Résumés
Résumé
Une formation sur les ressources éducatives des musées et des musées virtuels d’histoire mises à profit dans l’enseignement-apprentissage est dispensée à de futurs enseignants depuis quelques années. L’article porte sur l’appréciation, l’utilisation et l’effet de cette formation sur la pratique enseignante. L’analyse fait ressortir que la majorité des nouveaux enseignants ont apprécié cette formation, même s’ils utilisent assez peu de telles ressources, en raison de leur situation de survie dans la profession. Pour beaucoup, le fait d’en avoir bénéficié les incite à vouloir éventuellement les utiliser, surtout les ressources en ligne des musées virtuels parmi ceux qui exercent en région ou qui sont compétents dans les technologies de l’information et des communications en éducation (TICÉ).
Mots clés:
- Musées,
- musées virtuels,
- didactique des sciences humaines et sociales,
- didactique de l’histoire,
- élémentaire,
- formation
Summary
Future teachers have, over several years, received training regarding the educational resources that museums and virtual historical museums offer for facilitating teaching and learning. This article describes the level of appreciation, the use, and the effect of this training on teachers’ practices. The analysis shows that the majority of new teachers appreciated this training, even if these resources are little used given their need to simply survive in the teaching profession. For many, the fact that they benefited from this training promotes a desire for eventual use. This is especially so for those resources linked to on-line virtual museums, and especially for those teaching in the regions or those skilled in using information technology for education.
Key words:
- museums,
- virtual museums,
- social and human science didactics,
- history didactics,
- elementary level,
- training
Resumen
Una formación sobre los recursos educativos de los museos y de los museos virtuales de historia explotada en la enseñanza-aprendizaje es impartida a los docentes en prácticas desde hace algunos años. El artículo trata de la apreciación, la utilización y el efecto de esta formación sobre la práctica docente. El análisis hace resaltar que la mayoría de los nuevos docentes han apreciado esta formación, aunque utilizan relativamente poco este tipo de recursos, por encontrarse en una situación de supervivencia en la profesión. Para gran parte de ellos, en particular los que laboran fuera de la capital o que son competentes en las tecnologías de la información y de las comunicaciones en educación (TICE), el hecho de haber beneficiado de tales recursos les incita a querer eventualmente utilizarlos, sobre todo los recursos en línea de los museos virtuales.
Palabras-claves:
- museos,
- museos virtuales,
- didáctica de las ciencias humanas y sociales,
- didáctica de la historia,
- elemental,
- formación
Corps de l’article
Introduction
Depuis quelques années, une formation sur les ressources éducatives des musées et des musées virtuels d’histoire mises à profit dans l’enseignement-apprentissage est offerte à des étudiants du baccalauréat en éducation, dans le cadre du programme de Formation à l’enseignement de la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa. Cette formation est dispensée lors de la dernière partie d’un cours de didactique des sciences humaines et sociales et de didactique de l’histoire à l’élémentaire, portant sur les ressources éducatives propres à ces matières enseignables. À ce titre, les musées (Paquin, 1998, 1999 ; Paquin et Allard, 1998) et les musées virtuels d’histoire (Paquin, 2003a, 2003b ; Paquin et Barfurth, 2006) sont considérés comme des ressources au service de l’enseignement-apprentissage, au même titre que d’autres ressources. Parallèlement, l’utilisation des ressources du milieu, notamment des ressources culturelles, où l’accent est mis sur le développement des compétences dans les technologies de l’information et des communications en éducation (TICÉ), sont des approches privilégiées dans le nouveau curriculum du Québec (MÉQ, 2001a) et celui de l’Ontario (MÉO, 2004). Dans cette perspective, une étude a été menée dans le but d’évaluer (1) l’appréciation de cette formation, (2) l’utilisation des musées et des musées virtuels d’histoire et (3) l’effet de cette formation sur la pratique enseignante, chez d’anciens étudiants-maîtres en exercice depuis cinq ans ou moins, au Québec et en Ontario.
Cette étude se situe dans le cadre des travaux de recherche menés par le Groupe de recherche sur l’éducation et le musée (GREM)[2]. Un des axes de recherche de ce groupe, auquel l’auteure est associée, porte sur l’étude des stratégies d’utilisation d’Internet par les musées à des fins éducatives.
L’article compte quatre sections : (1) la problématique dans laquelle s’inscrit la réflexion sur la formation des futurs enseignants de sciences humaines et sociales, ainsi que ceux d’histoire à l’élémentaire, et ce, en fonction des nouvelles exigences curriculaires issues des récentes réformes dans le domaine de l’éducation au Québec et en Ontario, (2) le cadre conceptuel, (3) la méthodologie, (4) l’analyse et la discussion des résultats.
Problématique
Depuis environ trois décennies, les sciences humaines et sociales, à l’instar des sciences et de la technologie, se sont développées à un rythme effréné. Afin d’illustrer notre propos, voici quelques exemples : les marchés économiques se sont décloisonnés au plan mondial, la psychologie a fait reculer les frontières de la connaissance du cerveau et, devant la menace de l’épuisement des ressources naturelles, la conception géographique de la planète est dorénavant celle du développement durable. En peu de temps, les sciences humaines et sociales ont pris une importance considérable au plan socioéconomique, emportées dans le sillon de la méga-révolution technologique. Cette révolution repose sur l’accès au savoir par la mise en commun des réseaux informatiques. Nous commençons à peine à mesurer les effets que ces changements occasionnent sur les modes de vie que, d’ores et déjà, ils ont un effet significatif dans toutes les sphères de la vie individuelle et collective. Afin de faire face aux exigences du xxie siècle, un large consensus émane à l’effet que seuls les individus qui développeront des compétences d’adaptation leur permettant d’évoluer au rythme de ces changements s’épanouiront dans la société de demain (OCDE, 2001 ; UNESCO, 2003).
Dans ce contexte, l’enseignement-apprentissage des sciences humaines et sociales, et de l’histoire, joue un rôle crucial à l’école, afin de mieux préparer l’élève à vivre ces nouvelles réalités. À ce titre, elles visent à lui faire comprendre le passé pour lui permettre de mieux vivre le présent, tout lui faisant anticiper l’avenir. Elles contribuent à lui faire prendre conscience du sens de la communauté dans un monde où l’isolement des individus se fait de plus en plus sentir. Elles tendent à faire réaliser à l’élève que le civisme, l’entraide et l’ouverture aux autres peuvent contribuer à réduire les tensions sociales, culturelles, économiques et politiques au sein d’une population de plus en plus multiethnique, où s’entrecroisent différents types de valeurs et de cultures. Bref, elles visent à faciliter la compréhension, chez l’élève, des principaux acteurs du changement, tout en lui faisant développer des attitudes et des compétences d’adaptation face aux événements qui se produisent actuellement à l’échelle mondiale.
Paradoxalement, si les nouveaux besoins de formation de l’élève de l’élémentaire sont très élevés au regard des finalités des sciences humaines et sociales, et de l’histoire, jusqu’à récemment assez peu d’importance leur a été accordée comparativement à la langue, les mathématiques et les sciences. Ce déséquilibre s’explique en partie par le fait que les enseignants les perçoivent depuis longtemps comme des matières dites secondaires (Lenoir et collab., 2000). Cette perception se reflèterait également chez les étudiants-maîtres, par le peu d’importance qu’ils accorderaient à la didactique des sciences humaines et sociales, et de l’histoire, comparativement à celle de la langue, des mathématiques, des sciences et de la technologie, dans les programmes de formation initiale des maîtres. Tel un cercle vicieux, cette perception se refléterait ensuite chez les enseignants nouvellement en exercice, sur le plan des programmes de développement professionnel. Toutefois, cette situation tendrait à évoluer depuis les récentes réformes en éducation, et ce, malgré la récente diminution du temps obligatoire consacré aux sciences humaines et sociales au primaire au Québec, puisque les concepts de citoyenneté, de civisme, de culture et d’identité, occupent désormais une place centrale[3]. Cette tendance observée dans le renouvel-lement des curricula serait même mondiale, selon Braslavsky (2001), comme en font foi les nouveaux programmes d’études de sciences humaines et sociales, et d’histoire, des différentes provinces canadiennes, voire de plusieurs pays, comme la France, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, etc.
Si le Québec et l’Ontario n’échappent pas au mouvement de refonte des programmes d’études de sciences humaines et sociales, et d’histoire, une nouvelle interrogation surgit au sujet de la manière de former les futurs enseignants, afin que ceux-ci puissent mieux préparer l’élève à faire face à tous ces nouveaux défis.
Parallèlement, afin d’atteindre sa triple mission éducative d’instruire, de socialiser et de qualifier, au regard des nouveaux besoins de la société de demain, le ministère de l’Éducation du Québec favorise une approche culturelle pour enseigner les matières (MÉQ, 1997). À cet effet, il identifie comme première compétence à développer chez les futurs maîtres l’importance d’agir en tant que professionnelle ou professionnel héritier, critique et interprète d’objets de savoirs ou de culture (MÉQ, 2001b, p. 60). Bien que les intentions ministérielles s’appliquent à l’ensemble du curriculum québécois, certaines matières s’avèrent plus naturellement porteuses de culture, telles que les langues, les arts et l’histoire (MÉQ, 1997, p. 13). En ce sens, les musées d’histoire (Paquin, 1998, 1999 ; Paquin et Allard, 1998) peuvent avantageusement contribuer au rehaussement des contenus culturels à l’école, tout en rejoignant les voeux du ministère de l’Éducation, que l’exploration du passé se fasse par le recours aux documents écrits, visuels ou médiatiques et aux ressources du milieu (MÉQ, 2001a, p. 166).
Également, comme huitième compétence à développer chez les futurs enseignants, le Ministère québécois préconise l’intégration des technologies de l’information et des communications (MÉQ, 2001b). À ce titre, lorsqu’elles sont basées sur les compétences visées dans les programmes d’études, notamment celui du Domaine de l’univers social. Géographie, histoire et éducation à la citoyenneté (MÉQ, 2001a), les ressources éducatives en ligne des musées virtuels d’histoire peuvent enrichir les activités d’enseignement-apprentissage (Paquin, 2003a, 2003b ; Paquin et Barfurth, 2006).
Quant au ministère de l’Éducation de l’Ontario, afin d’atteindre les nouvelles visées éducatives des sciences humaines et sociales, et d’histoire, ses intentions sont beaucoup plus explicites et plus directement intégrées aux programmes d’études, comme c’est notamment le cas pour Études sociales, histoire et géographie (MÉO, 2004). Par exemple, le Ministère ontarien préconise une méthode qui intègre des stratégies pédagogiques variées, qui tiennent compte des différents styles des élèves, en les adaptant pour répondre à leurs divers besoins de formation. Il précise que le choix de ces stratégies incombe au personnel enseignant et que, pour atteindre les attentes et les contenus d’apprentissage prescrits, ils peuvent recourir à des visites à des musées réels ou virtuels, à des sites archéologiques ou à des sites naturels, de même que participer à des célébrations culturelles se déroulant dans la communauté (MÉO, 2004, p. 19). Il préconise également le recours aux TICÉ afin d’accéder aux sources primaires conservées par les musées et les archives du pays et du monde entier (MÉO, 2004, p. 21).
Tant le ministère de l’Éducation du Québec que celui de l’Ontario reconnaissent ainsi que les musées et les musées virtuels d’histoire peuvent grandement contribuer à la formation de l’élève et du pédagogue cultivé (Gauthier, 2001, p. 23), de même qu’à l’intégration des TICÉ. C’est dans ce contexte qu’une formation sur les programmes éducatifs des musées était dispensée à de futurs maîtres depuis 1995. Puis, à compter de 2000, cette formation intégrait l’utilisation des ressources en ligne des musées virtuels d’histoire. Il importait à l’auteure de soumettre cette formation à l’évaluation, afin de dégager son appréciation, l’utilisation et l’effet sur la pratique enseignante. Avant d’aborder les questions de recherche, les grandes lignes de cette formation sont présentées.
Formation sur les musées et les musées virtuels d’histoire
À la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa, un cours de trois crédits est équivalent à 39 heures-contact d’enseignement-apprentissage. Un seul cours de didactique des sciences humaines et sociales et de didactique de l’histoire figure au programme de Formation à l’enseignement à l’élémentaire[4]. La très grande majorité des étudiants-maîtres n’en suivent qu’un seul. Dans cette optique, l’une des compétences de ces cours vise à leur faire acquérir une connaissance et une compréhension générales de l’enseignement-apprentissage de l’une ou l’autre de ces matières enseignables, de leurs fondements, de leurs concepts et sous-concepts essentiels, de leur démarche et de leurs ressources (matériel didactique et stratégies pédagogiques). La formation sur les musées et les musées virtuels d’histoire est dispensée dans la dernière partie de ces cours et occupe environ six heures des 39 heures-contact, soit environ 15 % des heures-contact totales.
Cette formation se compose de 14 activités d’enseignement-apprentissage, réparties dans trois types : théoriques, pratiques et visant à faire le lien entre la théorie et la pratique. Deux des activités théoriques se réalisent à l’extérieur des heures-contact des cours de didactique. Quant aux activités pratiques et celles visant à faire le lien entre la théorie et la pratique, elles se déroulent à l’intérieur des heures-contact. Les activités pratiques sont réparties dans trois sous-types : activités de préparation et de prolongement en classe à une visite au musée d’histoire, dont la thématique se rapporte aux attentes et aux contenus d’apprentis-sage du programme-cadre Études sociales, histoire et géographie (MÉO, 2004). Un exemple de thématique retenue aux fins de cette formation est Le mode de vie des habitants de la Nouvelle-France, qui trouve aussi bien sa pertinence dans le curriculum québécois qu’ontarien. Les activités de la formation sur l’utilisation des musées et des musées virtuels d’histoire sont présentées au Tableau 1.
Objectif et questions de recherche
Cette étude vise à évaluer l’appréciation de la formation, l’utilisation des musées et des musées virtuels d’histoire et l’effet de cette formation sur la pratique enseignante, chez d’anciens étudiants-maîtres en exercice depuis cinq ans ou moins, au Québec et en Ontario. Les questions de recherche sont au nombre de trois : Lorsque vous étiez étudiant-maître, dans le cadre de votre cours de didactique des sciences humaines et sociales ou de didactique de l’histoire : 1) Quelle a été votre appréciation de la formation sur les musées et les musées virtuels d’histoire ? Depuis que vous êtes enseignant : 2) Utilisez-vous dans l’enseignement-apprentissage : a) les programmes éducatifs des musées ? et b) les ressources en ligne des musées virtuels d’histoire ? 3) Le fait d’avoir bénéficié de cette formation vous incite-t-il à utiliser dans l’enseignement-apprentissage : a) les programmes éducatifs des musées ? ; et b) les ressources en ligne des musées virtuels d’histoire ? Avant d’aborder les résultats obtenus à ces trois questions de recherche, voici le cadre conceptuel.
Cadre conceptuel
Le cadre conceptuel porte sur deux aspects : (1) les modèles didactiques en éducation et en éducation muséale, ainsi que la liste des principaux sujets de recherches menées en relation avec ce dernier modèle depuis une vingtaine d’années et (2) le modèle didactique d’utilisation du musée et du musée virtuel d’histoire dans l’enseignement-apprentissage sous-jacent à la présente étude.
Modèles didactiques en éducation et en éducation muséale
Selon Legendre (2005, p. 902), un modèle didactique constitue une représentation de la planification d’une situation pédagogique. Quant à la situation pédagogique, il s’agit de l’ensemble des composantes interreliées sujet-objet-agent dans un milieu. […], d’où l’acronyme SOMA (Legendre, 2005, p. 1240). Entre ces quatre composantes (sujet, objet, agent et milieu), nous trouvons quatre types d’interrelations : didactiques (entre l’agent et l’objet), d’apprentissage (entre le sujet et l’objet), d’enseignement (entre l’agent et le sujet) et pédagogiques (au centre de toutes les relations). Ce modèle, au centre duquel on trouve un triangle pédagogique (Houssaye, 1988), est applicable à toutes situations où se déroulent des processus d’enseignement et d’apprentis-sage. Toutefois, un tel modèle est essentiellement applicable en milieu scolaire, en raison de son mode formel d’éducation. Le modèle de la situation pédagogique de Legendre (2005, p. 1240) est présenté à la Figure 1.
Inspirés par ce modèle, Allard et collab. (1996, p. 18) l’ont transposé en milieu muséal. En relation avec cette nouvelle situation pédagogique, ils ont élaboré le modèle didactique d’utilisation du musée à des fins éducatives. Dans ce nouveau modèle, le sujet est l’élève-visiteur, l’objet est le programme éducatif muséal et toutes les ressources éducatives permettant d’en atteindre les finalités, le milieu est le musée où se déroule la situation pédagogique et l’agent est l’éducateur de musée, aussi appelé agent d’éducation muséale. De plus, dans la foulée de la création de sites Web de musées, aussi appelés musées virtuels, dont Bernier (2002) brosse une synthèse, l’auteure a procédé à l’ajout de l’environnement virtuel à ce modèle. Conséquemment, aux programmes éducatifs des musées conçus en relation avec les programmes d’études, elle ajoute les ressources éducatives en ligne des musées virtuels. Toutefois, en raison du mode informel d’éducation propre au musée, elle redéfinit les quatre types d’interrelations entre les composantes du SOMA : conception-élaboration (entre l’agent et l’objet), observation-expérimentation (entre le sujet et l’objet), communication-animation (entre l’agent et le sujet) et pédagogie muséale (au centre de toutes les relations). Ce modèle possède son propre triangle pédagogique. Le modèle didactique d’utilisation du musée et du musée virtuel à des fins éducatives est présenté à la Figure 2.
Depuis une vingtaine d’années, une série de recherches ont été menées par le GREM en relation avec ce modèle[5]. Au plan du sujet, elles ont porté sur les habitudes de fréquentation des élèves-visiteurs, les formes d’aide qui leur étaient offertes, les habiletés intellectuelles qu’ils mettaient en oeuvre, l’effet du musée sur leur apprentissage d’ordre cognitif et affectif et les facteurs incitant la clientèle adolescente à participer. Au plan de l’objet, elles ont été menées en relation avec les différents types de visite au musée : guidée, libre, à l’aide d’un guide personnel, de même que sur les stratégies pédagogiques mises en oeuvre, l’évaluation des programmes éducatifs ou des ressources éducatives sur cédérom et en ligne. Quant à la composante milieu, ces études se rapportaient aux étapes école-musée-école, soit la préparation et le prolongement en classe à une visite au musée. Elles ont également consisté à tracer l’historique et la place du musée dans les programmes d’études passés et actuels. D’autre part, les études sur l’agent ont porté sur son rôle en éducation muséale, sur celui des enseignants ou, plus récemment, sur la collaboration entre l’enseignant et l’agent d’éducation muséale. Enfin, une recherche a été menée sur le modèle lui-même.
Toutes ces recherches ont conduit l’auteure à approfondir le modèle en prenant en compte les plus récents résultats de la recherche. À cet effet, lorsque l’école puise dans les ressources éducatives du musée, réelles et virtuelles, dans une démarche d’enseignement-apprentissage visant l’atteinte des compétences visées dans les programmes d’études de sciences humaines et sociales, et d’histoire, deux situations pédagogiques se superposent l’une à l’autre. Ce modèle possède deux SOMA ou triangles pédagogiques plutôt qu’un seul. Ceux-ci ne s’opposent pas mais ils agissent de manière distincte et complémentaire. De plus, une nouvelle interrelation émerge entre les deux agents impliqués : la collaboration entre l’enseignant et l’agent d’éducation muséale. Le modèle didactique d’utilisation du musée et du musée virtuel d’histoire dans l’enseignement-apprentissage est présenté à la Figure 3.
Dans l’ensemble des recherches qui ont été conduites au GREM, aucune n’a porté sur les étudiants-maîtres. De plus, aucune étude n’a été menée auprès de sujets ayant été préalablement formés à l’utilisation des musées et des musées virtuels d’histoire dans l’enseignement-apprentissage. Cette situation confirmait l’importance d’évaluer (1) l’appréciation de la formation, (2) l’utilisation de ces ressources et (3) l’effet de cette formation sur la pratique enseignante, chez d’anciens étudiants-maîtres en exercice depuis cinq ans ou moins, au Québec et en Ontario.
Méthodologie
De 2000 à 2005, neuf groupes pour un total de 214 étudiants-maîtres, soit 162 femmes et 52 hommes, ont suivi un cours de didactique avec l’auteure. Sur ce nombre, 123 (quatre groupes) ont suivi le cours de didactique des sciences humaines et sociales et 91 (cinq groupes) le cours de didactique de l’histoire. À l’intérieur de ces cours, ils ont reçu une formation quasi-identique d’une année à l’autre, portant sur les ressources éducatives des musées et des musées virtuels d’histoire dans l’enseignement-apprentissage.
Sélection des participants
Le recrutement s’est fait auprès de tous les étudiants qui ont suivi cette formation, par le biais d’une invitation lancée par courrier électronique. Sur ce nombre, 46 invitations (21,5 %) ne sont jamais parvenues à leur destinataire en raison d’une erreur d’adresse ou d’une adresse qui n’existait plus, 99 (46,3 %) n’y ont pas répondu, 3 (1,4 %) ont répondu qu’ils y participeraient sans jamais y donner suite. Finalement, 6 (2,8 %) ont participé à la pré-expérimentation et 60 (28 %) ont accepté volontairement de participer à l’étude. Sur les 60 répondants qui constituent l’échantillon final, 28 étaient d’anciens étudiants-maîtres du cours de didactique des sciences humaines et sociales et 32 du cours de didactique de l’histoire. Le taux de participation selon l’année d’études, le cours de didactique suivi et le sexe est présenté au Tableau 2.
Éligibilité et outils de collecte de données
Pour être éligibles à cette recherche, les anciens étudiants-maîtres devaient avoir enseigné depuis qu’ils avaient terminé leurs études. Des données quantitatives et qualitatives ont été recueillies auprès d’eux au moyen d’un questionnaire comprenant des questions fermées, toutes suivies d’une possibilité de réponse ouverte. Les questions fermées comprenaient une échelle de type Likert, avec cinq choix présumés à intervalles égaux, ainsi qu’une possibilité de répondre que la question était non applicable à leur situation.
Analyse et traitement des données
Les réponses aux questions fermées ont fait l’objet de trois traitements statistiques : moyenne, fréquence et distribution bi-variée. Quant aux réponses aux questions ouvertes, elles ont fait l’objet d’une analyse de contenu (L’Écuyer, 1985), en fonction du cadre conceptuel présenté précédemment. Le questionnaire avait été préalablement élaboré puis soumis à un comité formé d’enseignants, de muséologues et de chercheurs. Une fois validé, il avait été soumis en pré-expérimentation à six enseignants qui ont été exclus de l’échantillon. Le questionnaire a ensuite été modifié dans une version finale par l’auteure, à la suite des réponses obtenues lors de cette collecte préliminaire de données. Le présent article rend compte des résultats obtenus aux trois questions de recherche précédemment décrites.
Quelques données sociodémographiques
Vingt et une femmes et sept hommes étaient d’anciens étudiants-maîtres du cours de didactique des sciences humaines et sociales, tandis que 17 femmes et 15 hommes avaient suivi le cours de didactique de l’histoire. En termes d’années d’expérience en enseignement, 28 sont regroupés dans la catégorie des 1-2 ans et 32 dans celle des 3-4 ans. Enfin, en terme de localisation, 33 d’entre eux exercent en milieu urbain, 17 en banlieue et 10 dans une région, au Québec ou en Ontario. Les données sociodémographiques selon le cours de didactique suivi, le sexe, le nombre d’années d’expérience en enseignement et le milieu d’exercice, sont présentées au Tableau 3.
Analyse et discussion des résultats
Les pistes d’analyse et la discussion des résultats aux trois questions de recherche sont présentées en fonction des composantes interreliées des deux SOMA ou triangles pédagogiques du modèle didactique d’utilisation du musée et du musée virtuel d’histoire dans l’enseignement-apprentissage (Figure 3), selon les activités de formation se rapportant au musée, d’une part, et au musée virtuel d’histoire, d’autre part. Elles sont également présentées en relation avec les variables sociodémographiques les plus significatives.
Appréciation de la formation sur les musées et les musées virtuels d’histoire
À la première question, la majorité des anciens étudiants-maîtres déclarent avoir apprécié la formation, tant sur le plan personnel que professionnel : J’ai été convaincu rapidement de l’immense potentiel des ressources muséologiques dans le cadre de la formationinitiale [53]. Les enseignants qui exercent en milieu urbain semblent toutefois l’avoir appréciée davantage que ceux en banlieue et en région. Aucune différence significative n’a été obtenue selon le cours de didactique suivi, le sexe et le nombre d’années d’expérience en enseignement. Les résultats portant sur l’appréciation de la formation sur les musées et les musées virtuels d’histoire selon le milieu d’exercice sont présentés à la Figure 4.
L’analyse de contenu des données qualitatives semble indiquer qu’un lien existe entre l’appréciation de la formation chez d’anciens étudiants-maîtres qui exercent en milieu urbain et l’accessibilité aux musées : Mon école est située à deux pas d’un musée. C’est certain que je vais en profiter ! [48] . Un tel lien semble également exister entre l’appréciation de la formation chez ceux qui exercent en région et l’utilisation des musées virtuels d’histoire : Les musées virtuels ont renforcé mes connaissances de certaines choses. On y découvre beaucoup de choses sans se déplacer physiquement. C’est une ressource merveilleuse, surtout lorsqu’on habite loin des musées [13]. Ce dernier constat est congruent avec les résultats d’une étude récente menée par Looker et Thiessen (2003), sur les différences observées entre les écoles rurales et urbaines, à savoir que les premières déclaraient faire une plus grande utilisation des TICÉ que les secondes, et ce, même si elles se disaient moins bien équipées.
Seuls quatre répondants de sexe masculin sur 22 (0,18 %), n’ont pas apprécié la formation, parce qu’elle ne leur a pas semblé pertinente au moment où ils étaient étudiants-maîtres et qu’elle ne leur est pas utile depuis qu’ils sont en exercice : Cette formation ne m’a absolument rien apporté. […]. Désolé pour ma franchise ! [36]. À ce sujet, il serait intéressant de mieux connaître et de comprendre les raisons sous-jacentes à cette insatisfaction, plus spécifiquement par rapport à l’utilisation des musées d’histoire chez les étudiants-maîtres de sexe masculin.
Cette situation ne semble toutefois pas rallier l’ensemble des répondants qui identifient des retombées positives en termes d’apprentissage chez leurs élèves : J’ai beaucoup aimé cette formation sur le musée, parce que les élèves apprennent même si l’enseignement ne se passe pas dans la classe [12]. L’appréciation est également liée à l’utilité de cette formation dans leurs tâches actuelles de planification de l’enseignement-apprentissage : Ça m’a donné beaucoup d’options et d’idées lorsque j’ai débuté mes planifications d’enseignement [04]. À ce titre, les étudiants-maîtres ont apprécié que cette formation soit directement en lien avec les programmes d’études : Cette formation fut appréciée dans le sens que l’utilisation des musées d’histoire constitue un volet intéressant et assez utile de l’enseignement de cette matière [22].
Par ailleurs, les anciens étudiants-maîtres ont apprécié davantage les activités pratiques que théoriques, et ne déclarent rien de particulier en relation avec les activités visant à faire le lien entre la théorie et la pratique. Bien qu’ils aient beaucoup apprécié les activités de préparation, la visite au musée semble de loin l’étape la plus marquante. Cette appréciation est liée, dans un premier temps, à l’accueil du personnel éducatif du musée : C’était fantastique ! J’étais impressionnée par les guides et les moniteurs [16]. À ce sujet, Paquin (1994) avait déjà documenté l’importance du rôle de l’agent d’éducation muséale pour assurer le succès d’une visite au musée. Puis, dans un second temps, l’appréciation est liée aux activités proposées lors de la visite : J’ai aimé faire la visite du musée « comme lors de la vraie vie », puisque faire la visite de la même manière que le feraient mes élèves m’a beaucoup inspirée [29]. Par ailleurs, le prolongement en classe est l’étape la moins appréciée et aussi celle qui retient le moins l’attention des anciens étudiants-maîtres : Je ne me souviens plus très bien des activités de prolongement [42]. À ce sujet, Allard et collab. (1995) avaient pourtant montré l’importance de cette étape dans la consolidation des apprentissages chez les élèves. Une attention particulière devrait être accordée à ce sous-type d’activités, afin de stimuler davantage l’intérêt des étudiants-maîtres au cours des prochaines formations.
Utilisation des programmes éducatifs des musées
Les résultats obtenus à la deuxième question sont présentés en fonction : a) des programmes éducatifs des musées ; et b) des ressources en ligne des musées virtuels d’histoire. Au sujet des programmes éducatifs des musées (question 2a), la majorité des anciens étudiants-maîtres les utilisent peu, très peu ou ne les utilisent pas. Ceux qui sont en exercice depuis les deux dernières années les utilisent encore moins (69,2 %) que ceux qui sont en exercice depuis les quatre dernières années (38,9 %). Aucune différence significative n’a été obtenue selon le cours de didactique suivi, le sexe et le milieu d’exercice. Les résultats portant sur l’utilisation des programmes éducatifs des musées selon le nombre d’années d’expérience en enseignement sont présentés à la Figure 5.
Le motif le plus souvent invoqué par les répondants pour justifier le fait de peu, très peu ou ne pas utiliser des programmes éducatifs des musées concerne leur situation de survie dans la profession enseignante : J’en suis encore à l’étape de survie où je dois me familiariser avec le matériel et les programmes. […] Étant donné que j’en suis à ma première année d’enseignement et que tout est nouveau, c’est à peine si je garde ma tête hors de l’eau [26]. Avant d’envisager l’utilisation de programmes éducatifs des musées dans l’enseignement-apprentissage, les anciens étudiants-maîtres confient leur besoin de maîtriser les rudiments du métier : Éventuellement, je pourrai consacrer davantage de temps à ce genre de choses, lorsque le plus fondamental sera bien rodé [17]. Cette situation de survie en début de carrière a été bien documentée dans un récent avis du Conseil supérieur de l’éducation (2004), qui souligne à quel point le soutien inadéquat à l’insertion professionnelle des nouveaux enseignants peut avoir des effets sur la qualité des services éducatifs qu’ils dispensent (p. 14).
À cette situation de survie, se conjugue le manque de temps permettant difficilement aux enseignants en exercice depuis cinq ans ou moins d’utiliser les programmes éducatifs des musées : Le manque de temps (pour adapter les ressources, organiser les activités, fabriquer les feuilles de route, organiser la sortie, etc.) est toujours la principale cause ! [49]. Paradoxalement, si les nouveaux enseignants manquent de temps pour répondre à toutes les exigences de la profession enseignante, ce manque se fait encore plus cruellement sentir pour eux, puisque leur inexpérience augmente le temps qu’ils doivent notamment consacrer à la planification de l’enseignement-apprentissage.
Les anciens étudiants-maîtres invoquent également très souvent le fait d’enseigner une matière pour laquelle ils n’ont pas été formés, ce qui constitue un frein très important à l’utili-sation des programmes éducatifs des musées d’histoire : Je n’ai pas eu d’opportunité de mettre à profit cette formation cette année pour la simple raison que j’enseigne d’autres matières [41]. En fait, très peu d’anciens étudiants-maîtres conçoivent la transférabilité de cette formation d’une matière ou d’un domaine à l’autre, une difficulté trop souvent présente chez les enseignants en début de carrière, selon Tardif (1999). À ce sujet, lors des prochaines formations, il serait intéressant d’intégrer les compétences visées dans différents programmes d’études, afin de permettre aux étudiants-maîtres de mieux effectuer le transfert des apprentissages d’une matière ou d’un domaine à l’autre une fois en exercice.
Utilisation des ressources en ligne des musées virtuels d’histoire
Au sujet des ressources en ligne des musées virtuels d’histoire (question 2b), une minorité d’anciens étudiants-maîtres les utilise. Toutefois, ceux qui exercent en région les utilisent deux fois plus (66,7 %) que ceux en banlieue (31,3 %) et six fois plus que ceux en milieu urbain (9,1 %). Aucune différence significative n’a été obtenue selon le cours de didactique suivi, le sexe et le nombre d’années d’expérience en enseignement. Les résultats portant sur l’utilisation des ressources en ligne des musées virtuels d’histoire selon le milieu d’exercice sont présentés à la Figure 6.
Le motif le plus souvent invoqué par les répondants pour justifier le fait de les utiliser davantage est de détenir une compétence dans les TICÉ : Je voue un culte aux technologies. Selon moi, les activités reliées aux musées virtuels constituent un moyen d’apprentissage aussi important, sinon plus que la présence réelle au musée [51]. Inversement, ceux ayant moins d’affinités avec la technologie, en valorisant davantage le contact humain, les ont moins appréciées : C’est intéressant, mais les musées virtuels n’égaleront jamais le contact direct avec les guides et leurs objets [19]. À ce sujet, le ministère de l’Éducation du Québec avance que les futurs enseignants devraient reconnaître que les TICÉ offrent la possibilité d’explorer et d’illustrer des contenus auparavant difficiles d’accès (MÉQ, 2001b, p. 111). Le même constat est fait du côté ontarien qui prône que l’accès au TICÉ doit permettre d’effectuer des recherches plus diversifiées et plus authentiques qu’auparavant (MÉO, 2004, p. 21). C’est pourquoi une attention particulière devrait être accordée aux bienfaits des ressources éducatives en ligne que recèlent les musées virtuels d’histoire, lors de l’activité théorique portant sur le modèle didactique d’utilisation du musée et du musée virtuel d’histoire dans l’enseignement-apprentissage.
Effet de la formation sur l’utilisation des programmes éducatifs des musées
Les résultats obtenus à la troisième question sont présentés en fonction : a) des programmes éducatifs des musées ; et b) des ressources en ligne des musées virtuels d’histoire. Au sujet de la formation sur l’utilisation des programmes éducatifs des musées (question 3a), la majorité des anciens étudiants-maîtres qui exercent en région déclarent que celle-ci a eu moyennement, beaucoup ou vraiment beaucoup d’effet sur leur pratique enseignante (83,3 %). Malgré le fait que beaucoup d’entre eux n’ont pas encore eu l’opportunité de les utiliser, la majorité manifeste le désir de le faire éventuellement. Pour ce qui est de ceux qui exercent en milieu urbain (81,8 %) ou en banlieue (68,8 %), ils déclarent que la formation a eu peu, très peu ou n’a pas eu d’effet sur leur pratique enseignante. Cette situation est attribuable au fait que plusieurs d’entre eux étaient déjà convaincus des bienfaits de ces programmes avant de bénéficier de la formation, car ils avaient déjà travaillé dans des musées : J’ai travaillé dans un musée pendant plusieurs années. J’étais donc consciente, bien avant le cours, des différents programmes offerts par les musées et leurs liens avec le curriculum, ainsi que les avantages de participer à ces activités [05]. Aucune différence significative n’a été obtenue selon le cours de didactique suivi, le sexe et le nombre d’années d’expérience en enseignement. Les résultats portant sur l’effet de la formation sur l’utilisation des programmes éducatifs des musées selon le milieu d’exercice sont présentés à la Figure 7.
Le motif le plus souvent invoqué par les répondants pour justifier le fait de vouloir utiliser éventuellement les programmes éducatifs des musées est lié aux bienfaits que les élèves en retirent en terme pédagogique : Je suis convaincue que c’est une bonne façon de rendre l’enseignement de l’histoire beaucoup plus vivant et intéressant aux yeux des élèves [20]. Ce constat rejoint particulièrement les voeux du ministère de l’Éducation de l’Ontario qui préconise le recours aux musées afin de rendre plus actif l’enseignement-apprentissage des sciences humaines et sociales, et de l’histoire (MÉO, 2004).
Beaucoup d’anciens étudiants-maîtres déclarent que cette formation les a conscientisés au fait que l’utilisation des programmes éducatifs des musées permet d’atteindre les compétences visées dans le nouveau curriculum : Les musées permettent aux élèves de travailler sur des projets touchant la culture et d’autres aspects de la vie en société. C’est un élément central de la réforme et des nouveaux programmes [37]. Une nouvelle collecte de données devrait ainsi être réalisée auprès d’eux d’ici quelques années, après qu’ils auront cumulé plus de cinq ans d’expérience dans la profession enseignante, afin d’évaluer dans quelle mesure ils mettront ce souhait en pratique.
Effet de la formation sur l’utilisation des ressources en ligne des musées virtuels d’histoire
Au sujet de la formation sur l’utilisation des ressources en ligne des musées virtuels d’histoire (question 3b), une minorité d’anciens étudiants-maîtres déclarent qu’elle a eu moyennement, beaucoup ou vraiment beaucoup d’effet sur leur pratique enseignante. Les anciennes étudiantes-maîtres (86,4 %) déclarent davantage que leurs collègues masculins (50 %) qu’elles sont peu, très peu ou ne sont pas incitées à les utiliser éventuel-lement. Aucune différence significative n’a été obtenue selon le cours de didactique suivi, le nombre d’années d’expérience en enseignement et le milieu d’exercice. Les résultats portant sur l’effet de la formation sur l’utili-sation des ressources en ligne des musées virtuels d’histoire selon le sexe sont présentés à la figure 8.
Acker et Oatley (1993) avaient déjà relevé les enjeux hommes-femmes relatifs à la technologie dans bon nombre de recherches effectuées au Canada. Ils avaient notamment identifié que les hommes ont tendance à prédominer dans le domaine de l’informatique, et qu’un lien semble exister entre les sciences, la technologie et le sexe masculin, lien qui s’étend aux ordinateurs. Plus récemment, Bolan (2000) concluait que non seulement les filles sont moins susceptibles d’exprimer un intérêt à l’égard des TIC, mais qu’elles se perçoivent aussi comme ayant des niveaux plus faibles d’aptitudes dans ce domaine. En ce sens, le moindre intérêt pour la technologie chez les filles peut influencer leurs projets et leurs possibilités de futures travailleuses (Balka et Smith, 2000). Les anciennes étudiantes-maîtres de la présente recherche ne semblent pas faire exception à cette règle. Loin de prétendre pouvoir changer substantiellement cette situation, une attention particulière devrait leur être accordée lors des prochaines formations pour stimuler cet intérêt chez elles, car Isabelle et collab. (2001) ont montré qu’un lien étroit existe entre les croyances que les futurs enseignants entretiennent et leur utilisation des TIC en milieu scolaire. Ce constat est appuyé par Schürch (2002) qui, dans une étude dépassant le contexte de la formation des maîtres, met aussi en évidence le rôle des facteurs technologiques, psychologiques, sociaux, culturels et institutionnels dans le processus d’intégration des TICÉ.
Conclusion
Les programmes éducatifs des musées et les ressources en ligne des musées virtuels d’histoire répondent aux nouvelles exigences curriculaires issues des récentes réformes en éducation, tant au Québec qu’en Ontario. Le fait de former les futurs enseignants à l’utilisation de ces ressources réelles et virtuelles ne peut que contribuer à ce que les élèves apprécient ces institutions culturel-les, tout en rejoignant les visées éducatives des sciences humaines et sociales, et de l’histoire, au regard des nouveaux besoins de la société de demain.
Au Québec, l’utilisation de telles ressources éducatives dans l’enseignement-apprentissage concourt au rehaussement des contenus culturels des programmes d’études, tout en permettant aux enseignants en exercice depuis cinq ans ou moins de devenir des passeurs culturels (Zakhartchouk, 1999). Elles concourent également à l’intégration des TICÉ, sans compter l’appui de taille que les musées virtuels représentent aux yeux de ceux qui exercent dans les régions où les musées ne sont pas toujours accessibles.
En Ontario, l’utilisation des musées et des musées virtuels d’histoire contribue avanta-geusement à varier les stratégies d’enseignement-apprentissage, tout en répondant à la volonté d’intégrer les TICÉ. Ces ressources permettent également aux enseignants en exercice depuis cinq ans ou moins d’atteindre la mission éducative en français dans une province où, d’une part, la langue française possède un statut minoritaire et, d’autre part, où les écoles franco-phones sont très dispersées sur le territoire.
Parmi les pistes identifiées pour la pratique enseignante, nous trouvons utile de maintenir la formation sur l’utilisation des musées et des musées virtuels d’histoire. À ce titre, il nous apparaît pertinent de mettre l’accent sur les activités de prolongement en classe, puisque c’est ce qui attire le moins l’attention des étudiants-maîtres. Il semble également crucial de mettre une emphase sur la formation des futurs enseignants de sexe masculin à l’utilisation des musées, puisque près d’un sur cinq a exprimé de grandes réticences à ce sujet dans la présente recherche. De plus, une emphase devrait être mise sur la formation des futures enseignantes à l’utilisation du musée virtuel d’histoire, car elles semblent moins enclines que leurs collègues masculins à y recourir une fois en exercice.
En ce qui concerne le contenu de la formation, même si les activités pratiques semblent avoir été particulièrement appréciées et les activités théoriques celles qui l’ont été le moins, il nous semble important de ne pas les accroître. Tout au plus, certaines d’entre elles pourraient faire l’objet d’une révision. C’est particulièrement le cas de l’activité portant sur la synthèse des éléments formels du modèle didactique d’utilisation du musée et du musée virtuel dans l’enseignement-apprentissage, où l’accent devrait être mis sur les bienfaits liés à l’utilisation des ressources en ligne des musées virtuels d’histoire. En ce qui a trait aux activités visant à faire un lien entre la théorie et la pratique, il faudrait ajouter une activité permettant aux étudiants-maîtres de jeter un regard critique sur leurs propres origines et pratiques culturelles, ainsi que sur leur rôle social comme passeur culturel (MÉQ, 2001b, p. 67). Cette activité permettrait de mieux rejoindre l’une des composantes de la première compétence à développer chez les futurs enseignants québécois, l’importance d’agir en tant que professionnelle ou professionnel héritier, critique et interprète d’objets de savoirs ou de culture (MÉQ, 2001b, p. 60).
Les résultats de la présente étude ouvrent des pistes pour la recherche sur l’enseignement universitaire, sur la formation des maîtres et sur l’usage des musées. Notamment, il nous faudrait mieux connaître et comprendre les barrières limitant, d’une part, l’utilisation des musées chez les étudiants-maîtres de sexe masculin et, d’autre part, l’utilisation des musées virtuels d’histoire chez ceux de sexe féminin, puisque leurs réticences respectives semblent être basées sur le genre. Il serait également opportun de réaliser une nouvelle collecte de données auprès des répondants de la présente étude d’ici quelques années, afin d’évaluer dans quelle mesure ils mettent à exécution leur souhait d’utiliser les musées et les musées virtuels d’histoire dans l’enseignement-apprentissage. Ces résultats permettraient de pour-suivre la réflexion sur la manière de mieux former les futurs enseignants de sciences humaines et sociales, et d’histoire, contribuant du même coup à l’atteinte de la mission éducative de l’école tant québécoise qu’ontarienne.
La formation sur l’utilisation des musées et des musées virtuels d’histoire occupe une place de choix dans le programme de formation initiale des enseignants, à l’intérieur des cours de didactique des sciences humaines et sociales et de didactique de l’histoire. Non seulement ces ressources réelles et virtuelles favorisent-elles le rehaussement des contenus culturels de ces programmes d’études, mais elles contribuent également à la formation de l’élève et du pédagogue cultivé (Gauthier, 2001, p. 23), tout en permettant de varier les stratégies d’enseignement-apprentissage. Elles permettent également de stimuler l’utilisation des TICÉ, particulièrement chez les enseignants qui exercent en région. Si le musée ne fait pas toujours partie de leur paysage, à tout le moins ils peuvent compter sur celui qui est présent dans leur environnement virtuel. Ce dernier constat n’est pas sans susciter un intérêt certain pour les musées, qui investissent de plus en plus dans les ressources éducatives en ligne destinées au milieu scolaire.
Parties annexes
Remerciements
L’auteure désire remercier madame Sylvie Morel, de la Société du Musée canadien des civilisations, pour son soutien aux visites annuelles d’étudiants-maîtres du programme de Formation à l’enseignement, de la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa, de même que pour le don d’objets anciens. Elle désire également remercier monsieur Alain Bélanger, de Statistique Canada, pour sa contribution à la validation des données quantitatives et la présentation des tableaux croisés.
Notes
-
[1]
Cette recherche a reçu l’appui financier du Conseil de recherche en sciences humaines et sociales du Canada (CRSH) et du Conseil canadien sur l’apprentissage (CCA).
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[2]
Les travaux du Groupe de recherche sur l’éducation et le musée (GREM) de l’Université du Québec à Montréal, dont l’auteure est membre fondatrice, sont subventionnés par le Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture (FQRSC).
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[3]
Dans le Programme de l’école québécoise, la mission de l’école s’articule autour de trois axes : instruire, socialiser et qualifier. C’est sous l’axe socialiser que le ministère de l’Éducation souligne l’importance de préparer les jeunes à devenir des citoyens responsables (MÉQ, 2001a, p. 3).
-
[4]
Le cours de didactique des sciences humaines et sociales est obligatoire, tandis que le cours de didactique de l’histoire est optionnel.
-
[5]
En raison du nombre imposant de recherches menées par les membres du GREM, l’auteure convie le lecteur à consulter les publications accessibles à l’adresse URL <http://www.unites.uqam.ca/grem/>.
Références
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