Cinémas
Revue d'études cinématographiques
Journal of Film Studies
Volume 5, Number 3, Spring 1995 Cinélekta 1
Table of contents (15 articles)
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Présentation
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Montrer, dire et saisir l’espace dans le cinéma des premiers temps : le cas du Great Train Robbery
Charles Perraton and Nathalie Bouchard
pp. 9–27
AbstractFR:
Les deux auteurs retracent ici, à travers une analyse serrée du film The Great Train Robbery (1903), quelles stratégies ont été déployées par le réalisateur E. S. Porter et quelles compétences ont été exigées des spectateurs dans la création d’un nouvel espace filmique. Au coeur des mouvances stylistiques traversant le cinéma des premiers temps, le film émerge du croisement de deux systèmes cinématographiques : l’esthétique de l’attraction et l’esthétique de la narration. Cette hybridité encourage une liberté d’expérimentation de la part du créateur et des spectateurs, elle ouvre à la création d’un contexte encyclopédique inédit et à la production de nouvelles règles de lecture de l’espace filmique.
EN:
In a close analysis of the film The Great Train Robbery, the two authors reevaluate the strategies employed by directot E. S. Porter as well as the skills demanded of spectators in the creation of a new filmic space. Amid the changing stylistic allegiances of cinema's first years, this film emerged at the crossroads of two cinematographic systems: the esthetic of attraction and the esthetic of narration. This hybridity encouraged a freedom of expression on the pan of both filmmaker and spectator. It opened the way for the creation of a previously unknown encyclopedic context, and for the production of new rules for reading filmic space.
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Le tapis incertain. Métamorphose et hors-champ dans Cat People
Vicente Sánchez-Biosca
pp. 29–44
AbstractFR:
Cat People (Lewton-Tourneur, 1942) est traversé par une poétique de l’incertain. C’est essentiellement ce qui l’oppose à la fois à la tradition gothique des films fantastiques des années quarante et aux films d’épouvante actuels. La subtilité des relations entre le vu et le non-vu, le rôle primordial accordé au silence et au non-dit, toute une rhétorique de la suggestion et de l’absence font de ce film un point de clivage dans l’histoire du fantastique au cinéma.
EN:
Cat People (Lewton-Tourneur, 1942) is traversed by a poetic of the uncertain. This is primarily what sets it apart from the gothic tradition of the fantastic films of the 1940s and also from today's horror films. The subtlety of relationships between the seen and the unseen, the primordial role played by silence and the unsaid, and an entire rhetoric of suggestion and absence make this film a turning point in the histoty of fantastic cinema.
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Du fantastique littéraire au fantastique filmique : une question de point de vue?
Christiane Lahaie
pp. 45–63
AbstractFR:
Le texte littéraire fantastique déploie toute une batterie de stratégies narratives propres à en assurer l’intelligibilité. Au-delà d’un fantastique canonique, reconnu d’emblée comme tel, il existe un fantastique plus discursif, où l’acte d’énonciation et ultimement la narration tout entière se voit contaminés par une certaine ambiguïté. Or, ce type de fantastique scriptural issu d’un focalisateur plus ou moins « digne de confiance » existe-t-il toujours une fois adapté à un processus d’énonciation apparemment plus « objectif » comme celui du récit filmique ? L’analyse de deux textes littéraires fantastiques (Les Fils de la vierge de Julio Cortázar et The Haunting of Hill House de Shirley Jackson) et de leur adaptation pour le cinéma (Blow-Up, 1966, de Michelangelo Antonioni et The Haunting, 1963, de Robert Wise) nous fournira quelques éléments de réponses.
EN:
In fantastic literature, the text deploys a whole battery of characteristic narrative strategies to ensure its intelligibility. Beyond the immediately recognizable fantastic canon, there exists a more discursive fantastic, in which the act of enunciation, and ultimately the entire narration, is tainted by a certain ambiguity. But can this type of fantastic writing, stemming from such an untrustworthy source, withstand adaptation to an apparently "objective" process of enunciation like the filmic narrative? An examination of two texts from fantastic literature (Julio Cortázar's Les Fils de la vierge and Shirley Jackson's The Haunting of Hill House) and their film adaptations (Michelangelo Antonioni's Blow Up, 1966, and Robert Wise's The Haunting, 1963) will help us answer this question.
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La voix off dans Sunset Boulevard
Paul Warren
pp. 65–75
AbstractFR:
La voix off, errant en bordure du film, possède d’autant plus de pouvoir énonciatif qu’elle refuse de s’incarner dans le donné factuel audiovisuel. Le cinéma classique hollywoodien a développé une série de procédures pour limiter ce pouvoir, cette possibilité qu’a la voix off, libérée de l’image d’un corps, de bloquer ou de fractionner le déroulement du récit. L’analyse de Sunset Boulevard (Wilder, 1950) permet de débusquer ces procédures visant essentiellement à intégrer la voix dans le corps de la diégèse, à faire « coulisser » la voix off dans la voix in.
EN:
Voice over, a voice that hovers in the margins of a film, possesses all the more enunciatory power for its refusal to be embodied in gross audiovisual data. Classic Hollywood cinema developed a series of procedures to limit this power, this potentiality for voice over, freed from the image of a body, to block or fragment the unfolding of the plot. An analysis of Sunset Boulevard (Wilder, 1950) enables the author to unmask these procedures, whose aim is essentially to integrate the voice over into the body of the diegesis, to squeeze the voice over into the frame.
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L’espace dissonant. À propos d’un segment du film Boy Meets Girl
Serge Cardinal
pp. 77–99
AbstractFR:
Cette étude prend appui sur un déséquilibre affectant graduellement les relations conventionnelles entre les images et les sons dans un segment du film Boy Meets Girl (Leos Carax, 1984). L’auteur tente d’y saisir l’émergence et la transformation d’une structure spatiale en observant, d’une part, les rapports qu’entretiennent le point de vue et le point d’écoute et, d’autre part, les relations que tissent le corps du personnage et le corps du spectateur avec le son. Si une cohérence spatiale se construit sur le réglage de l’écoute sur le regard, ici, la progressive déconstruction de l’espace filmique tient à un espacement de l’oeil et de l’oreille. La poussée de l’écriture filmique entraîne la structure spatiale de l’ordre du lisible vers la mouvance de l’audible.
EN:
The starting point for this study is an imbalance that gradually disrupts the conventional relationship between sound and image in a segment of the film Boy Meets Girl (Leos Carax, 1984). In order to investigate how a spatial structure emerges and is transformed, the author first observes the relationship between point of view and "point of listening," and then examines the evolving relationship of the characters' and the spectators' bodies to the sound. While spatial coherence is usually constructed through the synchronization of listening and viewing, here a progressive deconstruction of filmic space results from the distancing of ear from eye. The thrust of the filmic writing moves the spatial structure away from the order of the readable, towards the realm of the audible.
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Poésie et réalité, le sens caché de L’Oumigmag de Pierre Perrault
Claude Albert
pp. 101–114
AbstractFR:
La recherche d’une information connue a priori nous empêche de regarder la réalité telle qu’elle est. Dans le cinéma documentaire, cela donne lieu à une stratégie discursive allant à l’encontre de la recherche d’objectivité. Peut-être passerions-nous à côté de l’essentiel en croyant que L’Oumigmag (1993) porte vraiment sur le boeuf musqué : il s’agit, en fait, d’un essai sur le sens d’un animal emblématique, authentique et marginal qui s’inscrit dans la lignée des Alexis Tremblay, Hauris Lalancette et Didier Dufour. Dans le film, l’auteur y soutient la thèse d’une distorsion de la connaissance par la culture, tout en convoitant l’innocence du regard du chasseur primitif. Sous forme de métaphores, l’interprète se voit soumettre une série d’hypothèses destinées à percer l’énigme des méfiances, de la sauvagerie et des cornes. Reste à savoir jusqu’à quel point le procédé atteint son but, tout indiquant que le projet était d’avance voué à l’échec.
EN:
The search for a priorly known information prevents us from looking at reality as it stands. In documentary cinema, it gives rise to a discursive strategy going against the search for objectivity. We could fail to recognize the main point of the movie if we believed that L’Oumigmag (1993) is really about the muskox. In fact, it is an essay on the meaning of an emblematical, authentical and marginal animal, which is in keeping with the tradition of the Alexis Tremblay, Hauris Lalancette and Didier Dufour. In the movie, the author defends the proposition of a distortion of knowledge through culture, while coveting the innocent look of the primitive hunter. In metaphorical form, a series of theories designed to solve the riddle of suspicioun, savagery and horns is submitted to the interpreter. Up to what point did the process achieve its aim remains to be seen, since everything indicated that the project was already doomed to failure.
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L’Oumigmag, ce difficile parcours entre le mot et les choses
Françoise Beaulieu
pp. 115–130
AbstractFR:
Plus que tout autre film depuis la série Au pays de Neufve-France (1959-1960), L’Oumigmag (1993) se présente comme une entreprise de dénomination. Nommer revient à exercer trois fonctions sémiotiques. Désigner, en images ou en paroles, consiste à attirer l’attention sur un objet sans considération de sa signification. La dénotation et la connotation interviennent ensuite pour rassembler des prédicats autour de ce même objet : dans le premier cas, le sens reste le même pour tous les observateurs tandis que dans l’autre, il fluctue en fonction de critères individuels. La stratégie discursive de Pierre Perrault se résume à peu près à ceci : ignorer la dénotation de l’animal pour mettre en relief la désignation et les connotations de son individualité. Réussit-il à démontrer qu’il est possible de nommer l’Oumigmag aussi bien en français qu’en langues vernaculaires?
EN:
More than any other movie, ever since the series Au pays de Neufve-France (1959-1960), L’Oumigmag (1993) is seen as a denomination enterprise. Naming amounts to exercising three semiotic functions. Pointing out, in pictures or in words, consists in drawing attention to an object without any consideration for its meaning. Then, denotation and connotation intervene to gather predicates together around this very object. In the first instance, the meaning remains the same for all observers, whereas in the other it varies according to individual criteria. Pierre Perrault's discursive strategy can be summed up as follows: to be unaware of the animal's denotation in order to highlight the designation and connotations of its individuality. Is he successful in demonstrating that it is quite possible to name the Oumigmag, as well in French as in vernacular languages?
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Terminator 2. Technologie et identité sexuelle
Sylvestre Meininger
pp. 131–150
AbstractFR:
À travers l’analyse de la représentation des deux machines créées par le film Terminator 2 (Cameron, 1992), ce travail se propose d’exposer et de comprendre le rapport entre technologie et masculinité dans le cinéma hollywoodien. Ce rapport particulier prenant ses origines au plus profond de la culture occidentale, nous nous appuierons sur l’étude d’un des produits les plus extrêmes de cette culture : le fascisme en Allemagne entre les deux guerres. La perception fasciste des corps, masculin et féminin nous permettra en effet de comprendre les angoisses et les désirs exprimés par la forme des deux machines antagonistes dans Terminator 2. Parallèlement, la comparaison, diégétique cette fois, de ce film avec le premier épisode de la serie, The Terminator (Cameron, 1984), nous aidera à évaluer de quelle manière ces représentations de machines influent sur le contenu narratif de Terminator 2.
EN:
By examining the representation of two machines created in the film Terminator 2 (Cameron, 1992), this study seeks to uncover and understand the relationship between technology and masculinity in Hollywood cinema. Since the origin of this relationship lies at the very centre of Western culture, we will draw on one of the most extreme products of this culture: fascism in Germany between the wars. The fascist perception of the body, male and female, does in fact aid us to understand the anxieties and desires expressed in the form of the two antagonistic machines. A parallel comparison, this time diegetic, between this film and The Terminator (Cameron, 1984), the first episode in the series, will help us to evaluate how these representations influence the narrative content of Terminator 2.
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The Mark of Postmodernism: Reading Roger Rabbit
Hugh J. Silverman
pp. 151–164
AbstractEN:
Who Framed Roger Rabbit? (Zemeckis, 1988) beats the traces of postmodernity. Behind this simple animation film and its spectacular technology, behind these drawings of a cute little alcoholic rabbit anxious about the intentions of his voluptuous wife, lurks an "epistemological rupture." The author demonstrates how the film is caught up in a game of boundaries, conventions and genres transgressed, in multiple folds of codes looping back on themselves, in reiterations of ironic quotes. He shows how Roger Rabbit might be considered an obsolete figure transformed into a postmodern hero.
FR:
Who Framed Roger Rabbit? (Zemeckis, 1988) est marqué des traces de la postmodernité. Sous les travestissements d’un simple film d’animation au déploiement technologique spectaculaire, sous le dessin d’un gentil petit lapin alcoolique et inquiet des intentions de sa femme plantureuse se cache « une rupture épistémologique ». L’auteur démontre à quel point le film est emporté dans le jeu effréné de la transgression des frontières, des conventions et des genres, dans les plis multiples des dédoublements des codes, dans la dissémination des citations ironiques. Il montre en quoi Roger Rabbit pourrait être une figure obsolète transformée en héros postmoderne.
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Métatextualité filmique : vers une métacritique
Martin Lefebvre
pp. 165–178
AbstractFR:
À partir de la notion de métatextualité telle que développée par Genette dans Palimpseste, cet article s’interroge sur la façon dont le commentaire représente le texte qu’il commente. La sémiotique peircéenne sera mobilisée pour examiner le mode d’être du texte commenté à l’intérieur du commentaire. Ce dernier assure ainsi la circulation d’un modèle du texte commenté, modèle susceptible de s’imposer et d’acquérir une certaine valeur culturelle à titre d’interprétation, de représentation, ou même de reproduction d’un corpus.
EN:
Following Genette's notion of metatextuality as developped in Palimpseste, this article questions the way texts are represented in critical commentary. Peircean semiotic is called upon to examine the mode of being of the commented text within the commentary. Thus, it is shown that commentary creates and circulates a model of the commented text. This model can eventually impose itself and acquire a certain cultural capital as interpretation, representation, or reproduction of a corpus.