Vicente Ugalde
p. 9–41
Notice
Résumé
Marquée par la défaite électorale du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) en 2000, la transition du régime politique au Mexique a favorisé la diversification de la géographie politico-électorale. Cette pluralité politique a, entre autres conséquences, mis en évidence de nombreux conflits intergouvernementaux jusqu’alors dissimulés par l’hégémonie du PRI. Dans ce contexte, cet article propose une révision de la procédure de contrôle constitutionnel (controversia constitucional), réformée en 1994, pour dresser un état des lieux de l’intervention croissante de la Cour suprême dans la résolution des conflits entre les unités et les niveaux de gouvernement. Plus concrètement, l’objectif est de repérer les procédures engagées par les municipalités et d’identifier les domaines concernés ainsi que les tendances dans les résolutions concernant les compétences des municipalités. Cette révision permettra d’identifier les domaines d’intervention des municipalités et les moyens d’action (lois, règlements, décrets, budgets) pour lesquels les relations intergouvernementales sont plus ou moins controversées.
Malik Tahar Chaouch
p. 43–69
Notice
Résumé
Loin de constituer une entité monolithique, l’Église catholique a engendré au Mexique, comme ailleurs, une diversité de courants de pensée, contradictoires entre eux, voire en conflit avec l’institution. Parmi eux, la théologie de la libération et la théologie indigène ont participé à la formation de mouvements sociaux et de secteurs nationaux de la société civile. L’impact de la théologie indigène dans le diocèse de San Cristóbal de las Casas, au Chiapas, n’en est qu’une illustration. Ces activismes, auxquels a contribué la religion, sont actuellement considérés à l’avant-garde du combat pour la démocratie et les droits de l’homme. Or, ils sont le produit du croisement de deux cultures politiques a priori distantes des principes de la démocratie représentative : l’antilibéralisme catholique, foncièrement antimoderne, et la gauche révolutionnaire, d’inspiration marxiste. Ce texte se propose d’abord de reconstruire la généalogie paradoxale de ces « activistes » de la démocratie. Il analysera ensuite leur passage progressif vers l’idéal démocratique et ses effets sociopolitiques. Il montrera, en ce sens, les ambivalences de leur adhésion aux principes démocratiques, ainsi que leur implication dans le contexte actuel de démocratisation au Mexique.
Julián Durazo Herrmann
p. 71–92
Notice
Résumé
En 2006, la répression d’une manifestation des instituteurs de l’État mexicain d’Oaxaca déclencha une longue série de protestations qui culmina avec l’intervention musclée de la police fédérale. Cette révolte faisait suite à l’élection très controversée du gouverneur en 2004 et dénonçait la persistance de maintes pratiques autoritaires au niveau subnational malgré la transition démocratique fédérale. Néanmoins, le gouverneur est resté en poste et a terminé normalement son mandat en décembre 2010. Cet article vise à expliquer comment ce genre d’enclave autoritaire subnationale a pu émerger et se consolider en soulignant comment le système néopatrimonial de domination établi en Oaxaca est parvenu à s’adapter aux exigences formelles émanant de la transition démocratique fédérale, sans perdre sa nature autoritaire pour autant. Ce processus d’hybridation a certes transformé les institutions oaxaquènes, mais n’a pas ébranlé les sources sociales de l’autoritarisme subnational.
Françoise Montambeault
p. 93–122
Notice
Résumé
Cet article s’intéresse à la relation entre la présence de mécanismes formels de participation citoyenne et la nature des relations État-société dans le contexte du processus de démocratisation mexicain, par le biais de l’étude des comités de participation citoyenne (COPACI) mise en place en 1996 par le Parti de la révolution démocratique (PRD) à Nezahualcóyotl, dans l’État du Mexique. S’inscrivant au coeur des débats théoriques actuels sur la démocratie participative et associative, il démontre que postuler de l’existence d’un lien direct et de facto entre innovation institutionnelle participative et démocratisation s’avère, dans les faits, problématique. Bien que l’existence de mécanismes institutionnels favorisant la participation citoyenne soit une condition nécessaire à la revitalisation de la société civile et de ses relations avec le pouvoir politique au niveau local, elle n’est pas suffisante pour la garantir en pratique, comme le suggère le cas de Nezahualcóyotl. L’analyse qualitative des dynamiques de mobilisation et de la nature de la participation citoyenne au sein des COPACI fait ressortir que, contrairement à l’idée véhiculée dans les discours officiels du PRD, l’impact de leur institution par le PRD sur les relations État-société et, plus largement, sur la qualité de la gouvernance démocratique municipale, n’a pas été à la hauteur des attentes. Alors que les COPACI devaient, en théorie, devenir des véhicules de démocratisation en permettant le développement d’une participation autonome des acteurs collectifs à la gouvernance municipale, l’expérience démontre qu’ils ont plutôt été utilisés par les leaders des différents partis et leurs alliés de manière informelle comme un outil de contrôle social, contribuant à alimenter et à réinventer les pratiques clientélistes et antidémocratiques héritées du régime du PRI et originellement dénoncées par le PRD.
Tina Hilgers
p. 123–146
Notice
Résumé
Si le clientélisme, l’achat de votes, le patronage et les autres échanges personnels de même nature ont des répercussions négatives sur la démocratie, la chaîne de causalité n’est pas unidirectionnelle. Dans maintes démocraties en émergence, la précarité des assises du régime et la réactivité erratique du gouvernement dans des économies stagnantes incitent les politiciens et les électeurs à recourir aux échanges personnels. Or, lorsque les acteurs s’en remettent aux échanges personnels pour combler les brèches dans la représentation et la réactivité, ils choisissent des méthodes qui vont à l’encontre de la consolidation des institutions démocratiques, sans toutefois accepter l’asservissement à l’autorité. La dynamique des échanges personnels accompagne des changements sociopolitiques de plus grande envergure et ces échanges sont plus ou moins négociables et participatifs, selon le contexte. La présente étude vise à examiner cette dynamique au moyen de l’étude du cas de la ville de Mexico, où les gouvernements du Parti révolutionnaire démocratique (PRD) et leurs électeurs s’emploient à promouvoir la démocratie et l’égalité, tout en se livrant à des échanges personnels.
Tania Navarro Rodríguez
p. 147–171
Notice
Résumé
Les élections législatives de 2009 mettent en évidence au Mexique une transformation des règles pragmatiques de la compétition politique ainsi qu’un problème de représentativité. À travers le cas « Juanito », d’abord élu représentant de l’arrondissement d’Iztapalapa dans le District fédéral puis destitué de son poste, cet article propose d’analyser comment cette transformation participe aux problèmes de gouvernabilité qui se présentent dans cette circonscription. La destitution d’un candidat démocratiquement élu questionne le principe de libre élection de représentants par des citoyens. Cela a des effets directs sur l’exercice du gouvernement en remettant en cause la légitimité du nouveau dirigeant. À l’origine on retrouve, d’une part, l’utilisation politique du droit par les protagonistes comme stratégie pour sortir du conflit politique et, d’autre part, le développement d’une « politique de pactes ». Dans quelles conditions a lieu cette destitution ? Comment les acteurs parviennent-ils à se servir d’une diversité de recours juridiques pour faire tenir leurs promesses ? Quels sont les effets de l’exercice de ces pratiques pour le gouvernement d’Iztapalapa ? Ce sont des questions auxquelles cet article se donne pour objectif de répondre.
Lucy Luccisano et Laura Macdonald
p. 173–201
Notice
Résumé
Cet article examine les répercussions des politiques multidimensionnelles des mesures anti-pauvreté mexicaines sur le processus de démocratisation à long terme. La mesure anti-pauvreté fédérale Progresa / Oportunidades a été conçue pour éliminer les pratiques clientélistes traditionnelles. Même si plusieurs pratiques électoralistes flagrantes ont été éliminées des programmes de lutte contre la pauvreté, la continuation des approches descendantes en matière de conception de programmes et de stratégies de mise en oeuvre s’est soldée par l’émergence du semi-clientélisme. Cet article soutient que les acteurs politiques des municipalités et de l’État ont réagi à ces mesures fédérales de façons qui contribueront peut-être à promouvoir une démocratie plus profonde et qui ont mené à la reconstitution du semi-clientélisme. Le texte puise dans les récentes approches révisionnistes du clientélisme politique et propose une approche multidimensionnelle empruntée à la géographie politique. En se basant sur cette approche théorique, l’article examine le rôle des autorités de l’État et des municipalités en ce qui concerne les prestations anti-pauvreté fédérales dans le cadre du programme de subventions conditionnelles en espèces Oportunidades.