégies de collaboration proposées constituent une réponse à celles-ci et visent à améliorer la qualité de la communication interculturelle et des services offerts à l’usager en favorisant le transfert de connaissances. Elles sont spécifiquement adressées aux utilisateurs des connaissances, tiennent comptent de leur pratique et sont articulées dans un langage familier.
EN :
Introduction Public Service Interpreting (PSI) is gradually becoming part of Quebec society. The institutional and organizational mechanisms designed to provide a framework for this interpretative practice are not yet generalized to all public services in the province, and where they are, many challenges remain.
Objective The objective of the study was to provide stakeholders working in the mental health sector with practical strategies to foster collaboration with public service interpreters.
Methodology A critical reading of the literature (narrative review) was carried out with the objective of offering a new perspective on the already existing object of study. Because it offers a critical synthesis of key information in the field, this method is particularly well suited to the needs of the reader who is not up to date with advances in the field.
Results This critical reading first made it possible to identify two general challenges concerning mental health practitioners called upon to collaborate with public service interpreters: the recognition of the interpreter’s role and the acknowledgement of the diversity of communicative situations likely to foster their collaboration. This paper presents seven interprofessional collaboration strategies that mental health practitioners can apply to meet these challenges: 1) using vocabulary drawn from the public service interpreter Positioning and Postures Typologies; 2) obtaining information to be transmitted in the interpreting assignment; 3) allocating time for briefings and 4) for debriefings; 5) encouraging the interpreter’s presentation; 6) framing small and big talk; and 7) promoting the continuity of care.
Discussion The present study offers a new perspective on some of the distinctive tensions in the PSI domain. The 7 proposed collaboration strategies are a response to these and aim to improve the quality of intercultural communication and services offered to users by promoting knowledge transfer. They are specifically addressed to knowledge users, take their practices into account and are explained using non-specific terms.
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L’évaluation psychologique avec interprète : une pratique en 3 phases (l’avant — le pendant — l’après)
Noelia Burdeus-Domingo, Anick Brisson et Yvan Leanza
p. 61–78
RésuméFR :
Le besoin des services d’un interprète dans le domaine de la santé pour traiter des patients allophones est, de nos jours, indiscutable. La littérature scientifique fait la démonstration de ce besoin dans toutes les spécialités médicales. En santé mentale, la situation est particulièrement sensible lorsqu’une évaluation psychologique nécessite les services d’un interprète.
Objectifs Explorer les meilleures pratiques mises en évidence par la littérature précédente pour le travail avec un interprète en santé mentale et les appliquer au contexte particulier des évaluations psychologiques.
Méthodes Une synthèse des principales recommandations fournies par la recherche pour communiquer par l’intermédiaire d’un interprète a été effectuée.
Résultats Une compilation des meilleures pratiques pour garantir une évaluation psychologique de qualité lors du travail en partenariat avec un interprète est fournie, en se concentrant sur les principales questions à prendre en compte lors de l’évaluation de patients linguistiquement et culturellement divers. Cette compilation est organisée en 3 phases : avant, pendant et après la consultation. Par exemple, la nécessité de préparer la rencontre avec l’interprète (briefing), l’impossibilité de demander une interprétation « mot à mot » (sauf dans des cas très particuliers) et la nécessité d’un débriefing avec l’interprète pour compléter l’évaluation.
Discussion Les professionnels de la santé mentale peuvent optimiser leur collaboration avec les interprètes dans l’évaluation psychologique en appliquant ce modèle en 3 phases, ce qui améliorera la communication interculturelle.
EN :
The need for the services of a healthcare interpreter to treat allophone patients is, today, indisputable. The scientific literature demonstrates such a need in all medical specialties. In mental health, the situation is particularly sensitive when a psychological assessment requires the services of an interpreter.
Objectives To explore the best practices highlighted in the previous literature for working with an interpreter in mental health and apply them to the specific context of psychological assessments.
Methods A synthesis of key research recommendations for communicating through an interpreter was conducted.
Results A compilation of best practices for ensuring quality psychological assessment when working in partnership with an interpreter is provided, focusing on key issues to consider when assessing linguistically and culturally diverse patients. This compilation is organized in 3 stages: before, during and after the consultation. For example, the need to prepare for the consultation with the interpreter (briefing), the impossibility of requesting “word-for-word” interpreting (except in very special cases), and the need for a debriefing with the interpreter to complete the assessment.
Discussion Mental health professionals can optimize their collaboration with interpreters in psychological assessment by applying this three-step model, which will improve cross-cultural communication.
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Enfant persécuteur ou enfant sauveur ? Quand trauma et migration s’amalgament à l’ambivalence de la mère dans la relation à son bébé
Audrey Mc Mahon, Marion Feldman, Cécile Rousseau et Marie Rose Moro
p. 79–95
RésuméFR :
La grossesse est un moment de remaniements psychiques et identitaires fragile, où l’ambivalence de la mère est nécessaire et structurante pour l’enfant à venir. Mais qu’en est-il de l’ambivalence lorsque la mère est aux prises avec des traumatismes ? Quel est le rôle de la migration et de l’exil dans le fait de donner naissance dans un monde nouveau ? Quels impacts pour l’enfant et pour sa « continuité d’exister » ? C’est à la lumière de situations cliniques issues d’une recherche portant sur la transmission transgénérationnelle du trauma de la mère à l’enfant auprès de mères migrantes que ces questionnements ont surgi et que leur approfondissement s’est imposé comme une réponse à une réalité clinique souvent rencontrée en périnatalité auprès des populations immigrantes et réfugiées. L’acte de transmettre la vie prend racine dans l’histoire des mères et vient questionner leurs identités, leurs filiations et leurs affiliations mises à l’épreuve par l’adversité rencontrée. L’arrivée des enfants est à la fois fragilisante et source de « résilience » exceptionnelle. Il est donc essentiel de penser la question de l’accueil de ces dyades mère-bébé pour des soins adaptés et culturellement sensibles.
EN :
Objectives The objectives of this paper are to explore the impact of psychological trauma and migration on a mother’s ambivalence regarding her relationship with her child and to explore the effect on the child’s “continuity of being.”
Methods Literature on the ambivalence of mothers who have experienced trauma and migration is reviewed. The authors present the hypothesis that the presence of trauma and/or migration exacerbate the phenomenon of ambivalence and that it may impact early interactions in mother-infant dyads. The stories of three migrant dyads are presented to illustrate these processes.
Results Pregnancy is a period of psychological and identity reorganisation during which a mother’s ambivalence is as necessary as it is structuring for the child to come. The stories of the three mother-infant dyads presented in this paper highlight the impacts of migration and of traumatic experiences on entering motherhood in a foreign country. These mothers’ representations of their children are affected by their ambivalence; the “child as a savior” and the “child as a persecutor” are in constant conflict within the mothers’ psyche. The act of giving life is rooted in the mothers’ histories and brings into question their very identities, their parentage and affiliations, as influenced by the hardships they have experienced. The arrival of a child is both a vulnerability factor as well as a source of tremendous resiliency. Therefore, it is essential to reflect on how to best welcome these mother-infant dyads in order to offer adapted and culturally sensitive care.
Conclusion This paper offers a deeper review of a clinical reality often encountered in infant mental health with migrant and refugee populations. The perinatal period coinciding with migration is one of increased vulnerability and of potential revival of traumatic events. Giving birth in exile, especially when struggling with psychological trauma may impact maternal representations of their children. Children may then carry the burden of their histories or, inversely, become a source of creative potential for the mother-infant dyad. A transcultural approach is essential for a better understanding of the complex processes involved in becoming a mother in the context of trauma and/or migration and to improve care for mothers and their developing offspring.
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Les mineurs non accompagnés : des destins individuels qui interrogent le politique
Rahmeth Radjack, Fatima Touhami, Mayssa El Husseini, Asmaa Bernichi, Yoram Mouchenik, Sevan Minassian et Marie Rose Moro
p. 97–113
RésuméFR :
Objectifs À travers la description et la discussion d’une situation d’un jeune isolé étranger d’origine marocaine venu seul en France à 17 ans, nous transmettons des éléments de compréhension et des outils transculturels pour faciliter l’émergence d’un récit et d’un lien de confiance avec les professionnels qui l’accompagnent. Une créativité s’impose dans la prise en charge des jeunes isolés étrangers, car la famille est à distance, et les obstacles à la mise en place d’un lien de confiance dans l’accompagnement éducatif sont nombreux (liés aux expériences du passé et aux traumatismes psychiques).
Méthode Nous décrivons un dispositif d’accueil transculturel adapté à ces jeunes, qui se base sur le principe de narrativité en utilisant divers supports de narration et de médiation (objets, circle test, médiateurs-interprètes, propositions transculturelles). Nous favorisons ainsi l’émergence d’un récit biographique initialement difficile d’accès face au statut particulier de la parole dans ce contexte.
Résultats La discussion se fait sous 3 angles : anthropologique avec un éclairage sur la situation spécifique des harraga qui sont des jeunes en errance à la fois psychique et physique, l’angle politique, et la clinique du psychotraumatisme. Sur le plan du travail éducatif, la mise en valeur et l’approfondissement des compétences transculturelles des professionnels permettent de pallier un sentiment d’épuisement ou d’échec, et à terme, mieux accompagner ces jeunes. Les modalités d’accueil et nos manières de les soigner interrogent notre relation à l’autre, à nous-mêmes, au lien social et au politique.
Conclusion Une approche transculturelle peut aider le jeune à renouer un processus de construction identitaire loin de ses repères, en pleine période d’adolescence. Cela suppose de retrouver une cohérence dans le parcours des jeunes malgré la rupture de la migration, souvent réactivée par de nouvelles séparations lors des changements réguliers de lieux de vie. Les jeunes isolés étrangers ont la possibilité, dans le cadre de ce dispositif, de montrer une juste représentation d’eux-mêmes, d’élaborer des récits qui échappent aux représentations préconçues liées à leur statut et de construire leurs destins individuels.
EN :
Objectives The article presents the clinical description and discussion of a 17 years old Moroccan unaccompanied minor who migrated on his own to France. This case illustrates the complexity of the foreign unaccompanied minors’ trajectories and the challenges of the clinical and institutional accompaniment provided in France. In the lights of the results of our clinical work and research, we suggest transcultural tools and perspectives that facilitate the construction of a narrative and that reinforce trust with the professionals-care givers working along with this population. Creativity is needed in the care of foreign isolated young people, in the absence of the family. Past traumatic experiences in these youths’ lives hinder the process of building trust in the host country’s educational accompaniment.
Method In the framework of our action research, we describe the transcultural therapy setting created by our team to address the unaccompanied minors’ psychological distress. Aiming to encourage the emergence of a life narrative that had been obstructed and ruptured by traumatic experiences, we resort to various tools facilitating the storytelling (objects, circle test, mediators interpreters, transcultural interpretations).
Results The discussion follows three stances: the anthropological perspective focusing on the specific situation of the harraga—young people wandering both on the psychic and physical levels—, the political perspective, and the trauma clinic perspective. The enhancement and deepening of the cross-cultural skills of social workers strengthen their resources and provide them with better tools to accompany these young people. Additionally, results highlight the impact of the political discourse and strategies in the social workers’ self-perception and the strains it creates in their daily work.
Conclusion The transcultural approach addressed to unaccompanied minors relaunches the identity construction process in adolescence, impeded by their traumatic journey in migration. This implies restoring coherence in the life path of young people despite the rupture caused by the migration, often reactivated by new separations during the repetitive changes of foster homes. The unaccompanied minors have the possibility, through this clinical setting to depict an accurate representation of themselves, to develop narratives that can outgrow the preconceptions associated with their status, opening a brighter way for their individual destinies.
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Effets sociaux, culturels et psychologiques du mariage chez les adultes tamouls de seconde génération en France. Étude de cas – Renuka : un mariage arrangé à l’occidentale
Mélanie Vijayaratnam, Amalini Simon, Rahmeth Radjack et Marie Rose Moro
p. 115–124
RésuméFR :
Objectif Cette étude se veut une approche compréhensive des conflits psychiques que rencontrent les jeunes femmes confrontées à des modèles culturels divergents. Elle relate des tensions traversées par Renuka, Tamoule née en France, dans ses choix matrimoniaux entre verticalité culturelle et métissage.
Méthode Le parcours matrimonial de Renuka est exploré à travers des entretiens semi-directifs approfondis analysés selon la méthode complémentariste de Devereux.
Résultats Dans un espace pluriculturel, il y a une souffrance résultant de la difficulté de positionnement. Les choix maritaux révèlent des tensions intrapsychiques qui peuvent être dépassées en mobilisant des stratégies, des processus et des mécanismes articulant les modèles identificatoires.
Conclusion Cette étude explore les enjeux du mariage en contexte migratoire et ses effets sur la vie psychique des individus et relate une des problématiques majeures de nos sociétés métissées.
EN :
Objective This study is a comprehensive approach to psychic conflicts encountered by young women confronted with divergent cultural models. It relates the tensions experienced by Renuka, Tamil born in France, in her marital choices between cultural verticality and interbreeding.
Method Renuka’s matrimonial journey is explored through in-depth semi-structured interviews analyzed using Devereux’s complementarist method.
Results In a multicultural space, there is a difficulty of positioning. Marital choices reveal intrapsychic tensions that can be overcome by mobilizing strategies, processes and mechanisms articulating identificatory models.
Conclusion This study explores the issues of marriage in a migratory context and its effects on the psychic life of individuals and relates the major issues of our mixed societies.
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Satisfaction à l’égard de la vie, discrimination perçue, religiosité et santé mentale dans l’islam soufi : une perspective montréalaise
Abdelwahed Mekki-Berrada et Karim Ben Driss
p. 125–145
RésuméFR :
Objectif L’objectif central de cet article consiste à explorer les interactions dynamiques entre 5 ensembles de variables, à savoir les « caractéristiques sociodémographiques », la « satisfaction à l’égard de la vie », la « discrimination perçue », la « religiosité » et la « détresse émotionnelle » au sein de la Tariqa Qadiriya Boudchichiya de Montréal, voie soufie musulmane dont les origines sont marocaines et remontent au 18e siècle.
Méthode Pour ce qui est de la méthode utilisée, en considérant la « détresse psychologique » comme variable dépendante, nous avons procédé à des analyses statistiques descriptives univariées, des analyses de corrélation bivariées (Corrélation de Pearson), des analyses ANOVA à un facteur et des analyses multivariées (régressions linéaires).
Résultats Nos résultats, même si préliminaires en raison d’un échantillon relativement mince (n = 56), nous permettent d’avancer une nouvelle hypothèse voulant que la pratique spirituelle intense qui caractérise la Tariqa, autoriserait « un travail de soi sur soi » par l’entremise d’un ensemble de « techniques de soi » (Foucault) contribuant, sinon à la santé mentale, du moins à un certain bien-être émotionnel.
Conclusion Notre conclusion souligne l’importance d’investiguer plus en profondeur la possible contribution de la « religiosité » à la capacité du sujet d’agir sur soi pour émerger comme sujet spirituel, éthique et politique.
EN :
Objective The central objective of this paper is to explore the dynamic interactions between 5 sets of variables, which are Sociodemographic Characteristics, Satisfaction with Life, Perceived Discrimination, Religiosity and Emotional Distress within Montreal’s Tariqa Qadiriya Boudchichiya, a Muslim Sufi way whose origins are Moroccan and date back to the 18th century.
Method As a method, we considered psychological distress as the dependent variable and performed univariate descriptive statistical analyzes, bivariate correlation analyzes (Pearson correlation), one-way ANOVA analyzes, and multivariate analyzes (linear regressions).
Results Our results, although preliminary due to a relatively small sample (n = 56), allow us to put forward a new hypothesis suggesting that the intense spiritual practice that characterizes the Tariqa, would allow “a work of the self on self” through a set of “techniques of the self” (Foucault) that contribute to a certain emotional well-being, if not to mental health.
Conclusion Our conclusion underlines the importance of investigating more in depth the possible contribution of religiosity to the subject’s capacity to act on oneself in order to emerge as a spiritual, ethical and political subject.
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Venir de loin et se retrouver : intervention de groupe pour femmes immigrantes et réfugiées ayant vécu la violence
Maryse Benoit, Louise Rondeau et Elizabeth Aubin
p. 147–168
RésuméFR :
Objectifs Cet article a une visée clinique et présente une intervention novatrice pouvant être offerte dans différents milieux de pratique. Il est question ici d’une intervention de groupe s’adressant plus spécifiquement à des femmes immigrantes et réfugiées qui ont vécu différentes formes de violence. Les répercussions de l’exposition à la violence intentionnelle et déshumanisante, jumelées aux défis liés à la migration et à l’exil forcé, peuvent fragiliser les individus et mettre à l’épreuve leurs capacités d’adaptation. Bien que le soutien psychologique et psychosocial au cours des années qui suivent leur arrivée peut s’avérer salutaire, les personnes immigrantes et réfugiées ont peu recours aux services institutionnels, et des experts pointent le manque d’adéquation des services offerts à cette population. Il s’avère donc indispensable de promouvoir le développement d’interventions plus signifiantes pour ces personnes, en vertu du principe d’équité et d’égalité des chances d’accès à des services adéquats, mais aussi pour mieux outiller les intervenants en leur fournissant des interventions sécuritaires et culturellement sensibles. C’est dans cette perspective qu’a été élaborée en 2010 une intervention de groupe pour des femmes immigrantes et réfugiées ayant vécu la violence, fruit d’une collaboration entre des chercheuses de l’IUPLSSS et des intervenantes du CIUSSS de l’Estrie-Chus.
Méthode Cet article vise en premier lieu à présenter cette intervention de groupe. Il sera notamment question de son caractère novateur ainsi que du rationnel clinique et empirique qui sous-tend le choix de ses principales composantes, soit le format de groupe et les modalités artistiques. S’ensuivra une description plus détaillée de l’intervention quant à ses objectifs, son déroulement et certaines composantes essentielles pour assurer sa portée thérapeutique et l’établissement d’un espace sécuritaire. En second lieu, l’article présente brièvement les données préliminaires d’une étude en cours visant notamment à évaluer les retombées de cette intervention. Dans le cadre de cette étude, des données qualitatives et quantitatives ont été recueillies auprès de 3 groupes (n = 17) et soumises à des analyses de contenu et des analyses quantitatives non paramétriques pour mesurer les changements entre le pré et posttest.
Résultats En ce qui concerne plus spécifiquement l’étude en cours, les résultats préliminaires des analyses qualitatives et quantitatives montrent que les femmes ayant participé aux groupes rapportent à la fin de l’intervention une diminution des symptômes de stress posttraumatique de même que des améliorations sur différentes dimensions de leur bien-être.
Conclusion La conclusion met en exergue les avantages et les limites de cette intervention, mais aussi sa pertinence pour les milieux de pratique. Bien que n’étant pas l’unique réponse pour intervenir en contexte interculturel et postviolence, cette intervention représente une option de choix pour octroyer des services adaptés à la réalité et aux besoins de personnes immigrantes et réfugiées.
EN :
Objectives This paper has a clinical perspective and presents an innovative intervention that could be offered in different institutions and practice environments. The object here is a group intervention addressed specifically to immigrant and refugee women having experienced different forms of violence. The consequences of being exposed to intentional and dehumanizing violence, paired with the challenges associated with migration and forced exile, can fragilize the individuals and challenge their capacity to adapt. Even though psychological and psychosocial support in the years following their arrival could be beneficial, immigrants and refugees rarely use institutional services, and experts point out that the services are not tailored to them. In that respect stems the importance of promoting the development of more meaningful interventions for immigrants and refugees, in accordance with the principle of equity and equality of chances to have access to appropriate services, but also to better equip the specialists by giving them access to safe and culturally sensitive interventions. Following that perspective, a group intervention for immigrants and refugees having experienced violence was created in 2010 with the collaboration of researchers from l’IUPLSSS and social workers from CIUSSS de l’Estrie-Chus.
Method Firstly, this article aims to present this group intervention. Innovative features of the proposed program will be highlighted, followed by an overview of the clinical and empirical supports that recommend the use of groups and art to intervene with immigrants and refugees. A more detailed description of the intervention will follow, describing the objectives of the intervention as well as the intervention framework, including some necessary components to assure the therapeutic reach of the groups and the establishment of a safe space. Secondly, the article presents a brief summary of the preliminary results of a current study aiming to evaluate the impacts of the intervention. During this study, qualitative and quantitative data was collected from 3 groups (n = 17) and analyzed with content analysis and non-parametric analyses to measure the changes between pre and post intervention.
Results The results of the qualitative and quantitative analyses show that women report positive changes at the end of the group, namely in regard to post-traumatic stress symptoms and different dimensions of their well-being.
Conclusion To conclude, the advantages and limits of this intervention will be discussed, but also its relevance for the practice environments. Even if it isn’t the only answer for the intervention in a post-violence context, it consists of a good option for providing adapted services to the reality and needs of immigrants and refugees.