Topiques, études satoriennes
Topoï Studies, Journal of the SATOR
Volume 1, 2015 Topiques de l’amitié dans les littératures françaises d’Ancien Régime
Sommaire (20 articles)
Introduction
Articles
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En quête d’amitié. Approches méthodologiques pour l’analyse automatisée d’un corpus électronique
Stéfan Sinclair et Madeleine Jeay
p. 1–11
RésuméFR :
Nous n’avons guère à rappeler que, depuis son fondement il y a quelque vingt-cinq ans, la Sator cherche à conjuguer la recherche littéraire avec les nouvelles technologies aptes à aider à réaliser le travail à la hauteur des ambitions du projet, c’est-à-dire à mieux comprendre et étudier la récurrence narrative dans les textes français du Moyen Âge à la fin du XVIIIe siècle. Diverses tentatives se sont succédé, que l’on pense à Toposator, SatorBase, TopoScan, PBLit, et d’autres initiatives connexes, chacune laissant entrevoir un nouveau monde de possibilités tout en nous laissant sur notre faim. Qu’est-ce qui distingue alors ce nouveau projet portant le nom Toucher (Textes, Outils, chercheur en réseau) ? Très peu, à certains égards : il s’agit toujours d’un groupe de chercheurs à la fois convaincus et circonspects au sujet du potentiel de l’informatique pour enrichir et multiplier les façons d’étudier les phénomènes littéraires. Cela dit, quelques différences essentielles existent, motivées par l’expérience et une réflexion honnête sur l’appui réel que peut apporter l’informatique aux chercheurs individuels et à l’équipe. Le concept du réseau nous a paru propice pour structurer nos objectifs, tant pour les composantes individuelles (les textes, les outils, les chercheurs), que pour le réseau qui peut se dessiner entre les composantes (un véritable réseau de réseau, ou internet). Dès lors, il ne s’agit plus simplement de créer un outil en isolation qu’on espère saura convaincre un utilisateur éventuel, mais plutôt de prendre conscience de l’ensemble des textes disponibles et de réfléchir à quelles sortes d’outils s’insérerait le plus naturellement dans les pratiques actuelles des chercheurs. Nous présenterons dans cet article les premières balbutiements du projet Toucher. En particulier, nous décrirons notre utilisation de Zotero, un outil bibliographique collaboratif, pour compiler un grand nombre de textes déjà numérisés (en différents formats et états). De là, nous présenterons un outil de balisage topique développé pour le projet qui permet de classifier des occurrences de mots-clés ainsi que les termes contribuant à la classification. Le but de cet outil est de permettre à la machine d’apprendre à reconnaître elle-même des occurrences possibles, ce qui permettrait de constituer une ressource extrêmement puissante : un utilisateur pourrait chercher dans un grand corpus des exemples possibles d’occurrences topiques afin d’enrichir la compréhension de phénomènes locaux ou d’alimenter une réflexion sur des phénomènes plus larges. Ainsi, textes, outils et chercheurs fonctionnent en réseau.
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Les affinités sélectives
Véronique Duché-Gavet
p. 1–12
RésuméFR :
Situé au confluent de plusieurs traditions littéraires, le roman de la première Renaissance explore avec attention le domaine sentimental. Mais s’il se focalise tout particulièrement sur le sentiment amoureux, il ne néglige pas pour autant la place accordée à l’amitié. Ces affinités sélectives, qu’il s’agisse de l’amitié qui unit deux personnes du même sexe ou bien de la « parfaite amitié », mettent toutefois souvent en jeu un troisième élément qui vient perturber la relation amicale. En effet, la fiction sentimentale vient nourrir le débat sur le rôle des passions, qui agite alors les milieux intellectuels. Notre étude parcourt les romans sentimentaux et humanistes du « beau seizième siècle » à la recherche du triangle érotique que forment l’amant, l’amie et l’ami. Dans un esprit satorien, nous analysons les topoï narratifs qui lui sont associés.
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« Le plus parfait ami qui fut jamais » : analyse topique de l’ami loyal dans le récit du XVIIe siècle
Daniel Joseph Maher
p. 1–14
RésuméFR :
J’explore l’utilité de certains ressources et outils informatisés pour capter et ensuite analyser un certain nombre de topoï associés à l’amant devenu l’ami loyal (tomber amoureux de la femme de son ami; amitié entre un homme et une femme mariée; trahir ami(e) ou amant(e); fidélité/infidélité sentimentale après la mort d’un être aimé, etc.). Je verrai la gradation de l’honnête homme amant d’une femme qui se comporte de façon discrète et honorable (exemple - Aristandre de l’abbé d’Aubignac, 1664) à celui qui devient le directeur de conscience de la femme aimée et qui la protège (exemple - Amelonde de l’abbé d’Aubignac, 1669) jusqu’au cas extrême de l’amoureux qui sert les intérêts de sa maîtresse au point de faciliter sa liaison avec un autre (exemple - La princesse de Montpensier, Lafayette, 1662). Pour effectuer mon analyse, je me servirai des données contenues dans la base satorbase.org et de la version béta de l’outil Voyant, outil qui permet d’effectuer des recherches dans une série de textes intégraux et de relever des co-occurrences de termes-clés associés aux topoï en question.
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Du Paňcatantra aux « fables de Pilpay ». Composition textuelle et la transmission culturelle de la topique orientale-occidentale de l’amitié
Jean-Pierre Dubost
p. 1–19
RésuméFR :
Le but de cet article est de définir les grandes lignes d’un traitement théorique de la topique de l’amitié dans une perspective de « littérature vraiment générale », pour reprendre le fameux titre d’Etiemble et de tracer les contours d’un questionnement théorique « orientale-occidentale » . En effet, de la nébuleuse indienne dont le Panca Tantra est ici le paradigme jusqu’aux innombrables variantes européennes en passant par la médiation arabo-islamique décisive (le Kalila wa Dimna d’Ibn Al-Muqqafah et ses nombreuses variations), il se trouve que l’un des plus grands intertextes, si ce n’est peut-être le plus vaste, de la littérature mondiale, est thématiquement structuré dès l’origine autour de la problématique de l’amitié. L’observation de ses mutations transculturelles et transgénériques nous permet de soulever un certains nombre de questions décisives quant au rôle de la récurrence topique dans cette immense métamorphose textuelle qui s’étend sur une période comparable à celle qui permet de délimiter le plus largement le champ de l’analyse satorienne (à savoir du roman grec du début de l’ère chrétienne à la fin de l’Age classique). Mais à la différence de ce champ proprement occidental (bien que l’origine en soit autant « romaine » que « syrienne »), l’intertexte de l’amitié indo-arabo-persan qui essaime ensuite en Europe est l’un des démentis les plus flagrants qui puissent être apportés à l’idée bien fausse d’une identité proprement occidentale de la littérature d’Occident. Au-delà de ces rappels historiques fondamentaux, l’article soulève les questions suivantes : dans quelle mesure est-il possible de dégager des constantes et de les déterminer comme telles dans un tel rhizome, puisque la traversée des cultures, des sociétés et des époques n’a cessé de re-contextualiser le sens à donner à l’idée d’amitié ? L’approche proposée tente d’apporter par cette enquête une réponse à l’une des questions les plus lancinantes de la méthode satorienne, à savoir la difficile mais nécessaire distinction entre analyse topique et analyse thématique, entre interprétation historique et analyse fonctionnelle d’inspiration narratologique.
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Amitié, solidarité et entraide féminines : spécificités d’auteurs femmes ?
Suzan van Dijk
p. 1–17
RésuméFR :
Dans cet article je réfléchis sur l’éventuelle spécificité des narrations féminines, et notamment sur l’emploi de certains topoï narratifs. À la question « comment repérer ces topoï "féminins" ? », je donne comme réponse : par le recours à certains « topoï de la réception », bien spécifiques et susceptibles de nous orienter dans la bonne direction.
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« L’en ne doit pas son ami corrocier » : confidences masculines et féminines dans le Lancelot en prose
Corinne Denoyelle
p. 1–23
RésuméFR :
Quand elle révèle à la reine Guenièvre qu’elle est au courant de ses amours, la dame de Malehaut expose aussi en quelques mots le rôle et la fonction du confident d’une manière qui n’est pas sans rappeler la présentation qu’en fait Guillaume de Lorris dans le Roman de la Rose. Permettant de « descovrir son penser », et de se « solacier », la confidence crée un lien d’amitié puissant entre les personnages. Les confidents, comme l’a montré Frédérique Le Nan dans sa thèse sur le secret, « soulagent [les détenteurs des secrets] de l’extraordinaire tension qu’ils infligent. » Cependant, nous devons constater que si le mécanisme de la confidence est fort bien décrit par le roman, le contenu de ces confidences est rarement rapporté dans les dialogues : ceux-ci sont en général constitués d’actes de langage déclaratifs par lesquels les personnages s’engagent l’un envers l’autre, le contenu même des confidences est en général laissé à la discrétion du discours narrativisé. Par ailleurs, la relation entre les confidents n’est pas si idéale qu’elle en a l’air car les personnages, déchirés entre le désir de ne pas blesser leur confident et leur envie de parler, sont progressivement condamnés au mutisme.
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Les « amis charnels » : fraternité et communauté spirituelle dans le Lancelot-Graal
Marie Dupuy
p. 1–16
RésuméFR :
L’expression ami carneus, récurrente dans le Cycle Vulgate, contient le paradoxe d’un lien qui se fonde à la fois sur une parenté charnelle, sens premier de l’expression, et sur une relation spirituelle, celle de l’amicitia; elle révèle donc les contradictions d’une parenté à la fois assumée et à amender. En effet, l’étude de ses occurrences dans le Lancelot-Graal permet de définir deux grands types de rapports entre les personnages. Les uns, horizontaux, sont fondés sur une élection et mettent en évidence un réseau de parenté diffus, allant des plus proches parents aux plus lointains et surtout, définissant un cercle privilégié d’intimes; les autres, verticaux, relèvent de l’alliance et du lien féodo-vassalique unissant parfois d’ailleurs les membres d’une même parentèle, reposent sur la fides et paraissent nettement valorisés. L’ambiguïté de l’expression repose sur l’usage spécifique qui se dessine dans son emploi en langue vernaculaire : les amis carneus entretiennent des relations de confiance et de fidélité à l’opposé des amitiés charnelles telles que les décrit le discours théologique, celui d’Aelred de Rielvaux en particulier. Il est de plus remarquable de constater que les mentions qui sont faites des « amis charnels », le sont toujours dans des moments de crise. À ce titre, la crise seigneuriale qui ouvre le Lancelot propre est particulièrement intéressante : ayant pour origine la domination des terres par les dominants laïcs, elle oppose Claudas l’usurpateur à Pharien, fidèle au lien qui le lie à son ancien seigneur, Bohort de Gaunes, le roi déchu. Or, Claudas est un roi défaillant qui a tissé un réseau d’alliances reposant sur des amitiés charnelles au sens où l’entend l’abbé de Rielvaux : intéressées et monnayables, elles révèlent un mauvais dominant laïc qui a fondé son pouvoir sur l’avaritia et la potentiae cupiditas. À l’opposé, ses ennemis recourent à leurs « amis charnels » parce que les liens qui les unissent reposent au contraire sur la fides et l’amor, l’alliance redoublée par la parenté. On voit ainsi, dans un épisode exemplaire de renversement des alliances, Lambègue, le neveu de Pharien, secourir son oncle avec qui il était brouillé, au nom de la carnel amor qui les unit : la pitié qui guide l’élan du neveu révèle le modèle sous-jacent de circulation de la caritas entre grands seigneurs laïcs. Capables ainsi d’une forme d’amitié parfaite parce qu’assises sur des liens naturels, l’oncle et le neveu se placent dans l’imitation de la relation verticale qui unit le chrétien à Dieu et peuvent alors refonder l’ordre féodal mis à mal par le traître. Cet épisode, en réorganisant la hiérarchie spirituel / charnel au profit du charnel, met en évidence une charnalité assumée puisque vectrice d’une bone amor faite de pitié et de miséricorde, charnalité qui, paradoxalement, conduit à une forme de spiritualisation de la chevalerie.
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Les amis à table : scènes de repas dans quelques romans du XVIIe siècle
Judith Sribnai
p. 1–17
RésuméFR :
Nous nous intéressons ici aux scènes de repas entre amis qui apparaissent dans quelques romans comiques du XVIIe siècle. En exploitant les motifs propres au topos du banquet, les auteurs de notre corpus (Furetière, Dassoucy, Scarron et Cyrano) regrettent ou exaltent des valeurs qui lui sont traditionnellement attachées. Dans l’échange du boire et du manger se trouve ainsi figurés et éprouvés la relation qui se noue entre amitié et vie collective; les conditions de l’acception et de l’adhésion aux règles; enfin, le sens d’un compagnonnage de plaisir qui est aussi un accompagnement dans la mort.
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Le commerce de l’amitié dans la correspondance de Mme de Sévigné
Nathalie Freidel
p. 1–14
RésuméFR :
Le paradigme économique, souvent employé dans le champ de la morale pour définir l’amitié, fonctionne à l’intérieur de l’oeuvre épistolaire de Mme de Sévigné comme un détour privilégié pour aborder la spécificité de l’échange intime. La correspondance sévignéenne révèle une vision pragmatique de l’amitié conçue comme un système d’échanges, voire une entreprise rentable. Le commerce épistolaire fonde ainsi une économie propre de l’amitié.
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La construction de l’interlocutrice absente en amie chez Mlle Poulain de Nogent
Isabelle Tremblay
p. 1–17
RésuméFR :
Alors que l’interlocutrice à qui s’adresse l’épistolière mise en scène dans un roman épistolaire monophonique de Mlle Poulain de Nogent peut sembler absente par son silence, elle constitue au contraire un élément central du circuit intime qui se déploie dans cette structure romanesque. Les questions, les reproches, les recommandations, les félicitations et les bons vœux qu’adresse la narratrice à sa confidente en donnent une image tantôt de guide, tantôt de juge, mais toujours d’amie intéressée. La présente étude se propose d’étudier comment la présence de l’interlocutrice absente se manifeste à travers les renvois indirects que consigne le discours de réaction que tient la narratrice et de déterminer comment se tisse une relation affective et se construit une rhétorique amicale à travers une seule voix.
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L’amitié : un mot faible, un contenu débordant. Enquête dans la République des Lettres (17e-18e siècles)
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Amitié et anamorphose chez Montaigne et Holbein
Nancy Frelick
p. 1–14
RésuméFR :
Composés sous les doubles signes de l’amour et de la mort, de l’anamorphose et de l’aporie, Les Essais de Michel de Montaigne et Les Ambassadeurs de Hans Holbein sont des monuments renaissants à l’amitié. Montaigne voue son texte protéen au souvenir d’Etienne de La Boétie, l’ami absent autour duquel se construisent les « grotesques » de ses essais, tandis que Holbein mémorialise la rencontre des ambassadeurs et amis Jean de Dinteville (bailli de Troyes) et George de Selve (évêque de Lavaur) en Angleterre en 1533, autour du fameux memento mori anamorphotique du crâne au premier plan. Si le tableau et le texte figurent le double postulat de la vie et de la mort, de l’absence et de la présence, du passage du temps et de valeurs sempiternelles, ils partagent aussi une esthétique du retour, du détournement, propre à la perspective curieuse ou oblique, qui ne cesse de remettre en cause l’univocité du signe. Il s’agit donc, dans cet article, d’interroger les convergences et divergences de procédés et de points de vue impliquant la participation de l’ami lecteur, qui est interpellé par les signes troubles de ces oeuvres mouvantes.
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Aimer la vertu, de l’amour à l’honnête amitié. « Celion et Bellinde », une histoire de L’Astrée
Julia Chamard-Bergeron
p. 1–20
RésuméFR :
L’histoire de Bellinde et Celion est celle des amours contrariées de deux jeunes gens, finalement réunis par celui qui eût pu les séparer. Ses protagonistes rivalisent en vertu. Le geste d’Ergaste, renonçant au mariage par admiration pour la « belle et vertueuse amitié » des jeunes gens, se distingue néanmoins par sa magnanimité. Honoré d’Urfé a écrit un roman exposant « les divers effets de l’honnête amitié », ainsi que l’annonce le sous-titre de L’Astrée. Quelle en est pourtant la nature ? On pourrait conclure de l’histoire étudiée que l’amitié la plus noble est celle d’Ergaste, souhaitant être « reçu comme frère » des amants. Nous proposons plutôt de la lire en tenant compte du projet global du roman, lequel aspire à définir un lien découlant d’une réelle affection entre personnes de sexe opposé et susceptible de conduire au mariage; celui-là même qui fait naître l’admiration d’Ergaste. Aussi l’apparente indistinction de l’amour et de l’amitié, laissant croire à la possibilité de changer la passion en affection vertueuse, fait-elle place dans le récit à une apologie de la toute-puissance de l’amour.
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La sainte amitié dans Les Miracles de Nostre Dame de Gautier Coinci et Le Gracial d’Adgar
Jean-Louis Benoit
p. 1–19
RésuméFR :
Les auteurs des miracles de Notre-Dame en français sont des clercs qui veulent proposer des oeuvres édifiantes destinées aux clercs mais aussi aux laïcs, pour les détourner de la littérature profane jugée immorale. Ils reconnaissent cependant les valeurs de courtoisie et de sagesse de cette littérature. L’amitié est une de ces valeurs. Nos auteurs cherchent d’abord par des contre-exemples à mettre en garde contre les amitiés pernicieuses : l’amitié qui pousse des clercs à fréquenter des dames, l’homosexualité, la confiance aveugle accordée à des êtres malfaisants. Les vraies amitiés, celles qui profitent à l’âme, sont ensuite déclinées dans les divers miracles. On peut, on doit aimer, un être vertueux qui constitue un modèle de sainteté et de bonté. C’est le cas de la chaste impératrice qui suscite des amours coupables, mais aussi de vraies amitiés. L’amitié peut être communautaire, rassemblant dans une fraternité généreuse les marins en danger ou les moines autour de leur confrère agonisant. L’amie suprême est la Vierge Marie qui est réellement présente dans la vie de ses dévots. Elle offre la plus sainte des amitiés à ceux qui font appel à elle. Les auteurs n’hésitent pas à faire part de leur expérience personnelle. Ils expriment avec lyrisme l’affection qui les lie à leur dédicataire. Leur livre est un cadeau qui leur est offert. L’amitié entre un homme et une femme est parfois possible. Gautier de Coinci propose l’exemple d’un moine et d’une religieuse unis par leur ferveur et leur dévotion à Marie (Notre-Dame de Sardanei). C’est bien le critère de la sainte amitié : tourner le coeur des amis vers Dieu. Adgar et Gautier citent le nom d’une amie féminine à qui ils dédient leur oeuvre. L’amitié est à la source de l’oeuvre puisque c’est pour répondre aux sollicitations pressantes et aux besoins de leur ami(e) dédicataire et commanditaire, que l’auteur écrit. Il est le lecteur privilégié et désigné. Le lecteur virtuel est aussi évoqué comme un ami futur à qui l’on demande et à qui l’on donne des preuves de son amitié.
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Philippe de Mézières et Pierre de Thomas : amitié, émotions, et sainteté au XIVe siècle
Renate Blumenfeld-Kosinski
p. 1–18
RésuméFR :
Cet article explore l’amitié entre l’homme saint Pierre de Thomas (1305-1366), Carmélite, diplomate, et patriarque de Constantinople et son biographe plus jeune, Philippe de Mézières (1327-1405) écrivain, conseiller royal et penseur politique célèbre. Une analyse du vocabulaire émotif montre que le texte de la Vie de Saint Pierre de Thomas (1366) s’inscrit dans une tradition biblique (les Cantiques) et classique de l’amitié. Ce qui nous intéresse ici c’est comment l’expression des émotions (réelles ou gouvernées par des formules – ou les deux ?) donne une forme au récit hagiographique qui distingue ce texte des productions hagiographiques contemporaines et offre un modèle de sainteté qui se détache en partie de la tradition. L’analyse se concentre sur une sélection de scènes particulièrement émouvantes : leur première rencontre lors d’une épidimie de la peste en Chypre; la mort de Pierre de Thomas et son apparition comme revenant.
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De la narration à la scène : l’amitié à l’épreuve du malheur dans Marc-Antoine et Bradamante de Robert Garnier
Florence Dobby-Poirson
p. 1–16
RésuméFR :
Garnier met en scène plusieurs personnages d’amis. Ils lui sont inspirés par des récits épiques ou historiques, où l’amitié contribue peu ou prou au mouvement dramatique de la narration. Il confère ainsi à une figure d’arrière-plan un véritable rôle théâtral, ou transpose sur scène une situation dramatique déjà existante dans le texte-source : dilemme, reconnaissance, suicide. Confrontés au malheur, les personnages prouvent leur dévouement aux affligés en leur apportant leur soutien moral, ou une aide effective qui fait rebondir l’action. Ces scènes topiques comportent parfois elles-mêmes des récits, qui éclairent le public sur la naissance de l’amitié, les expériences, les sentiments et les valeurs qui la fondent : admiration pour le courage, la loyauté de l’ami, gratitude pour son esprit de sacrifice.
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« Avec le sourire de l’amitié » : représentations d’apprivoisement et démonstrations d’amitié pour l’enfant sauvage au 18e siècle
Erin Fairweather
p. 1–16
RésuméFR :
Au 18e siècle on voit l’émergence d’un sous-genre littéraire et scientifique autour de l’enfant sauvage; figure abandonnée à la nature et nécessitant la réintégration en société. Malgré sa représentation souvent monstrueuse et bestiale dans les récits, on y trouve parfois des démonstrations d’amitié. La capacité à créer des liens avec des êtres humains, à montrer des affections, est-elle une qualité naturelle ? Démontre-t-elle une socialisation inscrite dans la nature ? Cet article traite surtout sur le cas de Victor de l’Aveyron, dans lequel la présence d’une certaine amitié est la plus prononcée, pour explorer la signification de ces démonstrations ainsi que les diverses représentations de cette amitié. En outre, d’autres récits tels que L’Histoire d’une jeune fille sauvage (1755, attribué à de la Condamine) et Hyppolite, ou l’enfant sauvage (1803, auteur anonyme) sont abordés. Alors que l’entente entre Itard et Victor, telle qu’elle fut représentée dans les mémoires, reprend l’amitié filiale, ou naturelle et fut insérée dans le cadre de l’éducation, le rapport entre la société et Marie-Angélique semble au contraire être représenté sous le signe de l’apprivoisement. Les expériences méthodiques d’Itard et sa volonté de « ramener » Victor à l’humanité s’apparentent à un dressage; néanmoins, le mot même d’« apprivoiser » est un terme récurrent dans les récits portant sur la jeune fille sauvage. Amitié et apprivoisement ont partie liée pour décrire des relations inégales et vouées à la rupture. Pour approcher les enfants sauvages et les habituer à la société humaine, les personnages adultes utilisent l’amitié; c’est dans ce cadre que se construit alors l’identité du personnage de l’enfant, élaborée par la narration de ses relations à l’autre et de la création des liens. Ces relations avec d’autres hommes et femmes, ainsi que le sentiment de dépendance qui en dérive sont présentés comme les étapes d’un procès d’humanisation.
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Comment peut-on être favori ? L’amitié royale en question au XVIIe siècle
Delphine Amstutz
p. 1–19
RésuméFR :
Cet article tente de montrer comment la représentation littéraire de la figure antique de Mécène a pu pallier, à l’âge baroque, les apories auxquelles aboutissaient les réflexions théoriques sur la question de l’amitié royale. Il envisage l’évolution de la représentation de Mécène dans l’oeuvre de Corneille, Guez de Balzac et Madeleine de Scudéry.
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L’amitié de Tristan et Lancelot : une structure topique récurrente depuis Roland et Olivier
Maimouna Kane
p. 1–12
RésuméFR :
Tristan, dans Le roman de Tristan en prose est le compagnon et l’ami de Lancelot du Lac le meilleur chevalier de la table ronde. On reconnaît dans l’évocation de l’amitié qui lie Tristan à Lancelot, des éléments déjà rencontrés dans d’autres textes qui présentent des amitiés célèbres. Ainsi La chanson de Roland qui présente l’amitié de Roland et Olivier et La chanson de Girard de Vienne qui nous narre la naissance de l’amitié entre ces deux chevaliers. Le Lancelot, autre texte du XIIIe siècle raconte l’amitié de Lancelot et de Galehaut, amitié qui n’est pas du tout inconnue à l’auteur du Tristan en prose. Lorsqu’il met en scène l’amitié de Lancelot et de Tristan, le prosateur du Tristan en prose a le souvenir de tous ces textes antérieurs d’où un grand nombre d’éléments récurrents. On rencontre des éléments récurrents dans la topique narrative de l’amitié, de la naissance de l’amitié à la mort de l’ami. L’ami se présente comme un égal. Ainsi, tout comme Lancelot est le meilleur chevalier du royaume de Logres, Tristan est le meilleur chevalier de Cornouailles. Tristan comme Lancelot est un chevalier adultère, comme Lancelot, il est amoureux de sa reine. Nous nous proposons d’étudier les éléments récurrents dans la structure narrative de l’amitié de Tristan et de Lancelot dans Le Roman de Tristan en prose, et de les comparer à ceux développés dans Girard de Vienne et dans La chanson de Roland, d’une part (pour Roland et Olivier) et dans le Lancelot, d’autre part (pour Lancelot et Galehaut). Tristan, dans Le roman de Tristan en prose est le compagnon et l’ami de Lancelot du Lac le meilleur chevalier de la table ronde. On reconnaît dans la topique narrative de l’amitié qui lie Tristan à Lancelot, des éléments déjà rencontrés dans d’autres textes qui présentent des amitiés célèbres. Ainsi La chanson de Roland qui évoque l’amitié de Roland et Olivier et La chanson de Girard de Vienne qui nous narre la naissance de l’amitié entre les deux chevaliers. Le Lancelot, autre texte du XIIIe siècle raconte l’amitié de Lancelot et de Galehaut, amitié qui n’est pas du tout inconnue à l’auteur du Tristan en prose. Lorsqu’il met en scène l’amitié de Lancelot et de Tristan, le prosateur du Tristan en prose se souvient de tous ces textes antérieurs d’où un grand nombre d’éléments récurrents. On rencontre des motifs récurrents dans la topique narrative de l’amitié, de la naissance de l’amitié à la mort de l’ami. L’ami se présente comme un double. Ainsi Tout comme Lancelot est le meilleur chevalier du royaume de Logres, Tristan est le meilleur chevalier de Cornouailles. Tristan comme Lancelot est un chevalier adultère, comme Lancelot, il est amoureux de sa reine. Nous nous proposons d’étudier les éléments présents dans la topique narrative de l’amitié de Tristan et de Lancelot dans Le Roman de Tristan en prose, et de les comparer aux éléments développés dans Girard de Vienne et dans La chanson de Roland, d’une part (pour Roland et Olivier) et dans le Lancelot, d’autre part (pour Lancelot et Galehaut).