TTR
Traduction, terminologie, re?daction
Volume 9, numéro 2, 2e semestre 1996 Parcours de traduction Pathways of Translation Sous la direction de Jean-Marc Gouanvic
Sommaire (18 articles)
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Présentation
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Présence et absence de la Description de l’Afrique de Léon l’Africain dans ses traductions
Houria Daoud-Brikci
p. 13–46
RésuméFR :
Présence et absence de la Description de l'Afrique de Léon l'Africain dans ses traductions — Le présent article, qui se situe dans une perspective historique, décrit l'itinéraire exceptionnel d'une oeuvre canonique rédigée en arabe en pleine Renaissance et traduite depuis et jusqu'en 1956, avec une réédition en 1981, dans la plupart des langues européennes, dont le latin. Il aborde l'évolution de ces traductions d'un point de vue à la fois synchronique et diachronique et dévoile le phénomène du choc des cultures à travers la pénétration de la Description dans les sociétés européennes. Grâce à l'herméneutique paratextuelle, les configurations épistémologiques, les renversements génériques, la cryptographie militaire, diplomatique, universitaire et ecclésiatique et littéraire sont analysés comme autant de repères dans les manipulations de la Description. En réalité, ce sont autant de politiques intermédiaires pour déjouer la rencontre, rêvée par l'auteur, de l'Orient avec l'Occident.
EN :
The Presence and Eclipse of Leo Africanus's Description of Africa Through its Translations — This article takes an historical perspective and attempts to describe the exceptional destiny of a canonic work written in Arabic in the first quarter of the Renaissance, and later translated into Latin and several other European languages, including French in 1956, a translation which was reedited in 1981. The evolution of these translations is studied both synchronically and diachronically, with particular emphasis on the effects of the Description's penetration into European societies. An interpretation of the paratextual materials demonstrates the epistemological configurations, the generic shifts and various forms of coding — military, academic, diplomatic, ecclesiastical and literary — the work has undergone and which have contributed to preventing the encounter the author desired between the Orient and the West.
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Les Projets d’« illustration » de la langue vernaculaire et leurs héritages littéraires
Mawy Bouchard
p. 47–74
RésuméFR :
RÉSUMÉ : Les Projets d'" illustration " de la langue vernaculaire et leurs héritages littéraires - Dante écrivit, peu après Vita nova, en 1305, son De Vulgari eloquentia, texte qui servit de " manifeste ", d'abord aux champions des vernaculaires italiens, ensuite aux défenseurs des langues vulgaires européennes en pleine expansion dès la fin du XIVe siècle. Dante suggérait aux poètes désireux d'" illustrer " leur langue maternelle de composer une oeuvre aussi magnifique que celle de son grand maître romain, Virgile. Une oeuvre sans dénomination générique, mais définie par son vers hendécasyllabe et ses matières " illustres " : salus, virtus, venus. Boccace fut le premier disciple de Dante. Il répondit à l'appel de son maître, en écrivant une oeuvre dédiée à Mars, le tout-puissant dieu guerrier, seul capable d'accorder la gloire éternelle aux pauvres mortels. La Teseida délie nozze d1 Emilia servit de modèle, quelques années seulement après sa parution, aux poètes anglais et français. Chaucer traduisit la Teseida, qui devint " The Knight's Tale ", et l'intégra à ses Canterbury Tales vers 1380. En France, un traducteur anonyme du roi René d'Anjou traduisit à son tour, vers 1460, l'oeuvre épique de Boccace, qu'il intitula Thezeo. Au XVIe siècle, époque déterminante dans l'histoire de la langue française, Anne de Graville " translata de vieil langage en nouveau " le Thezeo qu'elle intitula: le Beau romant des deux amans Palamon etArcita et de la belle et saige Emilia. Cette étude suit le parcours de la Teseida de Boccace d'une langue à une autre, en s'intéressant au projet et au " contre-mouvement" de l'illustration des langues vernaculaires européennes esquissé par le grand poète toscan, Dante.
EN :
Projects to 'illustrate' Vernacular Language and Their Literary Heritage — In 1305, shortly after his Vita nova, Dante wrote his De vulgari eloquentia, a text which served as a 'manifesto' for the champions of the Italian vernaculars and for the defenders of the European vulgar tongues which were rapidly expanding at the end of the 14th century. Dante suggested that poets wanting to 'illustrate' the mother tongue should compose a work as magnificent as that of his great Roman master Virgil, a work not defined generically but by its eleven-syllable metre and its 'illustrious' subject: salus, virtus, verms. Boccaccio, the first of Dante's disciples, responded to Dante's call by writing a work dedicated to Mars, the all-powerful warrior god who alone could grant eternal glory to poor mortals. Only a few years after it appeared, the Teseida della nozze d'Emilia served as a model for English and French poets. Chaucer translated the Teseida, which became "The Knight's Tale," and, around 1380, included it in his Canterbury Tales. In France, an anonymous translator at the court of King René of Anjou translated Boccaccio's text around 1460, giving it the title Thezeo. In the 16th century, a period of fundamental importance in the history of the French language, Anne de Graville translated the Thezeo into more modern French and gave it the title: Le Beau romant des deux amans Palamon et Arcita et de la belle et saige Emilia. Our study follows Boccaccio's Teseida from one language to another, taking particular interest in Dante's project, and in the 'counter movement,' to illustrate the European vernaculars.
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Soumission et assujettissement : la fidélité chez les traducteurs et « théoriciens » de la traduction française dans la première moitié du XVIIIe siècle
Benoit Léger
p. 75–101
RésuméFR :
Soumission et assujettissement : la fidélité chez les traducteurs et « théoriciens » de la traduction française dans la première moitié du XVIIIe siècle — Cet article porte sur le concept de fidélité en traduction en France au XVIIIe siècle. À partir des définitions des dictionnaires de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècle, on cherche à définir la visée de la fidélité à l'époque : fidélité au texte de départ ou à la culture d'arrivée? Les dictionnaires définissent d'abord le terme par rapport à l'exactitude, à la foi et à la soumission. Les débats sur la fidélité dans la traduction des Anciens entre Houdar de La Motte et Anne Dacier au début du XVIIIe siècle se reflètent dans la traduction de la littérature anglaise. L'assujettissement du traducteur devient avec Silhouette celui du copiste. La fidélité est associée par Desfontaines à l'exactitude, mais en tant qu'idéal elle ne peut être selon lui que soumise aux contingences de la traduction et de la langue française. La fidélité devient alors synonyme de littéralité et Desfontaines, comme d'autres traducteurs, choisit plutôt d'être fidèle au goût français. L'exigence même de fidélité se module selon le type de texte à traduire : la Bible exigera une version littérale, les Anciens une imitation cherchant même à rendre justice à l'auteur en l'« améliorant », et les auteurs contemporains dont la « gloire » n'est pas assez importante, n'auront droit qu'à une adaptation libre.
EN :
"Soumission" and "Assujettissement": Fidelity for Translators and "Theoreticians" of French Translations in the First Half of the Eighteenth Century — This article analyzes the concept of fidelity in translation in France during the first half of the eighteenth century. On the basis of definitions provided by dictionaries from the late seventeenth century and the beginning of the eighteenth century, the article attempts to define the scope of fidelity at that time: fidelity to the source text, or to the target culture? The dictionaries first explain the concept in terms of exactness, faith or submission. The quarrel between Houdar de La Motte and Anne Dacier regarding faithfulness in the translation of the Ancients is later reflected in the translation of English literature. With Silhouette, the translator's submission becomes that of a copyist. Desfontaines associates the idea of fidelity with that of "exactness," but only as an ideal which for him is strictly subjected to the contingencies of translation and of the French language. Thus, fidelity becomes synonymous with unacceptable literal translation; Desfontaines, like other translators, chooses to be faithful to French taste. The requirements of fidelity itself change according to the nature of the text to be translated: the Bible demands a literal version, the Ancients must be imitated and the translator should do justice to these authors by "improving" their work. Finally, contemporary authors whose "glory" is not recognized, will only be given a free adaptation.
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Rewriting Representations of the Foreign: the Ireland of Finnish Realist Drama
Sirkku Aaltonen
p. 103–122
RésuméEN :
Rewriting Representations of the Foreign : the Ireland of Finnish Realist Drama — In this article, the author discusses what happens to culture-specific elements in the translation of realist drama. Following the polysystem approach, the hypothesis is that translation involves acculturation, or manipulation, even though realism as a style of presentation professes to be "lifelike." Which elements are acculturated, and how, is linked to the awareness assumed on the part of the audience of the cultural and generic conventions as well as of the dramatic function of the culture-specificelements in characterizationand the construction of plot, theme and atmosphere. Taking eight Irish plays rewritten into Finnish, the author concludes that they must be seen as products of the Finnish, not the Irish, theatrical system.
FR :
La réécriture des représentations de l'étranger: L'Irlande du théâtre réaliste finnois — Dans cet article, l'auteur étudie ce qu'il advient des éléments des milieux culturels dans la traduction du théâtre réaliste. À la suite des polysystémistes, l'hypothèse avancée est que la traduction des éléments du milieu implique une acculturation, ou une manipulation, même si le réalisme en tant que style de présentation professe l'imitation de la vie. Les éléments acculturés et la manière dont est réalisée l'acculturation sont liés à la connaissance présumée chez le public récepteur des conventions culturelles et génériques, ainsi que des fonctions théâtrales dont sont investis les éléments culturels spécifiques mis en scène et la construction de l'intrigue, le thème et l'atmosphère. À partir d'un corpus de huit pièces irlandaises réécrites en finnois, l'auteur en arrive à la conclusion qu'il faut les considérer comme des produits du système théâtral finlandais et non pas irlandais.
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« Hôtel Verbano », une genèse à rebours, ou la stylistique comparée revisitée
Nicole Côté
p. 123–146
RésuméFR :
" Hôtel Verbano ", une genèse à rebours, ou la stylistique comparée revisitée — L'auteure traite de l'utilité de la distinction entre styles collectif et individuel pour rendre compte de la traduction littéraire, où le sens est intégré à la forme. La saisie du sens se faisant à partir de l'étude de la structuration du style d'un auteur — lui même construit en fonction d'un style collectif qui possède ses propres normes —, la traduction doit respecter le contrat qui lie un écrivain à sa langue, jusque dans sa subversion. Toutefois, les ressources de la langue cible étant autres, une restructuration ne peut être évitée, ce qui oblige le traducteur à repenser la délimitation des frontières entre styles collectifs et individuels dans sa langue et les choix qu'elle implique. Bien que l'approche de la traduction proposée ici semble accorder un grand rôle au signifiant, elle sous-tend en fait une approche interprétative, qui se concentre sur le signifié tel qu'il est dévoilé par le jeu des signifiants. Suit une analyse de la nouvelle Hotel Verbano, de Jane Urquhart, qui montre que la progressive dépersonnalisation du récit se reflète dans sa syntaxe même, en particulier dans l'usage des modes et des temps; d'où la nécessité de retracer les frontières entre lesquelles Urquhart navigue dans sa langue, afin d'inscrire ce parcours dans le texte français.
EN :
"Hotel Verbano," a Reverse Genesis, or Comparative Stylistics Revisited — This paper discusses the need to distinguish between collective and individual styles in literary translation, where meaning is present in form. If meaning is to be interpreted through the study of an author's style — itself embedded in a collective style which has its own rules —, a translation must respect the contract between an author and his/her own language, no matter how subversive it may be. However, the resources of the target-language are different, and a restructuration cannot be avoided: the translator must rethink the boundaries between collective and individual styles in his/her own language, as well as the choices they involve. Although this approach to translation seems to attach great importance to the signifier, it in fact founds an interpretative approach, which focuses on the signified as it is disclosed by the interplay of the signifiers. An analysis of Jane Urquhart's "Hotel Verbano" follows, which shows that the progressive depersonalization of the narrative is mirrored in its very syntax, particularly in the use of its tenses and modes. Hence the need to map the boundaries within which Urquhart registers meaning in the forms she uses, so that the translator can reinvent this landscape in French.
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« Le soleil a rendez-vous avec la lune… » ou des problèmes posés par le genre dans la traduction vers le français
Christine Klein-Lataud
p. 147–164
RésuméFR :
« Le soleil a rendez-vous avec la lune » ou des problèmes posés par le genre dans la traduction vers le français — Après un bref exposé des données linguistiques concernant le genre grammatical, cet article se propose d'explorer les problèmes liés à l'expression du genre et du sexe dans la traduction des textes littéraires. Il illustre d'abord l'influence du genre sur le travail de l'imaginaire, puis, à partir d'une nouvelle de Ruth Rendell, il montre combien l'obligation d'exprimer le sexe en français alors que l'anglais peut rester ambigu (the lover = l'amant ou l'amante) rend difficile l'entretien du suspense policier. Enfin, la traduction d'un poème d'Erin Mouré fournit l'occasion d'examiner d'autres exemples des difficultés qui surviennent quand on traduit de l'anglais vers une langue comme le français dont tous les substantifs sont affectés d'un genre.
EN :
"Le soleil a rendez-vous avec la lune" or Problems Relating to Gender in Translating Towards French — After a brief survey of the linguistic data concerning grammatical gender, this article explores the problems related to the expression of gender and sex in the translation of literary texts. First we look at the influence of gender on the imagination. Then, taking a short story by Ruth Rendell as an example, we show how the obligation to express the sex of protagonists in French can make it difficult to maintain suspense in a detective novel. Whereas English can keep a certain ambiguity ("the lover" can be either male or female), French is obliged to specify. Finally, the translation of a poem by Erin Mouré provides other examples of difficulties which arise translating from English into a language such as French, in which nouns have gender.
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La traduction du vernaculaire noir : l’exemple de Zora Neale Hurston
Françoise Brodsky
p. 165–177
RésuméFR :
La traduction du vernaculaire noir : l'exemple de Zora Neale Hurston — La traduction du vernaculaire noir exige du traducteur une grande part de créativité. Le cas de la romancière et anthropologue Zora Neale Hurston en fournit un bon exemple. Capturant avec le même bonheur le rythme traînant des dialectes du Sud et le feu d'artifice verbal des marlous newyorkais, l'accent des fermiers du Delta ou des ouvriers itinérants, elle restitue une langue et une culture forgées par une vision tantôt folklorique tantôt biblique du monde qui permettait aux Noirs d'affirmer de manière codée leur résistance à l'oppression blanche. Ses oeuvres sont narrées dans un anglais classique, seuls les dialogues sont transcrits phonétiquement. Du point de vue du traducteur, l'auteur utilise non pas une langue « correcte » et un anglais dialectal mais deux langues différentes qu'elle place sur pied d'égalité : le texte classique mais nourri des traditions langagières noires de la narration, et le « parler noir » des dialogues qui situe chaque protagoniste en fonction de ses appartenances sociales et régionales. Le traducteur doit pouvoir reconnaître les subtiles techniques stylistiques de la narration afin d'en trouver l'équivalent en français. Et pour pouvoir rendre la langue traînaillante des dialogues, langue qui invente sa propre grammaire, joue des redondances et des métaphores, mêle argot et termes savants, survivances des langues africaines et anglais élizabethain, il doit « inventer » une langue qui permette de rendre visuellement le rythme, les accents et les inventions verbales du Black English.
EN :
Black Vernacular in Translation : The Case of Zora Neale Hurston — To translate Black English, the translator must demonstrate a creative spirit. A good example is that of Zora Neale Hurston, a novelist and anthropologist, for she manages to capture with the same ease the drawl of Southern peasants and the quick tongue of Harlem boys, the accent from the Mississippi delta and that of travelling hired hands. Her writing is representative of a culture marked by folk and biblical storytelling, which uses coded language to assert African-American resistance to white oppression. Hurston's narratives are written in classical English, but her dialogues are in Black American, represented phonetically. The translator is not dealing with "correct" English on one hand and a dialect on the other, but rather with two different languages, both of which are equally important: the narrative, although written in "good" English, is informed by the African-American oral tradition; the dialogues are in Black American, transliterated with such uncanny precision that each character "speaks" in a way that situates him or her socially and/or regionally. The translator must be able to identify the subtle stylistic techniques used in the narrative. And in order to translate the drawl of the dialogue, with its peculiar grammar, its redundancies, its metaphors and similes, its mix of slang and scientific or pseudo-scientific terms, its use of Elizabethan vocabulary and grammatical forms reminiscent of its African past, the translator has to "create" a new language, a visual equivalent that will give the reader a feel of the rhythm, the accents and the verbal invention that are so typical of Black English.
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The four-letter word, ou comment traduire les mots fuck et fucking dans un texte littéraire
Julie Adam
p. 179–192
RésuméFR :
The four-letter word, ou comment traduire les mots fuck et fucking dans un texte littéraire ? — Principale difficulté de traduction de la nouvelle « A Summer Girl », de John McKenna, les mots « fuck » et « fucking » apparaissent trente-quatre fois dans un texte d'environ 8 900 mots. La traductrice a puisé dans le vocabulaire oral pour rendre la charge affective et esthétique de ces deux mots, emblématiques des sentiments de haine et d'amour qu'éprouve la narratrice envers son interlocuteur. Pour reproduire un effet similaire à celui du texte original, il fallait étudier les diverses valeurs des mots « fuck » et « fucking » selon le contexte. On distingue quatre grands types d'emploi : sens littéral, injure, formules marquant la colère, le mépris ou l'amertume et enfin formules d'insistance.
EN :
The Four-letter Word, or How to Translate the Words fuck ana fucking in a Literary Text ? — John McKenna's short story "A Summer Girl" raises the problem of how to translate the words "fuck" and "fucking," occurring thirty-four times in a text of about 8 900 words. In order to convey the emotional and aesthetic power of these two words, emblematic of the narrator's feelings of love and hatred, the translator had recourse to oral expressions of Quebec French. Since the essential goal is to reproduce the same effect as the original text, the various meanings of the words "fuck" and "fucking" have been examined according to their contexts. Four main meanings emerge: literal meaning; insult; expressions of anger, contempt, or bitterness; and expressions of emphasis.
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L’adjectif « technique » : au-delà de la polysémie, l’histoire de l’évolution d’une attitude
Massiva N. Zafio
p. 193–212
RésuméFR :
L'adjectif « technique » : au-delà de la polysémie, l'histoire de révolution d'une attitude — Qu'ont de commun les titres Rédaction technique (Laganière, 1983), Traduction technique (Bédard, 1986), Vocabulaire technique de philosophie (Lalande) ? Un certain emploi de l'adjectif « technique » qui ne renvoie pas au même réfèrent. Cette polysémie, loin d'être un simple phénomène sémantique, a des racines profondes. Ce sont les avatars de cet adjectif que tente de retracer le présent article. En puisant à la fois dans l'Histoire des idées, dans l'histoire littéraire générale et dans la lexicologie, l'auteur explique le contexte idéologique et sociologique qui, de l'Antiquité gréco-romaine au XXe siècle, en passant par les philosophes pratiques du XVIIe siècle et surtout les Encyclopédistes du XVIIIe siècle, a rendu possibles les relations « technique = scientifique », « technique = spécialisé », « technique = art » et « technique = technologie ». Il montre les incidences de ces relations sur la typologie des textes et propose, des types de textes dits « techniques », « scientifiques » ou « spécialisés » une définition moins équivoque car fondée, non point sur les concepts de Science et de Technique avec prévalence diffuse du concept de Technologie mais sur une opposition Science et Technique, la première définie comme un savoir pour le savoir, la seconde, comme un savoir ordonné sur l'action. Un texte tient son appartenance catégorielle non de son objet mais de sa visée. Un texte traitant de technologie est, dans tous les cas, spécialisé. Il est technique s'il est orienté vers la manipulation, l'interaction avec l'objet (un artefact par exemple); il est scientifique si la recherche de compréhension des principes sous-tendant l'objet en est la visée.
EN :
The Adjective "Technique": Beyond Polysemy, a History of the Evolution of an Attitude — What do the titles Technical Writing. (Larmon, 1990) and McGraw-Hill Dictionary of Technical and Scientific Terms have in common ? They both use the adjective "technical," but in different ways. Such polysemy has deep roots and is more than a simple semantic problem. This article attempts to retrace the avatars of this adjective. Drawing on the History of Ideas, and the General History of Literature, as well as on lexicology, the article explains the ideological and sociological context which, from antiquity to the twentieth century, for the pragmatic philosophers of the seventeenth century and especially the Encyclopedists of the eighteenth century, made the following equations possible : technical = scientific, technical = specialized, technical = art, and technical = technology. It shows the impact of these relations on text typology and proposes a less equivocal definition for the types of texts referred to as "technical," "scientific" or "specialized," based not on definitions of 'scientific' and 'technical' in which the concept of 'technology' is present but rather on an opposition of two concepts (the former defined as knowledge for its own sake, the latter as action-oriented knowledge). A text belongs to a given category not because of its content, but because of its scope or purpose. A text about technology is necessarily specialized. It is technical if it is oriented toward manipulation, interaction with an object (artefact); it is scientific if its purpose is to understand the principles underlying the object studied.
Comptes rendus de lecture
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Wang Ning and Xu Yanhong, ed. Perspectives: Studies in Translatology. University of Copenhagen, Museum Tusculanum Press, 1996.
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Michel Ballard, dir. Relations discursives et traduction. Lille, Presses Universitaires de Lille, 1995, 297 p.
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Wilhelm Graeber. Der englische Roman in Frankreich: 1741-1763. Übersetzungsgeschichte als Beitrag zur französischen Literatur-geschichte. Heidelberg, Universitätsverlag, C. Winter, coll. « Studia Romanica », 1995, 369 p.
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Mary Snell-Hornby. Translation Studies – An Integrated Approach, Revised Edition. Amsterdam, John Benjamins, 1995, 170 p.
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Michel Ballard et Lieven D’hulst, dir. La Traduction en France à l’âge classique, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, collection « Travaux et recherches », 1996, 325 p.
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Jean-Paul Vinay and Jean Darbelnet. Comparative Stylistics of French and English, trans. and ed. by Juan C. Sager and M.-J. Hamel. Amsterdam/Philadelphia, John Benjamins, 1995.
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Anuradha Dingwaney and Carol Maier, ed. Between Languages and Cultures. Translation and Cross-cultural Texts. Pittsburgh and London, University of Pittsburgh Press, 1995, 359 p.