Volume 40, numéro 2, automne 2007 Peines et pénalité au Canada. Autour des travaux de Pierre Landreville Sous la direction de Marion Vacheret et Philippe Mary
Sommaire (12 articles)
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Introduction : le chercheur dans la cité
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Une « utopie juridique » et politique pour le droit criminel moderne ?
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Grandeurs et misères de la politique pénale au Canada : du réformisme au populisme
Pierre Landreville
p. 19–51
RésuméFR :
Depuis quelques décennies, les observateurs constatent un durcissement très marqué des politiques et des pratiques pénales, surtout aux États-Unis. Plusieurs, dont David Garland et Loïc Wacquant, ont tenté de documenter et d’expliquer ce virage punitif. Cette thèse de la « globalisation » du virage punitif a suscité nombre de réactions et de questionnements et a été remise en question dans le cas du Canada. Malgré quelques efforts pour documenter empiriquement ces transformations du pénal, plusieurs discours théoriques sur les transformations du pénal, sur les effets de la globalisation et de la mondialisation partent d’une analyse trop sommaire et trop superficielle des politiques et des pratiques pénales. C’est pourquoi on met l’accent dans cet article sur la description de ce qui s’est passé au Canada au cours du dernier demi-siècle avant de tenter d’en dégager les grandes tendances et d’esquisser quelques hypothèses d’explication.
EN :
During the last few decades, observers have noticed a strong toughening of penal policies and practices, especially in the USA. Many, among them David Garland and Loïc Wacquant, have tried to document and explain this punitive turn. This thesis of the “globalisation” of that punitive turn has given rise to a number of reactions and interrogations and has been put into question in Canada. In spite of some efforts to empirically document these modifications, many theoretical discourses on the effects of globalisation are based on too superficial and succinct analysis. That is why, in this article, we emphasize what has happened in this field in Canada in the last half-century, before attempting to highlight the major trends and attempt to outline explanatory hypothesis.
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Les transformations de la pénalité
Philippe Robert
p. 53–66
RésuméFR :
S’attachant à l’un des thèmes favoris du professeur Landreville, la peine, l’auteur montre l’intérêt de le mettre en perspective dans le long terme historique.
Il commence par expliquer comment l’émergence décisive de la pénalité est liée à celle de l’étatisation de nos sociétés.
Puis il étudie la liaison entre différentes formes d’État et différents régimes de pénalités.
Enfin, il s’attache, à partir de données provenant d’un pays de l’Europe occidentale, la France, à scruter les recompositions actuelles de la pénalité, dans un État devenu moins social et plus libéral.
EN :
Focussing on one of Prof. Landreville favourite themes, punishment, this article shows the importance of placing it in a very long term historical perspective.
The first section explains how the emergence of punishment as a social system is linked with the emergence of the modern State.
The second section analyses correlations between different forms of State and various types of penalties.
Finally, using recent data from a west-European country, France, the article examines current re-casting of punishment in an increasingly liberal and less a welfare State.
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Des solutions de rechange à l’incarcération : pour un peu plus de modération, d’équité et d’humanité
Pierre Lalande
p. 67–87
RésuméFR :
La première partie de ce texte aborde la question des solutions de rechange à l’incarcération en mettant l’accent sur l’influence que Pierre Landreville a eue au cours des dernières décennies sur les politiques correctionnelles québécoises. L’auteur présente ensuite la mesure d’emprisonnement avec sursis au Canada, qui a été implantée en 1996 dans un esprit de modération de l’utilisation de l’emprisonnement. Le constat actuel est que malgré le fait que l’emprisonnement avec sursis possède les attributs nécessaires pour être une solution de rechange crédible et efficace, cette mesure est déjà mise à mal par un courant conservateur qui veut réduire les possibilités d’octroi au sursis. La troisième et dernière partie du texte relève quelques obstacles aux solutions de rechange, dont le fait qu’elles soient continuellement comparées à la prison, qu’elles soient méconnues de la population et, enfin, qu’elles soient discréditées par le discours sur la loi et l’ordre.
EN :
The first part of this article deals with alternative solutions to imprisonment, emphasizing Pierre Landreville’s influence on Québec’s correctional policies over the past decades. The author then sets out conditional sentencing measures implemented in Canada in 1996 with the goal of reducing the use of incarceration. In spite of the fact that conditional sentencing provides the means to be a credible and efficient alternative measure, it has been criticized of late by a conservative way of thinking that aims to reduce the granting of conditional sentences. The third and final section of the paper relates a few obstacles to alternative measures, notably the fact that they are constantly being compared to incarceration, that they are not well understood by the public and, lastly, that they are discredited by proponents of “law and order.”
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L’éthique du réductionnisme et les solutions de rechange
Dan Kaminski
p. 89–101
RésuméFR :
Que la mesure dite alternative soit véritablement une mesure de rechange : voilà un des soucis constants de Pierre Landreville. Je m’appuierai, pour cet article, sur les contributions scientifiques de Pierre Landreville consacrées à des solutions de rechange. Je tenterai de dénouer délicatement les fils sensibles de l’éthique du réductionnisme que l’on peut y lire. Je commencerai par deux points radicaux relatifs à la prison : le refus de la justifier et la nécessité d’en limiter les usages. J’aborderai ensuite la question délicate de la crédibilité des solutions de rechange, et enfin la perversion qu’introduit la technologie dans l’impensé de la diversification des peines.
EN :
Pierre Landreville has always been concerned with whether community sanctions are real alternatives to incarceration. This article is based on his scientific contributions on this issue. In this perspective I will start by presenting the non legitimacy of prison and why its use should be limited. Then the credibility of community sanctions will be examined. Finally I will question the negative impact of new technologies as alternatives to incarceration.
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Quand droit et criminologie se rencontrent
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Landreville et les détenu(e)s de par ici
Lucie Lemonde
p. 107–125
RésuméFR :
Pierre Landreville a été une figure marquante du mouvement pour la reconnaissance des droits des détenu(e)s au Québec d’abord, puis au Canada et ailleurs dans le monde. Deux postulats de départ animaient sa recherche dans les prisons québécoises qui a donné lieu en 1976 à la publication de l’ouvrage Les prisons de par ici, à savoir que l’emprisonnement ne se justifie que pour les délinquants qui mettent très sérieusement en danger la collectivité et que les personnes incarcérées conservent tous leurs droits de citoyens, sauf ceux qui leur sont retirés par la loi. L’auteure aborde tour à tour les développements survenus au cours des trente dernières années concernant ces deux postulats. Elle conclut que si les droits des personnes incarcérées sont aujourd’hui législativement reconnus au Canada, le taux d’incarcération y demeure très élevé et la peine d’emprisonnement continue à avoir une fonction d’exclusion des populations les plus marginalisées de la société.
EN :
Pierre Landreville was a key figure of the prisoner’s rights movement in Quebec, as well as in Canada and beyond. His seminal work, Les prisons de par ici, which was based on his research in Quebec prisons and published in 1976, was premised on two main postulates. Firstly, that imprisonment is only justified for offenders who pose a real threat to society, and secondly, that a person confined to prison retains all of his civil rights, apart from those expressly or implicitly taken from him by law. The author examines the developments which have occurred during the last three decades with regards to Landreville’s postulates. She concludes that while prisoners’ rights have now found legislative expression in Canada, the incarceration rate remains high, and imprisonment continues to be an important exclusionary mechanism for the most vulnerable groups of society.
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Les droits des détenus et leur contrôle : enjeux actuels de la situation canadienne
Sandra Lehalle
p. 127–145
RésuméFR :
Cet article propose un bref aperçu de l’évolution des droits des personnes détenues au Canada. En dressant le bilan actuel au regard des écrits de Pierre Landreville, nous mettons tout d’abord l’accent sur le cheminement normatif parcouru ainsi que sur les limites rencontrées en termes de ressources nécessaires à la pleine concrétisation des droits des détenus. La seconde partie de cet article analyse les défis contemporains que pose le contrôle du respect des droits des détenus. En se basant sur une recherche empirique récente, nous confrontons l’état d’avancement et l’impact de deux mécanismes de contrôle réclamés dès 1973 par Pierre Landreville : l’Enquêteur correctionnel et le Comité de prévention de la torture des Nations Unies. Nous concluons par une discussion sur l’impact des mécanismes de contrôle et leur utilisation par l’État en tant qu’outil de légitimation.
EN :
This article uses Pierre Landreville’s writings as the starting point of a brief historical analysis of the evolution of inmate’s rights in Canada. The first section of the article focuses on the normative development of prisoner’s rights and the limits it has encountered, particularly with regards to the necessary resources to their full realisation. The second section deals with the ongoing debate concerning the respect of inmates’ rights and the oversight mechanisms created to this effect. Using a recent empirical research, we confront the actual state and impact of two oversight mechanisms that Landreville advocated for as early as 1973: the Correctional Investigator and the United Nations sub-committee on prevention of torture. We conclude by discussing the impact of the oversight mechanisms and their legitimating effects.
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Libération conditionnelle et gestion des risque : le cas des condamnés pour faits de moeurs en Belgique
Philippe Mary
p. 147–160
RésuméFR :
La libération conditionnelle, de même que la gestion des risques, sont deux thèmes que Pierre Landreville a régulièrement abordés dans ses nombreux travaux. Dans un premier temps, nous examinerons rapidement comment, en Belgique, après plus d’un siècle de fonctionnement sans bouleversements majeurs, la libération conditionnelle s’est retrouvée au centre de réformes importantes. Dans un deuxième temps, nous examinerons les décisions prises par les (anciennes) commissions de libération conditionnelle belges en nous penchant plus précisément sur un contentieux qui a connu, dans plusieurs pays européens, une importante augmentation, celui de la délinquance dite « sexuelle ».
EN :
The release on parole, as well as the management of the risks, are two subjects which Pierre Landreville regularly approached on his numerous works. At first, we shall quickly examine how, in Belgium, after more than a century of functioning without major turnovers, the release on parole met itself in the centre of important reforms. In the second time, we shall examine the decisions taken by the (ancient) Belgian committees of release on parole by tilting us more exactly on a dispute which knew, in several European countries, an important increase, that of the “sexual” said crime.
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De grandes espérances
Hors thème
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Femmes au-delà des murs : le sens de la quête d’emploi chez les femmes judiciarisées et les intervenants au Québec
Véronique Strimelle et Sylvie Frigon
p. 167–189
RésuméFR :
Sur la base d’une enquête de terrain menée auprès de femmes judiciarisées au Québec et d’intervenants travaillant avec elles, nous explorons dans cet article la question du travail des femmes judiciarisées après l’emprisonnement. Nous voulons plus spécifiquement préciser comment se pose la question de l’emploi pour ces femmes et le sens qu’elles lui accordent. Nous voulons aussi interroger les ressources existantes en matière d’aide à l’emploi. Sont-elles suffisantes et répondent-elles aux besoins des femmes ? Cette analyse nous conduira ainsi à identifier les ressources, projets et changements souhaités dans l’approche préconisée auprès des femmes judiciarisées pour enfin nous interroger plus globalement sur l’efficacité des formes d’intervention pénale auprès des femmes et la persistance d’une logique carcérale qui continue à s’imposer malgré les multiples échecs qu’on lui reconnaît. En ce sens, notre recherche souligne la nécessité de repenser les formes d’intervention auprès des femmes judiciarisées en matière d’emploi, en prêtant attention à la singularité de leurs expériences et de leurs besoins en matière d’emploi, en tenant compte du contexte structurel d’oppression qu’elles subissent, en essayant enfin d’atténuer, voire de supprimer l’idéologie répressive et les effets négatifs que celle-ci peut avoir sur leurs possibilités de réinsertion.
EN :
In this article, based on a field research with criminalized women in Quebec and with front line workers, we address the question of criminalized women’s work. More specifically, we want to precise how those women define and give meaning to the concept of employment. We also want to review some of the existing resources created to help those women to find a job. Are they sufficient and do they really address the needs of the criminalized women? We also present the resources, projects and changes which would positively improve the employment policies toward criminalized women. Finally, we will question the efficiency of the penal policies toward criminalized women. Despite their obvious failures, those policies are still maintained. In that sense, our research emphasizes the need to re-think those policies by considering the women’s expectations and experiments in terms of employment, by taking into account the numerous forms of oppression they are still submitted to, by trying to diminish or suppress the structural repressive ideology that negatively impacts on their lives.