FR:
L’auteur examine les modifications qui seraient nécessaires à la Charte québécoise, en cas d’accession du Québec à la souveraineté, pour maintenir à son niveau actuel — ou pour améliorer — la protection des droits et libertés dans le domaine des relations des individus avec l’État. Un tel objectif exigerait que l’on modifie à la fois le statut juridique et le contenu de la Charte québécoise. Avec l’accession à la souveraineté, il faudrait « enchâsser » la Charte québécoise dans la nouvelle Constitution, en exigeant pour sa modification une procédure spéciale, comme un vote des deux tiers des membres du Parlement ou l’accord du peuple par voie de référendum.
Cependant, deux catégories de dispositions devraient être exclues de l’« enchâssement ». Les dispositions de la Charte actuelle qui régissent les rapports privés, principalement en matière de discrimination, devraient être relocalisées dans une loi modifiable selon le processus législatif ordinaire, dont la mise en oeuvre continuerait de relever de la Commission des droits de la personne et du Tribunal des droits de la personne. Quant aux droits économiques et sociaux contenus dans la Charte québécoise, ils pourraient être repris dans la Constitution d’un Québec souverain, mais ceux qui impliquent des interventions législatives élaborées et des choix budgétaires complexes devraient continuer à n’être garantis que « dans la mesure prévue par la loi ».
L’« enchâssement » de la Charte québécoise ne signifie pas nécessairement que le pouvoir du Parlement québécois de déroger aux droits qu’elle garantit devrait complètement disparaître. L’auteur présente différentes raisons pour lesquelles, à son avis, ce pouvoir devrait être maintenu dans un Québec souverain. Cependant, il faudrait également rendre sa mise en oeuvre plus difficile, afin d’établir un meilleur équilibre entre le contrôle judiciaire et le processus démocratique. Le recours au pouvoir de déroger devrait être restreint aux cas où une disposition législative a déjà été invalidée par les tribunaux; la durée des dispositions dérogatoires devrait être limitée; une dérogation à la Charte devrait exiger une majorité des deux tiers des députés; enfin, certains droits ou libertés ne devraient pouvoir faire l’objet d’aucune dérogation. Dans la deuxième partie de l’article, portant sur les modifications au contenu de la Charte québécoise, l’auteur examine quels droits actuellement garantis dans la Charte canadienne, mais absents de la Charte québécoise, devraient être ajoutés à celle-ci en cas d’accession du Québec à la souveraineté. Il analyse successivement les droits des minorités, puis les autres droits et libertés. Enfin, l’auteur examine certains cas où des droits déjà garantis par la Charte québécoise pourraient être reformulés en s’inspirant de la Charte canadienne, ou de certains instruments internationaux, de façon à préciser ou à augmenter leur portée.
EN:
This paper examines the changes to the Québec Charter of Rights and Freedoms that would be necessary, if Québec separates from Canada, in order to maintain the protection of human rights at its present level or even to improve it. Such an objective would necessitate some changes in the legal status as well as in the content of the Québec Charter. With the accession of Québec to sovereignty, the Charter would have to be entrenched in the new Constitution, by requiring for its modification a special amending formula, for example, a two-thirds vote of the legislature or a popular referendum.
However, two categories of provisions would have to be excluded from the entrenchment. The provisions of the Charter governing private relations, particularly those prohibiting discrimination, ought to be kept in an ordinary statute whose application would continue to be the responsibility of the Human Rights Commission and the Human Rights Tribunal. As for the economic and social rights, they could be included in the new Constitution, but those necessitating elaborate legislative measures and complex budgetary decisions should continue to be guaranteed only "to the extent provided by law".
Entrenching the Québec Charter in the new Constitution would not necessarily mean that the power of the legislature to override the guaranteed rights and freedoms should completely disappear. The author presents several reasons justifying the existence of such an overriding power. However, its use would have to become more difficult in order to improve the balance between the judicial control and the democratic process. The use of the power to override the Charter should be limited to situations where a legislative provision has already been struck down by the courts; the override power should be subject to a temporal restriction; overriding the Charter should require a two-thirds vote of the legislature; and finally, certain rights and liberties should be altogether immune from the overriding power.
The second part of the paper deals with modifications to the content of the Québec Charter. The rights presently guaranteed in the Canadian Charter, but absent from the Québec Charter, should be included in the latter. As well, certain rights already guaranteed in the Québec Charter could be reformulated, in order to define more precisely or extend their meaning, by drawing upon the Canadian Charter or certain international Human Rights instruments.