Revue de l’Université de Moncton
Numéro hors-série, 2017 Enfants privés de liberté et justice pénale pour adolescents Sous la direction de Malaïka Bacon-Dussault, Nicholas Léger-Riopel et Christian Whalen
Sommaire (8 articles)
Introduction
Articles
-
L’encadrement intensif dans les centres jeunesse du Québec : l’impact de la législation sur la pratique clinique
Katie Lavoie
p. 5–36
RésuméFR :
Cet article porte sur l’utilisation du placement sécuritaire applicable en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse. Connue dans la pratique sous l’appellation du programme d’hébergement avec encadrement intensif, cette mesure est envisageable lorsqu’un jeune adopte des comportements mettant en danger sa sécurité et son développement. Le contexte entourant l’inscription de l’encadrement intensif dans la loi québécoise doit être compris dans la mouvance de la reconnaissance de l’enfant comme sujet de droit. En s’appuyant sur une recherche menée auprès d’intervenants en centre jeunesse, cet article illustre les retombées du nouveau cadre juridique sur le respect des droits fondamentaux des jeunes. Bien que l’amendement à la loi rappelle que la privation de liberté d’un enfant en danger doit être dans son intérêt, la discussion amènera des pistes de réflexion afin de poursuivre la difficile incarnation du respect des droits fondamentaux dans les pratiques de réadaptation.
EN :
This article is about the use of the safe placement as applicable under the Quebec Youth Protection Act. Known in practice as the intensive care housing program, this measure is conceivable when a young person adopts behaviors that endanger their safety and development. The context surrounding the inclusion of intensive supervision in Quebec law must be understood in the movement of recognition of the child as a subject of law. Based on research conducted with youth center stakeholders, this article illustrates the impact of the new legal framework on respect for the fundamental rights of young people. Although the amendment to the law recalls that the deprivation of liberty of a child at risk must be in his interest, the discussion will lead to reflection in order to continue the difficult incarnation of respect for fundamental rights in rehabilitation practices.
-
Free to Learn? Education in Australia’s Offshore Immigration Detention Centres
Christina Szurlej
p. 37–81
RésuméEN :
Children seeking asylum are among the most vulnerable groups in the world. Arriving in a country of refuge should be synonymous with safety; this is not so in Australia. Unaccompanied children arriving by boat are automatically transferred to and detained in the Regional Processing Centre on the Republic of Nauru with no one to advocate on their behalf of their rights and best interests, including their right to an adequate education. Trapped on the small island and uncertain of their futures, children overwhelmingly expressed despair and helplessness, many turning to self-harm. In 2015, the Australian government awarded the contract for education to Broadspectrum, formerly known as Transfield Services Ltd. – a company implicated in the abuse and neglect of children. Since then, truancy rates have increased due to fears for safety, poor structural conditions in schools, and lack of qualified teachers. Failing to provide access to education thwarts the life chances of youth who are already severely disadvantaged and contravenes Australia’s international human rights obligations.
FR :
Les enfants qui cherchent asile font partie des groupes les plus vulnérables au monde. Arriver dans un pays de refuge devrait être synonyme de sécurité; ce n’est pas le cas en Australie. Les enfants non accompagnés arrivant en bateau sont transférés et détenus automatiquement dans le Centre de traitement régional de la République de Nauru, sans que personne défende leurs droits et leurs intérêts, y compris leur droit à une éducation adéquate. Placés sur la petite île et incertains de leur avenir, les enfants ont exprimé leur désespoir et leur impuissance, certains d’entre eux se tournant vers l’automutilation. En 2015, le gouvernement australien a décerné un contrat d’éducation à Broadspectrum, anciennement connu sous le nom de Transfield Services ltd, une entreprise impliquée dans les sévices et la négligence des enfants. Depuis lors, les taux d’absentéisme ont augmenté en raison de manque de sécurité, de mauvaises conditions structurelles dans les écoles, et du manque d’enseignants qualifiés. Le fait de ne pas donner accès à l’éducation contrevient aux chances de vie de ces jeunes déjà sévèrement défavorisés et contrevient aux obligations internationales de l’Australie en matière de droits de la personne.
-
L’examen de l’article 37 de la Convention relative aux droits de l’enfant et des règles et principes des Nations Unies relatifs à la privation des libertés des enfants en conflit avec la loi
Thierno Souleymane Barry
p. 83–104
RésuméFR :
La lecture de l’article 37 de la Convention relative aux droits de l’enfant permet d’affirmer que l’enfant est protégé contre la torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants et est exempt de condamnation à la peine capitale et d’emprisonnement à vie sans possibilité de libération (art. 37.a), qu’il ne peut faire l’objet de privation illégale de liberté et que cette privation ne peut intervenir qu’en dernier ressort et de manière brève (art. 37.b), qu’en cas de privation de liberté, qu’il doit être traité avec dignité et séparé des adultes (art. 37.c) et qu’enfin, il doit bénéficier d’une assistance juridique et la garantie d’un procès équitable et rapide (art. 37. d). Ces principes rencontrent les règles énoncées par les Nations unies : Règles de Beijing sur la justice des mineurs (1985), Principes de Riad sur la prévention de la délinquance juvénile (1990), Règles de La Havane sur la protection des mineurs privés de libertés (1990), Règles de Tokyo sur les mesures non privatives de libertés (1990).
En posant les principes d’exceptionnalité de la privation de liberté, de séparation des enfants et des adultes, de célérité de traitement, d’assistance juridique et de participation de l’enfant en conflit avec la loi, l’article 37 de la Convention relative aux droits de l’enfant et l’ensemble des corpus de règles et de principes des Nations Unies en la matière établissent un cadre de mise en oeuvre des droits de l’enfant privés de liberté compatible avec une approche des droits de l’enfant. Cependant, de plus en plus, pour juguler la délinquance juvénile, on constate un appel au durcissement des règles concernant le traitement des enfants en conflit avec la loi de la part des États et ce, en dépit d’un plaidoyer constant pour des mesures alternatives à la privation de la liberté des enfants en provenance des ONG et des comités onusiens.
Dans la présente étude, en faisant usage d’une approche basée sur les droits de l’enfant et en recourant aux dispositifs légaux, à la pratique des États et à la jurisprudence du Comité des droits de l’enfant, nous nous proposons d’analyser le contenu de l’article 37 de la Convention relative aux droits de l’enfant en lien avec les Règles et Principes des Nations Unies y afférant, d’évaluer la pratique des États et d’explorer les mesures alternatives relatives à la privation de la liberté des enfants en conflit avec la loi.
EN :
The reading of Article 37 of the Convention on the rights of the child is to suggest that the child is protected against torture and other cruel, inhuman and degrading treatment and is free from condemnation to death and life imprisonment without possibility of release (Art. 37a), it may be illegal deprivation of liberty and that this deprivation can only intervene as a last resort and briefly (art. 37. b), in case deprivation of liberty, it must be treated with dignity and separated from adults (art. 37.c) and finally, it must have legal assistance and the guarantee of a fair and expeditious trial (art. 37. d). These principles meet the rules set by the United Nations: The Beijing Rules on Juvenile Justice (1985), Ryad Principles on the Prevention of Juvenile Delinquency (1990), The Havana Rules for the Protection of Juveniles Deprived of their freedoms (1990), Tokyo Rules on non-custodial measures (1990).
By asking the exceptionality of the principles of the deprivation of liberty, separation of children and adults, speed of treatment, legal assistance and participation of children in conflict with the law, article 37 of the Convention on the rights of the child and all UN body of rules and principles in this area provide a framework for implementing the rights of the child deprived of liberty compatible with an approach to children’s rights. However, increasingly, to curb juvenile delinquency, there is a call for tougher rules on the treatment of children in conflict with the law on the part of States and, despite a constant plea for alternative measures deprivation of liberty of children from NGOs and UN committees.
In this study, making use of an approach based on children’s rights and resorting to legal measures, to state practice and jurisprudence of the Committee on the Rights of the Child, we propose to analyze the content of Article 37 of the Convention on the rights of the child in connection with the Rules and Principles of the United Nations relating to it, to assess the practice of States and explore alternative measures to deprivation of freedom of children in conflict with the law.
-
La participation de l’enfant à la justice juvénile : les apports de l’approche restauratrice à l’épreuve des politiques pénales
Fabrice Crégut et Jeanne Gauthiez
p. 105–126
RésuméFR :
Cet article part du constat de l’inefficacité des sanctions punitives appliquées aux enfants ayant commis des infractions et de leurs conséquences négatives quant à leur responsabilisation et leur développement. Il propose, à l’aide de l’approche restauratrice, de responsabiliser davantage l’enfant en conflit avec la loi à travers sa participation active au processus judiciaire. Participation qui permettrait ainsi la manifestation de ses intérêts, en accord avec les directives du droit international, et lui éviterait les séquelles que peut causer un système de justice répressif. En premier lieu, un rappel historique évoque le monopole de l’État en matière de justice pénale, réaffirme l’importance de l’existence d’une justice différenciée pour les mineurs et met en lumière les limites du droit international. Dans un second temps, l’émergence et les apports de l’approche restauratrice sont abordés, avant de s’intéresser à leur application dans un cadre de justice juvénile, et aux avantages d’une participation de l’enfant.
EN :
This article begins with the observation that sanctions based on retribution for children who have committed criminal offenses are ineffective and have negative consequences for their accountability and development. Emphasizing the added value of the restorative approach, it proposes to make the child in conflict with the law more accountable through its active participation in the judicial process. Participation would allow the expression of their interests, in accordance with the directives of international law, and avoid the consequences of a retributive justice system. First, a historical reminder of the State’s monopoly in criminal justice reaffirms the importance of differentiated justice for minors and highlights the limits of international law. In a second phase, the emergence and contributions of the restorative approach are addressed, before focusing on their application in a juvenile justice framework, and the benefits of child participation.
-
Éléments de l’encadrement juridique canadien du témoignage de l’enfant : entre développements de la pédopsychiatrie et règles de preuves
Nicholas Léger-Riopel et Christopher Ingersoll
p. 127–143
RésuméFR :
Cet article part du constat de l’inefficacité des sanctions punitives appliquées aux enfants ayant commis des infractions et de leurs conséquences négatives quant à leur responsabilisation et leur développement. Il propose, à l’aide de l’approche restauratrice, de responsabiliser davantage l’enfant en conflit avec la loi à travers sa participation active au processus judiciaire. Participation qui permettrait ainsi la manifestation de ses intérêts, en accord avec les directives du droit international, et lui éviterait les séquelles que peut causer un système de justice répressif. En premier lieu, un rappel historique évoque le monopole de l’État en matière de justice pénale, réaffirme l’importance de l’existence d’une justice différenciée pour les mineurs et met en lumière les limites du droit international. Dans un second temps, l’émergence et les apports de l’approche restauratrice sont abordés, avant de s’intéresser à leur application dans un cadre de justice juvénile, et aux avantages d’une participation de l’enfant.
EN :
This article begins with the observation that sanctions based on retribution for children who have committed criminal offenses are ineffective and have negative consequences for their accountability and development. Emphasizing the added value of the restorative approach, it proposes to make the child in conflict with the law more accountable through its active participation in the judicial process. Participation would allow the expression of their interests, in accordance with the directives of international law, and avoid the consequences of a retributive justice system. First, a historical reminder of the State’s monopoly in criminal justice reaffirms the importance of differentiated justice for minors and highlights the limits of international law. In a second phase, the emergence and contributions of the restorative approach are addressed, before focusing on their application in a juvenile justice framework, and the benefits of child participation.
Notes de réflexion
-
Les alternatives à la détention des mineurs en conflit avec la loi en Côte d’Ivoire
Patricia Myriam Isimat-Mirin
p. 145–154
RésuméFR :
Méconnue des sociétés traditionnelles précoloniales où le fauteur de trouble est puni, soit par l’amende, les châtiments corporels pour les violations aux règles coutumières bénignes, soit banni ou exécuté pour les infractions graves, la justice des mineurs en Afrique de l’Ouest en général, et dans les anciens territoires coloniaux français en particulier, a été développée avec l’installation progressive de l’administration judiciaire coloniale.
À la veille des indépendances de ces territoires dans les années 1960, des centres de rééducation sont installés, sous l’impulsion des lois progressistes nées de la Libération de 1945, sans toutefois promouvoir une politique hardie de mesures alternatives à la détention. Si le souffle positif de l’Indépendance de ces territoires en 1960 a maintenu ces structures rééducatives en état de fonctionnement, elles ont rapidement été secouées dès les années 1980 par le vent impétueux des programmes d’ajustement structurel promus par les institutions de Bretton Woods; faute de moyens humains et financiers, elles ont rapidement périclité comme toutes les autres mesures sociales, le développement économique étant prioritaire.
Enfin, l’évolution de la société à partir des années 2000 a permis de relancer la réflexion sur les mesures alternatives à la détention des mineurs bien que de gros efforts restent nécessaires comme le souligne la présente note sur la situation en Côte d’Ivoire. Un processus a été lancé en 2015 pour la mise en oeuvre de telles mesures sur l’ensemble du territoire national et suit son cours.
EN :
Unrecognized in pre-colonial traditional societies where the troublemaker is punished, either by fine or corporal punishment, for violations of benign customary rules, or banned or executed for serious offenses, juvenile justice in West Africa in general, and in the former French colonial territories in particular, was developed with the gradual establishment of colonial judicial administration.
On the eve of the independence of these territories in the 1960s, rehabilitation centers were set up, under the impetus of the progressive laws born of the 1945 Liberation, without however promoting a bold policy alternative to detention. Although the positive breath of independence in these territories in 1960 has kept these rehabilitative structures functioning, they were quickly shaken in the 1980s by the impetuous wind of the structural adjustment programs promoted by the Bretton Wood institutions; because of the lack of human and financial resources, they rapidly collapsed like all other social measures, economic development being a priority.
The evolution of society from the year 2000 onwards has made it possible to revive the reflection on alternative measures to the detention of minors, although great efforts are still necessary, as underlined in the present note on the situation in Côte d’Ivoire. A process has been launched in 2015 for the implementation of such measures throughout the country and is under way.
-
La voix de l’enfant dans les procédures judiciaires qui le concernent : les rapports « voix de l’enfant » dans les affaires civiles au Nouveau-Brunswick
Bianca Brideau et Malaïka Bacon-Dussault
p. 155–169
RésuméFR :
L’article 12 de la Convention relative aux droits de l’enfant prévoit qu’un enfant doit être entendu dans les procédures judiciaires qui le concernent. Bien que le Canada ait ratifié la Convention, chaque législateur provincial détermine la manière dont la voix de l’enfant peut être présentée au tribunal : témoignage des parents ou d’autres adultes en relation avec l’enfant, entretien privé entre un juge et l’enfant, représentation par un avocat ou dépôt d’un rapport d’un évaluateur externe. Bien que la Loi sur les services à la famille du Nouveau-Brunswick prévoie qu’un enfant de 12 ans et plus peut être représenté par un avocat dans les causes impliquant la garde et l’accès, les tribunaux de cette province privilégient le dépôt au tribunal d’un rapport « voix de l’enfant ». Cette note de réflexion a pour objet d’exposer le lecteur à la jurisprudence néobrunswickoise qui traite de cet aspect procédural.
EN :
Article 12 of the Convention on the Rights of the Child provides that a child must be heard in judicial proceedings concerning him or her. Although Canada has ratified the Convention, each provincial legislator determines how the voice of the child can be presented to the court: testimony of parents or other adults in relation to the child, private interview between a judge and the Child, representation by a lawyer or filing of a report from an external evaluator. While the New Brunswick Family Services Act provides that a child aged 12 and over may be represented by a lawyer in cases involving custody and access, the courts in this province normally take into account a « voice of the child » report. The purpose of this memorandum is to expose the reader to New Brunswick jurisprudence dealing with this procedural aspect.