Circuit
Musiques contemporaines
Volume 21, Number 3, 2011 Musique automatiste ? Pierre Mercure et le Refus global Guest-edited by Claudine Caron and Jonathan Goldman
Table of contents (9 articles)
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Introduction : Cinquante ans et une Semaine
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La musique de Pierre Mercure à l’affiche de spectacles de danse
Claudine Caron
pp. 9–21
AbstractFR:
Le catalogue des oeuvres de Pierre Mercure reste des plus énigmatiques ; manuscrits introuvables et bandes magnétiques perdues seraient en cause. Tourné vers les spectacles de danse lors desquels ses oeuvres ont été diffusées – entre 1948 et 1964, Pierre Mercure compose onze musique de danse – , cet article propose d’en retracer l’histoire à partir des photographies, des programmes de spectacles et des articles de presse. Nous verrons par ce corpus comment Mercure repense la composition au fil des années en explorant des trajectoires originales dans son écriture, en utilisant des outils et des techniques des studios de musique électroacoustique et en revisitant le cadre du concert conventionnel avec, d’une part, des danseurs, de l’équipement technologique en lieu et place des interprètes et, d’autre part, un éclairage spécialisé et la participation de collaborateurs en arts visuels. Pierre Mercure aura certes été un grand créateur aux côtés des artistes de Refus global et ceux-ci auront naturellement contribué à la diffusion et à la réception de la musique contemporaine au Québec.
EN:
Much of Pierre Mercure’s catalogue remains a mystery since many manuscripts are untraceable and tapes lost. Focusing on dance productions that included his works, this article seeks to retrace their history based on photographs, performance programs and newspaper articles. From this corpus we see how Mercure brought new thinking to composition through the years. He took his writing in new directions, recasting the conventional concert format by using the tools and techniques of electroacoustic music. His works incorporated dancers and technical equipment along with special lighting and collaborators from the fine arts. In company with the Refus global artists, Pierre Mercure was clearly a vital factor in the dissemination and reception of contemporary music in Québec.
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Livret et partition pour un opéra fantôme : le débat entre Claude Gauvreau et Pierre Mercure autour du Vampire et la nymphomane
Gilles Lapointe
pp. 25–35
AbstractFR:
« Refus d’un cantonnement dans la seule bourgade plastique », écrivait Borduas dans Refus global. En 1948, la quête de l’abstraction s’imposait en effet comme la voie à suivre pour marquer la rupture avec la tradition artistique. Depuis les années 1980, une grande attention critique a été accordée à la dimension multidisciplinaire des activités du groupe automatiste. Auteur du livret de l’opéra Le Vampire et la nymphomane — une oeuvre faisant appel à l’étroite collaboration de Pierre Mercure —, le poète Claude Gauvreau aura été celui qui aura défendu avec le plus d’ardeur la place de la musique au sein du groupe montréalais. Cette étude tente, dans un premier temps, de mettre en lumière les aspects les plus significatifs de cette contribution. Elle examine ensuite, à partir de l’idéal surréaliste, les causes de la mésentente qui opposa publiquement en 1949 Claude Gauvreau et Pierre Mercure au sujet de l’opéra Le Vampire et la nymphomane. À travers la présentation d’une lettre inédite de Claude Gauvreau à André Breton, elle interroge enfin quelques-unes des idées source au fondement du rapport de fascination et de rejet qui a marqué les échanges entre l’automatisme et le surréalisme.
EN:
“Refus d’un cantonnement dans la seule bourgade plastique” wrote Borduas in Refus global. In 1948, abstraction became the mandatory path signalling the break with artistic tradition. Since the 1980s, much critical attention has focused on the multi-disciplinary aspect of the activities of the Automatist group. Having written the libretto for the opera Le Vampire et la nymphomane – a work created in close collaboration with Pierre Mercure –the poet Claude Gauvreau was the most vociferous voice defending the place of music within the Montreal group. This study first looks at the main components of this contribution, then explores the causes, based on the surrealist ideal, of the public disagreement between Claude Gauvreau and Pierre Mercure in 1949 over the opera Le Vampire et la nymphomane. An unpublished letter that Gauvreau wrote to André Breton finally reveals some of the core ideas behind the fascination and rejection that marked the exchanges between Automatism and Surrealism.
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Rethinking Automatist Interdisciplinarity: The Relationship between Dance and Music in the Early Choreographic Works of Jeanne Renaud and Françoise Sullivan, 1948-1950
Allana C. Lindgren
pp. 39–53
AbstractEN:
This article considers the role of music within the context of the Montréal automatists by addressing the choreographic works created by Jeanne Renaud and Françoise Sullivan during the late 1940s and early 1950s. In so doing, it becomes clear that the dance activities of these two choreographers often paralleled contemporaneous experiments in music. Renaud and Sullivan’s collaborations with Pierre Mercure were particularly successful and ultimately demonstrate that music was a significant part of the Automatists’ history, even though Mercure was not a signatory to the Automatist manifesto, Refus Global.
FR:
Cet article évalue le rôle de la musique dans le contexte des automatistes de Montréal en se penchant sur les oeuvres chorégraphiques créées par Jeanne Renaud et Françoise Sullivan au cours de la fin des années 1940 et du début des années 1950. Il apparaît dès lors que les activités autour de la danse de ces deux chorégraphes évoluent souvent en parallèle avec des expériences contemporaines en musique. Les collaborations de Renaud et Sullivan avec Pierre Mercure étaient particulièrement réussies, et démontrent en fin de compte que la musique constituait une partie importante de l’histoire des automatistes, même si Mercure n’était pas signataire du manifeste automatiste, le Refus global.
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Pierre Mercure, Gilles Tremblay, et quelques autres compositeurs canadiens aux Ferienkurse à Darmstadt dans les années 1950 et 1960
Jean Boivin
pp. 55–73
AbstractFR:
Dans les années 1950 et 1960, décennies cruciales dans l’histoire de la musique contemporaine, plusieurs compositeurs canadiens ont participé aux célèbres cours d’été de musique contemporaine à Darmstadt en Allemagne (les Internationale Ferienkurse für Neue Musik), dont Barbara Pentland, Gilles Tremblay, Norma Beecroft, Bruce Mather et Pierre Mercure. Les conférences, concerts, discussions et rencontres informelles auront un impact significatif sur leurs carrières et parcours respectifs. Le Suédois d’origine Bengt Hambraeus y assiste par exemple à la montée du sérialisme intégral et y côtoie Maderna et Nono. Pentland y découvre la musique de Webern tandis que Beecroft, Tremblay et Mather y entendent des oeuvres et conférences marquantes de Boulez et de Stockhausen. Des oeuvres de Hambraeus, Beecroft et Tremblay y sont jouées. Quant à Mercure, il assiste à Darmstadt aux cours d’analyse de Pierre Boulez, compose sa toute dernière oeuvre (basée sur l’improvisation) et prépare la création de la future Société de musique contemporaine du Québec.
EN:
During the 1950s and 1960s, critical decades in the history of contemporary music, a number of Canadian composers attended the renowned contemporary music summer courses at Darmstadt, Germany (the Internationale Ferienkurse für Neue Musik), including Barbara Pentland, Gilles Tremblay, Norma Beecroft, Bruce Mather and Pierre Mercure. These lectures, concerts, discussions and meetings would have a major impact on their respective careers. For instance, Bengt Hambraeus, originally from Sweden, helped spur the rise of integral serialism, rubbing shoulders with Maderna and Nono. At Darmstadt, Pentland discovered the music of Webern while Beecroft, Tremblay and Mather were influenced by hearing works and lectures by Boulez and Stockhausen. Works by Hambraeus, Beecroft and Tremblay were performed. Mercure, meanwhile, attended Pierre Boulez’s courses in analysis, composing his last work (based on improvisation) and prepared the creation of the future Société de musique contemporaine du Québec.
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La construction du champ identitaire de la musique actuelle en Amérique du Nord : enquête sur la filiation avec la Semaine internationale de musique actuelle
Sophie Stévance
pp. 75–86
AbstractFR:
En quoi le courant de la musique actuelle, tel que connu depuis 1979 avec la fondation des Productions SuperMémé, puis des Productions SuperMusique, est-il affilié à la Semaine internationale de musique actuelle (SIMA) organisée par Pierre Mercure, à Montréal, en 1961 ? L’article tente d’y répondre en questionnant les fondements de l’expression « musique actuelle » pour faire ressortir les éléments historiques qui tracent puis jalonnent ses significations depuis ses premières utilisations. L’auteure montre que le mouvement « actualiste » partage avec l’événement de Mercure, par lequel le compositeur souhaitait renouveler l’acte créateur par une programmation non conventionnelle s’opposant à la « vieille garde », bien plus qu’un nom : il en porte et réalise peut-être la visée esthétique et sociale en s’opposant à certaines zones des pôles culturels par des méthodes de création telles que l’improvisation libre ou la dynamique collective. Mais au-delà de ce projet, c’est bien dans la lignée de Mercure et des événements musicaux de la SIMA que les actualistes ont puisé leur inspiration et construit leur champ identitaire.
EN:
In what way is “musique actuelle” (so named since 1979 with the founding of Productions SuperMémé, then Productions SuperMusique) indebted to the Semaine Internationale de Musique Actuelle (SIMA) organized by Pierre Mercure in 1961? This article explores the basis of the expression “musique actuelle” (cf. the 1961 “Semaine internationale de musique actuelle”) through historic elements, tracing its meanings since first used. Beyond the name “musique actuelle”, the author shows that this “actualist” movement, like Mercure’s events that sought to renew the creative act through non-conventional programming, was challenging the “old guard”. Its creative methods confronted cultural areas, aesthetically and socially, through free improvisation and collective input. And the “actualists” through these times clearly drew inspiration and identity from Mercure and the musical events of SIMA.
Document
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Table ronde de 1961 autour d’Incandescence de Pierre Mercure
Mario Gauthier
pp. 87–98
AbstractFR:
Conçue et mise sur pied par le compositeur Pierre Mercure (1927-1966) du 3 au 8 août 1961, la Semaine internationale de musique actuelle de Montréal (SIMA) secoua auditeurs et critiques de son temps. Dans un contexte où la musique d’avant-garde avait alors à peine droit de cité, ce festival donna à voir et à entendre des oeuvres dont l’impact et l’influence se font encore sentir de nos jours. Maryvonne Kendergi, qui était alors commentatrice libre à la radio de Radio-Canada, eut l’idée de réunir autour de la même table Jean Beaudet, Eric McLean, Jean Vallerand et Pierre Mercure, dont le ballet Incandescence avait été donné en création le 6 août 1961. Nous proposons ici une transcription quasi intégrale des 35 minutes que Madame Kendergi a conservées de cet entretien. À notre connaissance, il n’a jamais été publié ou entendu dans sa totalité à ce jour.
EN:
Conceived and implemented by the composer Pierre Mercure (1927-1966) from August 3 to 8, 1961, the Semaine internationale de musique actuelle de Montréal (SIMA) (International Week of Today’s Music) caused a stir among audiences and critics alike. In a context and time when avant garde music was receiving scant recognition, this festival presented visual and aural works whose impact and influence continues to this day. Maryvonne Kendergi, then a “freelance commentator” at Radio-Canada, came up with the idea of a round table featuring Jean Beaudet, Eric McLean, Jean Vallerand and Pierre Mercure, whose ballet Incandescence was performed on August 6, 1961. This article is a transcription of this 35-minute interview (virtually complete) which was preserved by Madame Kendergi. To our knowledge, this interview has never before been published or heard in its entirety.
Cahier d’analyse
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Aborder la modernité : Triptyque et Lignes et points de Pierre Mercure
Brian Cherney
pp. 99–116
AbstractFR:
Les deux oeuvres pour orchestre Triptyque (1959) et Lignes et points (1964) illustrent les diverses façons qu’avait Pierre Mercure d’aborder l’héritage du modernisme musical. Un des traits fondamentaux de la musique d’allégeance moderniste – et une préoccupation qui relie les compositeurs des premières décennies du xxe siècle (Bartók, Stravinsky, Berg, Hindemith, Honnegger, etc.) avec ceux qui relèvent de l’avant-garde musicale de l’après-guerre – se trouve dans un souci de symétrie. Pour sa part, Mercure emploie des formes symétriques pour structurer les deux oeuvres étudiées dans cet article à divers niveaux. Dans Triptyque, la surface de la musique reste tout à fait traditionnelle, alors que plusieurs aspects de sa structure (un peu cachés) relèvent d’une sensibilité résolument moderniste. Dans Lignes et points, au contraire, la surface de la musique, les sons, les couleurs et les textures sont empreints d’un caractère moderne, voire avant-gardiste, alors que sa structure pour ainsi dire « souterraine » se résume à un thème et variations de confection tout à fait classique (bien que cette forme ne s’entende pas nécessairement comme telle). D’autres aspects de ces deux oeuvres révèlent l’influence sur Mercure de ses contemporains, tels que Karlheinz Stockhausen, Earle Brown et John Cage, dont Mercure a entendu les oeuvres lors de la Semaine internationale de musique actuelle (SIMA) qu’il a organisée en 1961.
EN:
Pierre Mercure’s orchestral works Triptyque (1959) and Lignes et points (1964) illustrate various ways in which the composer grappled with his desire to embrace musical modernity. One of the fundamental traits of music in a modernist vein—one that unites the preoccupations of composers of the first decades of the twentieth century (Bartók, Stravinsky, Berg, Hindemith, Honnegger, etc.) with those of the avant-garde music of the post-war decades—lies in its use of different forms of symmetry. Mercure too makes use of symmetrical forms to structure the two works studied here at various levels. In Triptyque, the surface of the music remains completely traditional, while several somewhat hidden aspects of its structure are manifestations of a resolutely modernist sensibility. In contrast, in Lignes et points, the surface of the music—the sounds, colours and textures—are imbued with a thoroughly modern or even avant-garde character, while its ’subterranean’ structure is revealed to be an eminently classical theme and variations (even if it cannot necessarily be heard as such). Other aspects of these works reveal the influence of Mercure’s contemporaries like Karlheinz Stockhausen, Earle Brown and John Cage, whose works were performed at Mercure’s Semaine international de musique actuelle (SIMA) in 1961.