FR:
Que la figure haïtienne du zombi soit assimilée à celle, historique, de l’esclave des temps coloniaux, c’est là un trait commun des études anthropologiques relatives à l’imaginaire dont elle est l’objet en Haïti. Asservis, aliénés, instrumentalisés, contraints à différents labeurs, le zombi et son homologue colonial se confondent en effet, sans pour autant qu’ait été jusque-là entrepris un repérage systématique des traits qui, de manière concrète et précise, permettraient de fonder cette coïncidence et de l’ancrer dans les représentations locales. S’attachant à la question particulière des modes d’entretien et d’exploitation respectifs des zombi et de leurs ascendants réels, cet article se propose donc d’examiner les éléments qui, dans les domaines du logement, de l’onomastique, du régime alimentaire, du mode de gestion funéraire de ces masses serviles, entreraient en résonance mutuelle. Cette confrontation de l’imaginaire et de l’histoire révèle alors la portée mémorielle de la figure du zombi, cette dernière rendant présent le passé collectif, évoquant en son langage l’épisode esclavagiste, mettant au présent le rapport fondateur de servitude suivant une forme de mémoire collective incarnée, incorporée, infraconsciente, distincte de l’habituelle reconstruction mémorielle de l’histoire basée sur des contenus de conscience.
EN:
As the Haitian figure of the zombie has historically been compared to that of the slave in the colonial era, it is a feature shared with anthropological studies about its role in the Haitian imagination. Enslaved, alienated, exploited, forced into various tasks: in effect the zombie and his colonial counterpart merge, without as yet there having been engagement in a systematic locating of those traits which, in a concrete and precise manner, permit the justification of this coincidence and ground it in its local representations. Attaching to this the particular question of the modes of respectively maintaining and exploiting the zombie and its real ancestry, this article therefore proposes to examine the elements which, in the realms of housing, naming, the regimenting of foodways, and the manner of funerary management for this servile mass, worked in concert. This comparison of the imagined with the historical then shows the memorialising capacity of the figure of the zombie, the latter restoring for the present a collective past, evoking in its language the era of the slave society, placing in the present the founding narrative of servitude according to a pattern of collective memory incarnated, embodied, subconscious, distinguished by the habitual reconstruction of memory of a history based on the contents of conscience.