Comptes rendus / Reviews

Comment l’esprit vient aux objets. Par Serge Tisseron. (Paris : Éditions Aubier, 1999. Pp. 231, ISBN 2-7007-2407-0)[Record]

  • Patric Quirion

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  • Patric Quirion
    Université Laval
    Québec

Serge Tisseron est psychiatre et psychanalyste, docteur en psychologie, enseignant à l’Université de Paris VII. Déjà, en 1978, dans l’un de ses premiers écrits, L’Érotisme du toucher des étoffes, son intérêt pour l’objet socialisé est manifeste. Par la suite, il s’intéresse à l’image, notamment dans ses ouvrages Psychanalyse de la bande dessinée et Psychanalyse de l’image. Il interroge alors les relations que l’humain établit avec les diverses formes d’images qui se trouvent dans la bande dessinée, la photographie, le cinéma et la télévision. Cette longue incursion dans l’univers iconographique l’a amené à penser celui-ci en tant qu’objet-image. Serge Tisseron fait justement part de cette réflexion dans l’un des chapitres de son livre Comment l’esprit vient aux objets. Depuis les années 1970, les questions portant sur l’objet en tant qu’acteur social sont de plus en plus fréquentes. Nous en avons pour preuve le nombre croissant de maîtrises et doctorats en culture matérielle présentés au programme d’Ethnologie de l’Université Laval. Avec son ouvrage, Serge Tisseron élève maintenant l’objet au rôle de médiateur psychique. Selon lui, l’humain enfermerait dans les objets une partie de sa psyché. Du simple rôle utilitaire, l’objet acquerrait alors le statut tout aussi important de porteur de messages. Il serait un endroit où l’on enfouit nos souvenirs et nos expériences afin de les soustraire à notre mental pour une période de temps plus ou moins longue. Le titre du livre, Comment l’esprit vient aux objets, est très évocateur du ton de l’ouvrage. L’auteur exprime très clairement son intention dès les premières pages. Ce livre compte au total sept chapitres et chacun propose une façon différente de voir la relation que nous établissons avec les objets de notre quotidien, à commencer par le vêtement, un objet qui, comme le dit l’auteur, « nous colle à la peau ». À travers cette première catégorie d’objets « particulièrement proche de nous », Serge Tisseron parle de symbolisation. En effet, notre appartenance sociale, religieuse ou autre se trouve bien souvent représentée dans nos vêtements et c’est souvent par ceux-ci que s’établit le premier degré de reconnaissance sociale (28). Tisseron apporte ensuite une réflexion fort intéressante quant à la relation que nous avons avec notre habillement. Faisant référence aux vêtements drapés du Maroc, il dit : « Ils ne soulignent pas les bras et les jambes, mais l’ensemble. Il est impossible de ne pas mettre cette particularité en relation avec la place que ces cultures font à l’individualité. Loin de se différencier à tout prix comme dans notre culture, chacun est appelé à se fondre dans son groupe de rattachement » (32). De la même façon qu’on s’interroge sur la primauté de la poule ou de l’oeuf, il se demande si c’est l’homme qui a créé le vêtement à son image ou bien ce dernier qui a contribué à modeler un certain état psychique chez l’humain ? Il ajoute que dans l’habillement se cachent d’autres choses : les expériences d’odeurs et de gestes, ces derniers étant inscrits dans les plis, les étirages et les déchirures. Enfin, il termine en mentionnant que l’humain s’habille d’émotions. Il serait alors possible de lire dans les vêtements les manifestations profondes que laisse transparaître la psyché. Les monuments sont, au même titre que les vêtements, des gardiens de souvenirs. Ils regroupent les mémoires de toute une communauté et celles-ci sont autant individuelles et familiales qu’officielles. Serge Tisseron précise que leur fonction première est de rassembler les populations derrière une histoire commune mais que, ce faisant, ils cachent une partie de l’histoire individuelle. Il resterait scellé en eux un passé parfois douloureux pour certaines personnes. Serge …

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