Volume 49, Number 2, 2019 Pluralisme juridique et cultures juridiques Guest-edited by Yan Sénéchal and Pierre Noreau
Table of contents (9 articles)
Articles
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L’application de la Loi sur les services en français (LSF) de l’Ontario aux services de santé : la problématique des Réseaux locaux d’intégration des soins de santé (RLISS)
Érik Labelle Eastaugh
pp. 357–398
AbstractFR:
Depuis quelques années, le Commissaire aux services en français attire l’attention du public sur le fait que le gouvernement provincial semble être d’avis que la Loi sur les services en français (LSF) de l’Ontario ne s’applique pas à la grande majorité des services de soins de santé financés par l’État, au motif qu’ils sont principalement offerts par des entités non gouvernementales. Plus précisément, le gouvernement a apparemment conclu que la LSF ne s’applique pas aux prestataires de soins médicaux financés par les Réseaux locaux d’intégration des soins de santé (RLISS). Puisque ces derniers ne prodiguent pas eux-mêmes de tels services, les entités qu’ils financent n’opèrent donc pas « pour leur compte », au sens de cette Loi. Or, puisque la majorité du financement du système de santé public est octroyé par l’entremise des RLISS, il s’agirait là d’une lacune très importante dans l’armature des droits linguistiques du public ontarien. Et, bien que la province ait déclenché un important processus de réforme en 2019 qui cherche à modifier, voire même éliminer les RLISS, on doit donc s’attendre à ce que le gouvernement adopte la même position en ce qui concerne l’application de la LSF qu’auparavant. Le présent article a pour but d’étudier le bien-fondé de cette hypothèse. Au final, l’auteur conclut qu’elle doit être rejetée. La LSF, à titre de loi quasi constitutionnelle ayant pour objet de protéger des droits fondamentaux, s’applique à toute entité non gouvernementale qui prodigue un service public dans le cadre d’un programme ou d’une politique gouvernementale déterminée, ce qui inclut les fournisseurs de soins de santé financés par les RLISS ou par la nouvelle entité qui les remplacera. L’analyse de cette question que propose l’auteur est pertinente non seulement quant à la LSF, mais également à toute loi relative aux droits linguistiques, dont la Loi sur les langues officielles du Canada. Elle intéressera aussi les chercheurs en droits de la personne et en droit administratif.
EN:
Over the last few years, the French Language Services Commissioner of Ontario has been drawing attention to the fact that the provincial government appears to take the view that the French Language Services Act (FLSA) does not apply to the vast majority of health care services funded by the State, on the grounds that they are primarily offered by non-governmental entities. More specifically, the government has apparently concluded that the FLSA does not apply to health care providers funded by Local Health Integration Networks (LHINs) because the latter do not themselves provide any services, meaning that the entities they fund are not operating “on their behalf” within the meaning of the Act. Given that the majority of funding for the public health care system is funnelled through LHINs, this would constitute a very significant gap in the province’s framework of language rights. And, even though the province has set in motion a major set of reforms aiming to alter or even eliminate LHINs, we can expect the government to maintain its position with respect to the application of the FLSA. This article therefore aims to test the validity of the Province’s legal theory. In the final analysis, the author concludes that the Province is mistaken. The FLSA, as a quasi-constitutional law whose purpose is to protect fundamental rights, applies to non-governmental entities that provide public services in the context of a determined governmental policy or program, which includes health care providers funded by LHINs or by the new entity that will replace them. The analysis offered here is relevant not only to the FLSA, but also to any language rights legislation, including the federal Official Languages Act. It will also be of interest to those working in the areas of human rights and administrative law.
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L’intégration de la responsabilité sociale des entreprises dans les traités internationaux d’investissement : une question de (ré)équilibre
Adeline Michoud
pp. 399–429
AbstractFR:
Au cours des quatre dernières décennies, de nombreuses entreprises des pays occidentaux ont choisi de délocaliser plusieurs de leurs activités dans les pays en développement. En conséquence, plusieurs pays d’accueil ont pris la décision d’assouplir leur réglementation pour attirer les entreprises occidentales et les investisseurs étrangers. Cela a conduit à ce que l’on appelle communément la « course vers le bas », qui décrit cette quête de nombreux pays étrangers visant à attirer des capitaux étrangers sur leur territoire en réduisant leurs normes sociales et environnementales.
Dans le contexte de ces mouvements de capitaux, les gouvernements des États occidentaux ont cherché à assurer le traitement équitable de leurs entreprises dans le cadre de leurs activités à l’étranger par la conclusion de traités commerciaux et d’investissement. Ces traités accordent une protection aux investisseurs et leur permettent de faire valoir leurs droits vis-à-vis de l’État hôte devant les tribunaux arbitraux. De tels accords internationaux d’investissement n’imposent généralement pas d’obligations aux investisseurs, mais seulement aux États parties.
Alors que les entreprises et les investisseurs privés ont accumulé un certain nombre de droits en vertu de ces traités, une certaine asymétrie s’est manifestée quant à la responsabilité de ces mêmes acteurs privés envers les pays et les populations touchés par les répercussions négatives générées par leurs activités. Plusieurs abus commis par des entreprises multinationales ont révélé l’importance d’équilibrer davantage les rapports entre États et investisseurs étrangers, et souligné la nécessité d’imposer des obligations de développement durable aux entreprises multinationales et aux investisseurs.
Le présent article a pour but de discuter de la nécessité d’inclure les considérations de responsabilité sociale des entreprises dans les traités internationaux d’investissement. Nous examinerons d’abord les derniers développements à cet égard dans les récents traités d’investissement. Nous évaluerons également l’adéquation des tribunaux arbitraux pour traiter des questions relatives aux violations des droits de la personne par les entreprises et nous analyserons les mécanismes qui pourraient être adoptés afin d’élargir la portée de l’arbitrage et de concevoir de nouveaux mécanismes pouvant mettre fin à l’asymétrie entre l’État et les investisseurs.
EN:
Over the last four decades, many corporations from Western countries have chosen to relocate several of their activities in developing countries. As a consequence, many host countries took the decision to loosen their regulations to attract Western companies and foreign investors. This has led to what is commonly known as the “race to the bottom,” which describes the pursuit of many countries seeking to attract foreign capitals on their territory by reducing their social and environmental standards.
In the context of these movements of capitals, governments of Western States have sought to ensure the fair treatment of their corporations in their operations abroad through the conclusion of trade and investment treaties. These treaties award protection to investors and entitle them to enforce their rights with respect to the host State before arbitral tribunals. Such international investment agreements generally do not place obligations on investors, but only on the State Parties.
While corporations and private investors have accumulated a certain number of rights under these treaties, a certain asymmetry has developed with regards to their accountability towards the countries and populations affected by the adverse impacts generated by their activities. Several abuses by transnational corporations have revealed the importance of bringing more balance to State-investors treaties, and underlined the necessity to impose sustainable development obligations to transnational companies and investors.
This article aims at discussing the necessity of including corporate social responsibility considerations in the international investment treaties framework. We shall notably discuss the latest developments in that respect in recent investment treaties. We shall also assess the adequacy of arbitral tribunals to handle corporate human rights breaches and analyze what mechanisms could be adopted in order to broaden the scope of arbitration and to develop new mechanisms to put an end to the State-investor asymmetry.
Pluralisme juridique et cultures juridiques
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Introduction : pluralisme juridique et cultures juridiques dans les sociétés contemporaines
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La pluralité des ordres juridiques
Guy Rocher
pp. 443–479
AbstractFR:
La pluralité des ordres juridiques est un thème important en sociologie et en anthropologie du droit. Ce thème est, cependant, longtemps demeuré dans l’ordre du discours théorique et n’a, par ailleurs, pas donné lieu à beaucoup de recherches empiriques. Les juristes qui font de la sociologie du droit ont évidemment tendance à privilégier l’ordre juridique étatique, qui leur est particulièrement familier et qu’ils considèrent généralement comme le seul ayant un caractère « vraiment » juridique. Les sociologues du droit — et bon nombre d’anthropologues — ont, quant à eux, tendance à demeurer à l’intérieur de la notion du droit des juristes, surtout dans leurs études empiriques. Il s’agit là d’une faiblesse de la sociologie du droit, qui doit être corrigée, d’où l’intérêt et la pertinence d’une analyse consacrée à la pluralité des ordres juridiques. Nous débuterons en retraçant la tradition du pluralisme juridique en sociologie du droit. Nous discuterons ensuite du phénomène des ordres juridiques non étatiques, ces derniers faisant particulièrement problème pour les juristes. Cette démarche nous conduira enfin à reconnaître que l’ordre juridique étatique, considéré en lui-même, est également tributaire du pluralisme juridique. En filigrane, c’est la question des rapports pouvant exister entre les ordres juridiques étatiques et non étatiques qui se trouve posée.
EN:
The plurality of legal orders is an important theme in the sociology and the anthropology of law. This theme, however, has long remained in the realm of theoretical discourse and has not given rise to much empirical research. On one side, jurists who practise legal sociology obviously tend to favour the state legal order, which is particularly familiar to them and which they generally consider to be the only one with a “true” legal component. On the other side, legal sociologists — and many anthropologists — have tended to remain within the jurists’ notion of the law, especially in their empirical studies. This is a weakness of the sociology of law that needs to be corrected, hence the interest and relevance of an analysis devoted to the plurality of legal orders. We will begin by tracing the tradition of legal pluralism in the sociology of law. We will then discuss the phenomenon of non-state legal orders, the latter being particularly problematic for lawyers. This approach will finally lead us to recognize that the state legal order, considered for itself, is also a tributary of legal pluralism. Throughout the analysis, the question of the relationship that may exist between the state and non-state legal orders is at stake.
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La culture juridique de la marginalisation : le système poreux du droit des favelas de Rio de Janeiro
Viviane Bastos e Silva
pp. 481–520
AbstractFR:
Cet article analyse la manière dont le droit de l’État promeut la ségrégation spatiale et comment fonctionne le système des droits dans le territoire ségrégué. L’objet de cette étude, ce sont les favelas de la ville de Rio de Janeiro au Brésil. Même si certaines favelas ont plus de 100 ans, l’illégalité et la précarité — temporelle et matérielle — sont encore considérées comme étant constitutives des favelas. L’absence de reconnaissance de cette zone s’étend à l’individu qui y réside : sa vie n’est pas validée ou alors elle l’est, mais accompagnée de contraintes. La favela est donc un espace dévalorisant et déprécié, dans lequel les résidants n’ont qu’une citoyenneté limitée. Le conflit entre les normes juridiques et le système interstitiel de droits dans les favelas montre bien que non seulement le droit n’est pas intéressé aux besoins des résidants des favelas (omission), mais encore exclut-il ceux-ci (action). En d’autres termes, la loi sert à construire et à perpétuer la marginalisation, y compris celle de l’espace physique de ces citoyens.
EN:
This article analyses how state law promotes spatial segregation and how the system of rights operates in the segregated territory. The chosen field of study is the favelas of the city of Rio de Janeiro in Brazil. Even if some favelas are more than 100 years old, illegality and precariousness — temporal and material — are still considered as constituent attributes of favelas. The denial of recognition of this zone manifests itself even to the individual who resides there: his life is not validated or is validated with constraints. It is therefore a depreciative and depreciated space capable of highlighting the limited and boundary category of citizenship. The confrontation between legal norms and the interstitial system of rights in the favelas makes it possible to observe that the law is not interested in the needs of these persons (omission) but that it operates in an institutional process of exclusion of residents from the favelas (action). In other words, the law is a key element for the construction and perpetuation of marginalization, including with regard to the physical space of these citizens.
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La culture juridique des anabaptistes au Canada : Ein Gemeinschaftrecht und ein Gesellschaftrecht
Raphaël Mathieu Legault-Laberge
pp. 521–558
AbstractFR:
Les anabaptistes (amish, huttériens et mennonites) se présentent comme un faisceau de groupes religieux minoritaires distincts, mais adoptant sensiblement les mêmes croyances et pratiques, notamment en ce qui concerne leur conception du droit et leur recours aux tribunaux. Certaines de ces communautés, parmi les plus conservatrices, continuent d’utiliser une forme de normativité interne, qui met en pratique l’excommunication et le bannissement, tout en proscrivant le recours aux tribunaux civils. Il y a donc, pour les anabaptistes, une distinction nette entre le droit interne, celui de la communauté (Gemeinschaftrecht), et le droit externe, celui de la société (Gesellschaftrecht). Or, dans maintes situations, le droit interne des anabaptistes s’est trouvé insuffisant pour régler des différends et un recours au droit externe s’est avéré nécessaire. Dans d’autres situations, les anabaptistes ont également eu recours aux tribunaux afin de faire valoir leur liberté de religion. Dans le présent article, certaines de ces situations seront prises en compte afin de montrer comment le droit interne des anabaptistes entre en dialectique avec le droit externe à leurs communautés. Afin d’explorer cette problématique, la sociologie de Ferdinand Tönnies sera d’abord considérée afin de théoriser les notions de communauté et de société. Puis, la culture juridique des groupes anabaptistes sera explicitée. Par ailleurs, quelques causes juridiques en lien avec l’excommunication et le bannissement seront présentées. Finalement, une discussion viendra mettre en lumière la façon dont les notions de communauté et de société trouvent leur application en lien avec le droit des groupes anabaptistes.
EN:
The Anabaptists (Amish, Hutterites and Mennonites) are constituted by many different religious groups that maintained similar beliefs and practices, keeping, for example, sensibly the same conception of law and the same prescriptions about launching lawsuits. Some of these communities, among the most conservative ones, enforce a kind of internal law based on excommunication and shunning, while strictly forbidding their members to call on civil courts. Therefore, a clear distinction exists in Anabaptist groups between the internal law (Gemeinschaftrecht) and the external law (Gesellschaftrecht). Although, in many situations, the internal law of Anabaptist communities has been insufficient to settle disputes and recourse to external law has been necessary. In other situations, Anabaptist communities also appealed to civil courts to claim a respect of their religious liberty. In this article, some of these situations will be taken into account to show how the internal law of Anabaptist communities is related to the external law. To explore this problematic, the sociology of Ferdinand Tönnies will be firstly presented as a mean of theorizing the notions of community and society. After, the judicial culture of Anabaptist groups will be considered. Then, some judicial cases related to excommunication and shunning will be taken into account, showing how the internal law of the Anabaptist communities comes in contact with the external law. Finally, a discussion will elaborate on how the notions of community and society found their application in relation with the rights of the Anabaptists.
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Dynamisme des cultures juridiques en contexte de pluralisme juridique en Afrique : le cas du Burkina Faso
Marie-Eve Paré
pp. 559–590
AbstractFR:
Les cultures juridiques forment des systèmes d’ordonnance qui contribuent au fonctionnement des organisations sociales. Par analogie avec le concept général de culture, elles sont ontologiquement dynamiques, s’adaptant au gré des interactions avec les personnes, les groupes et les autres institutions dans lesquelles elles sont imbriquées. Le dynamisme des cultures juridiques est d’autant plus visible en situation de pluralisme juridique, puisque les différentes cultures se surexposent, s’interpénètrent et s’opposent sur la base de rapports inégalitaires et de zones d’action distinctes. On voit apparaître des processus d’emprunt, de métissage et de résistance entre les cultures juridiques, lesquelles se hiérarchisent et se transforment mutuellement. En Afrique contemporaine, et dans le cas précis du Burkina Faso, l’héritage colonial et les processus transnationaux contribuent à la complexification des phénomènes de pluralisme juridique. Il en résulte un univers juridique pluriel et hétérogène, où les cultures juridiques vont ainsi rivaliser au quotidien pour leur légitimité et leur autorité dans leur espace respectif. À partir de cas, nous avons observé qu’il existe, en raison de la pluralité des cultures juridiques, une variété de consciences juridiques et de pratiques de mobilisation au sein de la population. Cela favorisera le recours au forum shopping pour la résolution des conflits familiaux. Ce phénomène de navigation entre les modes de résolution de conflits illustre le caractère inventif des agents sociaux et participe à la création du juridique et à sa transformation à travers leurs actions quotidiennes.
EN:
Legal cultures are social ordering systems. By analogy with the general concept of culture, they are inherently dynamic, adapting to interactions with individuals, groups and other institutions in which they are embedded. Legal pluralism situation exposes this dynamic aspect since the different legal cultures interpenetrate and oppose each other. Borrowing, creolization and resistance processes are emerging between legal cultures. In contemporary Africa, and in the specific case of Burkina Faso, colonial heritage and transnational processes contribute to the complexity of the local legal pluralism. The result is a plural and heterogeneous legal social universe where legal cultures compete on a daily basis for their legitimacy and authority over their respective areas of action. Based on the results of an ethnographic study, we have observed that, because of the plurality of legal cultures, there is a variety of legal consciousness and mobilization practices among the population. This promotes the use of forum shopping for the resolution of family conflicts. This phenomenon of navigation between the modes of conflict resolution illustrates the inventive character of the social actors and participates in the creation and the transformation of the legal cultures through daily actions.
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Pluralisme juridique, pluralité de droits et pratiques juridiques : théories, critiques et reformulation praxéologique
Baudouin Dupret
pp. 591–623
AbstractFR:
Le pluralisme juridique est devenu l’un des thèmes majeurs des études sociojuridiques. Pourtant, derrière cette appellation très large, on peut déceler de nombreuses tendances qui n’ont en partage que l’affirmation sommaire que le concept de droit recouvre bien plus de choses que le seul droit étatique. En dépit de leur caractère éclectique, ces différentes conceptions du pluralisme juridique ont en commun quelques présupposés fondamentaux quant à la nature du droit, sa fonction et sa relation avec son milieu culturel. Le présent article porte de manière critique sur ces prémisses et suggère une reformulation de la question du droit, de la pluralité de ses sources et des nombreuses pratiques qui se déploient en référence à lui. L’esprit de cette reformulation peut être qualifié de réaliste et praxéologique. Dans une première section, nous décrivons brièvement les tendances majeures qui se dessinent dans la nébuleuse du pluralisme juridique, de son arrière-plan historique jusqu’aux théories du début des années 2000. Dans une deuxième section, nous formulons certaines des critiques majeures pouvant être adressées aux postulats qui sous-tendent les nombreuses versions du pluralisme juridique. Ces critiques tournent autour de trois questions principales : le problème de définition, les prémisses fonctionnalistes et la conception culturaliste. Dans une troisième section, nous soutenons que le réalisme est un remède possible à ces défauts. Ceux-ci sont toutefois mieux traités par l’adoption de ce qu’on appelle une reformulation praxéologique, une proposition illustrée par l’étude de cas égyptiens. En conclusion, nous faisons quelques remarques sur la praxéologie en tant que moyen de combler les zones d’ombre des études sociojuridiques classiques.
EN:
Legal pluralism has become a major theme in socio-legal studies. However, under this very broad denomination, one can identify many different trends which share little but the very basic idea that law is much more than state law. Despite their eclectic character, these many conceptions of legal pluralism also share some common fundamental premises concerning the nature of law, its function, and its relationship with its cultural milieu. This contribution aims at critically addressing these premises and at suggesting some re-specification of the question of law, its plural sources, and the many practices that enfold in relationship with it. In its spirit, this re-specification can be characterized as realistic and praxiological. This article briefly describes the main trends in the field of legal pluralism, from its historical scientific background to its more recent theories. We formulate some of the major criticisms which can be addressed to the postulates sustaining these many versions of legal pluralism. These critical stances vis-à-vis the legal pluralistic study of law articulate around three main questions, i.e. the definitional problem, the functionalist premises, and the culturalist conception which undermines existing theories. It is argued that realism is a possible remedy to these flaws, although these are best addressed through what is called a praxiological re-specification of the whole issue of legal pluralism, which is illustrated through the study of Egyptian cases. Praxiology is presented, in conclusion, as a way to fill the “missing-what” of classical socio-legal studies.