
Meta
Journal des traducteurs
Translators' Journal
Volume 55, numéro 1, mars 2010 Le parcours du sens : d’une langue à l’autre — Mélanges offerts à André Clas The Way of Meaning: From a Language to Another — Collection of Articles Offered to André Clas Sous la direction de Salah Mejri et Gaston Gross
Sommaire (18 articles)
Traduction
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Sur le discours méta-traductif de la traductologie
Jean-René Ladmiral
p. 4–14
RésuméFR :
L’auteur rend hommage à l’ampleur et à la diversité de tout ce qu’a accompli André Clas, en soulignant l’importance qu’y revêt la traduction, et notamment son travail éditorial à la direction de la revue Meta. Puis il thématise quatre approches méthodologiques fondamentales en traductologie : prescriptive ou normative, descriptive, inductive ou scientifique et productive (orientée vers la pratique). Il critique les contrastivistes, qui ne s’intéressent à la traduction que dans la perspective d’une comparaison entre les langues, leur opposant les véritables traductologues, qui prennent pour objet la réalité de la pratique traduisante. Enfin il reprend, sur de nouveaux frais, l’immémoriale question du littéralisme en traduction, aux termes de laquelle s’opposent sourciers et ciblistes.
EN :
The author pays tribute to the extent and range of achievements of André Clas, by highlighting the importance he placed on translation, and in particular his editorial work with the journal Meta. He then focuses on four fundamental methodological approaches in translatology: prescriptive or normative, descriptive, inductive or scientific, and productive (directed towards practice). He criticizes the contrastivists, who are interested in translation only from the point of view of comparing the languages, and places them in opposition to the real traductologists, who deal in the reality of translation practice. He ultimately addresses, on new grounds, the immemorial question of literalism in translation, with the target vs. source proponents on opposing flanks.
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Le traducteur, le médecin et le patient
Christian Balliu
p. 15–22
RésuméFR :
Le texte médical est d’apparence scientifique et semble se caractériser par le recours aux termes. En réalité, la subjectivité y est omniprésente et se traduit par le recours aux mots, qui sont les véritables enjeux de la traduction. La terminologie ne pose pas de problème particulier au traducteur, toute l’information étant disponible grâce aux grandes banques de données documentaires, au multimédia en général et aux réseaux d’informateurs. Ce sont les mots qui véhiculent le vrai sens du texte et qui constituent un véritable défi pour le traducteur. Les termes, quant à eux, sont des leurres scientifiques qui cachent des objectifs qui le sont moins, comme la quête d’une reconnaissance scientifique, la course aux crédits de recherche ou le positionnement d’un laboratoire. D’autre part, le caractère impersonnel d’un texte médical spécialisé, qui en garantirait le caractère objectif, est de plus en plus contestable, à cause de l’importance qu’ont pris l’immunologie et la psychiatrie dans la médecine contemporaine. Ces dernières décennies, l’immunologie et la psychiatrie ont mis en avant une conception du patient qui prend en compte le psychologique dans l’analyse des troubles physiologiques. De la sorte, le discours médical réhabilite aussi le sujet à la première personne, même si sa présence reste latente dans le texte.
EN :
A medical text has a scientific aspect, apparently characterized by the use of terms. But in fact, there is subjectivity throughout, expressed through words which are the real issue of translation. The terminology poses no particular problem for the translator since this information is available from major documentation databases, from multimedia and from informational networks. The words convey the text’s true meaning and represent the real challenge for the translator. The terms are but scientific decoys, hiding lesser targets that include the quest for scientific recognition, the race for research credits or the positioning of a laboratory. On the other hand, the impersonal character of a specialized medical text, which used to guarantee its objectivity, is now increasingly questioned because of the importance in contemporary medicine of immunology and psychiatry. In recent decades, immunology and psychiatry have highlighted a conception of the patient that takes the psychological dimension into account in the study of physiological troubles. In this way, medical discourse brings back into favour the first person subject, however discreet his presence may be in the text.
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Traduire l’intraduisible : négocier un compromis
Christine Durieux
p. 23–30
RésuméFR :
La notion de langue-culture est intégrée à la réflexion traductologique depuis plus de vingt ans. Ainsi est-il admis que toute étude des productions langagières interlinguistiques comporte une dimension interculturelle. Le présent développement propose une exploration des objets intraduisibles du fait de leur ancrage dans une culture donnée, et suggère des procédures de résolution. L’opération traduisante relève alors de la négociation. Le traducteur, intermédiateur dans la chaîne de communication interlinguistique, recherche un compromis et met en oeuvre une stratégie de négociation allant de l’emprunt à l’adaptation, voire la transposition. Or, l’exploitation d’exemples extraits de discours authentiques montre que les objets considérés intraduisibles et qui, par conséquent, peuvent être transférés non traduits dans la langue d’arrivée – emprunts et xénismes – constituent en réalité des traductions en raison du glissement sémantique qui accompagne systématiquement leur réception et leur intégration dans la culture d’accueil.
EN :
It is currently accepted that every study concerning cross-linguistic verbal interactions includes a cross-cultural dimension. This paper tries to explore untranslatable objects due to the way they are rooted in a given culture and suggests resolution procedures. The translating process then falls within the arena of negotiation. The translator, an intermediate link in the communication chain, strives to find a satisfactory compromise and applies a negotiation strategy from borrowing to adapting and even localizing. The development of examples drawn from published texts shows that objects considered untranslatable, and thus taken as loan words in the target language, are in fact a kind of translation since a semantic shift occurs systematically with their reception and integration in the target culture.
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Traduction et fixité idiomatique
Salah Mejri
p. 31–41
RésuméFR :
À la faveur des théories interprétatives, il n’est pas d’usage d’évoquer la dimension linguistique dans les traductions. Or, il y a un domaine où l’on ne peut en faire l’économie, celui où les énoncés à traduire impliquent des fixités linguistiques, c’est-à-dire des configurations spécifiques de la forme de la substance ou du contenu des signes linguistiques. Cela concerne des types de discours aussi variés que les séquences figées, les créations poétiques ou le discours humoristique. L’analyse des fixités linguistiques dans ces discours permet de constater que plus la stratification des fixités est importante, plus les difficultés de traduction sont complexes. Lors de la traduction de ces textes, on est le plus souvent appelé à faire des choix où l’on essaie de gérer au mieux les déficits lors du passage de L1 à L2. Toutes les illustrations concernent la traduction du français vers l’arabe.
EN :
Thanks to interpretative theories, it is common practice not to evoke the linguistic dimension in translations. However, there is a domain where one cannot do without it, that is, where the utterances to be translated involve linguistic fixities, i.e., specific configurations of the form of the substance or the content of linguistic signs. That relates to types of discourses as varied as fixed phrases, poetic creations, humorous speech. An analysis of linguistic fixities in these discourses yields the conclusion that the more important the stratification of the fixities, the more complex the translation difficulties. During translation, one generally has to make choices in order to manage as well as possible the deficits in the passage from L1 into L2. All illustrations concern the translation from French into Arabic.
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Propriétés transformationnelles unaires en lexicographie informatique
Xavier Blanco
p. 42–57
RésuméFR :
Le présent article fait état d’un inventaire des propriétés transformationnelles unaires pensé pour le codage des prédicats dans un dictionnaire électronique conçu principalement pour la traduction automatique espagnol-français. Le travail a un caractère éminemment métalexicographique et appliqué. Il ne contient pas de nouveautés théoriques puisque toutes les transformations présentées sont bien connues. Son but est de fournir à un linguiste informaticien travaillant en contexte multilingue une vue d’ensemble de cette partie de la description linguistique. En amont des propriétés transformationnelles, nous traitons les alternances de traits syntactico-sémantiques pour une position argumentale donnée, les alternances de prépositions, les interprétations non agentives et les diathèses spéciales. Comme transformations unaires, nous présentons : l’insertion de déterminants nominaux, l’insertion de partie appropriée, les insertions d’un argument, les pronominalisations, l’effacement d’un argument, les permutations d’arguments (sous-divisées en : permutations proprement dites, détachements, extrapositions et extractions), les changements de diathèse (la passive pleine, la passive indirecte, le réfléchi, la passive impersonnelle et différents types de restructurations : les restructurations N0 – (Prép) N1, les restructurations N0 – Prép N2 et les restructurations (Prép) N1 – Prép N2). Finalement, nous abordons les variantes syntaxiques des verbes support. Les propriétés retenues sont illustrées moyennant des exemples en français et en espagnol.
EN :
This paper presents an inventory of unary transformational properties intended to encode predicates in an electronic dictionary. This work has mainly a metalexicographical and applied character. The paper does not present any theoretical innovation, since all the discussed transformations are well known. The aim of the paper is to provide the computational linguist working in a multilingual context with an overview of this aspect of the linguistic description. First, as a related phenomenon, we present the alternation of syntactico-semantic features, the preposition alternations, the non-agentive interpretations and the special diathesis. As unary transformations we present: insertion of nominal determiners, insertion of appropriate part, insertion of one argument, pronominalisation, deletion of an argument, permutation of arguments (subdivided in permutations per se, frontings, extrapositions and extractions), diathesis change (i.e., full passive, indirect passive, reflexive, impersonal passive and different kinds of restructurations: N0 – (Prép) N1 restructurations, N0 – Prép N2 restructurations and (Prép) N1 – Prép N2 restructurations). Finally, we introduce the syntactic variants for support verbs. The discussed properties are exemplified by means of French and Spanish sentences.
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Le dialogue homme-machine : un système de traduction automatique spécifique
Pierre-André Buvet et Laurent Tromeur
p. 58–70
RésuméFR :
Nous décrivons un système de dialogue homme-machine conçu comme un système de traduction bilingue qui a la particularité de mettre en relation une langue naturelle et un langage informatique. Le système de dialogue homme-machine doit servir d’interface entre un utilisateur et une plateforme Web qui développe automatiquement des applications informatiques. Dans un premier temps, nous rappelons les particularités d’un système de dialogue homme-machine et nous présentons le système d’interaction en langue naturelle que nous utilisons. Dans un deuxième temps, nous détaillons le mode de fonctionnement du système de transfert. Dans un troisième temps, nous précisons le traitement linguistique qui permet au système d’interpréter des instructions rédigées par les usagers et de les traduire en langage-machine.
EN :
We describe a human-machine dialog system designed as a transfer system which establishes a relationship between a natural language and an artificial language. The human-machine dialog system is intended to be used as an interface between a user and a Web platform which automatically develops applications. We first discuss the human-machine dialog system. We then describe how the transfer system works. We finally depict the natural language processing which enables the system to interpret and translate the user instructions.
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Traduire l’humour dans des films français doublés en espagnol
Pedro Mogorrón Huerta
p. 71–87
RésuméFR :
L’humour est un phénomène universel, présent dans toutes les cultures, les langues et les civilisations, et très difficile à traduire. Lorsque la traduction d’un élément humoristique doit, de plus, se faire dans un texte audiovisuel, la difficulté augmente considérablement, en raison des caractéristiques et des restrictions inhérentes à ce type de support qui est subordonné aux limitations temporelles et spatiales des scènes et des dialogues. Dans le présent article, nous analysons l’humour dans trois films français illustrant les catégories de la comédie ou du drame, ainsi que dans leur adaptation en espagnol. Nous analysons différentes situations dans lesquelles apparaissent des éléments humoristiques, ainsi que les moyens utilisés pour les transmettre. Nous nous demandons si la version doublée reproduit cet humour de façon intégrale. Bien que notre analyse se limite à deux langues, la méthode utilisée devrait pouvoir s’appliquer à de nombreuses autres.
EN :
Humour is a universal and cultural phenomenon very difficult to translate. Furthermore, as far as audiovisual texts are concerned, the degree of difficulty increases considerably because of their inherent characteristics, such as time or space limitation in dialogs and scenes. In this article we analyze the translation strategies of humour patterns used in the Spanish adaptations of three French films belonging to the comedy or drama categories. We stress the importance of translation strategies used in order to prevent the loss of potentially humorous elements. Even though our analysis is performed with only two languages, our methodology can also be applied to many others.
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La théorie de la traduction en Espagne
Fernando Navarro Domínguez
p. 88–104
RésuméFR :
Le présent article fait état d’un aperçu de la réflexion, en matière de théorie de la traduction, d’un important groupe de professeurs d’universités espagnoles qui oeuvrent en traduction ou en traductologie. Dans les années 1990, une série d’ouvrages pionniers voient le jour et offrent une riche diversité de concepts sur la théorie de la traduction et sur son application didactique. Si, pour Lvóvskaya, il convient de mettre l’accent sur l’équivalence dans la communication bilingue, pour Elena, il s’agit plutôt d’appliquer à l’espagnol les théories allemandes du fonctionnalisme et du skopos. Tricás, quant à elle, développe l’application des théories de l’argumentation linguistique en traduction sur le plan textuel, tandis que Hurtado se centre sur un développement exhaustif de chacun des piliers de la traduction. Rabadán et Merino, de leur côté, centrent leurs travaux sur les Études descriptives de traduction (EDT). Par ailleurs, d’autres chercheurs suivent des orientations diverses : Vidal (déconstruction, manipulation, pouvoir), Carbonell (postcolonialisme), Corpas (corpus traductologiques), Muñoz (dimension cognitive), Ortega (herméneutique) et Mayoral (la traduction comme technologie).
EN :
The present paper provides an overview of the reflections about translation theory carried out by a large group of Spanish university scholars working in the fields of Translation and Translation Studies. A number of pioneering works in these fields that offer various and rich concepts about translation theory and its didactic applications were published in the 1990s. While Lvóvskaya emphasizes on equivalence in bilingual communication, Elena is more inclined to apply functionalist and skopos German theories to Spanish language and translation. On the other hand, Tricás explores the application of language argumentation theories to translation on a textual level, whereas Hurtado pursues an exhaustive study of every pillar of translation, and Rabadán and Merino focus on the Descriptive Translation Studies (DTS). This paper also mentions the work of Vidal (deconstruction, manipulation, power), Carbonell (postcolonialism), Corpas (translation corpus), Muñoz (cognitive dimension), Ortega (hermeneutics) and Mayoral (translation as technology).
Terminologie
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La terminologie, une question de termes ?
Philippe Thoiron et Henri Béjoint
p. 105–118
RésuméFR :
Pour les terminologues historiques, le terme s’oppose radicalement au mot. Il est caractérisé par la monosémie, l’univocité, la précision de sa définition et un sens uniquement référentiel faisant de lui une étiquette apposée sur la chose. La terminologie se prétend purement onomasiologique et chargée de la standardisation des langages spécialisés. Or, depuis quelques décennies certains terminologues se sont rapprochés de la linguistique, surtout de la linguistique de corpus, pour construire une terminologie basée sur l’observation des discours, donc sémasiologique, dans laquelle le terme peut être polysémique, avoir des synonymes, avoir un sens influencé par son contexte. Pour eux, l’objectif premier n’est plus la standardisation mais la description des discours spécialisés. Ces nouveaux terminologues ont fait avancer la discipline en la rapprochant de la linguistique et en privilégiant l’observation de faits réels plutôt que l’évocation d’idéaux mais leur rejet des principes de la terminologie classique est peut-être excessif. Nous voulons montrer, en les examinant l’un après l’autre, que ces principes n’ont pas perdu tout intérêt, sur le plan de la langue et sur le plan social, en particulier pour la construction d’outils. Plutôt que d’accentuer les divergences entre les courants, il nous semble donc préférable de revendiquer leur complémentarité.
EN :
For historic terminologists the term is most definitely not the word. The term is characterized by monosemy, univocity, precision of definition; its meaning can only be referential, hence it becomes nothing but a label attached to the thing it represents. Terminology, which claims to be purely onomasiological, aims at standardizing specialized languages. In recent decades some terminologists have moved closer to linguistics, and in particular corpus linguistics, to elaborate another terminology, based on discourse observation – and hence semasiological –where terms can be polysemic, have synonyms or be context-dependent. For them, the primary objective is no longer standardization but the description of specialized discourses. These new terminologists have advanced the discipline by bringing it closer to linguistics and observing real facts rather than invoking ideals. But their dismissal of all basics of classic terminology may have gone too far. By examining them one after the other we intend to show that these basic principles are still worthwhile, from a linguistic and social point of view, especially when tools need to be created. Rather than insisting on the differences between currents, we prefer to claim that they complement one another.
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Interlinguistique et Terminologie : un bref regard en arrière
Roger Goffin
p. 119–126
RésuméFR :
Discipline frontière en quête d’un statut autonome au sein des sciences du langage, la Terminologie reste aujourd’hui orpheline d’un appareil conceptuel suffisant et d’un discours s’appuyant sur des modes de description objectifs. En réalité, à en juger par l’abondance des publications récentes, les théories de la Terminologie sont disparates, éclectiques et les pessimistes sont même tentés de parler d’enlisement, voire de crise(s) d’identité. Ils n’ont pas tout à fait tort. Un état des lieux s’impose. Qui veut bien suivre le parcours de la pensée terminologique aura tôt fait d’en constater les discordances et les blocages, les lacunes, en dépit des avancées réelles comme la prise en compte de la phraséologie et du texte complet, et la mise en perspective des aspects sociolinguistiques et cognitifs. Un bref coup d’oeil rétrospectif s’impose pour rappeler comment, dès le début des années 1970, les chercheurs ont fait leur profit de l’approche interlinguistique (au sens de linguistique différentielle) pour se déprendre des axiomes de la Terminologie d’obédience wüsterienne et pour montrer que les terminologies ne se démarquaient pas aussi radicalement de la langue générale que d’aucuns l’avaient supposé, qu’elles constituaient des polysystèmes complexes qui présentent en un rapport dialectique à la fois motivation et convention, monosémie et polysémie, analogies et anomalies, et concurrences synonymiques. L’heure étant aux bilans et aux prospectives, nous nous risquerons à faire quelques projections au triple plan des pratiques, des praxéologies (science des praxis) et de la recherche fondamentale.
EN :
A border discipline in search of an autonomous status within language sciences, Terminology today remains deprived of a conceptual tool and a discourse based on objective methods of description. In reality, judging from the abundance of recent publications, Terminology theories are disparate and eclectic. Pessimists refer to a decline if not an outright identity crisis. They are not entirely wrong. What is needed is a state of the art. Those willing to pursue the course of the terminological thought soon notice the conflicts, the barriers, and the gaps. Nonetheless, real progress has been made, such as taking phraseology and the complete text into consideration, and putting into perspective sociolinguistic and cognitive aspects. A quick retrospective glance reminds us how researchers, even from early 1970, began benefitting from the interlinguistic approach (in the sense of differential linguistics) to detach themselves from axioms of the Terminology of Wusterian obedience and to demonstrate that terminologies were not as radically distant from the general language as some presumed, that they constituted complex polysystems that present, in a dialectical relation, both motivation and convention, monosemy and polysemy, analogies and anomalies, and synonymical concurrences. Since this is the time for assessments and perspectives, we will venture to reflect on the three levels of practice, praxeology and fundamental research.
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Langue spécialisée et technolecte : quelles relations ?
Leila Messaoudi
p. 127–135
RésuméFR :
Le présent article traite de questions relatives aux deux termes langue spécialisée et technolecte et du type de relations qui les lient. Un rappel de la continuité existant entre la langue générale et la langue dite spécialisée est nécessaire avant d’essayer de présenter les traits caractérisant les langues spécialisées, pour aboutir à l’idée que ces dernières auraient plutôt tendance à désigner les usages savants et écrits. Or, des domaines d’activité techniques traditionnels – et parfois même modernes – dans des sociétés peu développées usent de l’oral de façon prépondérante. Il se trouve que cet aspect n’est point recouvert par la dénomination de langue spécialisée qui accorde la priorité à la langue (au sens saussurien). L’usage du terme de technolecte a l’avantage, au vu de ses formants, de pouvoir s’appliquer aussi bien à l’oral qu’à l’écrit et revêtirait ainsi un caractère plus générique que celui de langue spécialisée.
EN :
This article deals with some matters related to two terms, specialised language and technical language, and the type of relations between them. Before attempting to present the features characterising specialised languages, it is necessary to recall the continuity between general language and the language referred to as specialised to reach the idea that specialised languages were rather inclined to indicate learned and written forms. And yet, less-developed societies, in traditional – and sometimes even modern – technical domains of activity, make use of the oral language predominantly. However, this aspect is by no means covered by the term specialised language which prioritises language as a system (in the Saussurian sense). The use of the term technical language, in the view of its creators, has the advantage of being applicable to the oral as well as to the written language and could thus assume a more generic character compared to that of specialised language.
Lexique
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Proverbes : transparence et opacité
Georges Kleiber
p. 136–146
RésuméFR :
Notre contribution a pour objectif d’examiner la question de la transparence des proverbes, tout particulièrement celle des proverbes métaphoriques. Dans une première partie, nous exposerons en quoi consiste exactement la transparence sémantique assignée aux proverbes métaphoriques ; dans la seconde, après avoir rappelé notre approche hiérarchique des proverbes, nous montrerons comment le statut superordonné des proverbes a comme corollaire le maintien de la transparence du sens littéral ou compositionnel. Chemin faisant, se confirmera la justesse d’un traitement des proverbes comme une catégorie sémantique en soi.
EN :
Our contribution examines the question of the transparency of proverbs, particularly metaphorical proverbs. In a first part, we will present what exactly the semantic transparency of metaphorical proverbs consists in; in the second, after recalling our hierarchical approach to proverbs, we will demonstrate how the superordinate status of proverbs helps to preserve the transparency of the literal or compositional meaning. This sets the stage to confirm the treatment of proverbs as a semantic category in itself as the right approach.
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Pourquoi une langue emprunte-t-elle des suffixes ? L’exemple du grec et du latin
Anna Anastassiadis-Syméonidis
p. 147–157
RésuméFR :
Afin de déterminer les raisons pour lesquelles le grec a emprunté des suffixes au latin, nous examinons, en suivant le cadre théorique de Danielle Corbin, le suffixe -(i)ár(is) < du latin ‑arius, par exemple dans vromiaris [‘malpropre’], qui construit des adjectifs dénominaux à caractère [-savant/-soutenu]. En particulier, les adjectifs en -(i)ár(is) attribuent d’une manière permanente une qualité péjorative qui, dans le cadre de l’activité humaine quotidienne, dévie de la norme sociale d’une manière perceptible directement par les sens. Ce trait, lié à leur registre, résulte du fait que le suffixe est emprunté au latin, une langue sans prestige aux yeux des Grecs. Cette représentation stéréotypique de la latinité permet au grec de marquer les différences entre, d’un côté, le [+soutenu], l’officiel, l’objectif et, de l’autre, le [-soutenu], le quotidien, le subjectif, en conservant, dans le premier cas, les éléments d’origine grecque, et en utilisant, dans le second, des éléments empruntés.
EN :
In order to determine the reasons that lead Greek to borrow suffixes from Latin, we examine the suffix -(i)ár(is) < Latin -arius, e.g., vromiaris [‘dirty’], within the theoretical morphological framework of Danielle Corbin. This suffix creates denominal adjectives bearing the [-learned/-elevated] feature attributing in a permanent way a degrading or below the social norm quality in a way that can be perceived by the senses, along with the use of these adjectives in everyday life situations. Their [-learned] character is a result of their having borrowed from Latin, a low prestige language, in the Greek judgment. This stereotypical representation of Latinhood allows Greek to signal the difference between the [+learned] (the official, the objective) and the [‑learned] (the subjective, that used in everyday life) while keeping in the first case the elements of Greek origin, and in the second case using borrowed elements.
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Figement et incorporation : l’établissement d’un concordancier bilingue (français-arabe)
Inès Sfar
p. 158–167
RésuméFR :
Partant du constat que la polylexicalité est une marque morphologique qui permet d’intégrer dans la traduction la notion d’équivalence entre unités polylexicales et unités monolexicales, nous avons essayé de montrer l’enchevêtrement entre ces deux mécanismes essentiels de la dynamique lexicale, à savoir le figement et la dérivation. Cette complémentarité n’est pas sans poser de problème lors du passage d’une langue à une autre, plus particulièrement du français vers l’arabe ou inversement, étant donné qu’elle est loin de se traduire de la même façon. Ceci représente un obstacle incontournable devant l’élaboration de concordanciers bilingues français-arabe.
EN :
On the basis that polylexicality is a morphological mark that allows us to integrate the notion of equivalence between polylexical and monolexical units into translation, we tried to demonstrate the tangled relation between two essential mechanisms of lexical dynamics, namely those of fixation and derivation. This complementarity, given that it is far from being translated in the same way, is not unproblematic during the passage from one language into another, more particularly from French into Arabic or conversely. It represents an obstacle impossible to circumvent when one is faced with the development of bilingual French-Arabic concordancers.
Syntaxe et sémantique
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La coordination des adjectifs modificateurs en russe et en français : la conjonction russe i et la conjonction française et
Lidija Iordanskaja et Igor Mel’čuk
p. 168–186
RésuméFR :
Le présent article établit les régularités d’emploi de coordination, par opposition à la codépendance, de deux adjectifs modifiant un nom en français et en russe. La possibilité de coordination par la conjonction française et / russe i est basée sur l’homogénéité des adjectifs (un regard lourd et morose), tandis que celle de leur codépendance se base sur leur hétérogénéité (une voiture rouge fiable). On distingue l’homogénéité sémantique (induite par le sens lexicographique des adjectifs) et l’homogénéité pragmatique (imposée par le locuteur voulant souligner la similitude situationnelle de deux adjectifs sémantiquement hétérogènes). Pour caractériser l’homogénéité des adjectifs, l’article propose une classification sémantique. Une comparaison systématique de la coordination et de la codépendance adjectivales dans les deux langues démontre que, dans la majorité des cas, le français préfère la coordination des adjectifs et le russe la codépendance : par exemple, un ciel haut et bleu <*un ciel hautbleu> ~ vysokoe sinee nebo <*vysokoe i sinee nebo>.
EN :
The present paper establishes regularities in the use of coordination vs. co-dependence of two adjectives that modify a noun in French and Russian. The possibility of coordination by the conjunction Fr. et ‘and’/Rus. i ‘and’ is based on homogeneity of adjectives, while that of their co-dependence on their heterogeneity. Two types of adjective homogeneity are distinguished: semantic homogeneity (induced by the lexicographic meaning of adjectives) and pragmatic homogeneity (determined by the speaker who wants to emphasize the situational similarity of two adjectives that are semantically heterogeneous). In order to characterize the homogeneity of adjectives, the paper proposes their semantic classification. A systematic comparison of adjectival coordination with co-dependence in both languages shows that in a majority of cases French prefers coordination of adjectives, while Russian prefers their co-dependence: for instance, ‘a high blue sky’ is rendered in French as un ciel haut et bleu <*un ciel hautbleu>, and in Russian as vysokoe sinee nebo <*vysokoe i sinee nebo>.
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Sur la notion de contexte
Gaston Gross
p. 187–197
RésuméFR :
Le présent article constitue une réflexion sur la notion de contexte, qui est l’une des plus importantes de l’analyse linguistique, dans la mesure où presque tous les prédicats sont polysémiques et que seule la distribution permet de déterminer la lecture adéquate. Mais le contexte ne peut pas être réduit à l’environnement immédiat de gauche et de droite de l’élément à analyser : seule la détermination des relations argumentales permet de définir un opérateur avec précision. Or, un texte n’est pas constitué d’une suite de phrases simples dans leur ordre canonique. Aussi est-il nécessaire d’éliminer les contextes immédiats qui ne participent à cette reconnaissance. Il peut s’agir d’incises, de structures figées, etc. Il faut donc être en mesure de trouver les relations prédicat-arguments qui caractérisent les phrases simples. Cette recherche repose sur l’utilisation de dictionnaires électroniques qui comprennent ces informations. Ces dictionnaires sont fondés sur les classes d’objets. Celles-ci permettent, entre autres, de montrer que dans la reconnaissance des emplois les compléments sont plus discriminants que les sujets. La détection de la relation prédicat-arguments est encore facilitée si on a recensé, pour chaque emploi, toutes les restructurations qu’un schéma d’arguments est en mesure de subir. La notion de contexte ne constitue donc pas une délimitation mécanique que l’on peut effectuer en sélectionnant un nombre déterminé de mots à gauche et à droite mais relève d’une analyse qui met en jeu la totalité des informations syntaxiques.
EN :
This paper addresses the notion of context, which is one of the most important concepts in linguistic analysis inasmuch as all predicates are polysemous, which entails that only their distribution can determine the appropriate interpretation. But context cannot be reduced simply to the words occurring to the left and to the right of the ambiguous element in question: only the determination of the argumental relations are sufficient to define operators with precision. Moreover, a text is not in general simply a sequence of elementary sentences in their canonical order. It is therefore necessary to eliminate those parts of the context that do not contribute directly to the identification of the right interpretation. These include insertions, frozen constructions, etc. One must be able to identify the predicate argument structures that underlie the elementary sentences. This task is based on the use of electronic dictionaries which contain the relevant information. These dictionaries are constructed on the basis of object classes. Among other things, these classes also show that to identify interpretations of predicates, complements are more discriminative than subjects. The recognition of predicate argument structures can be enhanced by an inventory, relative to each interpretation, of the restructurings that each argument schema can undergo. The notion of context should therefore not be regarded as a mechanical demarcation that can be carried out by selecting a certain number of words to the left and the right, but rather as an analytic procedure which involves the totality of syntactic information available.
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Le rôle des chiasmes dans la naissance et la formation de la langue arabe
André Roman
p. 198–207
RésuméFR :
Le système syllabique Σ, de l’arabe, qui comprend les seules syllabes {Consonne-Voyelle} et {Consonne-Voyelle-Consonne}, a déterminé l’impossibilité, dans le fonctionnement de la langue, de l’opposition d’une consonne à une voyelle. Ce chiasme est à l’origine de l’organisation ancienne des langues sémitiques, régissant, jusqu’à récemment, la langue arabe. Ainsi, la langue arabe a construit son système de nomination sur des arrangements de consonnes, les racines de ses unités de nomination, et elle a fait de ses voyelles désinentielles les signifiants de ses fonctionnels primitifs, ses cas. On relève, parmi d’autres, le chiasme organisant le verbe en deux paradigmes, achevé et non achevé. D’autres encore ont dans la langue l’apparence d’un ornement. Ces quelques cas exceptés, c’est, dans le discours, hors langue – la systématique des langues est une systématique fermée – que la rhétorique trouve la liberté qui lui est nécessaire.
EN :
The syllabic system, Σ, of the Arabic language is made up of no more than two patterns {Consonant-Vowel} and {Consonant-Vowel-Consonant}. Therefore two given strings of syllables CV and CVC cannot form a pair. There is, inevitably, a double opposition {C vs V}. In that chiasmus lies the organization of all Semitic languages. In the Arabic language that chiastic organization has been maintained until recently. Therefore the Arabic language constructed its system of nomination on combinations of consonants that constitute the roots of its units of nomination. And it used the end vowels of those units as the signifiants of its primitive function words. Another example of a chiasmus is the chiasmus that distinguishes the perfective aspect of Arabic verbs from their imperfective aspect. Some chiasmi occurring in the language seem rhetorical, but such cases are rare. In fact, the systematic organization of the language is a closed one, while the discourse is open. And it is in the discourse that rhetoric finds the liberty that it requires.