Résumés
Abstract
The author uses the example of Fisher against Pemberton to illustrate the case of an individual employee action against his union for breach of the union*s duty of fair representation.
Résumé
Le statut d'unique agent de négociation qui peut être acquis par les syndicats en vertu des lois régissant les relations industrielles en Amérique du Nord, implique une forte part de dirigisme des droits des travailleurs en tant qu'individus. Ce dirigisme est un élément irréfutable de notre système de relations industrielles, dans la mesure où il permet au syndicat d'agir en fait au nom de tous les employés dans la négociation d'une convention collective puis de voir à faire appliquer les principes de cette convention. En dernier essort, cependant, un but important de cette négociation collective est de favoriser l'employé en tant qu'individu, par l'assurance que son salaire et ses conditions de travail seront bien celles négociées pour lui par son syndicat.
Celui-ci étant entièrement libre de rechercher son avantage maximum comme bon lui semble, il convient de rechercher l'équilibre entre le bien des travailleurs en tant qu'entité, et l'avantage de l'individu en défendant ses droits par la convention, quelquefois aux dépens du groupe. Ceci implique des priorités difficiles à établir et non déterminées de façon spécifique par la législation.
Bien que les commissions des relations du travail et les tribunaux d'arbitrage soient les principaux agents de mise en vigueur des lois régissant les relations industrielles nord-américaines les cours ont trouvé un vide dans le domaine des droits de l'individu en convention collective et ont travaillé à le combler. Presque toutes les conventions collectives canadiennes et la plupart des conventions collectives américaines spécifient des processus d'arbitrage déterminant les problèmes d'interprétation de la convention, selon les directives des employeurs et des syndicats, mais presque jamais selon la volonté des employés en tant qu'individus. Les cours ont très rarement voulu placer ces processus entre les mains des employés en tant qu'individus. Elles ont pensé, fort justement d'ailleurs, que le désir des législateurs et des parties en cause dans les négociations collectives était de laisser la mise en force de la convention collective strictement entre les mains de ces parties.
Les cours canadiennes ont permis aux employés en tant qu'individus de conserver des moyens légaux de faire entrer en vigueur les points de la convention collective, seulement dans deux domaines restreints. Le premier de ceux-ci, qui a peu d'envergure et auquel nous ne nous attacherons guère, concerne les procédures engagées par un employé contre son employeur afin de percevoir des sommes dues aux employés insatisfaits quant à un point sur lequel l'employé n'a pas résilié sa responsabilité de façon spécifique. Le second, qui a récemment été discuté pour la première fois par une cour canadienne dans le cas Fisher contre Pemberton et qui peut avoir une grande importance, est celui où l'employé engage une action contre son syndicat pour violation de son devoir de juste représentation.
Ce devoir de juste représentation a été développé dans les cours américaines depuis la deuxième guerre mondiale. Il signifie une tentative de fournir à l'employé en tant qu'individu un moyen de contrôle sur son agent de négociation sans lui permettre cependant d'intervenir directement dans le processus d'arbitrage. Ce devoir a été conçu au départ pour contrer un traitement injuste de certaines parties de l'entité négociante, en particulier les groupes sociaux minoritaires au cours de la négociation collective. Il a été amplifié de façon à prévoir les attitudes du syndicat devant régler les griefs des employés au cours de la durée de la convention.
Le point de départ de ce devoir était le statut d'un agent de négociation reconnu. La Cour Suprême des États-Unis prônait que tout syndicat possédant des droits exclusifs de négocier les droits d'un groupe d'employés avait une obligation égale de veiller aux intérêts de ces employés, avec empressement et équité.
Si l'on excepte un cas assez peu typique réglé par la Commission des relations de travail d'Ontario en 1966, aucune cour canadienne ou commission des relations de travail n'a eu à juger une poursuite d'un employé contre un syndicat, afin de recouvrir une perte subie à cause du peu d'efficacité du syndicat chargé de défendre son grief. Cet état de fait peut être changé de façon significative par le jugementrendu par M. Macdonald de la Cour Suprême de Colombie Britannique dans la cause Fisher vs Pemberton.
Plutôt que la tentative d'un individu isolé demandant réparation pour un tort personnel, la cause Fisher vs Pemberton était véritablement une étape dans l'incessante lutte entre deux syndicats colombiens de l'industrie de la pulpe et du papier, la Fraternité internationale des travailleurs de la pulpe, du sulfate et des moulins de papier et le Syndicat des employés de la pulpe et du papier du Canada. Fisher était un employé de la compagnie de pâte et papier Alberni Limited et un ardent partisan du syndicat canadien. Cependant, l'agent de négociation des employés de cette compagnie était le local 592 du syndicat rival. Les partisans du local 592 portèrent des accusations douteuses contre Fisher, en vertu de la constitution de la Fraternité internationale, selon lesquelles certains de ses actes avaient violé cette constitution.
On institua un comité des membres du Local 592 afin d'étudier les accusations portées contre Fisher. Deux jours avant l'audience, Fisher rencontra deux des membres du comité devant juger des accusations alors qu'il était entré dans la salle d'outillage au cours de ses heures de loisirs; il causa un froid en les menaçant. J. Macdonald apprit que Fisher avait dû tromper le garde à la porte pour pénétrer dans la salle d'équipements. Le président du local 592, Spencer eut vent de l'incident et le communiqua aux directeurs de la compagnie. Après une brève enquête, la compagnie congédia Fisher pour être entré dans la salle d'outillage sans autorisation et y avoir causé de la mésentente. La conduite de Fisher fut également mise en cause lors du congédiement.
Le jour suivant, le conseil d'audience du Local 592 jugea Fisher coupable de l'accusation portée contre lui selon la constitution du syndicat, mais recommanda que sa sanction soit retardée jusqu'à ce qu'il soit de nouveau sous la juridiction de la Fraternité internationale. Il semble que Fisher ait protesté contre son congédiement, ainsi que lui permettait la convention collective signée entre le Local 592 et la compagnie. Faisant abstraction de son attachement au syndicat rival, le Local 592 porta la protestation de Fisher aux deuxième et troisième paliers de la procédure, sans succès. Alors le local 592 ne s'occupa plus de ce grief, refusant de l'amener au quatrième palier de la procédure ou de le soumettre à l'arbitrage. Bien que les représentants du Local 592 aient porté le grief à travers une certaine partie de la procédure, J. Macdonald qualifia ainsi l'attitude du syndicat dans le cas Fisher :
« il est certain que le syndicat local n'a pas pris une décision objective telle que l'exigeait le grief de Fisher dans cette cause. Toute cette affaire a été menée de façon négligente ».
Tout en niant absolument de vouloir imposer aux représentants du syndicat des critères de « juristes de carrière », J. Macdonald étaya son jugement de conduite négligente de la part du syndicat par les points suivants : presque tous les représentants du syndicat impliqués étaient « hostiles » à Fisher ; aucun représentant du syndicat n'avait interrogé Fisher afin de connaître sa propre version des faits, et personne n'avait interrogé les témoins possibles autres que les employés impliqués directement dans l'incident qui avait amené son congédiement; de plus, toutesles suggestions du syndicat s'attachaient uniquement à la sévérité de la sanction plutôt qu'à l'innocence ou à la culpabilité de Fisher. Une infraction au devoir de juste représentation — le devoir de défendre Fisher « justement, de bonne foi et dans un but d'honnêteté » — était donc évidente.
Le jugement rendu devenait donc fort intéressant. J. Macdonald s'attacha à considérer le bien-fondé de la demande de réengagement de Fisher afin de voir si Fisher avait subi une perte financière due à l'attitude du syndicat, puisque le grief de Fisher attaquait les officiers du local 592 pour tort à leur négligence des efforts nécessaires à lui faire récupérer son emploi.
Autrement dit, en se basant sur l'évidence apportée par un employé et un syndicat, dans une cause issue de l'attitude du syndicat vis-à-vis le grief d'un employé, la cour se crut apte et autorisée à juger ce qu'un conseil d'arbitrage aurait déclaré au sujet du bien-fondé de la poursuite de l'employé contre son employeur. J. Macdonald conclut qu'il y avait peu de chances qu'un conseil d'arbitrage l'eût réengagé. Macdonald conclut que selon lui, Fisher n'avait subi aucune perte due à un manque de l'union à son devoir de juste représentation et partant, qu'il n'avait droit qu'aux torts nominaux de 1 dollar.
Le jugement rendu dans la cause Fisher vs Pemberton suscite des problèmes à plusieurs niveaux.
1. - Le gouvernement devrait-il instituer un nouveau conseil syndical dans les cas où le syndicat a manqué à un devoir statutaire ?
Les cours canadiennes ont tenté de créer de nouvelles formes de procédure civile ou de donner plus d'extension à des formes déjà existantes afin de permettre aux gens lésés de poursuivre le syndicat. Nous illustrerons par deux exemples : le syndicat tenta de forcer un sous-contracteur en camionnage à participer à une grève afin de forcer les négociations collectives entre le contracteur général et le syndicat. Le contracteur général répliqua en refusant d'utiliser les services du sous-contracteur. La Cour Suprême du Canada statua que cette procédure du syndicat était illégale puisque se servant de moyens illégaux pour intervenir dans la façon d'un tiers de gagner sa vie.
De même, la cause Gagnon vs Fondation Maritime Ltd., les officiers du syndicat décidèrent de recourir au piquetage pour obtenir de l'employeur la reconnaissance du syndicat. La loi ne reconnaissant pas les grèves au Nouveau-Brunswick, celle-ci fut déclarée illégale.
Si l'on se base sur un critère de besoin social, cela pousse l'intervention de la cour dans la mise en vigueur des conventions collectives, alors que les lois régissant les relations industrielles au Canada visent clairement à minimiser ces interventions et à favoriser des conseils spécialisés pour régler les différends. On doit s'interroger à savoir si le but très important de juste représentation serait bien servi par des moyens au moins aussi efficaces que ceux utilisés dans le cas Fisher vs Pemberton mais plus en accord avec les lois canadiennes régissant la solution des conflits.
2. - Est-ce que les tribunaux forment un conseil valable ? Dans le cas de Fisher
vs Pemberton, la cour a réglé les deux questions en litige : 1 - Est-ce que le syndicat avait violé son devoir de juste représentation en ne portant pas la cause plus haut ? 2 - si ce grief avait été porté plus loin, est-ce que le plaignant aurait gagné un jugement favorable ?
Dans la première question, la cour ne peut déterminer si le syndicat a aliéné son devoir à l'employé en tant qu'individu, sans examiner une série de facteurs fort différents de ceux habituellement considérés par ces cours.
Nous pouvons répondre à la seconde question en disant que l'arbitrage des griefs est un travail hautement spécialisé, qui doit être exécuté par un personnel de spécialistes, possédant non seulement une compétence judiciaire mais aussi la possibilité de fonder leurs jugements sur la compréhension des processus et des problèmes de relations industrielles.
Les commissions de relations du travail sont donc les mieux placées pour juger s'il y a un manquement au devoir de juste représentation.
3. - Est-ce que les dommages-intérêts sont la meilleure solution ?
Les dommages-intérêts sont souvent loin d'être suffisants ainsi qu'en fait foi la relative réticence des tribunaux à donner au requérant des avantages purement monétaires ; habituellement, le tribunal dira à l'employeur de réengager l'employeur ou de le reclassifier ou de lui accorder une promotion. La solution consiste à confier le règlement des dommages-intérêts à un tribunal d'arbitrage plus souple et apte à recouvrir les torts subis par l'employé à la fois de la part de l'employeur et du syndicat ayant manqué à son devoir de juste représentation.
Qui cependant portera ce grief à l'arbitrage, le syndicat ou l'employé individuel ?
Dans la présentation de l'affaire, les deux parties sont susceptibles de manquer d'objectivité ; il ne doit pas y avoir de règle générale et dans chaque cas, la chose doit être confiée au bon jugement du tribunal d'arbitrage.
4. - Est-ce que la bonne foi est le meilleur critère ?
Il est certain que les juges s'attachent tout autant aux motifs qu'à l'attitude. Cependant il serait plus juste de s'en prendre à la négligence et à l'incompétence des officiers du syndicat dans la défense des griefs d'un de leurs employés, quels que soient leurs sentiments à son égard.
Ceci présente l'avantage que la négligence et l'incompétence importantes ne se prouvent pas facilement. De plus les attaques d'un employé ne pourront plus être causées par sa seule haine du syndicat. Ceci devient particulièrement important lorsqu'il y a lutte entre deux syndicats comme ce fut le cas dans la cause Pemberton vs Fisher.
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