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L’oeuvre autobiographique de l’auteur s’inscrit dans un dialogue avec The Professor, de Charlotte Brontë. Le récit aborde allègrement le vécu de l’auteur et sa relation avec les livres qui l’ont touché, tout en s’attardant longuement à une réflexion sur sa passion de l’enseignement et des livres.

Dans ce Québec de la Grande Noirceur, l’accès à l’illumination des mots était contrôlé par un clergé de connivence avec le régime duplessiste. C’est le même régime qui a encouragé la création d’un réseau d’orphelinats, réseau qui était le pendant provincial du réseau fédéral de travail pour jeunes autochtones. À partir des réalités de son époque d’enfance, La Rochelle se demande s’il existe un lien entre la douleur de l’orphelin et la résilience par l’écriture des auteurs qui le fascinent. Plus largement, il décrit avec un mépris à peine dissimulé une époque où le crime était littéraire, idéologique. Charlotte Brontë, en se mariant, n’a pas vécu de moindre prison. Il déplore finalement que les enseignants, comme la culture et les connaissances, soient victimes d’un anti-intellectualisme qu’il associe à la descendance du duplessisme et de la Noirceur, rompue seulement par une éclaircie d’une génération, celle de la Révolution tranquille.

Le deuxième arc narratif lie l’auteur à sa passion, l’enseignement. Toujours en passant par le vécu de Charlotte Brontë et de ses personnages, il présente la vision d’un enseignement collégial axé sur la relation profondément individuelle qu’il entretient avec ses élèves, une relation basée sur la compréhension réciproque et le partage des passions vraies. Ce sont ces passions, selon l’auteur, qui devraient animer l’enseignant et l’enseignement. Enseigner, mais aussi aimer.

Synthétique, profondément touchante, cette réflexion autobiographique sur l’enseignant et les oeuvres qui animent sa passion ne peut se faire passer pour une réflexion sur l’enseignement supérieur, même si l’auteur s’aventure parfois sur le terrain de l’autojustification. Cela n’empêche pas le livre d’être un fascinant regard d’enseignant ; celui-ci, à cheval sur trois générations québécoises et gardant en tête les oeuvres occidentales classiques, sait admirablement manier les mots pour plonger son lecteur dans ses pensées. Le temps de 98 pages, un lecteur enseignant y entretient – ou y retrouve – la flamme qui a amorcé sa carrière, alors que le lecteur non-enseignant y trouve le goût de se lancer, ne serait-ce qu’une fois, à partager avec des étudiants avides de savoir et d’expérience les quelques passions qui l’animent depuis toujours.