Recensions

Guégan, Y. (2008). Les ruses éducatives : 100 stratégies pour mobiliser les élèves. Paris, France : ESF éditeur[Notice]

  • Robert Dubois

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  • Robert Dubois
    Université de Montréal

Cet ouvrage s’adresse aux hommes et aux femmes qui ont choisi de s’investir au coeur même de l’action, c’est-à-dire dans la salle de classe. L’auteur explore la question controversée de l’application de l’autorité de l’enseignant sous l’angle précis de la personne qui se trouve dans l’obligation quotidienne de l’imposer aux élèves. Ce livre se veut donc une inspiration et une boîte à outils pour éviter aux enseignants les pièges inhérents à l’exercice de l’autorité. Car, comme l’auteur nous le rappelle, en classe, les jeux de pouvoir ne sont jamais absents. L’ouvrage se compose de deux parties. La première, plus courte, est consacrée à l’analyse de l’usage légitime du pouvoir de l’enseignant. Si au départ, l’auteur présente une vision humaniste de l’autorité de l’enseignant et pose des jalons éthiques propres à soutenir ses actions autoritaires, confronté lui-même au vécu quotidien face aux élèves, il ne peut que dépeindre une réalité autrement plus troublante des rapports de force entre les protagonistes présents en classe. L’auteur évite donc le champ des normes prescriptives et s’emploie à décrire les conditions réelles de l’exercice du pouvoir en classe. Il pose donc la question de la gestion quotidienne de l’autorité du point de vue des praticiens : comment éviter la collision frontale entre le pouvoir de l’enseignant et le contre-pouvoir des élèves ? Comment réguler les comportements des élèves et obtenir leur coopération ? Et l’auteur de souffler à l’oreille des enseignants, par la ruse… bienveillante. Il faut ruser pour éduquer ! La seconde partie, plus volumineuse, est constituée de la description, de la déconstruction et de la reconstruction en mode opératoire des 100 ruses éducatives. D’abord, l’auteur montre, à l’aide d’exemples tirés de pratiques enseignantes de tout ordre, qu’il est possible de contrôler efficacement les élèves autrement que par l’imposition de l’autorité contraignante. Ensuite, il décontextualise les pratiques intuitives des enseignants pour en extraire les mécanismes cachés. Enfin, en reconstruisant la ruse en dehors de son contexte initial, l’auteur permet aux enseignants d’en rendre l’emploi conscient, autonome et efficace. Cet ouvrage est pertinent à plus d’un point de vue. D’abord, l’auteur examine l’exercice de l’autorité des enseignants avec réalisme. Il parle par expérience et sait combien cette tâche peut se révéler harassante. Ensuite, l’approche praxéologique en fait une ressource accessible. En plus des exemples pratiques, cet ouvrage est constellé de références qui aident à la compréhension des mécanismes inhérents à chacune des ruses. Finalement, cet ouvrage est riche de 100 ruses. Il y a en donc pour tous les contextes et les habiletés relationnelles de chaque enseignant. Toutefois, des questionnements s’imposent. D’une part, certains enseignants auraient des scrupules à ourdir des manipulations en vue de soutirer la collaboration des élèves. Le maître, qui est un modèle d’intégrité morale, n’est-il pas en train de mentir aux élèves, même au nom de leur réussite ? Qu’en penseraient les parents ? D’autre part, si une ruse est découverte, ne verra-t-on pas monter chez les élèves une certaine méfiance envers l’enseignant ? Par ses aspects concrets, ce livre constitue un outil de premier plan pour les enseignants qui doivent gérer leur classe. Encore faut-il le faire en tenant compte des finalités de l’école, instruire et éduquer. Dans cette optique, la ruse bienveillante ne nous permet-elle pas de contracter une alliance avec nos élèves tout en faisant l’économie de nombre de confrontations stériles ?