FR:
Dirigée au sortir de la décolonisation par une France qui peut s’appuyer sur une vocation messianique souvent proclamée et une longue tradition en matière de politique culturelle, la mise en place de l’ensemble politico-linguistique de la francophonie est également stimulée par divers élans culturels qui se produisent de façon simultanée dans les périphéries francophones. Il s’agit dans cet article d’évaluer quels ont été les moteurs de ces renouveaux identitaires qui s’expriment de diverses manières au cours des années 1960 et 1970. Au Québec, par une « Révolution tranquille » qu’accompagne une autonomisation du champ culturel, dont les vecteurs les plus connus (chansonniers, poètes) s’exportent avec succès sur le terrain francophone. En Suisse romande, par l’émergence d’une nouvelle génération prompte à s’engager pour briser les cadres établis d’une culture suisse qu’elle juge rigidifiée, et qui exprime ses nouvelles forces créatrices en dynamisant divers secteurs culturels (cinéma, chanson, théâtre, littérature) dont la réputation dépasse rapidement les frontières du pays. Dans quelle mesure l’émergence et le développement de ces élans culturels francophones, qu’ils proviennent de nouveaux centres institutionnels ou de champs culturels périphériques (même s’ils ne sont pas directement affiliés aux actions menées par les mouvements indépendantistes alors très engagés, au Québec comme dans le Jura suisse, dans un combat identitaire fondé sur la défense de la langue française) ont-ils été considérés comme un danger politique par les autorités fédérales helvétiques ou canadiennes ? L’analyse des relations culturelles bilatérales Québec-Suisse durant la période charnière de la Révolution tranquille permet d’évaluer pour chaque partenaire le degré d’autonomie du champ culturel vis-à-vis de la sphère politique.
EN:
On decolonisation, France, leaning on its often-proclaimed messianic vocation and a long tradition of cultural policy, set in motion a politico-linguistic set-up of French-speaking communities. This was also stimulated by various cultural bouts of enthusiasm springing up simultaneously in the French-speaking surroundings. We shall evaluate the driving force of these identity renewals expressed in various ways throughout the 60’s and 70’s. In Quebec – by means of a “quiet revolution” accompanying autonomy in the cultural field, of which the best-known forms (singers, poets) are successfully exported into the French-speaking areas. In the French-speaking part of Switzerland, by the emergence of a new generation eager to be involved in breaking up the established lines of a Swiss culture considered rigidified, and expressing its new creative forces in various cultural sectors (cinema, song, theatre, literature) whose reputation rapidly reaches beyond its frontiers. To what extent have the emergence and the development of this French-speaking cultural enthusiasm – whether coming from new institutional centres or from surrounding cultural fields – been considered as a political danger by the Swiss or Canadian federal authorities ? And this, even if not directly related to actions led by separatist movements nor, as in Quebec and in the Swiss Jura, much engaged in an identity struggle based on the defence of the French language. The analysis of bilateral cultural relations Quebec-Switzerland in this important period of the quiet revolution will thus permit the evaluation, for each partner, of the degree of autonomy of its cultural field as opposed to the political sphere.