Circuit
Musiques contemporaines
Volume 18, numéro 1, 2008 La fabrique des oeuvres Sous la direction de Nicolas Donin et Jacques Theureau
Sommaire (13 articles)
Introduction
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Ateliers en mouvement : interroger la composition musicale aujourd’hui
Nicolas Donin et Jacques Theureau
p. 5–14
RésuméFR :
Cette introduction au numéro thématique de Circuit intitulé La fabrique des oeuvres présente différentes raisons de s’intéresser aux processus compositionnels et aux ateliers des compositeurs contemporains.
Une critique de la position de sens commun qui assigne la musicalité à une « boîte noire » (inspiration, superstructures sociales, etc.) débouche sur une série de conditions à remplir pour motiver l’étude de la « boîte à outils » d’une oeuvre ou d’un créateur. La notion d’« atelier » est proposée comme guide pour remplir les conditions précédentes.
L’« atelier » des oeuvres passées peut être connu grâce à la critique génétique, l’analyse musicale et la musicologie historique. Concernant les ateliers du présent, différents problèmes épistémologiques et méthodologiques surgissent ; ils sont discutés sur la base d’un texte de Pascal Dusapin, et en relation avec une étude de l’activité créatrice de Philippe Leroux réalisée par les auteurs. La volonté de réaliser des études de la composition musicale aujourd’hui est à la base de ce numéro, qui propose au lecteur divers points de vue sur la composition, susceptibles de comparaisons et peut-être de généralisations.
EN :
The introduction to this special issue of Circuit entitled La fabrique des oeuvres addresses various reasons for looking into compositional processes, as well as contemporary composers’ workshops. A critical assessment of commonly accepted views of musicality as a ‘black box’ (of inspiration, social superstructures, etc.) reveals a series of conditions that must be fulfilled before the study of a particular work or creative artist’s ‘tool box’ may be undertaken. The idea of the ‘workshop’ is offered as a guide in order to meet the preceding conditions.
The ‘workshop’ used to produce works of the past can be reconstructed through genetic criticism, musical analysis, and historical musicology. But various epistemological and methodological problems surround the study of workshops of the present; they are discussed with reference to an essay by Pascal Dusapin and a study undertaken by the authors of composer Philippe Leroux’s creative activities. This issue is rooted in a desire to understand contemporary musical composition, and provides readers with various points of view on composition that might be used in comparative studies, and perhaps even to make wider generalizations.
Enquête I : vues sur ateliers
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Vue sur l’atelier de Salvatore Sciarrino (à partir de Quaderno di Strada et Da Gelo a Gelo)*
Gianfranco Vinay
p. 15–20
RésuméFR :
Dans l’atelier musical de Salvatore Sciarrino il y a très peu d’outils : des carnets, des papiers quadrillés, des papiers à musique, une gomme et des crayons.
Les papiers quadrillés lui servent pour rédiger des diagrammes permettant de fixer et de contrôler le déroulement des figures sonores et des images musicales. Passage essentiel pour la création d’oeuvres instrumentales ou vocales, fondées sur des principes aptes à dramatiser l’agencement, la combinaison et la mise en résonance de ces figures dans l’espace sonore. Après ce travail préliminaire, le compositeur élabore la partition utilisant les signes traditionnels pour rendre ses partitions aussi claires et «universelles» que possible, expliquant dans une table des notes techniques la manière précise de réaliser les effets sonores et les procédés typiques de sa musique.
Étant donné que Sciarrino façonne lui-même les textes de ses oeuvres vocales et théâtrales, cousant ensemble des phrases et des mots extraits de textes de différents auteurs, les carnets ne contiennent pas seulement des esquisses, des réflexions ou des titres d’oeuvres futures, mais aussi des citations recueillies un peu partout et des textes en cours d’élaboration adaptés à ses besoins poétiques, musicales et dramaturgiques. La nécessité de rendre les textes ductiles à son traitement vocal est un des buts principaux de cette élaboration semblable à un trope en creux. La concision et l’abolition des complexités syntaxiques facilitent le travail de fragmentation du texte en syntagmes, lesquels peuvent ainsi s’habiller des petites écailles sonores de ses figures mélodiques.
EN :
Salvatore Sciarrino’s workshop contains very few tools: notebooks, graph paper, manuscript paper, erasors and pencils. The graph paper allows him to create diagrams to establish and control the unfolding of his sonic figures and musical images. This is an essential phase for the creation of both instrumental and vocal works, founded on principles aimed at dramatizing the layout, combination, and sound coordination of these figures in musical space. Following this preliminary work, the composer develops his work using traditional notation to make his scores as clear and ‘universal’ as possible. In tables of technical notes, Sciarrino describes the precise manner in which sonic effects and other features typical of his music should be realized.
Sciarrino creates his own texts for his vocal and theatre works by piecing together words and sentences excerpted from the writings of various authors. As a result, his notebooks contain not only sketches, ideas, and titles of future works, but also citations gathered here and there and texts in the making that are adapted to his poetic, musical, and dramatic needs. Sciarrino’s desire to make these texts bend to his vocal style is one of the guiding principles behind what might otherwise be construed as the synthesis of so many empty figures of speech. Concision and the abolition of syntactic complexity facilitates his work of breaking the text into short phrases, which can then be draped with small sonic pieces of his melodic figures.
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Une visite à l’atelier de José Evangelista
Nicolas Gilbert
p. 21–26
RésuméFR :
Cet article présente une vue d’ensemble des outils et des méthodes de travail du compositeur José Evangelista. Après avoir discuté de la relation qu’entretient le compositeur avec le piano et l’ordinateur en tant qu’outils compositionnels, on examine le rôle des notes textuelles et des esquisses dans ses habitudes de travail. À l’aide d’exemples tirés des esquisses d’Alap et Gat (1998) et de Viola Song (2002), on découvre une méthode de travail où notes textuelles et esquisses musicales s’enchevêtrent et se fertilisent mutuellement. On constate également que le travail assidu du compositeur sur les procédés hétérophoniques a permis à sa méthode de travail de se développer de façon continue, sans grandes ruptures, au cours des 25 dernières années. On conclut de cet examen que, chez Evangelista, méthode de travail et esthétique constituent un tout organique à l’intérieur duquel la subjectivité du compositeur s’exprime sans entraves.
EN :
This article presents an overview of the tools and working methods of composer José Evangelista. After discussing his relationship with the piano and the computer as compositional tools, we examine the role of textual notes and drafts in his working habits. On the basis of examples drawn from the drafts of Alap et Gat (1998) and Viola Song (2002), we discover a working method in which written text and musical drafts cohabitate and fertilize each other. We also note that the composer’s assiduous work on heterophonic processes allowed for a continuous evolution of his working method over the last 25 years. We conclude this examination by stating that in Evangelista’s work, working method and aesthetics constitute an organic whole within which the composer’s subjectivity expresses itself freely.
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Vue sur l’atelier d’Elliott Carter (à partir du Triple Duo)
Denis Vermaelen
p. 26–31
RésuméFR :
Après avoir opéré une distinction entre la phase d’élaboration structurelle et le travail de composition proprement dit, cet article s’efforce de dégager la relation qui les unit et leur articulation dans la pensée musicale d’Elliott Carter en montrant précisément, à partir de l’exemple du Triple Duo, comment s’effectue l’interprétation, dans l’écriture, d’un polyrythme de grande ampleur entièrement planifié dans les esquisses conservées à la Fondation Paul Sacher, à Bâle : quelle est la fonction du polyrythme dans la composition ? En quoi le schéma préparatoire est-il déterminant pour le mouvement musical et pourquoi est-il finalement laissé en suspens ?
EN :
This article begins by defining the differences between two stages of musical creativity: the structural elaboration phase, and the work of composition proper. An explanation of how the two are united and how they are articulated in the work of Elliott Carter follows, by showing precisely how the composer worked out a large-scale polyrhythm in the writing of Triple Duo—a process documented in its entirety in sketches preserved at the Paul Sacher Institute in Basel. What is the function of the polyrhythm in the composition? How does the preparatory sketch shape the musical movement, and why is it left dangling in the end?
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L’atelier d’un réalisateur en informatique musicale : entretien avec Gilbert Nouno
Nicolas Donin et Jacques Theureau
p. 31–38
RésuméFR :
Cet entretien avec Gilbert Nouno interroge le travail quotidien d’un assistant musical (ou réalisateur en informatique musicale). En février 2007, Nouno achevait une collaboration avec Xavier Dayer pour son oeuvre Delights (pour choeur, ensemble et électronique) et poursuivait une collaboration au long cours avec Jonathan Harvey à l’occasion de deux oeuvres : Wagner Dream et une nouvelle oeuvre pour orchestre. Ces projets impliquent des modalités de collaboration variées (périodicité, type d’implication du compositeur dans l’informatique, etc.) et divers usages du logiciel Max/MSP et de programmes associés. Nouno évoque également des interactions avec Pierre Boulez, Michael Jarrell et Marc Monnet. Enfin sont interrogées la variabilité, la plasticité, voire la précarité de l’activité de réalisateur en informatique musicale (et de son atelier).
EN :
This interview with Gilbert Nouno explores the daily work of a musical assistant (or computer sound engineer). In February 2007, Nouno completed a project with Xavier Dayer for his work Delights (for choir, ensemble and electronics), and worked on a major collaborative effort with Jonathan Harvey for two works: Wagner Dream, and a new piece for orchestra. These projects involved various types of collaboration (differing time-frames, the composer’s type of involvement in technology, etc.), as well as different uses of Max/MSP and associated software. Nouno also speaks about his experiences with Pierre Boulez, Michael Jarrell, and Marc Monnet. This interview closes with a look at the unpredictable, flexible, and even precarious activities that mark the computer sound engineer’s work (and his workshop).
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How do I compose? (Reflections on Wagner Dream)
Jonathan Harvey
p. 38–43
RésuméEN :
Written in May of 2007, in this text Jonathan Harvey reflects on his compositional method by returning to the genesis of his opera Wagner Dream. He notably addresses such things as: the personal associations connected to the first note played by the horn; the conceptual logic behind the two main harmonic spaces; the effect of a heavy storm in one of the places he composed; and what he drew from Wagner’s work and ideas for his own opera.
FR :
Dans ce texte écrit en mai 2007, Jonathan Harvey s’interroge sur sa manière de composer, à la faveur d’un retour rétrospectif sur la genèse de son opéra Wagner Dream. Il aborde notamment : les évocations personnelles associées à la première note jouée par le cor ; la logique de conception des deux espaces harmoniques principaux ; l’incidence d’une forte tempête qui s’est produite sur l’un des lieux de la composition ; ce qu’il a tiré de la pensée et l’oeuvre de Wagner pour son opéra.
Comprendre les processus compositionnels
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Fleurs recyclées : sur les traces de relations souterraines dans l’Officium breve in memoriam Andreae Szervánszky opus 28 pour quatuor à cordes de György Kurtág1
Friedemann Sallis
p. 45–58
RésuméFR :
Cet article explore une face cachée de l’oeuvre publiée de György Kurtág. Le « motif de la fleur », d’abord apparu dans Bornemisza Péter mondásai [Dits de Péter Bornemisza], opus 7 (1963-68), a proliféré dans une part significative des composition de Kurtág. L’impact de ce type de relation motivique est mis en lumière à travers l’ Officium breve in memoriam Andreae Szervánszky, opus 28 (1988-89), pour quatuor à cordes. La recherche présentée ici est le fruit de la connaissance profonde qu’a l’auteur des documents de travail du compositeur, conservés dans la Collection György Kurtág de la Fondation Paul Sacher.
EN :
This article explores the vast underside of György Kurtág’s published work. The so-called flower motif that first appeared in the Bornemisza Péter mondásai [The Sayings of Péter Bornemisza] Op. 7 (1963-68) has proliferated and permeated a significant part of Kurtág’s compositions. The impact of this type of motivic relationship is discussed in the context of Officium breve in memoriam Andreae Szervánszky Op. 28 (1988-89) for string quartet. The information presented here is based on the author’s detailed knowledge of the composer’s working documents conserved in the György Kurtág Collection of the Paul Sacher Foundation.
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La coproduction des oeuvres et de l’atelier par le compositeur (À partir d’une étude de l’activité créatrice de Philippe Leroux entre 2001 et 2006)
Nicolas Donin et Jacques Theureau
p. 59–71
RésuméFR :
Afin d’étudier le processus compositionnel d’un musicien contemporain, Philippe Leroux, les auteurs de cet article ont mis au point un dispositif de recueil de données largement basé sur les éléments de l’atelier du compositeur lors de son travail sur Voi(rex) (2002-2003) puis sur Apocalypsis (2004-2006). Des entretiens de « remise en situation de composition » ont permis de mettre en évidence les principaux documents de travail utilisés par Leroux pour ces oeuvres (esquisses, brouillons, logiciels, etc.) ; leur sollicitation, pendant les entretiens, l’aidait à retrouver des détails précis de son activité passée. Sur cette base, il est possible de caractériser l’atelier en relation avec la dynamique compositionnelle qui l’anime.
Cet article recense les éléments constitutifs de l’atelier de Leroux (outils, procédures, ouvrages, partitions d’oeuvres passées) lors de l’écriture des deux oeuvres étudiées, et montre certains types d’usage de ces éléments (opérations de substitution entre éléments, construction de chaînes opératoires). En conséquence, l’atelier est caractérisé à la fois comme le milieu et le produit de la composition. La partition est le lieu de stabilisation de sa dynamique interne, et de résolution de la multiplicité d’outils et procédures partiellement redondants que l’on peut y trouver à tout moment. Ces propositions sont illustrées plus en détail par la reconstitution d’une série d’opérations de composition réalisée au cours de trois semaines de préparation à l’écriture d’Apocalypsis, en mars et avril 2005, ayant débouché entre autres sur le début de l’écriture de l’oeuvre, et sur l’écriture en parallèle d’une brève oeuvre chorale (Thermidor, du cycle Des autres).
EN :
In order to study the compositional process of contemporary composer Philippe Leroux, the authors compiled an array of information that drew largely on elements from the composer’s workshop during the composition of Voi(rex) (2002-2003) and Apocalypsis (2004-2006). An interview in the form of a compositional situation simulation brought to light the main documents that Leroux used for his work (sketches, early versions, software, etc.); consulting them during the interview process enabled the reclaiming of precise details of the composer’s past activities. Based on this, it was possible to define the composer’s workshop in the context of the compositional dynamic that set it in motion.
This article brings together the elements that made up Leroux’s workshop (his tools, procedures, works, scores for earlier works, etc.) as he was writing two specific works, and it reveals how some of these elements may be used (e.g., operations for the substitution of elements and the construction of operation chains). The workshop is thus defined both as the milieu and the product of composition: the score represents the point of stability for its dynamic internal workings, and the resolution of the many tools and somewhat repetitive procedures that might be found at any moment in the work. These ideas are illustrated in greater detail by the reconstitution of a series of compositional operations realized over a period of three weeks, as the composer prepared to write Apocalypsis in March and April of 2005, and after he had set to work on both the beginning of the work and another short choral work (Thermidor from the cycle Des autres).
Enquête II : fenêtre sur cours
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The Sorcerer as Apprentice: his Notes (The computer in/and teaching the craft of composition)
John Rea
p. 72–91
RésuméEN :
In order to highlight some of the transformations in the practice of composition that occur due to the introduction of computing, the author provides two texts in a special typographical format which he calls ‘parallel processing’.
An allegorical story entitled Wolf-URL together with ensuing texts that deal with interpretations of the allegory, particularly in a section entitled Updaters, Update Now!, attempt to put forward a critical apparatus for dealing with documentation (and underlying ideologies) related to an enquiry, with its non-exhaustive findings, that the author conducted during the spring of 2007 into the transformation of the craft of musical composition since the 1970s. They include musings about the relationship between professor and student composer where the computer plays or does not play a role in the teaching process. The outlines of this enquiry are located in a section entitled Setup Wizard; an assessment model is found in the Assessment Wizard.
By means of this new print format, the reader will be able not only to speed up the reading experience and exchange valuable information between the multiple fragments, but will also be able to draw whatever implications seem fitting from the ongoing juxtaposition.
FR :
Afin de mettre l’accent sur certaines transformations de la pratique compositionnelle par l’insertion de l’informatique, l’auteur présente deux textes dans un format typographique spécial qu’il appelle « traitement en parallèle ».
Une histoire allégorique intitulée Wolf-URL ainsi que des textes subséquents qui se veulent une interprétation de l’allégorie, surtout dans le volet Updaters, Update Now!, essayent de fournir un apparat critique capable de s’occuper de la documentation (et des idéologies sous-jacentes) liée à une enquête, avec ses conclusions incomplètes, que l’auteur a faites durant le printemps 2007 auprès d’une trentaine de compositeurs, au sujet de la transformation de l’art de la composition depuis les années 1970. Ces textes comprennent des réflexions sur les liens entre professeur et compositeur éleve où l’ordinateur joue ou ne joue pas un rôle dans la méthode d’enseignement. Les grandes lignes de l’enquête se retrouvent dans le volet Setup Wizard [Wizard de Configuration] ; un modèle d’appréciation se situe dans l’Assessment Wizard [Wizard d’Évaluation].
Grâce à ce nouveau format d’impression, le lecteur sera capable non seulement de lire plus rapidement et d’échanger de précieuses informations entre les multiples fragments, mais aussi de tirer des conséquences, quelles qu’elles soient, découlant de la juxtaposition en question.
Composer ...avec la technologie
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L’évolution d’un projet compositionnel en relation avec son environnement : autour de Concerto d’Elvio Cipollone
Noémie Sprenger-Ohana
p. 92–108
RésuméFR :
Cet article rend compte du processus de composition d’une oeuvre (Concerto pour cor de basset et électronique) d’Elvio Cipollone, accueilli au Cursus de composition et d’informatique musicale de l’Ircam en 2005-2006. Disposant des studios de l’Ircam comme terrain d’observation, cette recherche a suscité des observations, entretiens et enregistrements, effectués afin de recueillir des traces de la genèse de l’oeuvre.
L’influence de l’environnement social est esquissée avec les cas de l’assistant musical (Mikhaïl Malt) et de l’interprète (Alain Billard), mais ce sont principalement des aspects relevant du domaine technique qui sont ici relatés. Le suivi de la production de cette pièce mixte nous a permis de montrer de quelle manière un compositeur peut se servir d’outils conçus pour une large communauté (de compositeurs, mais aussi de chercheurs, et de musicologues) afin de faire émerger et préciser ses idées personnelles, puis de réaliser son oeuvre. Malgré les obstacles rencontrés au long du processus, la préoccupation constante d’adapter les méthodes d’utilisation des outils aux positionnements esthétiques et stylistiques – ici propres à la rencontre de l’univers instrumental avec l’univers électronique – a rendu possible l’engendrement d’une pièce mixte aux sonorités électroniques très présentes, et toutefois fidèle à l’imaginaire musical d’un compositeur particulièrement attaché aux ressources du timbre instrumental.
EN :
This article reveals the compositional process for Elvio Cipollone’s concerto for basset horn and electronics, a work performed at Ircam’s 2005-2006 Cursus de Composition et d’Informatique Musicale. Using the Ircam studios as an observation ground, this study gave rise to observations, interviews, and recordings that enabled the gathering of information about the genesis of the work. The influence of the social environment is set out with the help of musical assistant Mikhaïl Malt and performer Alain Billard, but it is principally the technical aspects of the work that are discussed here. Following the production of this mixed work reveals how the composer may make use of tools conceived for a larger community of composers, researchers, and musicologists, in order to draw out and define his own personal ideas, and later create his work. Despite the obstacles encountered during the process, the constant need to adapt the tools to specific aesthetic and stylistic positions – here with particular regard to the blending of instrumental and electronic music – enabled the creation of a mixed work for highly contemporary electronic sonorities all the while remaining faithful to the composer’s musical imagination, steeped in the possibilities of instrumental timbres.
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L’interaction compositeur-ordinateur il y a 25 ans
Nicolas V. Marmaras
p. 109–120
RésuméFR :
L’article concerne une étude ergonomique sur la composition musicale assistée par ordinateur, effectuée en 1982-1983. Le but était d’étudier l’interaction entre compositeur et ordinateur et de saisir la façon dont cet outil nouveau (à l’époque) affectait le processus compositionnel. Cet article se concentre sur les projets de deux compositeurs, qui travaillaient à l’Ircam avec deux systèmes informatiques différents, et sur les contraintes pragmatiques subies par les compositeurs. L’analyse ergonomique effectuée a montré que le processus compositionnel de deux compositeurs se caractérisait par trois étapes: (i) création d’un espace compositionnel décrit sur le plan du système informatique par un certain nombre de paramètres ; (ii) exploration de l’espace compositionnel afin d’examiner ses possibilités ; (iii) attribution aux paramètres de l’espace sonore des valeurs qui vont produire une musique souhaitable. Dans le cas du premier projet, l’espace compositionnel était constitué des instruments musicaux, dont les paramètres psycho-acoustiques ne pouvaient pas être facilement décrits d’une manière compatible avec les formalismes de l’informatique. Cela avait obligé le compositeur, pendant l’étape de l’exploration de l’espace compositionnel, à entrer dans une situation d’apprentissage, comparable à celle de l’apprentissage d’un instrument de musique. Or, à cause d’une série de contraintes pragmatiques (par exemple, le temps d’écoute différé et la modification discrète des valeurs des paramètres), un tel apprentissage n’a pas pu se réaliser. Par conséquent, le compositeur n’a pas pu réaliser son projet en utilisant le système informatique. Dans le cas du second projet, l’espace compositionnel était défini par le compositeur, sur le plan conceptuel, d’une manière compatible avec les formalismes de l’informatique (règles mathématico-géométriques). Ainsi, et malgré les contraintes pragmatiques subies, le compositeur est arrivé plus facilement à explorer l’espace compositionnel et finalement à créer la musique qu’il souhaitait.
Outre son intérêt historique, cette étude peut aussi avoir un intérêt à l’heure actuelle. Les contraintes pragmatiques qui sont présentes dans l’utilisation de tout système informatique peuvent expliquer, au moins en partie, les difficultés éprouvées par les compositeurs qui essaient de réaliser une oeuvre à l’aide d’un système informatique, et leur identification peut indiquer les directions que doit prendre l’amélioration de ce dernier.
EN :
The article revisits an ergonomic study on computer-assisted musical composition over 25 years ago. The goal was to observe the interaction between composers and computers and discern the effet of this new tool on the process of composing music. The projects of two composers working at Ircam and using two different computer systems are examined with emphasis on the pragmatic constraints encountered. The ergonomic analysis showed that the composition process adopted by the two composers entailed three main stages: (i) creating a composition space defined by various information system parameters, (ii) exploring the composition space in order to examine its possibilities, and (iii) attributing appropriate values to the parameters of the composition space to produce the desired music. In the case of the first project, the composition space consisted of simulated musical instruments whose psycho-acoustic parameters were not readily compatible with the information technology formalisms. This composer therefore had to enter into a learning situation akin to that of learning a musical instrument. But a number of pragmatic constraints (e.g., time lag between values fixing and listening, discrete modification of parameter values, etc.) ultimately stymied the learning and the composer could not complete the project using the computer system. In the case of the second project, the composer defined the compositional space at the conceptual level in a way that was compatible with the computer formalisms (mathematical-geometrical rules). Thus, despite pragmatic constraints, this composer was able to explore the compositional space more easily and ultimately create the desired music.
Besides its historical interest, this study remains valuable today. The pragmatic constraints inherent to any information system at least partly explains the difficulties faced by composers during computer-assisted composition, and identifying these constraints may point the way to improving these systems.