Volume 52, Number 1, Spring 2020 L’éthique et le politique Ethics and politics Guest-edited by Frédéric Parent and Emmanuelle Bernheim
Table of contents (13 articles)
Éthique et politique en sciences sociales
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Sociologie, éthique et politique : itinéraire d’une éthique dans la recherche pour une coopération sociologique élargie
Paul Sabourin
pp. 19–46
AbstractFR:
Le projet de la sociologie comme science du social semble marginalisé aujourd’hui. Plutôt que d’appréhender une crise de la sociologie, cet article vise à explorer les modalités d’une coopération élargie entre les sociologues, coopération nécessitant de clarifier les rapports à l’éthique et à la politique propres à cette forme de connaissance qu’est la sociologie. Pour ce faire, il s’agit d’abord de revenir sur une proposition antérieure d’orienter la sociologie vers un travail qui se définirait collectivement comme « un pluralisme sous contraintes » (Berthelot, 2003 : 35). À partir de l’étude des fondements et des limites de cette approche du travail collectif des sociologues, il est proposé de mieux tenir compte à la fois des conditions générales de l’état des savoirs sociaux et des conditions nécessaires pour constituer une dialectique interne à la sociologie, afin de permettre l’autogestion par les chercheurs d’un projet circonscrit à l’explication de l’irréductibilité sociale de la vie humaine.
EN:
The concept of sociology as a social science seems to be increasingly marginalized. Rather than address whatever crisis may be affecting sociology as a field of study, this article explores different modalities and various possibilities for enhancing collaboration among sociologists. It posits that more extensive cooperation requires a more precise definition of the unique relationships between both ethics and politics and sociology. To advance our understanding of these ethical and political relationships, the author reconsiders an existing proposal that positions sociology, in its broadest sense, as a collective inquiry of “pluralism with constraints” (Berthelot, 2003 : 35). Beginning with an examination of the foundations and limits of this approach as it is understood by sociologists, the author argues that it is necessary to appraise the overall state of social cognition, as well as the requisite conditions for promoting dialectics among sociologists, in order for researchers to conduct projects specifically designed to explore the social irreducibility or complexity of human life.
ES:
El proyecto de la sociología como ciencia social parece marginado hoy en día. Más que comprender una crisis de la sociología, este artículo busca explorar las modalidades de una cooperación más amplia entre los sociólogos, cooperación que requiere aclarar las relaciones con la ética y la política propias de esta forma de conocimiento que constituye la sociología. Para ello, el primer paso es revisar una propuesta anterior para orientar la sociología hacia un trabajo que se definiría colectivamente como “un pluralismo restringido” (Berthelot, 2003 : 35). A partir del estudio de los fundamentos y las limitaciones de este enfoque del trabajo colectivo de los sociólogos, se propone tener mejor en cuenta tanto las condiciones generales del estado de los saberes sociales como de las condiciones necesarias para constituir una dialéctica interna de la sociología, con el fin de permitir la autogestión por parte de los investigadores de un proyecto circunscrito a la explicación de la irreducibilidad social de la vida humana.
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L’autonomie des sciences sociales en état d’urgence ? État des lieux de la situation française dix ans après le colloque « Droit d’enquêter »
Sylvain Laurens
pp. 47–67
AbstractFR:
Dix ans après le colloque qui a donné lieu à la parution de l’ouvrage Enquêter : de quel droit ?, cet article est l’occasion de dresser un bilan de l’évolution des dangers qui pèsent aujourd’hui sur l’exercice de la liberté de recherche. À partir d’une mini-enquête menée auprès des collègues ayant répondu à l’appel d’offres « Attentats » lancé par le CNRS, nous souhaiterions également reprendre à nouveaux frais cette question des contraintes juridiques posées à la recherche en concentrant la focale sur les formes d’hétéronomisation spécifiques qu’expérimente le champ académique lorsqu’il doit légitimer son utilité dans le contexte d’une réactivation régulière de l’état d’urgence.
EN:
The purpose of this article is to assess the evolution of the inherent threats to researchers and their ability to freely conduct independent inquiries which were raised during the 2009 « droit d’enquêter » conference that culminated with the publication of Enquêter : de quel droit ?. Beginning with a survey of the observations offered by colleagues who responded to « Attentats », the invitation to comment from the Paris-based scientific research organization, the Centre nationale de la recherche scientifique (CRNS), I re-examine various issues regarding the legal constraints to research. In particular, I focus on specific forms of heteronomization with which academic inquiry must contend to maintain its independence in order to justify its relevance and legitimacy.
ES:
Diez años después del coloquio que condujo a la publicación del libro Enquêter : de quel droit ? (Investigar : ¿con qué derecho ?), este artículo constituye una oportunidad para hacer un balance de la evolución de los peligros que pesan actualmente sobre el ejercicio de la libertad de la investigación. A partir de una mini-encuesta realizada entre colegas que respondieron a la licitación “Attentats” (“Atentados”) del CNRS, desearíamos igualmente retomar nuevamente esta cuestión de las limitaciones jurídicas impuestas a la investigación, centrándonos en las formas específicas de la heterononomización experimentadas por el ámbito académico cuando se trata de legitimar su utilidad en el contexto de una reactivación regular del estado de urgencia.
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Sociologie de l’éthique de la recherche contemporaine : banalité du risque, cynisme réflexif et maximalisme moral
Marcelo Otero
pp. 69–98
AbstractFR:
Cet article se propose de comprendre sociologiquement la montée du maximalisme moral en matière d’éthique de la recherche en mettant de l’avant cinq pistes d’analyse solidaires : 1- les transformations intervenues dans les conditions sociétales de « confiance systémique » (Luhmann) qui dessinent une nouvelle scène normative ; 2- la banalisation du « risque ordinaire » (Beck) comme rapport sociétal qui sous-tend le maximalisme moral ; 3- l’institutionnalisation du « cynisme réflexif » (Sloterdijk) comme position stratégique courante des acteurs mobilisés autour de l’éthique de la recherche ; 4- l’opposition fondamentale entre « maximalisme moral » et « minimalisme éthique » comme l’effet sociétal des nouvelles conditions normatives de confiance ; et 5- la position paradoxale que l’injonction à l’autonomie occupe dans les sociétés contemporaines à la fois prescrite comme vertu cardinale de l’individualité et minorisée par le précautionnisme bureaucratique et le providentialisme moral.
EN:
This article provides a sociological understanding of the growing importance of moral maximalism in the field of research ethics. It advances five complimentary analytical approaches, as follow : 1- the ongoing evolution in the societal conditions of “systemic trust” (Luhmann) which define a new normative framework ; 2- the banalization of “ordinary risk” (Beck) as a societal relationship upon which moral maximalism is based ; 3- the institutionalisation of “self-reflexive cynicism” (Sloterdijk) as a shared, central tenet of inquiry in the field of research ethics ; 4- the basic contradiction between “moral maximalism” and “ethical minimalism” as the societal outcome of new, normative conditions of trust ; 5- the paradoxical position that the precept of self-determination in contemporary societies is championed as a fundamental principle of individual identity yet subordinated by bureaucratic precautionism and moral providentialism.
ES:
Este artículo propone la comprensión sociológica del auge del maximalismo moral en materia de ética de la investigación, mediante la presentación de cinco vías de análisis solidarios : 1- las transformaciones que han tenido lugar en las condiciones societales de “confianza sistémica” (Luhmann) que definen una nueva escena normativa ; 2- la banalización del “riesgo ordinario” (Beck) como una relación societal que subyace en el maximalismo moral ; 3- la institucionalización del “cinismo reflexivo” (Sloterdijk) como posición estratégica común de los actores movilizados en torno a la ética de la investigación ; 4- la oposición fundamental entre el “maximalismo moral” y el “minimalismo ético” como efecto societal de las nuevas condiciones normativas de confianza ; y 5- la posición paradójica que ocupa el requerimiento de la autonomía en las sociedades contemporáneas, a la vez prescrita como virtud cardinal de la individualidad y minorizada por el precaucionismo burocrático y el providencialismo moral.
Éthique, politique et rôle des chercheur·es en sciences sociales
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Standardisation de l’éthique, utilité sociale de la recherche et rapports de pouvoir : une expérience de recherche-action pour l’accès à la justice
Emmanuelle Bernheim
pp. 101–122
AbstractFR:
Les principes de l’éthique de la recherche visent à assurer la protection des participant.es, notamment par l’expression de leur consentement libre et éclairé et le respect de leurs volontés. En pratique, c’est la signature du formulaire de consentement qui formalise la participation volontaire et est garante de la compréhension des paramètres de la recherche, y compris les risques qui y sont associés. Certains contextes de recherche se prêtent cependant mal à ce formalisme. C’est le cas des terrains de recherche menés incognito dont l’utilité et la pertinence scientifiques et sociales ne sont plus à démontrer. Or la mise en oeuvre discrétionnaire par les comités d’éthique de la recherche des exceptions aux exigences formelles concernant le consentement des participant.es soulève différentes questions, dont celles de l’interprétation du risque, de la confiance accordée aux chercheur·es, de la prise en compte des spécificités de la recherche-action et des contraintes spécifiques au milieu communautaire. Dans cet article, à partir d’une expérience de recherche-action menée en clinique juridique, je démontrerai que, sous couvert de bonnes intentions, la standardisation de l’éthique encourage le statu quo, plaçant la recherche au service des institutions de pouvoir et contribuant à invisibiliser certaines expériences et certains discours marginalisés.
EN:
The principles of research ethics are formulated to protect participants, especially with regard to the expression of their freely-offered and informed consent, and with an underlying respect for their individual intentions and motivations. In practice, it is the signature on a declaration of consent that formalizes voluntary participation and defines research criteria and parameters, including all associated risks. But some research projects do not easily lend themselves to such strict legalities. This is particularly true of incognito research initiatives about which the scientific and social utility and significance are demonstrable. Research ethics committees, however, often have a discretionary authority to exempt formal requirements about consent and the free will of research participants. When put into practice, these discretionary powers can raise various concerns, such as those pertaining to interpretations of risk, the trust accorded to researchers, the particular characteristics of action-research, and other constraints specific to the community environment in which the research is conducted. In this article, I cite the example of an action-research project undertaken in a legal clinic to demonstrate that, despite the best of intentions, the standardization of research ethics reinforces the status quo. I argue that standardization facilitates research that primarily serves the interests of existing power structures and institutions while sidelining various projects and perspectives that are already marginalized.
ES:
Los principios de la ética de la investigación tienen por objeto garantizar la protección de los(as) participantes, principalmente a través de la expresión de su consentimiento libre e informado y del respeto de sus voluntades. En la práctica, la firma del formulario de consentimiento formaliza la participación voluntaria y garantiza la comprensión de los parámetros de la investigación, incluidos los riesgos asociados a la misma. Algunos contextos de investigación, sin embargo, no se prestan convenientemente a este formalismo. Es el caso de los campos de investigación llevados a cabo de forma anónima, cuya utilidad y pertinencia científica y social ya no es necesario demostrar. No obstante, la aplicación discrecional por parte de los comités de ética de la investigación de las excepciones a las exigencias formales acerca del consentimiento de los(as) participantes plantea diferentes cuestiones, entre ellas, la interpretación del riesgo, la confianza otorgada a los(as) investigadores(as), la de tener en cuenta las especificidades de la investigación-acción y las restricciones específicas del entorno comunitario. Basado en una experiencia de investigación-acción realizada en una clínica jurídica, en este artículo demostraré que, bajo el pretexto de las buenas intenciones, la estandarización de la ética alienta el statu quo, poniendo la investigación al servicio de las instituciones de poder y contribuyendo a la invisibilización de ciertas experiencias y ciertos discursos marginalizados.
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Entretien avec Marie-Ève Maillé
L’éthique et le politique sur le terrain
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Justice et médias sociaux : les enjeux éthiques de la recherche en ligne au prisme d’une approche contextuelle
Alexandra Bahary-Dionne
pp. 137–163
AbstractFR:
Depuis une dizaine d’années, la recherche en contexte numérique a conduit à repenser les notions de consentement, de vie privée et de confidentialité au point où l’éthique de la recherche en ligne serait devenue en soi un champ de recherche. Dans cet article, je développe la réflexion selon laquelle une étude ethnographique des usages numériques devrait mobiliser une approche contextuelle afin d’être menée éthiquement. Ceci implique que les données en ligne qui sont accessibles publiquement ne sont pas de facto publiques et qu’il importe de tenir compte des attentes des internautes. Je mets alors cette réflexion à l’épreuve de mon ethnographie sur les pratiques informationnelles des internautes sur deux groupes Facebook de partage d’information juridique. À travers ce cas à l’intersection du droit et de la communication, je soutiens qu’une approche contextuelle implique aussi d’appréhender la démarche éthique au prisme de l’objet de la recherche et de son contexte disciplinaire.
EN:
For more than a decade, the increasing popularity of online research has prompted a rethinking or reconsideration of such notions as consent, privacy and confidentiality. This re-examination has been so extensive that the ethics of online research has emerged as a distinct field of study. In this article, I discuss how an ethnographic study of digital practices should adopt a contextual approach to ensure research in this field is conducted in an ethical manner. Such an approach implies that publicly-accessible online data are not de facto public, so it is imperative to recognize and heed the expectations and requirements of internet users. I tested this hypothesis in my ethnographic research of the online practices of two Facebook groups whose members share legal information. Based on my analysis of their online activity, which combines aspects of both the law and communications, I argue that a contextual approach also encompasses an understanding of the ethical considerations that are inherent to the disciplinary context and goal of a research project.
ES:
Durante la última década, la investigación en el contexto digital ha llevado a un replanteamiento de los conceptos de consentimiento, privacidad y confidencialidad, hasta el punto que la ética de la investigación en línea ha llegado a ser en sí misma un campo de investigación. En este artículo desarrollo una reflexión según la cual el estudio etnográfico de los usos digitales debería implicar un enfoque contextual con el fin de ser manejado éticamente. Esto implica que los datos disponibles públicamente en línea no son de facto públicos y que es importante tener en cuenta las expectativas de los internautas. Luego someto esta reflexión a prueba por medio de mi etnografía acerca de las prácticas informacionales de los internautas en dos grupos de Facebook de intercambio de información jurídica. A través de este caso, en la intersección del derecho y la comunicación, sostengo que un enfoque contextual implica además aprehender el enfoque ético a través del prisma del objeto de investigación y de su contexto disciplinario.
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L’éthique dans la recherche auprès de personnes dites « vulnérables » : analyse et réflexion à partir de situations tirées de projets de recherche menés auprès de personne « en situation de précarité résidentielle »
Pierre-Luc Lupien
pp. 165–187
AbstractFR:
Les politiques d’éthique de la recherche sont appliquées de manière plus serrée dès qu’il est question de projets impliquant des populations considérées comme « vulnérables » (Mondain et Sabourin, 2009). La vulnérabilité dont il est question dans ces politiques est davantage celle issue de la recherche biomédicale sur des « sujets humains » que celle développée dans les sciences humaines et sociales (SHS) pour comprendre le « nouveau contexte sociétal » (Soulet, 2005). La définition de la « vulnérabilité » à laquelle les différentes politiques font référence reste assez limitée et semble être opérationnalisée par les instances éthiques comme un attribut déduit de l’appartenance à certains groupes ciblés (Bracken-Roche et al., 2017). Cet article porte sur les limites posées par cette définition dans le contexte de deux projets de recherche qualitative sur la précarité résidentielle menés auprès de populations considérées comme « vulnérables ».
EN:
Research ethic politics play a bigger part of projects when the population is said to be « vulnérable » (Mondain et Sabourin 2009) are involved. The term vulnerability is taken more often than not from biomedical research on human subjects rather than in social and human sciences created to understand the « new societal context » (Soulet 2005). The definition of vulnerability they refer to is limited and used by ethic authorities as a criterion to be part of selected group (Bracken-Roche et al. 2017). This article relates the limits established by this definition in a case study of two qualitative research projects on residential insecurity conducted on the population said « vulnerable ».
ES:
Las políticas en ética de la investigación se aplican más estrechamente cuando se trata de proyectos en los que participan poblaciones consideradas “vulnerables” (Mondain y Sabourin, 2009). La vulnerabilidad discutida en estas políticas es más la que proviene de la investigación biomédica en “sujetos humanos” que la desarrollada por las ciencias humanas y las ciencias sociales (CHS) para comprender el “nuevo contexto societal” (Soulet, 2005). La definición de “vulnerabilidad” a la que hacen referencia las diferentes políticas sigue siendo bastante limitada y parece ser operacionalizada por las instancias éticas como un atributo deducido de la pertenencia a ciertos grupos objetivo (Bracken-Roche et al., 2017). Este artículo examina los límites que presenta esta definición en el contexto de dos proyectos de investigación cualitativa acerca de la precariedad residencial, realizados en poblaciones consideradas “vulnerables”.
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Enseigner l’éthique de la recherche qualitative en sociologie : réflexions sur quelques dilemmes pédagogiques et déontologiques
Michaël Séguin
pp. 189–211
AbstractFR:
La littérature sur l’enseignement de la recherche qualitative pose sans ambages que la pratique est encore le meilleur des maîtres. Ce constat, qui semble aussi s’étendre à l’enseignement de l’éthique de la recherche, n’est pas sans soulever de nombreux dilemmes. Par exemple, est-il acceptable pour des étudiants de premier cycle universitaire de mener un court projet de recherche sans l’approbation institutionnelle d’un comité d’éthique ? Peut-on se « servir » d’individus, y compris d’individus potentiellement vulnérables, pour se faire la main à l’observation ou à l’entretien ? Faut-il prémunir les étudiants des chocs qui les attendent sur le terrain ? Enfin, certaines postures épistémologiques sont-elles plus acceptables éthiquement que d’autres ? Cet article aborde ces différents enjeux à partir de cas qui se sont présentés au fil de mon enseignement tout en cherchant à les inscrire dans la perspective d’une « intentionnalité éthique dans la recherche plutôt que de la recherche » (Sabourin, 2009 : 66).
EN:
Publications on the teaching of qualitative research clearly state that practice makes perfect. But this observation, which also applies to the teaching of research ethics, raises a number of important questions or concerns. For example, is it appropriate for undergraduate university students to conduct a small-scale research project without the approval of an ethics committee ? Can any individuals, including potentially vulnerable individuals, be “used” as subjects for observation or interviews ? Should students be forewarned of potential problems or unpleasant surprises that may await them in the field ? Are some epistemological assumptions and approaches more ethically acceptable than others ? This article addresses these and related issues based on situations I have experienced over the course of my teaching career. It examines these concerns from the perspective of “ethical intentionality in research as opposed to research per se” (Sabourin, 2009 : 66).
ES:
La literatura acerca de la enseñanza de la investigación cualitativa deja claro que la práctica sigue siendo el mejor de los maestros. Esta constatación, que parece además extenderse a la enseñanza de la ética de la investigación, plantea muchos dilemas. Por ejemplo, ¿es aceptable que los estudiantes de pregrado lleven a cabo un breve proyecto de investigación sin la aprobación institucional de un comité de ética ? ¿Es posible “utilizar” a individuos, incluso individuos potencialmente vulnerables, con el fin de realizar la observación o la entrevista ? ¿Se deberían proteger a los estudiantes del choque que les espera en el trabajo de campo ? Por último, ¿son éticamente más aceptables algunas posturas epistemológicas que otras ? Este artículo aborda estos diferentes cuestionamientos a partir de algunos casos surgidos a lo largo de mi trayectoria en la enseñanza, a la vez que busco inscribirlos dentro de una perspectiva de la “intencionalidad ética en la investigación más que de la investigación (Sabourin, 2009 : 66).
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Procédure et pratique en éthique de la recherche : de la norme du vivant à la reconnaissance du vécu
Pier-Olivier Tremblay
pp. 213–236
AbstractFR:
Les comités d’éthique de la recherche (CER) et les dynamiques qu’ils induisent dans les sciences sociales ont fait l’objet de plusieurs travaux critiques depuis le début des années 2000. Cet article poursuit la réflexion amorcée par ces travaux en considérant la dimension normative de l’éthique de la recherche telle qu’elle est définie par l’Énoncé de politique des trois conseils (EPTC) au Canada. Cette normativité est mise en évidence à travers une description du contexte politique et philosophique à l’origine de la bioéthique et par une comparaison des principes moraux contenus dans l’EPTC à des exemples de relations d’enquête tirés de mes expériences de recherche. L’article défend l’idée que l’EPTC, par ses racines morales bioéthiques, représente un outil pour les comités d’éthique pouvant reconduire un déclassement de la vie conçue comme fait social et politique au profit de la vie conçue comme fait biologique. Les relations d’enquête proposées en contre-exemple mettent en scène une négociation du consentement qui vise la reconnaissance de la vie humaine comme fait social et politique. Cette négociation, en plus d’être à la base de la confiance accordée par les participant-e-s, a le potentiel de faire émerger d’autres enjeux qui peuvent amener les chercheur-e-s à questionner leur approche et leurs présupposés éthiques. Le terrain devient ainsi un enchevêtrement de cadres de références où la procédure, la pratique et l’ordinaire se rencontrent et complexifient pour les chercheur-e-s l’identification de ce qui devrait être considéré comme une question d’éthique de la recherche.
EN:
Research ethics committees (REC) and the dynamics of change they have initiated in the social sciences have been the subject of critical study since the beginning of the new millennium. This article expands on this body of work with a focussed examination of the normative approach to research ethics, as outlined in the Canadian Tri-Council Policy Statement (TCPS). This normativity is defined, first, by a description of the political and philosophical foundations of bioethics and, secondly, with a comparison of the moral principles and guidelines outlined in the TCPS with examples of investigative relationships taken from my personal research experience. This article argues that the TCPS, by virtue of its origins in bioethics, is an instrument that research ethics committees use to promote the idea of life as a biological reality to the detriment of the idea of life as a social and political reality. In my analysis, I present two instances of investigative relationship with participants, whose narratives value consensual negotiation and recognition that life is, indeed, a social and political fact. In addition to being the basis for the trust that motivates research participants, the process through which consent is negotiated may raise other issues that lead researchers to question their investigative methodologies and ethical presuppositions. Thus, for anthropologists and social scientists using ethnographic methods, the fields is a complex frame of reference in which procedure, practice and everyday experience overlap and complicate the work of researchers as they ponder matters relating to research ethics.
ES:
Los Comités de ética de la investigación (Comités d’éthique de la recherche, CER) y las dinámicas que éstos inducen en las ciencias sociales han sido objeto de varias obras críticas desde principios del año 2000. Este artículo continúa la reflexión iniciada por estos trabajos, considerando la dimensión normativa de la ética de la investigación, tal como es definida por la Declaración de la política de los tres consejos (Énoncé de politique des trois conseils, EPTC) en Canadá. Esta normatividad es destacada por medio de la descripción del contexto político y filosófico que da origen a la bioética, y por la comparación de los principios morales contenidos en el EPTC, por medio de ejemplos de relaciones de investigación extraídas de mis experiencias de investigación. Dadas sus raíces morales bioéticas, este artículo defiende la idea de que la EPTC representa una herramienta para los comités de ética, pudiendo así renovar el desmantelamiento de la vida concebida como un hecho social y político a favor de la vida concebida como un hecho biológico. Las relaciones de investigación propuestas como contraejemplo representan una negociación del consentimiento que busca el reconocimiento de la vida humana como un hecho social y político. Esta negociación, además de ser la base de la confianza depositada por los(as) participantes, tiene el potencial de plantear otras cuestiones que pueden llevar a los(as) investigadores(as) a cuestionar su enfoque y sus suposiciones éticas. El terreno deviene así una maraña de marcos de referencia donde el procedimiento, la práctica y lo ordinario se reúnen y hacen más complejo para los(as) investigadores(as) la identificación de lo que debería considerarse una cuestión de ética de la investigación.
Hors thème
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S’agit-il d’une situation de violence sexuelle ? Les repères mobilisés par les étudiantes de 1er cycle pour qualifier la violence sexuelle subie en milieu universitaire
Catherine Rousseau and Manon Bergeron
pp. 239–262
AbstractFR:
Les mécanismes qui sous-tendent l’identification ou non d’une situation en tant que violence sexuelle influencent la façon de comprendre et de qualifier l’évènement subi. Alors que des chercheures et chercheurs ont évalué la prévalence de la violence sexuelle malgré sa sous-déclaration, peu ont exploré le témoignage des personnes victimes, que ces dernières y réfèrent comme étant de la violence sexuelle ou non. En s’appuyant sur 247 récits, cette recherche propose une analyse qualitative des repères mobilisés par les étudiantes universitaires de premier cycle pour décrire et interpréter la situation vécue, selon la perception de son caractère inacceptable ou non. Les objectifs sont 1) de décrire les repères interpellés dans la description des situations de violence sexuelle en milieu universitaire subies par les étudiantes universitaires de 1er cycle ; et 2) d’explorer de quelle façon les discours associés aux mythes et aux scripts liés aux violences sexuelles peuvent moduler la façon de qualifier les situations de violence sexuelle en milieu universitaire subies par ces étudiantes. Cette recherche adopte un cadre d’analyse féministe de la violence sexuelle. Les résultats se déclinent en trois grandes catégories. D’abord, la majorité des récits font état du caractère inacceptable de la situation en se basant sur différents repères tels que l’absence de consentement sexuel, la répétition de comportements sexuels non désirés ou les répercussions vécues à la suite de la violence sexuelle (n = 162). Ensuite, des récits (n = 79) dévoilent des qualifications qui freinent l’identification du caractère inacceptable de la situation, que ce soit par des termes reflétant une minimisation ou une banalisation des comportements subis ou par une tolérance à l’égard de ce type de situation. Enfin, la troisième catégorie met en lumière l’incertitude de qualifier ce qui s’est produit comme étant une situation de violence sexuelle (n = 6). Ces résultats seront discutés à l’égard des repères théoriques choisis.
EN:
The mechanisms underlying the (non-)identification of a situation as sexual violence influence the understanding and description of the event. While researchers have estimated the prevalence of sexual violence despite its under-reporting, few have explored the description of the situation experienced by victims, whether they refer to it as sexual violence or not. Based on 247 narratives, this research proposes a qualitative analysis of the contextual cues mobilized by undergraduate university students to describe and interpret the situation, according to the perception of its unacceptability. The objectives are 1) to describe the benchmarks involved in the description of situations of sexual violence in university context experienced by undergraduate female students and 2) to explore how rape myths and rape script can influence the description of these situations. This research adopts a feminist analysis framework. The results suggest three main categories. First, the majority of narratives point to the unacceptability of the situation, based on different contextual cues such as lack of sexual consent, repetition of unwanted sexual behaviors or negative impacts as a result of the sexual violence (n = 162). Then, some narratives (n = 79) reveal qualifications that hinder the identification of the unacceptable nature of the situation, whether by terms reflecting minimization, banalization or a tolerance towards this type situation. Finally, the third category highlights ambivalence in how to describe the situation of sexual violence (n = 6). These results will be discussed with regard to the chosen theoretical concepts.
ES:
Los mecanismos que subyacen en la identificación o no de una situación como violencia sexual, influyen en la manera como se comprende y caracteriza la experiencia vivida. Si bien los(as) investigadores(as) han evaluado la prevalencia de la violencia sexual a pesar de su sub-declaración, pocos han explorado el testimonio de las víctimas, ya sea que éstas últimas se refieran a ella como violencia sexual o no. Apoyándose en 247 relatos, esta investigación proporciona un análisis cualitativo de los puntos de referencia movilizados por estudiantes universitarias de pregrado para describir e interpretar la situación vivida, según la percepción de su carácter inaceptable o no. Los objetivos son 1) describir los puntos de referencia identificados en la descripción de las situaciones de violencia sexual experimentadas por estudiantes universitarias de 1er Ciclo en el medio universitario ; y 2) explorar cómo los discursos asociados a los mitos y guiones relacionados con la violencia sexual pueden modular la manera de calificar las situaciones de violencia sexual experimentadas por estas estudiantes en un medio universitario. Esta investigación adopta un marco de análisis feminista de la violencia sexual. Los resultados se dividen en tres grandes categorías. En primer lugar, la mayoría de los relatos señalan el carácter inaceptable de la situación, basándose en diversos puntos de referencia, tales como la falta de consentimiento sexual, la repetición de los comportamientos sexuales no deseados o las repercusiones vividas luego de una situación de violencia sexual (162 casos). Enseguida, los relatos (79 casos) revelan cualificaciones que obstaculizan la identificación del carácter inaceptable de la situación, ya sea en términos que reflejen una minimización o banalización de los comportamientos experimentados o por la tolerancia frente a este tipo de situaciones. Por último, la tercera categoría destaca la incertidumbre al caracterizar lo ocurrido como una situación de violencia sexual (6 casos). Estos resultados son discutidos con relación a los puntos de referencia teóricos elegidos.
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Quand laïcité rime avec catholicité : l’édification des lieux de culte à Boulogne-Billancourt
Gwendoline Malogne-Fer
pp. 263–288
AbstractFR:
Cet article analyse les pratiques ordinaires de la laïcité à Boulogne-Billancourt à travers les relations qui s’établissent sur le plan local, entre autorités politiques et autorités religieuses dans le cadre de l’édification de nouveaux lieux de culte de cette ville des « beaux quartiers » de l’Ouest parisien. À un premier niveau, la politique municipale à l’égard des principales communautés religieuses — catholique, juive et musulmane — est légitimée par les principes de neutralité et d’égalité, la ville soutenant toutes ces communautés. À un second niveau, le régime de visibilité ou d’invisibilité des lieux de culte permet de prendre la mesure des rapports de pouvoir au sein desquels s’inscrivent ces relations entre acteurs religieux et acteurs politiques, adossés à une conception municipale de la laïcité largement inspirée par la doctrine et l’expérience de l’Église catholique dans ce domaine.
EN:
This article analyses the ways in which secularism is practised on an everyday basis by political and religious authorities in Boulogne-Billancourt, a ‘bourgeois’ suburb immediately southwest of Paris. This study describes the ways in which secularism is expressed through the relationships which exist between municipal and religious leaders and how these relationships impact the construction of places of worship. Upon initial examination, municipal policy toward the three primary religious communities — Catholic, Jewish and Muslim — appears to be founded upon and sanctioned by the principles of neutrality and equality. Upon further examination, the study establishes that the relative visibility, or invisibility, of places of worship is a function of the power structure within which the relationships between religious and political authorities are embedded, and that the municipal approach to secularism is drawn from the doctrine and experience of the Catholic Church.
ES:
Este artículo analiza las prácticas ordinarias del laicismo en Boulogne-Billancourt a través de las relaciones que se establecen a nivel local entre las autoridades políticas y las autoridades religiosas en el contexto de la construcción de nuevos lugares de culto en estos “barrios burgueses” al oeste de la ciudad de París. En un primer nivel, la política municipal respecto a las principales comunidades religiosas —católicas, judías y musulmanas— es legitimada por los principios de neutralidad e igualdad, a la vez que la ciudad apoya a todas estas comunidades. En un segundo nivel, el régimen de visibilidad o invisibilidad de los lugares de culto permite medir las relaciones de poder al interior de las cuales se inscriben estas relaciones entre actores religiosos y políticos, respaldadas por una concepción municipal del laicismo, en gran medida inspirada en la doctrina y la experiencia de la Iglesia católica en este ámbito.