Comptes rendus

Julie Lavigne, La traversée de la pornographie : politique et érotisme dans l’art féministe, Montréal, Les éditions du remue-ménage, 2014, 234 p.[Notice]

  • Johanne Jutras

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  • Johanne Jutras
    Université Laval

Lancé lors du 82e Congrès de l’Acfas 2014, l’ouvrage de Julie Lavigne comprend huit chapitres. Préfacé par Thérèse St-Gelais, professeure à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), ce livre est issu de la thèse de doctorat en histoire de l’art de Julie Lavigne. Les quatre premiers chapitres traitent respectivement de la distinction entre l’érotisme et la pornographie, de la généalogie de la notion d’érotisme chez Georges Bataille, de la pornographie (entre l’aveu et le fantasme) ainsi que de la réarticulation de la dynamique entre l’érotisme et la pornographie. Des oeuvres d’artistes féministes en arts visuels, soit celles des Américaines Carolee Schneemann et Annie Sprinkle, de la Suissesse Pipilotti Rist et de la Sud-Africaine Marlene Dumas, sont ensuite analysées. Des photographies des oeuvres étudiées sont reproduites dans cet ouvrage avec l’autorisation des artistes. Selon l’auteure, le but de cet ouvrage est d’examiner le début du phénomène de la pornographie féministe en art, c’est-à-dire « l’analyse de la signification des emprunts à la pornographie dans le travail artistique féministe contemporain » et « la problématique de la relation érotisme/pornographie en conjonction avec la mutation au sein du mouvement féministe » (p. 21-22). Ainsi, l’aspect historique sera présent pour documenter tant les courants de pensée que la définition des concepts d’érotisme, de pornographie, de propornographie et de post-pornographie utilisés par Georges Bataille, Linda Williams, Gloria Steinem et plusieurs autres. L’originalité de cet ouvrage tient au fait que « la pornographie en art n’a pas été abordée de front en histoire de l’art dans une perspective féministe » (p. 20) et que « le phénomène de l’utilisation de certains traits du genre en art visuel n’a fait l’objet d’aucune recherche sérieuse jusqu’à maintenant » (p. 22). L’auteure a fait le choix méthodologique de restreindre le corpus à quelques oeuvres significatives. Ainsi, l’analyse des oeuvres choisies respecte les trois niveaux d’analyse iconologique d’Erwin Panofsky. De plus, Lavigne a nourri ses réflexions « de différentes approches théoriques, notamment la sémiologie, l’esthétique et l’histoire de l’art » (p. 21). Chapitre 1 : « La distinction entre l’érotisme et la pornographie » Selon Lavigne, il existe plusieurs distinctions entre l’érotisme et la pornographie : « La nécessité de les distinguer sera singulièrement importante chez les féministes contre la pornographie, particulièrement chez les féministes des États-Unis, où la lutte anti-pornographie commence et où s’articule cette distinction avec le plus de ferveur partisane » (p. 26). L’auteure démontre que deux courants féministes ne s’entendent pas sur la définition des concepts, les effets de la pornographie, les principes de la liberté de parole, de l’égalité et de l’authenticité sexuelle (p. 31). Lavigne conclut que les tentatives de distinguer l’érotisme et la pornographie prennent appui sur une conception subjective du bien et du beau. Aussi propose-t-elle de les aborder séparément. Chapitre 2 : « Généalogie de la notion d’érotisme chez Georges Bataille » Au chapitre 2, l’auteure présente la notion d’érotisme développée par Bataille et les interprétations qu’en ont faites Michel Foucault ainsi que les féministes Julia Kristeva et Jessica Benjamin. Selon Bataille, « [dans] L’Érotisme, il s’agit de transgresser deux interdits : la mort et la sexualité » (p. 41). Par la suite, sont présentés les trois types d’érotisme mis en évidence par Bataille : l’érotisme des corps, l’érotisme des coeurs et l’érotisme sacré. Pour sa part, Foucault interroge les concepts de transgression et d’interdit dans un article intitulé « Préface à la transgression ». Il associe de manière intime la sexualité, la religion et le langage qu’il développe dans la Scientia sexualis (p. 53). Par référence au titre de l’ouvrage, Lavigne met en lumière le concept de traversée …