Number 88, 2022 Des crises sanitaires aux crises politiques Guest-edited by Renaud Crespin and Carole Clavier
Table of contents (13 articles)
Introduction
Section 1 – Syndémie et vulnérabilités des individus et des professionnel·les
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Inégalités et COVID-19 : impacts de la crise sanitaire sur les opinions à l’égard des personnes assistées sociales et leur représentation médiatique au Québec
Normand Landry, Alexandre Blanchet, Olivier Santerre, Marie-Josée Dupuis and Sylvain Rocheleau
pp. 21–42
AbstractFR:
Cet article présente les résultats d’analyse d’un sondage effectué auprès de 2060 répondants en juin 2020 quant à leurs opinions à l’égard des personnes assistées sociales au Québec. Il fait état des impacts de la crise sanitaire sur ces opinions et il offre une analyse de la couverture médiatique de l’assistance sociale effectuée entre le 23 mars et le 25 juin 2020. Cette période correspond au premier confinement vécu au Québec en raison de la COVID-19. Les conclusions mettent en lumière une congruence entre des opinions durablement négatives à l’égard des personnes assistées sociales, un faible niveau d’acceptabilité sociale des aides particulières qui pourraient leur être versées en période de crise sanitaire, une marginalisation médiatique des thèmes et des enjeux associés à l’assistance sociale en contexte de crise sanitaire, et l’absence de mesures mises en place par le gouvernement du Québec afin d’atténuer ses impacts pour les personnes assistées sociales.
EN:
This article presents the results of a survey conducted in June 2020 amongst 2060 respondents about their opinions regarding social assistance recipients in Quebec. It reports on the impacts of the health crisis on these opinions and provides an analysis of the media coverage of social assistance produced between March 23 and June 25, 2020. This period corresponds to the first lockdown experienced in Quebec due to COVID-19. The conclusions of our work highlight a congruence between lasting negative opinions towards welfare recipients, a low level of social acceptability of the specific aid that could be paid to them during a health crisis, a low level of media coverage of the issues associated with welfare in the context of a health crisis, and the absence of measures undertaken by the Quebec government to mitigate its impacts on welfare recipients.
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Expérience des communautés étudiantes québécoises durant la première vague de COVID-19 : rendre visibles les difficultés rencontrées par les étudiant·es issu·es de différents groupes sociaux
Myriam Bernet, Geneviève Pagé, Selbé Diouf, Christophe Lévesque, Julie Godin, Pascale Dubois, Élianne Carrier, Simon Turcotte, Joanie Côté and Catherine Flynn
pp. 43–65
AbstractFR:
Les études menées depuis les débuts de la pandémie montrent ses conséquences sur la santé psychologique des étudiant·es, mais un angle mort demeure : l’impact des mesures sanitaires sur leurs conditions de vie.
Un questionnaire Web incluant des questions sur les changements et les nouveaux défis observés depuis les débuts de la pandémie concernant 1) leur vie quotidienne et leurs relations avec leurs proches, 2) leurs conditions de vie, 3) leur état de santé et leur bien-être a été diffusé dans six établissements du réseau de l’Université du Québec entre le 27 avril et le 8 mai 2020. Chacune des sections comportait des questions à choix multiples et des questions à développement. 413 questionnaires ont fait l’objet d’analyses comparatives entre les différents groupes sociaux, lesquelles se sont avérées non significatives. De ce nombre, 394 étudiant·es avaient aussi offert des réponses à l’ensemble des questions à développement, lesquelles ont permis de constater que les étudiant·es en situation de handicap, les étudiant·es responsables d’au moins un enfant et les étudiant·es en provenance d’un autre pays se considéraient comme plus affecté·es que leurs collègues. Les 176 étudiant·es s’identifiant à au moins l’un de ces trois groupes ont ensuite constitué un sous-échantillon ayant été comparé aux autres participant·es.
Les étudiant·es des trois groupes concernés 1) ont senti que les communications de leur établissement les laissaient de côté; 2) ont été particulièrement fragilisé·es sur le plan du logement; 3) faisaient face à des enjeux spécifiques liés à leur gestion du risque quant à une contamination potentielle à la COVID-19; 4) utilisaient davantage le transport en commun, ce qui a complexifié leur accès à des biens de première nécessité; 5) ont vu leur état de santé se détériorer dans le contexte d’un quotidien complexifié et d’un accès aux services réduit; et 6) ont été submergé·es par la lourdeur des tâches quotidiennes.
Les résultats permettent d’avancer que les étudiant·es des groupes concernés se sont retrouvé·es dans une spirale où précarité des conditions de vie, complexification du quotidien et étiolement des liens sociaux, se renforçant mutuellement, ont conduit à une détérioration de leur état de santé (mentale surtout).
EN:
Studies conducted since the beginning of the pandemic show its consequences on the psychological health of students, but a blind spot remains: the impact of health measures on their living conditions.
A Web questionnaire including questions on the changes and new challenges observed since the beginning of the pandemic concerning 1) their daily life and relationships with their loved ones, 2) their living conditions, and 3) their state of health and well-being was distributed in six institutions of the Université du Québec network between April 27 and May 8, 2020. Each of the sections included multiple choice and essay questions. Comparative analyses were conducted on 413 questionnaires between the different social groups, which proved to be insignificant. Of these, 394 students also provided responses to all of the essay questions, which reveal that students with disabilities, students with one or more children, and international students considered themselves more affected than their peers. The 176 students who identified with at least one of these three groups then formed a sub-sample that was compared to the other participants.
Students in all three groups 1) felt that their institution’s communications left them out; 2) were particularly vulnerable in terms of housing; 3) were facing specific issues related to their risk management with respect to potential COVID-19 contamination; 4) were using public transportation more often, which made their access to basic necessities more complex; 5) saw their health status decline in the context of a more complex daily life and reduced access to services; and 6) were overwhelmed by the heaviness of daily tasks.
The results suggest that the students in the groups concerned found themselves in a spiral where precarious living conditions increased the complexity of daily life and the erosion of social ties, and, reinforcing each other, led to a deterioration in their state of health (especially mental health).
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De la « vocation » à prendre soin au joug de la performance : dévoiler les réalités des travailleuses du care pour comprendre la crise du système de santé et de services sociaux
Maude Benoit, Gabriel Lévesque and Léonie Perron
pp. 66–88
AbstractFR:
Tout juste avant la crise pandémique, 697 travailleuses du programme de soutien à domicile aux personnes âgées à travers le Québec ont répondu à un questionnaire électronique portant sur la mise en oeuvre de cette politique et sur leurs réalités de travail. Les résultats de cette enquête révèlent un système de santé et de services sociaux déjà à bout de souffle bien avant l’arrivée du virus. Au-delà de leur prétendue « vocation » à prendre soin des gens, la réalité quotidienne de ces professionnelles est surtout marquée par des exigences de performance et d’efficacité propres aux préceptes du nouveau management public. Les effets de ce modèle sont ici mis en lumière et font écho à plusieurs critiques émises depuis mars 2020 quant aux dysfonctionnements du système de santé et de services sociaux. À l’heure où la crise de la COVID-19 souligne les limites des politiques de la prise en charge de la vieillesse et la façon différenciée dont sont traités les métiers largement féminins du care, notre enquête contribue à restituer la parole de quelques centaines de ces professionnelles qui se trouvent aux premières lignes de ces problématiques.
EN:
Just prior to the pandemic, 697 homecare frontline workers across Quebec answered an online survey on this policy implementation and their work realities. Data from this survey reveal that health and social services were already exhausted long before the virus. Beyond their alleged “calling” to the care profession, the day-to-day reality of these professionals is mainly characterized by new public management performance and efficiency imperatives. This article highlights the effects of this managerial model and echoes the numerous criticisms of health and social services raised since March 2020. While the COVID-19 crisis underlined the limits of elderly care policies and the inequalities of treatment of care professions which are predominantly female, our survey helps to restore the voice of a few hundred of these professionals who are at the frontline of these issues.
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Les masques de la reconnaissance : le travail d’intervenante à domicile durant la crise sanitaire de la COVID-19
Thomas Bonnet and Julie Primerano
pp. 89–110
AbstractFR:
La crise sanitaire de la COVID-19 a mis en tension les registres de la reconnaissance au travail en (ré)interrogeant ses différents aspects (symboliques, matériels ou encore réglementaires) et leurs articulations. Cet article propose de mettre en perspective des enjeux relatifs à la continuité de l’activité en temps de pandémie pour une catégorie professionnelle socialement dévalorisée avec le processus de formalisation des situations ouvrant droit à une reconnaissance en maladie professionnelle. Sur la base de plusieurs recherches qualitatives, dont une menée de façon longitudinale, il montre comment ces différents enjeux se sont trouvés cristallisés chez des intervenantes du secteur marchand de l’aide à domicile. Le contexte de pénurie d’équipements de protection rencontré au début de la crise, en particulier des masques, a accentué les problématiques qui se posaient alors sur le plan de l’organisation de la prévention des affections du travail. Parallèlement, le registre martial largement déployé politiquement interrogeait la reconnaissance des « soldats » et les cadres institutionnels par lesquels elle allait être formalisée. Les revendications en ce sens ont différé selon les acteurs considérés, reprenant pour certaines les critiques adressées de longue date au système de reconnaissance des maux du travail.
EN:
The COVID-19 health crisis has put the registers of recognition at work in tension by (re)questioning its different aspects (symbolic, material or regulatory) and their articulation. This article proposes to put into perspective the issues relating to the continuity of activity in times of pandemic for a socially devalued professional category and the process of formalising situations giving rise to recognition as an occupational disease. On the basis of several qualitative studies, one of which was conducted longitudinally, it shows how these different issues were crystallised among workers in the commercial home care aides. The shortage of protective equipment at the beginning of the crisis, in particular masks, accentuated the problems that arose in terms of organising the prevention of work-related illnesses. At the same time, the martial register, which was widely deployed politically, raised questions about the recognition of “soldiers” and the institutional frameworks through which it would be formalised. The demands in this respect differed according to the actors considered, some of them taking up the criticisms that had long been levelled at the system of recognition of work-related illnesses.
Section 2 – Crises sanitaires et maltraitances organisationnelles
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« C’est l’État qui nous a tués ! » : Ebola en Guinée : la mémoire d’une histoire politique violente
Rubis Le Coq
pp. 111–131
AbstractFR:
À la suite du décès par Ebola d’un parent, une famille accuse l’État guinéen d’être responsable de sa mort. Qu’est-ce qui a conduit à porter une telle accusation? À partir d’une enquête ethnographique en République de Guinée, cet article montre de quelle manière l’histoire politique guinéenne a influencé le déroulement de l’épidémie d’Ebola de 2014 à 2016 dans les pays du fleuve Mano. Pour comprendre comment les crises politiques du passé façonnent le rapport des Guinéens à la crise sanitaire provoquée par Ebola, je procéderai en trois temps. D’abord, je reviendrai sur les violences d’État qui ont jalonné l’histoire politique de la Guinée depuis son indépendance en 1958. Une des conséquences de ces violences se manifeste par un manque de confiance systémique vis-à-vis des élites et des actions gouvernementales. Puis, je montrerai comment les camps d’internement militaires de Sékou Touré réactivent un rapport à l’enfermement induisant des rumeurs et des comportements de peur face aux Centres de traitement d’Ebola (CTE). Enfin, pour me déprendre des approches fondées sur les « réticences » de la population guinéenne aux dispositifs sanitaires de lutte contre l’épidémie, j’analyserai des formes de résistance s’inscrivant plus largement dans l’histoire des contestations politiques en Guinée.
EN:
Following the death of a relative from Ebola, a family accuses the Guinean state of being responsible for his death. What led to such an accusation? Based on an ethnographic survey in the Republic of Guinea, this article shows how Guinean political history influenced the course of the Ebola epidemic between 2014 and 2016 in the Mano River countries. To understand how past political crises shape Guineans’ relationship to the Ebola health crisis, I will proceed in three steps. First, I will review the state violence that has marked Guinea’s political history since its independence in 1958. One of the consequences of this violence is a systemic lack of trust towards government elites and actions. Then, I will show how the military internment camps of Sekou Toure reactivate a relationship to confinement inducing rumors and fearful behaviors towards Ebola Treatment Centers (ETCs). Finally, in order to move away from approaches in terms of the Guinean population’s “reluctance” to the health measures used to fight the epidemic, I will analyze forms of resistance that are part of the history of political contestation in Guinea.
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Résilience face aux crises sanitaires : un modèle d’analyse pour mieux cerner la complexité de gestion dans les États fragiles
Stéphanie Maltais, Sophie Brière and Sanni Yaya
pp. 132–151
AbstractFR:
La première épidémie de maladie à virus Ebola en Guinée, entre 2013 et 2016, a été révélatrice des défaillances organisationnelles des institutions guinéennes dans la gestion de la crise et de la dépendance aux partenaires techniques et financiers internationaux. On a maintes fois accusé les déficits en matière de résilience pour expliquer les difficultés de gestion de la crise. Cet article a pour objectif de s’interroger sur la manière de renforcer la résilience pour améliorer la réponse aux crises sanitaires dans les États fragiles. La collecte de données de cette étude qualitative a été réalisée dans la période post-Ebola en 2017, grâce à des entretiens semi-dirigés, à une observation d’événements liés à la gestion des crises ou au relèvement post-crise, et à une analyse documentaire approfondie. Présentant les bonnes pratiques pour renforcer la gestion des crises sanitaires dans les États fragiles et un modèle tridimensionnel d’analyse de la gestion résiliente des crises sanitaires dans les États fragiles, cette étude permet de noter que la gestion des épidémies repose sur un état initial et un contexte spécifique, mais également sur les dimensions intra-organisationnelle et inter-organisationnelle puisque plusieurs organisations doivent collaborer. La dernière dimension du modèle d’analyse permet d’apprécier la résilience sanitaire selon les 5 caractéristiques de Kruk et al. (2015), soit la conscience, la diversité, l’autorégulation, l’intégration et l’adaptabilité.
EN:
The case of the first Ebola virus disease epidemic in Guinea, between 2013 and 2016, revealed the organizational failures of Guinean institutions in crisis management and the dependence on international technical and financial partners. Many researchers have blamed the deficits in terms of resilience to explain the difficulties in managing the crisis. This article aims to explore how to improve the resilience to strengthen the management of health crises in Fragile States. Data collection for this qualitative study was carried out in the post-Ebola period in 2017, through semi-structured interviews, observation of crisis management or post-crisis recovery events, and an in-depth literature review. In this paper, we present the best practices to strengthen health crisis management in Fragile States and discuss our three-dimensional model to improve resilient health crisis management in Fragile States. This model highlights that the management of epidemics is based on an initial state and a specific context; but also on intra-organizational and inter-organizational dimensions since several organizations must collaborate. The last dimension of the model makes it possible to assess health resilience according to the 5 characteristics of Kruk et al. (2015), or awareness, diversity, self-regulation, integration and adaptability.
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Les personnes exilées et les associations locales en temps de pandémie : d’une crise à l’autre
Fransez Poisson, Patricia Loncle and Maryam Mahamat
pp. 152–171
AbstractFR:
Les actions associatives développées avec les personnes exilées s’inscrivent dans des crises durables de l’accueil et de la solidarité. Le confinement de la population instauré en mars 2020 a eu des effets sur le rôle des acteurs associatifs. Dans quelle mesure la prise en charge inconditionnelle des précarités résidentielles et alimentaires, décidée au début de la crise sanitaire en 2020, génère-t-elle des changements durables dans les mobilisations associatives locales avec les personnes exilées? Nos enquêtes menées à Rennes auprès d’associations nous permettent d’expliquer que la gestion centralisée de la crise par l’État, notamment concernant l’hébergement temporaire des personnes exilées précaires, contraste avec les actions coordonnées entre la municipalité et plusieurs associations locales dans le champ de l’aide alimentaire. Que ce soit dans le traitement des besoins des personnes exilées de se nourrir ou de se loger, les actions développées durant la crise sanitaire témoignent d’une prise en charge inconditionnelle exceptionnelle, revendiquée habituellement par les associations. La question du maintien des aides sans condition en matière d’alimentation et d’hébergement au-delà de la crise sanitaire se pose alors.
EN:
The associative actions developed with exiled people are part of sustainable crises of hospitality and solidarity. The lockdown of the population established in March 2020 had an impact on the role of associative actors. How does the unconditional support for residential and food precarity, decided at the beginning of the health crisis of 2020, generate sustainable changes in local associative mobilisations with exiled people? Our inquiries with Rennes associations show that the centralised management of the crisis by the state, particularly in terms of temporary accommodation for precarious people, contrasts with the public and associative actions coordinated between the municipality and several local organisations in the field of food aid. Whether in terms of covering the food or accommodation needs of exiled people, the actions developed during the health crisis demonstrate exceptional unconditional support, generally claimed by the associations. The continuation of unconditional aid for food and accommodation beyond the health crisis therefore raises questions.
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Maltraitance organisationnelle dans les CHSLD : la réponse du gouvernement du Québec en contexte de crise sanitaire
Marie Beaulieu and Julien Cadieux Genesse
pp. 172–193
AbstractFR:
Les nombreux cas de COVID-19 dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) forcèrent le gouvernement à réagir à ce qui fut qualifié d’« urgence nationale » par le premier ministre québécois. Cet article a donc pour objectif de mettre en exergue les facteurs politiques et organisationnels ayant joué un rôle central dans la détérioration des conditions de vie et de la santé des résidents en soulignant, notamment, les manifestations de maltraitance organisationnelle ayant eu cours au sein de ces établissements entre mars et juin 2020. Une analyse thématique des discours publics consignés par l’Assemblée nationale du Québec (N = 73), à partir de 14 thèmes, fut menée. Ces données furent croisées avec de la littérature scientifique, grise et journalistique afin de compléter l’analyse. Le manque de préparation, combiné à une absence massive du personnel ou à sa mobilité, contribua à la circulation du virus. Pour contrecarrer cette « crise dans la crise », une formation accélérée pour les préposés aux bénéficiaires fut mise sur pied. Or, son échafaudage comporte des limites : un temps de formation amputé de moitié, de même qu’une réduction du nombre de compétences enseignées. Fait préoccupant, la compétence abordant la lutte contre la maltraitance y semble absente. À la lumière de ce portrait, il est justifié de se demander si, dans sa volonté de redresser rapidement les déterminants à la base de situations de négligence organisationnelle, le gouvernement ne risque pas, ironiquement, d’y contribuer à court et à moyen terme.
EN:
The numerous cases of COVID-19 infection in Quebec’s long-term care facilities forced the government to react to what the Premier defined as a “national emergency”. This article thus aims to present the political and organisational factors that played a central role in the deterioration of the living conditions and health of residents, especially focusing on how organisational mistreatment occurred between March and June 2020. We completed a thematic analysis of public discourses available on the National Assembly of Quebec website (N = 73). We matched data from the 14 themes with scientific and grey literature and journalistic articles to complete the analysis. A lack of preparation, combined with either a massive lack of personnel or their occupational mobility, contributed to the circulation of the virus. To counteract this “crisis within a crisis”, the provincial government created an accelerated training program for personal care attendants. However, its design has limits: a training period cut in half, as well as a reduction in the number of taught competencies. Particularly concerning is the lack of education on the actions to counter mistreatment to the elderly. With this portrait, it is justified to question if, in its desire to quickly redress the determinants at the heart of organisational neglect, the government ironically risks adding to it in the short to medium term.
Section 3 – Crises sanitaires et crises de la démocratie
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Chronique d’un « mensonge » : déclarations gouvernementales sur l’« inutilité » du port du masque en « population générale » et réactions indignées du public
Gérald Gaglio, Cédric Calvignac and Franck Cochoy
pp. 194–212
AbstractFR:
Cet article s’intéresse à la polémique portant sur le « mensonge » dont a été accusé le gouvernement français à propos de l’utilité des masques sanitaires au début de la crise pandémique. L’étude s’appuie sur deux approches complémentaires. La première consiste en une analyse diachronique des interventions publiques des autorités exprimées au cours des mois de mars et avril 2020. La seconde approche consiste à relever et à analyser les réactions suscitées par la ligne discursive changeante du gouvernement. Cette double enquête, fondée sur une revue de presse et sur l’analyse d’un corpus de 1239 témoignages de citoyens ordinaires recueillis au cours du premier confinement, amène à considérer la notion d’agencement technico-discursif pour rendre compte d’une articulation changeante entre discours, ressources matérielles disponibles (masques) et connaissances scientifiques.
EN:
This article examines the controversy surrounding the French government’s alleged “lie” about the usefulness of sanitary masks at the beginning of the pandemic crisis. The study rests on two complementary approaches. The first is a diachronic analysis of the authorities’ public interventions in March and April 2020. The second approach consists in identifying and analyzing the reactions to the government’s changing discursive line. This double investigation, based on a press review and on the analysis of a corpus of 1239 testimonies of ordinary citizens collected during the first containment, leads us to consider the notion of technical-discursive agency to account for a changing articulation between discourse, available material resources (masks) and scientific knowledge.
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La crise de la COVID-19 dans les urnes : une analyse multiniveau des effets de la crise sanitaire sur la participation électorale aux élections municipales françaises de 2020
Julien Audemard and David Gouard
pp. 213–236
AbstractFR:
Le premier tour des élections municipales françaises s’est tenu le 15 mars 2020, alors que l’épidémie de COVID-19 s’installait en France. Quel a été l’impact de la crise sanitaire sur la mobilisation – historiquement faible – lors de ce tour de scrutin? Celle-ci a-t-elle été dépendante de l’intensité de l’épidémie à l’échelle locale? La crise a-t-elle profondément modifié les logiques habituelles de la participation électorale pour ce type de scrutin? Cet article propose de répondre à ces questions au travers d’une analyse longitudinale multiniveau des taux d’abstention enregistrés lors des premiers tours des quatre dernières élections municipales au sein des communes françaises de plus de 3 500 habitants. Nos résultats montrent que les effets de la crise sanitaire en matière de participation sont assez peu dépendants de l’intensité locale de l’épidémie : si la démobilisation augmente partout, et particulièrement au sein des communes traditionnellement plus participatives, nous observons des variations significatives dans les taux d’abstention des communes étudiées uniquement dans les rares départements où l’épidémie a déjà causé les premiers décès. Nous observons également une hausse de l’abstention au sein des communes où les parts de personnes âgées de 65 ans et plus et d’ouvriers sont élevées, particulièrement lorsqu’elles sont situées à faible distance des principaux foyers épidémiques.
EN:
The first round of the last French local elections was held on March 15th, while the COVID-19 epidemic spreads in France. What was the impact of the health crisis on the mobilization during the 2020 local elections first round, where turnout reached a historical minimum? Has turnout at these elections been dependent on the local intensity of the epidemic? Did the crisis profoundly modify the effect of the usual socioeconomic factors of turnout? This article proposes to answer these questions using a longitudinal multilevel analysis of the abstention rate of the first rounds of the four last French local elections for cities over 3,500 inhabitants. Our results show that the effects of the COVID crisis on turnout are hardly dependent on the local intensity of the epidemic. If the demobilization increases everywhere on the territory, especially among cities where turnout is generally high, we observe significant variations in the abstention rate only for cities located in departments where the epidemic causes several deaths. We also observe an increase in the abstention for cities where proportions of people over 65 years of age and laborers are high, particularly when they are located at a close distance from the main epidemic clusters.
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Grammaire bienveillante et rhétorique de combat : stratégies discursives des dirigeantes en Islande, en Nouvelle-Zélande et à Taïwan durant la pandémie de COVID-19
Gauthier Mouton and Priscyll Anctil Avoine
pp. 237–257
AbstractFR:
La crise sanitaire provoquée par la propagation de la COVID-19 a normalisé la rhétorique « guerrière » comme stratégie argumentative chez plusieurs politicien·nes. Pourtant, les médias de masse ont véhiculé une rhétorique particulière pour les femmes dirigeantes : elles auraient apporté des réponses préventives, efficaces et orientées sur la coopération contre la COVID-19. Aussi, il est à se demander si, depuis le début de la pandémie, les discours prononcés par les femmes dirigeantes prennent le contre-pied des mythes qui associent l’autonomie, la rationalité et l’intérêt national aux hommes et à la masculinité. L’objectif de cet article est d’analyser dans quelle mesure les discours de Tsai Ing-wen (Taïwan), Jacinda Ardern (Nouvelle-Zélande) et Katrín Jakobsdóttir (Islande) mobilisent des analogies guerrières dans la gestion de la crise sanitaire de COVID-19. Suivant un cadre féministe poststructuraliste issu du champ des relations internationales et une méthodologie qualitative basée sur l’analyse thématique des discours, l’article démontre que les dirigeantes mobilisent davantage des discours orientés vers l’assistance mutuelle, le care, les relations hommes-femmes, que vers la guerre, à l’exception de la dirigeante de Taïwan qui, sans adopter un discours guerrier, insiste sur le modèle « combatif » de son gouvernement.
EN:
The health crisis caused by the spread of COVID-19 has normalized the “war” rhetoric as an argumentative strategy for many politicians. However, the mass media has conveyed particular rhetoric for women leaders: their responses to COVID-19 were seen as more preventive, effective, and cooperation-oriented. Thus, since the onset of the pandemic, do the discourses of women leaders counter the myths that associate autonomy, rationality, and national interest with men and masculinity? The purpose of this article is to analyze the extent to which the discourses of Tsai Ing-wen (Taiwan), Jacinda Ardern (New Zealand), and Katrín Jakobsdóttir (Iceland) mobilize warlike analogies in the management of the COVID-19 health crisis. Following a feminist poststructuralist framework in the field of international relations and a qualitative methodology based on thematic discourse analysis, the article demonstrates that women leaders mobilize discourses more oriented towards mutual assistance, care, and gender relations than towards war, except the Taiwanese leader who, without adopting a belligerent discourse, insists on the “combative” model of her government.
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Note de recherche. La crise de la COVID en France : de l’entracte de la politique à un changement d’ordre politique ?
Claude Gilbert and Emmanuel Henry
pp. 258–268
AbstractFR:
Cette note de recherche vise à interroger la nature de la crise provoquée par la COVID. En effet, malgré les problèmes de décision et les difficultés organisationnelles, elle ne débouche pas véritablement sur une crise politique. Ni les gouvernants ni les institutions ne sont durablement remis en cause. S’agit-il d’une simple suspension du débat politique comme il s’en est vu lors de situations exceptionnelles où, la santé publique étant mise en jeu, prime l’intérêt général? Ou faut-il aussi voir là l’accentuation d’une nouvelle configuration sociopolitique où l’importance accordée publiquement à certaines « questions de société » éclipse une expérimentation durable de modes de décision concernant des politiques publiques structurelles engageant la France pour plusieurs décennies sans passer par les contraintes de la démocratie représentative ou délibérative?
EN:
This research note aims to examine the nature of the crisis caused by COVID. Indeed, despite decision-making problems and operational difficulties, it has not really led to a political crisis. Neither the leaders nor the institutions are challenged in any sustained way. Is it a mere suspension of the political debate in an exceptional situation where, during a crisis involving public health, the general interest becomes the main concern? Or is it also the accentuation of a new socio-political configuration where the importance given publicly to some “social problems” overshadows a sustainable experimentation of decision-making processes about structural public policies without going through the constraints of representative or deliberative democracy?