TTR
Traduction, terminologie, rédaction
Volume 32, numéro 1, 1er semestre 2019 Traduction et politique(s) Translation, Politics and Policies Sous la direction de Chantal Gagnon et Julie McDonough Dolmaya
Sommaire (12 articles)
Sociopolitical Contexts and Translation
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A Catholic Horace at the English Court: Paratextual Manipulations in Thomas Hawkins's Odes of Horace (1625-1638)
Marie-Alice Belle
p. 17–46
RésuméEN :
This article addresses the ways in which Thomas Hawkins, a translator engaged in the cultural and literary activities of early Stuart court culture, but also in the transnational, Anglo-French Catholic networks of the time, appropriates certain Odes of Horace to assert his cultural, literary, and ideological values at the courts of Charles I and Henrietta Maria. Focusing in particular on the paratexts of the printed volume in its various editions (1625-1638), which include a translator’s preface as well as a number of commendatory poems from contemporary writers and courtiers, this article revisits Theo Hermans’s (2014a [1985]) and André Lefevere’s (2006 [1992]) seminal methods for analyzing the ‘manipulation of literary fame’ in early modern England. While confirming Hermans’s and Lefevere’s attention to issues of patronage and cultural norms, as well as the pivotal importance of paratexts as markers of such factors, I argue that the strategies of ideological and political encoding at work in the productions of English seventeenth-century court culture are best understood when approached from an “enlarged” (Tymoczko, 2005, 2007) methodological stance. This means complementing well-established analyses of literary manipulation in terms of patronage and cultural norms with specific attention to the material conditions in which translations were produced and circulated; their significance to the complex and ideologically conflicted milieu of the early Stuart court; and the social, political, and religious networks in which translators operated, well beyond the immediate circles of courtly patronage and influence.
FR :
L’article examine les différentes modalités de l’appropriation de certaines Odes d’Horace par le traducteur Thomas Hawkins, actif dans les milieux de cour anglais sous le règne de Charles Ier et Henriette-Marie (1625-1649), mais aussi dans les réseaux catholiques anglo-français de l’époque. On montre comment le traducteur inscrit ses prises de position culturelles, idéologiques et littéraires dans le paratexte des éditions successives du volume imprimé (1625-1638), en particulier dans la préface et les poèmes d’éloge composés par divers poètes de cour qui ouvrent le volume. L’étude revisite les méthodes fondatrices proposées par Theo Hermans (2014a [1985]) et André Lefevere (2006 [1992]) pour étudier la « manipulation de la renommée littéraire » dans l’Angleterre de la première modernité (voir aussi Lambert et Van Gorp, 2014 [1985] et Toury, 1995). Tout en confirmant l’importance de documenter les pratiques de mécénat et les normes culturelles en vigueur dans les milieux de cour, on montre ici qu’afin de saisir dans toute leur complexité les stratégies d’encodage idéologique et politique des traductions imprimées dans le contexte de l’époque, il convient d’adopter une démarche méthodologique plus « vaste » (« enlarged », Tymoczko, 2005, 2007). Il s’agit donc de compléter l’approche critique traditionnelle associant la manipulation littéraire à la logique du mécénat et des normes culturelles, en portant une attention renouvelée aux conditions matérielles de production et de circulation des oeuvres traduites; leur signification dans le contexte de tensions politiques et idéologiques à la cour des Stuart; et la place des traducteurs dans des réseaux d’appartenance sociale, politique et religieuse s’étendant bien au-delà de l’influence politique et littéraire de la cour.
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Evaluating “Cultural Translation” and Intermodal Address in the Musée du quai Branly's Exhibition of African Material Objects
Abigail E. Celis
p. 47–80
RésuméEN :
The debate on what cultural translation as an analytical and political tool can offer has sparked much discussion in translation studies as well as in the fields of anthropology, literature, and cultural studies. To a lesser degree, some museum studies scholars have likewise evoked the notion of translation to address the ethics of representing culture in and across differences. This article expands on these discussions by evaluating whether a translational lens can serve to rethink the display of African material culture in museums. Through an analysis of the textual, spatial, and visual elements of the permanent African exhibition at the Musée du quai Branly-Jacques Chirac (MQB) in Paris, France, I argue that though the MQB claims that it seeks to foster cultural dialogue, the “translations” of its African collection tend to reproduce the museum’s norms of meaning-making, rather than the norms of the non-European cultures it presents. However, I also suggest that by approaching its task as one of multimodal translation, the MQB could reshape its museographic language to reflect ways of making meaning that are more evenly in dialogue with ways of making meaning from the objects’ contexts of origin.
FR :
L’usage de la « traduction culturelle » comme grille d’analyse suscite de nombreux débats, tant en traductologie que dans le champ de l’anthropologie, des études littéraires et des études culturelles. De même, si la traduction est moins souvent étudiée en muséologie, certaines études qui s’efforcent de penser la représentation culturelle et la différence culturelle à travers une éthique fondée sur la traduction. Ainsi le présent article enrichit-il les recherches actuelles afin de déterminer si la métaphore de la traduction culturelle permet de repenser l’exposition de la culture matérielle africaine. S’appuyant sur une analyse du langage textuel, spatial et visuel de la partie africaine de l’exposition permanente du Musée du quai Branly-Jacques Chirac (MQB) à Paris, cet article montre que dans sa présentation des oeuvres, le MQB favorise les normes épistémologiques propres à la muséologie occidentale en occultant celles des cultures d’origine. Néanmoins, l’étude suggère qu’en visant une traduction multimodale, le MQB serait à même de transformer son langage muséographique afin d’ouvrir pour les visiteurs, dans le rapport des objets exposés à l’espace muséal, l’accès à des enjeux épistémologiques équivalents à ceux dont ils étaient chargés dans leur contexte d’origine.
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The Place of Translation in Nigerian Cultural Diplomacy and its Impact on Translation Exchanges
Sylvia I. C. Madueke
p. 81–112
RésuméEN :
This paper focuses on the translation of Nigerian literature into French from the perspective of cultural diplomacy and as a cultural product (Flotow, 2007; Córdoba Serrano, 2013). It reviews Nigerian cultural diplomacy initiatives to determine if translation is highlighted as part of cultural export and as a means through which the Nigerian image and culture are promoted. Even though translation exchanges are not promoted by the Nigerian government, there is a field of translation of Nigerian texts into French. Data from a list of Nigerian novels translated into French between 1953 and 2017 provide contextual and historical information on the circulation of translations as well as on the works that are selected for translation into French.
FR :
Le présent article propose une étude de la littérature nigériane traduite en français abordée sous l’angle de la diplomatie culturelle et comme un produit culturel (Flotow, 2007 ; Córdoba Serrano, 2013). Il examine les politiques culturelles nigérianes afin de découvrir si la traduction est considérée comme un produit culturel et comme un moyen de promotion de l’image et de la culture nigérianes. En dépit du fait que la traduction n’est pas promue par le gouvernement nigérian, le domaine de la traduction littéraire vers le français est loin d’être aride. L’analyse d’une liste d’oeuvres nigérianes traduites en français entre 1953 et 2017 fournit des informations historiques et contextuelles en ce qui concerne la circulation des traductions de même que des informations sur les oeuvres sélectionnées pour la traduction.
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Le soutien accordé par les organismes subventionnaires pour les traductions anglaises de romans canadiens-français du XIXe siècle
Alexandra Hillinger
p. 113–143
RésuméFR :
Dans cet article, nous examinons la production et la réception, dans l’Amérique du Nord anglophone, des traductions anglaises de trois romans canadiens-français publiés au XIXe siècle : L’Influence d’un livre (Aubert de Gaspé, fils, 1837), Les Anciens Canadiens (Aubert de Gaspé, père, 1863) et Angéline de Montbrun (Conan, 1884). Ces romans ont fait l’objet d’une première traduction (ou d’une retraduction) après l’adoption de la Loi sur les langues officielles en 1969 et la mise en place de subventions à la traduction du Conseil des arts du Canada. Ces événements ont contribué au renouvellement d’intérêt pour la traduction de la littérature canadienne-française, intérêt qui est également alimenté par un essor d’études et de publications dans le monde universitaire québécois. Dans cet article, nous décrivons le contexte de production des traductions Angéline de Montbrun (1974) et The Influence of a Book (1993) ainsi que de la retraduction Canadians of Old (1996). Nous nous attardons au financement de ces traductions, à savoir les subventions obtenues des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux, notre objectif étant de montrer qu’en diminuant le risque financier encouru par les maisons d’édition, les différentes formes de soutien financier ont permis d’accroître le rayonnement de la littérature canadienne traduite.
EN :
In this article, we look into the production and reception in anglophone North America of the English translations of three French-Canadian novels published in the 19th century: L’Influence d’un livre (Aubert de Gaspé, fils, 1837), Les Anciens Canadiens (Aubert de Gaspé, père, 1863), and Angéline de Montbrun (Conan, 1884). These novels have been translated (or retranslated) since the introduction of the Official Languages Act in 1969 and the creation of the translation grants by the Canada Council for the Arts. These events, along with an increase in studies and publications by Québécois literature scholars, fuelled a renewed interest for the translation of French-Canadian literature. In this article, we will examine the production of the translations Angéline de Montbrun (1974) and The Influence of a Book (1993), as well as the retranslation Canadians of Old (1996), with a focus on their funding, i.e. the grants awarded by funding agencies. Our goal is to show that by reducing the financial risks for publishing houses, the different types of funding enabled an increase in visibility for translations of French-Canadian literature.
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A Small, Stateless Nation in the World Market for Book Translations: The Politics and Policies of the Flemish Literature Fund
Jack McMartin
p. 145–175
RésuméEN :
This paper discusses the Flemish Literature Fund (FLF), an autonomous government organisation created in 1999 by the Flemish Community to support Flemish literature at home and abroad. It traces the institutional history of the FLF, situating the organisation in the context of Flanders’ longstanding struggle for cultural autonomy within the Belgian state on the one hand and its strong but unequal ties to the Netherlands on the other. Using a translation sociological analytical framework, it goes on to argue that the FLF’s outgoing translation grant decisions reflect two strategies of international dissemination: a focus on the central languages of English, German and French, and a strategic use of the picture book genre to break into emerging languages on the periphery, especially Chinese. While the case of the FLF clearly illustrates the shifting power relations between state and market agents in the era of globalisation, it also indicates a novel approach to state-supported literary export designed to maximise a small, stateless nation’s international resonance in a world market for translations dominated by larger (nation-) states and languages.
FR :
Cet article traite du Fonds flamand des lettres (FFL), une organisation gouvernementale autonome fondée en 1999 par le gouvernement flamand pour promouvoir la littérature flamande en Flandre et à l’étranger. Il retrace l’histoire institutionnelle du FFL, situant l’organisme dans le contexte de la lutte de longue date de la Flandre pour une autonomie culturelle au sein de l’État belge, d’une part, et de ses liens forts mais inégaux avec les Pays-Bas, d’autre part. Par l’intermédiaire d’un cadre analytique sociologique de la traduction, il soutient ensuite que les décisions relatives aux bourses de traduction du FFL reflètent deux stratégies disparates de diffusion internationale : l’accent mis sur les langues centrales que sont l’anglais, l’allemand et le français, et l’utilisation stratégique du livre d’images en tant que genre pour pénétrer des langues périphériques émergentes, en particulier le chinois. Si le cas du FFL illustre clairement l’évolution des relations de pouvoir entre l’État et les agents du marché à l’ère de la mondialisation, il témoigne également d’une approche novatrice d’exportation de la littérature soutenue par l’État, visant à maximiser la résonnance internationale d’une petite nation apatride dans un marché mondial de la traduction dominé par des langues plus parlées et par de plus grands États(-nations).
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Plaidoyer pour la prise en compte de la spécificité juridique du Québec dans la traduction de contrats
Arnaud Tellier-Marcil
p. 177–204
RésuméFR :
Le Québec est une société distincte au sein du Canada en raison de la langue, mais également par sa culture. On y trouve notamment une culture juridique unique. Concrètement, la common law est le régime applicable dans l’ensemble des provinces hormis le Québec, où c’est plutôt le droit civil qui régit les rapports d’ordre privé. La préservation de cette spécificité juridique ne relève pas seulement de la responsabilité des autorités publiques. Les traducteurs de contrats ont aussi un rôle important à jouer. Cependant, nombreux sont ceux qui n’en ont pas conscience et qui se contentent de franciser les termes de common law, une démarche littérale simplifiée par la normalisation de ce vocabulaire, en anglais comme en français. Un tel procédé de nature sourcière est susceptible d’entraîner des conséquences néfastes. D’un point de vue purement matériel, il pourrait s’avérer coûteux pour l’une des parties au contrat en cas de litige, puisqu’il est impossible de savoir comment le tribunal québécois saisi de l’affaire interprétera les termes de common law francisés, qui, dans bien des cas, revêtent un sens distinct ou sont inconnus en droit civil. D’un point de vue politique, les contrats traduits selon une logique sourcière contribuent au phénomène d’acculturation juridique du Québec. En effet, les termes de common law qui sont importés à tort dans les contrats destinés au Québec risquent de s’introduire tôt ou tard dans le langage courant, au détriment du vocabulaire du droit civil. Pour éviter de cautionner ainsi l’anéantissement du système juridique québécois, il suffit d’adopter une méthode cibliste. Plutôt que de se complaire dans la transposition littérale des notions de common law, le traducteur de contrats doit chercher un équivalent fonctionnel dans le lexique du droit civil québécois. La version française ne constituera certes pas un miroir formel de la version anglaise, mais il est normal qu’il en soit ainsi, puisque le système juridique n’est pas le même au Québec que dans les autres provinces canadiennes.
EN :
Québec is a distinct society within Canada, not only due to its language but also because of its culture. In particular, it has its own legal culture. While the other provinces have a common law system, Québec’s private sector is subject to a civil law system. The preservation of this distinct legal system is not the sole responsibility of the government. Contract translators have a role to play as well. However, many of them do not realize it, and restrict themselves to translating literally the common law concepts they encounter, which is particularly straightforward thanks to the normalization of the common law vocabulary, in both English and French. This source-oriented approach may have adverse consequences. From a purely material point of view, it could result in a significant cost for one of the parties in the event of a dispute, since no one knows what meaning the Québec court will give to the common law terms, which in most cases have a different meaning or simply do not exist in the civil law system. From a political point of view, contracts translated with a source-oriented approach contribute to the legal acculturation of Québec. Indeed, if common law terms are used in Québec contracts, they will sooner or later make their way to the everyday language, to the detriment of the civil law vocabulary. To avoid being involved in the destruction of Québec’s legal system, one must take a target-oriented approach. Instead of merely translating literally the common law concepts, the contract translator must search for a functional equivalent in the civil law vocabulary. The French version surely will not be a formal mirror of the English version, but it is better that way since the legal system is not the same in Québec as in the other Canadian provinces.
The Politics of Translation Studies
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Redefining Translation Spaces in the Soviet Union: From Revisionist Policies to a Conformist Translation Theory
Gleb Dmitrienko
p. 205–229
RésuméEN :
Due to its manipulative potential and ability to create deliberate distortions, translation has become instrumental for many projects that involve culture and identity manipulations. In some political and social contexts, translation may serve as a driving force for deliberate and consistent intervention by power holders in order to modify and exploit the nation’s mindset, its cultures and identities for political purposes. For such manipulative strategies, translation becomes essential as it contributes to the propagation of a given ideology by conveying it in different languages, and aids in creating and sustaining a state-sponsored conformist identity. This paper analyzes such a case in relation to the evolution of Soviet translation and translatology in the context of a totalitarian state. By examining the role of translation in a series of forced cultural reorientations that are a part of Russian national history, we explore how translation was used to impose a supranational Soviet identity. We also present how the ongoing disputes surrounding translation policies and translation methods in the Socialist state resulted in the emergence of two opposing schools of thought: one that studied translation within the paradigms of structuralist linguistics, and the other that advocated for a literary approach. By framing our analysis of the Russian translatological discourse within the context of Soviet ideology and the rise of totalitarianism, we demonstrate how each of the schools manipulated the official state ideology in a struggle for recognition. We also seek to explain how linguistic structuralism came to represent the dominant theoretical framework for Soviet translation science, thus relegating to oblivion the “realist” approach to translation.
FR :
En raison de son potentiel de manipulation et de sa capacité à créer des distorsions délibérées, la traduction a toujours joué un rôle important dans de nombreux projets qui impliquaient la manipulation de cultures et d’identités. D’ailleurs, dans certains contextes politiques et sociaux, la traduction pourrait servir de système propulseur aux interventions délibérées des agents de pouvoir visant à changer et à exploiter les états d’esprit, les cultures et les identités au sein d’un peuple, dans le cadre d’un régime politique en vigueur. La traduction devient indispensable à de telles stratégies manipulatrices, parce qu’elle contribue à la propagation d’une idéologie donnée, et ce, dans différentes langues, et qu’elle aide à créer et à maintenir une identité conformiste soutenue par l’État. Cet article analyse ce type de cas par rapport à l’évolution de la traduction et de la traductologie soviétiques dans un contexte totalitaire. En examinant le rôle de la traduction dans une série de réorientations culturelles forcées qui font partie de l’histoire nationale russe, nous explorons comment la traduction a été utilisée pour créer et imposer une identité soviétique supranationale. Nous montrons aussi comment les débats autour des politiques et de la « bonne » méthode de traduction qui convient à la réalité de l’État socialiste ont abouti à l’émergence de deux écoles de pensée opposées : l’une favorisant une approche de linguistique structuraliste et l’autre, une approche littéraire. En présentant notre analyse du discours traductologique russe du point de vue de l’idéologie du régime totalitaire soviétique, nous démontrons comment chacune des écoles manipulait l’idéologie communiste dans sa course pour la reconnaissance officielle. Nous expliquons également comment le structuralisme linguistique est devenu le courant théorique dominant en traduction soviétique et comment l’approche rivale de la traduction « réaliste » est tombée dans l’oubli.
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It’s All in the Name: Redressive Translation, Passive/Active Redressive Translation
Amanda Leigh Cox
p. 231–258
RésuméEN :
Resistance in translation is a well known and accepted means for minorities and oppressed linguistic/cultural groups to access power, agency, and cultural repair (see Niranjana, 1992; Simon, 2005; Bandia, 2008; Cox, 2009; Tymoczko, 2010). Yet for all the good “retranslations” do, they remain yoked to a name that erases their significance by collapsing it with the simple act of “translating-again.” This paper argues for the adoption of a new term, “redressive translation,” to replace the term “retranslation” in contexts where redressive resistance in translation is manifest. It examines and defines two distinct varieties of redressive translation, namely “active redressive translation” and “passive redressive translation.” By adopting the name “redressive translation” to identify characteristics present in translated texts that resist politically and offer minority/minoritized cultures a means of healing, new clarity and strength can be brought to these translation offerings, enabling readers, researchers, translators, writers, and activists alike to share a common term for these essential articulations/manifestations of resistance.
FR :
La résistance traductive est un moyen bien connu et accepté par les minorités et les groupes linguistiques/culturels opprimés d’accéder au pouvoir, à l’action et à la réparation culturelle (voir Niranjana, 1992; Simon, 2005; Bandia, 2008; Cox, 2009; Tymoczko, 2010). Pourtant, malgré tout le bien qu’apportent les « retraductions », elles restent associées à un terme qui efface leur signification en les assimilant au simple fait de « traduire à nouveau ». Cet article plaide pour l’adoption d’un nouveau terme, « traduction réparatrice », pour remplacer le terme « retraduction » dans les contextes où la résistance réparatrice en traduction est manifeste. Il examine et définit deux variétés de traduction réparatrice, à savoir la traduction réparatrice active et la traduction réparatrice passive. En adoptant le terme « traduction réparatrice » pour englober les caractéristiques présentes dans les textes traduits qui témoignent d’une volonté de résistance politique et qui offrent aux culturelles minoritaires et minorisées une façon de guérir, une clarté et une force renouvelées sont associées à ces traductions. Les lecteurs, chercheurs, traducteurs, écrivains et activistes peuvent ainsi partager un terme commun pour ces articulations/manifestations essentielles de la résistance.
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Colonialisme, universalisme occidental et traduction
Karim Chagnon
p. 259–278
RésuméFR :
Les récents jalons et subséquentes célébrations de l’histoire coloniale du Canada, du 150e anniversaire de la Confédération canadienne au 375e anniversaire de Montréal, sont l’occasion de souligner la présence immémoriale de plus de 10 000 ans des peuples autochtones sur ce territoire. Le contexte s’avère également propice pour réfléchir au rôle de la traduction entre les langues européennes et autochtones dans le parcours national. D’ailleurs, l’asymétrie actuelle entre les langues d’origine européenne et les langues autochtones illustre comment la traduction a participé à une médiation idéologique qui a historiquement tendu vers la colonisation avec, en contrepartie, l’éradication de la présence des peuples autochtones par des processus d’assimilation. Comment l’existence et la survie des langues autochtones contribuent-elles à mettre en lumière la fonction et les postulats de la traduction au Canada? Dans la réflexion qui suit, je propose de révéler certaines tendances politiques et idéologiques qui se sont exprimées à travers le prisme de la traduction. La traductologie au Canada repose sur des postulats eurocentriques qui, malgré leur ubiquité et leur normalisation, sont éminemment politiques dans leur construction. En déconstruisant ces postulats de la traduction répertoriés par la traductologue Maria Tymoczko (2003) à l’aide d’exemples ancrés dans le contexte de colonialisme d’implantation canadien, je propose de considérer des pratiques de traduction décoloniale qui reflètent des conceptions de la traduction hors des schémas axiologiques occidentaux.
EN :
Recent milestones and subsequent celebrations of the colonial history of the country, from the 150th anniversary of Canadian Confederation to Montreal 375th have also been used to affirm the immemorial presence of Indigenous Peoples on the same territory that dates back to over 10,000 years. It is a fitting context to reflect on the role that translation has played in the history of the nation, especially between people of European descent and Indigenous Peoples. The asymmetrical power relations that exist between colonial languages and Indigenous ones illustrate how translation has taken part in a form of ideological mediation that has historically tended toward colonization by way of attempts to eradicate the presence of Indigenous Peoples through processes of assimilation. How do the existence and survival of Indigenous languages help to reveal the function and the presuppositions (postulates) of translation in Canada? The following discussion reveals the ways in which some of these political and ideological tendencies have expressed themselves through the practice of translation. These tendencies exemplify how translation studies in Canada is founded on Western presuppositions that, regardless of their ubiquity and normalization, are deeply political constructions. These presuppositions, as categorized by Maria Tymoczko (2003), are deconstructed with examples rooted in the settler-colonial Canadian context and set the stage for considering different forms of decolonial translations that extend beyond the constraints of Western theory.
Politics, Policies and Translation Technology
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Repérage des décalages informationnels de traduction au moyen du criblage automatique des segments hétéromorphes d’un corpus parallèle
Éric André Poirier
p. 279–308
RésuméFR :
Nous présentons une méthode de criblage quantitatif et automatique des segments hétéromorphes dans les corpus parallèles de traductions qui rationalise la recherche qualitative et manuelle des décalages de traduction informationnels. Ces derniers fournissent des données sur la traduction comme résultat qui servent à caractériser les idiosyncrasies textuelles et linguistiques des langues en contact et qui renseignent aussi sur les biais individuels du sujet traduisant ainsi que sur les biais culturels inhérents à l’opération de traduction pour les langues-cultures en contact. Pour montrer comment fonctionne la méthode de repérage, nous l’appliquons à un corpus de traductions alignées avec leur segment source. Le corpus contient un discours en anglais du président américain John F. Kennedy (1961) et un discours de la première ministre britannique Theresa May (2017) qui ont été traduits en français. Pour le criblage automatique des segments hétéromorphes, l’algorithme PML (précision des mots lexicaux) analyse automatiquement les paires de segments source et cible et compare le nombre de mots lexicaux dans les segments source et cible pour calculer le ratio de la précision de l’information traduite (PIT). Par la suite, les segments hétéromorphes criblés au moyen du ratio PIT sont analysés manuellement pour déterminer l’origine ou la cause de la variation des contenus informatifs de la traduction et définir les repérages qu’elle entraîne, le cas échéant. La méthode offre l’avantage de rationaliser la recherche de décalages dans les segments hétéromorphes négatifs et positifs des textes traduits dans un corpus parallèle, puisqu’elle permet de cibler et de cribler les paires de segments hétéromorphes qui sont le plus susceptibles de contenir des décalages informationnels de traduction.
EN :
We present a method of quantitative and automatic screening of heteromorphic segments in corpora of aligned translations that streamlines the qualitative and manual search for informational translation shifts. The latter provide data on translation as a result that serve to characterize the textual and linguistic idiosyncrasies of the languages in contact and also provide information on the individual biases of the subject translating as well as the cultural biases inherent in the translation operation for the languages-cultures in contact. To show how the tracking method works, we apply it to a bilingual corpus of translations aligned with their source segment. The corpus contains a speech by American President John F. Kennedy (1961) and a speech by British Prime Minister Theresa May (2017) that have been translated into French. For automatic screening of heteromorphic segments, the LWA (lexical word accuracy) algorithm automatically analyzes all source and target segment pairs and compares the number of lexical words in the source and target segments to calculate the translated information accuracy ratio (TIA). Subsequently, the heteromorphic segments screened using the TIA ratio are analyzed manually to determine the origin or cause of the variation in the translation’s informational content and to define the shifts it causes, if any. The method has the advantage of rationalizing the search for translation shifts in negative and positive heteromorphic segments of translated texts in a parallel corpus since it allows targeting and screening of heteromorphic segment pairs that are most likely to contain informational translation shifts.
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Subjective Responses to Translation Memory Policy in the Workplace
Brian Mossop
p. 309–339
RésuméEN :
The gradual introduction of Translation Memory in translation workplaces, starting in the late 1990s, has created a classic industrial conflict. Managers and clients of translation services want to increase productivity, but translators do not want to be told how to produce translations, and they do not want to see their incomes reduced. While the technical features of Memory programs certainly cause dissatisfaction, all technologies have defects, and a key question then is who decides how to deal with these defects—translators? or managers and clients? As a result, policies on the use of Memory in a workplace become crucial. There are objective policy questions: Are translators’ productivity requirements increased when Memory is introduced? Do translators receive less pay for matches found in the Memory database? Is the translator allowed to search the Memory database? Then there is the subjective aspect: how do translators feel about their own experience of whatever is objectively happening? Do they feel they are in control of the texts they are producing? Are technologies increasing or decreasing their satisfaction with their working lives? Do they have a sense of losing the ability to compose their own translations or are they equally happy to revise wordings proposed by Memory? Do they feel that use of these technologies is reducing or enhancing the status of translators in society? This article looks at some of these subjective matters, based on two surveys of Ontario translators conducted in 2011 and 2017.
FR :
L’introduction progressive des mémoires de traduction dans les milieux de travail à partir de la fin des années 1990 a donné lieu à un conflit industriel classique. Les responsables des agences de traduction de même que leurs clients veulent augmenter la productivité des traducteurs, mais les traducteurs ne veulent pas qu’on leur prescrive une façon de traduire et ils ne veulent pas voir leurs revenus réduits. Bien que les caractéristiques techniques des mémoires soient la cause d’une certaine insatisfaction parmi les traducteurs, il reste que toutes les technologies ont des défauts, et une question clé est alors de savoir qui décidera comment agir en face de ces défauts : les traducteurs ou leurs employeurs? En conséquence, les politiques relatives à l’utilisation de la mémoire deviennent une variable cruciale. Il y a des questions objectives concernant ces politiques : les exigences de productivité des traducteurs sont-elles augmentées lorsque la mémoire est introduite? Les traducteurs reçoivent-ils des paiements moindres pour les correspondances trouvées dans les mémoires? Les traducteurs ont-ils la possibilité d’interroger la base de données de la mémoire? À cela s’ajoute l’aspect subjectif : comment les traducteurs ressentent-ils ce qui se passe objectivement? Sentent-ils qu’ils gardent le contrôle des textes qu’ils produisent? Les technologies augmentent-elles ou diminuent-elles leur satisfaction vis-à-vis de leur vie professionnelle? Ont-ils le sentiment de perdre la capacité de composer leurs propres traductions? Pensent-ils que l’utilisation de ces technologies réduit ou améliore le statut social des traducteurs? Dans la présente étude, certains de ces aspects subjectifs sont examinés à la lumière de deux sondages menés auprès des traducteurs de l’Ontario en 2011 et en 2017.