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La mise en tourisme d’un loisir procède d’une opération qui achoppe parfois sur des résistances. Celles-ci relèvent des intérêts en jeu, comme l’appropriation du territoire entre gens du milieu et visiteurs, mais elles s’arment également des règles juridiques encadrant les pratiques, lesquelles témoignent des luttes menées pour faire advenir une forme de légitimité en faveur de certains groupes. La chasse apparaît, à ce titre, comme une illustration de milieux socialement hétérogènes, mais réunis dans une compétition pour faire prévaloir une conception anthropocentrée de la nature.
À partir d’une étude socio-anthropologique des territoires, menée pendant près d’une dizaine d’années, cet article étudie le lien entre tourisme et chasse sur le mode du pourquoi. Qu’est-ce qui pourrait amener au développement du tourisme cynégétique, alors que cette activité de prédation s’inscrit dans une relation étroite avec des espaces vécus comme relevant d’une sphère de préemption pour les gens du lieu ?
Pour illustrer ce propos, le cas de la France est particulièrement intéressant, puisque s’y ajoute un accent localiste. Se prévalant d’une « authenticité » enracinée qu’ils opposent schématiquement au consumérisme touristique, les chasseurs y ont néanmoins réussi à gérer la demande émanant de leurs collègues nomades, des touristes en puissance à bien des égards. Ils résolvent le dilemme par des formes de cooptations.
L’étude explique que l’enjeu se situe autour de la réticence des deux principaux groupes de pratiquants, propriétaires fonciers et chasseurs sans terre (mais locaux), à l’égard de toute commercialisation des territoires de chasse en direction des allochtones. Le tourisme devient alors l’antonyme de l’identité territoriale.