Cinémas
Revue d'études cinématographiques
Journal of Film Studies
Volume 20, Number 2-3, Spring 2010 L’horreur au cinéma Guest-edited by Richard Bégin and Laurent Guido
Table of contents (11 articles)
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Présentation
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De l’« opéra de l’oeil » aux « films à sensation » : musique et théâtralité aux sources de l’horreur cinématographique
Laurent Guido
pp. 13–40
AbstractFR:
L’auteur s’interroge sur la théâtralité à l’oeuvre dans le cinéma d’horreur à partir de ses origines scéniques. Il s’attache plus particulièrement aux rapports entre le film et diverses attractions spectaculaires du xixe siècle comme la fantasmagorie ou le mélodrame, en prenant en considération les pratiques comme les discours théoriques liés aux fonctions qu’y occupe la musique. Le texte central Komposition für den Film d’Hanns Eisler et Theodor Adorno, trop souvent réduit à une critique unilatérale de la culture de masse, sert ici de fil conducteur à la réflexion. Différentes stratégies musicales sont identifiées et discutées au regard de leur importance historique et de leurs implications esthétiques : le leitmotiv, la dissonance et la répétition. Si l’article se concentre sur les premières années du xxe siècle — du cinéma des premiers temps au film classique hollywoodien —, il lance tout de même quelques pistes de recherche pour aborder la période postérieure aux années 1960. La singularité profonde d’une « nouvelle horreur », telle qu’on peut la définir en fonction de la réception du public de l’époque, est ainsi partiellement nuancée par sa mise en perspective historique.
EN:
This historical study enquires into the theatricality of horror films from the perspective of its origins on the stage. It focuses in particular on the relationship between film and spectacular nineteenth-century attractions such as the phantasmagoria and the melodrama, taking into account theoretical discourses around music’s role in them. Hanns Eisler’s and Theodor Adorno’s central text Komposition für den Film, too often reduced to a one-sided critique of mass culture, serves as the theoretical foundation of this historical enquiry. Three musical strategies are identified and discussed from the point of view of their historical importance and aesthetic implications : the leitmotif, dissonance and repetition. While the article focuses on the early years of the twentieth century, from early cinema to classical Hollywood cinema, it also throws out ideas for addressing the post-1960 period. The profound singularity of the “new horror film,” as it was seen at the time, is thus partially put into new light by placing it in historical context.
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Spectacles douloureux, exhibitions malsaines. Présentations et représentations de la mort à Paris au xixe siècle
Patrick Désile
pp. 41–63
AbstractFR:
Tenant pour acquis que le thème central du cinéma d’horreur est la mort, l’auteur s’interroge sur le contexte de son émergence en examinant (dans les limites du domaine français) des spectacles qui lui sont antérieurs et dont la mort était l’objet. Le xixe siècle a connu, à côté d’innombrables représentations, des spectacles de présentation de la mort. L’exposition publique à la Morgue et les exécutions capitales étaient offertes à une large fréquentation ; des récits accompagnaient ces visions. Mais le cinéma d’horreur ne constitue pas pour autant leur prolongement par d’autres moyens. L’auteur expose en effet un processus plus complexe. Le regard sur la mort change au cours du siècle. À partir des années 1870 s’amorce un processus d’occultation. L’exposition à la Morgue cesse en 1907 ; l’abolition de la peine de mort est envisagée en 1908. Pourtant, dans le même temps, le cinéma montre des scènes d’exécutions. Quand les décapitations, un temps suspendues, reprennent spectaculairement en 1909, elles sont, semble-t-il, filmées. Mais toute projection de scène d’exécution est aussitôt interdite : c’est la naissance de la censure cinématographique en France. Le spectacle de la décapitation réelle est dès lors tabou au cinéma. C’est qu’il peut être considéré comme spectacle de l’horreur par excellence, pour plusieurs raisons que l’examen de l’imaginaire de la décapitation fait apparaître.
EN:
Taking the view that the central theme of horror films is death, this article enquires into the context of their emergence by examining the spectacles, in France, which predated them and whose subject was death. In addition to countless representations of death, the nineteenth century was a time of presentations of death. Public displays at the Paris morgue and public executions were attended by many, and narratives accompanied these showings. Horror films, however, are not their continuation by other means. The author describes a more complex process in which our view of death changes over the course of the century. Beginning in the 1870s, a process of concealment began to take hold. Public displays at the morgue ceased in 1907, and the first bill to abolish the death penalty was introduced in 1908. During the same period, however, films showed execution scenes. When decapitations, which had been suspended for a few years, recommenced in 1909, it appears they were filmed. But any screening of executions was quickly prohibited, thereby giving birth to film censorship in France. The spectacle of real decapitation was henceforth taboo in French cinema. For a variety of reasons, decapitation might be viewed as the horror spectacle par excellence, as the author’s discussion of imaginary depictions of it reveals.
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The Old Dark House and the Space of Attraction
Robert Spadoni
pp. 65–96
AbstractEN:
Writers have invoked the concept of the “cinema of attractions,” from early cinema studies, to claim that horror films sacrifice narrative integrity to deliver sudden frights and spectacular shocks. An examination of the history of the concept of the attraction, however, finds it heavily theorized by Sergei Eisenstein as something that can bind films together in powerful ways. In one horror film, The Old Dark House (1932), slamming doors, quaking thunder, shattering glass and a rampaging mute butler, while scary, also figure in James Whale’s scheme to criss-cross his film with motifs and other repetitions and produce a work that gains with every viewing. Even with its thin narrative, stock characters and, already in 1932, very familiar story about characters trapped in an old dark house, the film hangs together in intricate ways. Most elaborately, Whale embeds attractions in a grid that overlays the tiered spaces of the setting. Characters move up and down the creaky staircases and along the suspended hallways, chasing each other, scuffling, and withholding and disclosing secrets. Scenographic and narrative space mesh into a tight unity lit up by a constellation of “fun house” jolts. Props, including lamps and knives, circulate through these spaces as well, tracing patterns that startle viewers while simultaneously rendering the film rigorously and beautifully coherent.
FR:
Certains auteurs ont utilisé le concept de « cinéma des attractions », issu des études sur le cinéma des premiers temps, pour affirmer que les films d’horreur sacrifient l’intégrité narrative au profit de chocs spectaculaires et d’éléments susceptibles de provoquer des peurs subites. Toutefois, en examinant l’histoire de ce concept, on constate que Sergei Eisenstein a souvent insisté sur la capacité de l’attraction à unifier un film de manière particulièrement efficace. Dans le film d’horreur The Old Dark House (1932), les claquements de porte, les roulements de tonnerre, les carreaux qui volent en éclats ainsi que le menaçant majordome muet, bien qu’effrayants, participent aussi de la stratégie de James Whale. Celui-ci sème son film de divers motifs et répétitions, afin de créer une oeuvre qui gagne en puissance à chaque visionnement. Malgré sa mince trame narrative, ses personnages typés et son histoire, déjà convenue en 1932, de personnages prisonniers d’une vieille et sinistre maison, le film parvient à garder sa cohésion grâce à un procédé complexe. De façon très calculée, Whale introduit les attractions au sein d’un réseau qui coïncide avec les différents niveaux du décor. Les personnages montent et descendent les escaliers grinçants, longent les corridors suspendus, se pourchassent et se chamaillent, révélant ou cachant certains secrets. Les espaces scénographique et narratif s’entremêlent ainsi en une unité serrée, où scintille une pléiade de chocs pareils à ceux des maisons hantées. Les accessoires, tels les lampes et les couteaux, circulent également dans ces espaces, traçant des motifs qui font sursauter le spectateur tout en donnant au film sa rigoureuse et élégante cohérence.
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Le gore, modalité virale du cinéma hollywoodien
Florent Christol
pp. 97–117
AbstractFR:
À partir d’une série de films post-hollywoodiens qui font de l’irruption de l’abject un motif privilégié, cet article se propose de mettre en évidence l’existence d’une modalité « virale » qui, se propageant à partir d’un film souche (The Masque of the Red Death de Roger Corman, sorti en 1964), allait infiltrer et contaminer nombre de films à venir. Afin d’éclairer l’émergence de cette modalité, l’auteur revient dans un premier temps sur la logique socioculturelle de décontamination amenée par le puritanisme et sur les thèses développées par Jean Baudrillard sur l’apparition de virus dans un milieu aseptisé. La modalité virale est ainsi présentée comme le symptôme d’une culture qui, à force d’éliminer les « souillures », génère ses propres pathologies. Dans un deuxième temps, cette modalité virale est saisie dans sa dimension métaphorique, comme reflet des soubresauts sociopolitiques qui ébranlent l’Amérique des sixties. À partir de thèses de René Girard, l’apparition du virus dans le cadre du cinéma américain est appréhendée dans sa dimension démystificatrice. Au terme de ce travail, il s’agit de voir en quoi cette modalité peut être envisagée comme une pathologie typiquement filmique. Le film d’horreur « viral » enregistrerait, en effet, la lutte entre un virus et le corps filmique dans lequel il se développe.
EN:
Through an examination of a series of post-Hollywood films whose explosion of the abject is a central concern, this article sets out to demonstrate the existence of a “viral” cinema which, developing out of a founding strain (Roger Corman’s 1964 film The Masque of the Red Death), came to infiltrate and contaminate a number of films. In order to place this cinema’s emergence in a theoretical context, the author initially examines the socio-cultural logic of decontamination driven by puritanism, and Jean Baudrillard’s theses on the appearances of viruses in asepticized environments, demonstrating how the viral is a symptom of a culture which, in the course of removing “impurities,” generates its own pathologies. The viral is then examined metaphorically, as the reflection of the socio-political upheavals of the 1960s in North America. The demystifying dimension of the emergence of the viral in American cinema is then discussed using the theses of René Girard. By the end of the essay, the viral is shown to be a typically cinematic pathology : the “viral” horror film depicts the struggle between a virus and the cinematic body in which it develops.
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L’attraction fantôme dans le cinéma d’horreur japonais contemporain
Diane Arnaud
pp. 119–141
AbstractFR:
Le cinéma d’horreur japonais contemporain a provoqué depuis dix ans un renouvellement du genre des films de fantômes. L’auteure aborde ce phénomène en se penchant, par l’analyse de séquences, sur un mode d’adresse spectatorielle : l’attraction-fantôme. La notion proposée prend en compte à la fois l’effroi spectaculaire et l’effet spécial de l’apparition lié à la tradition culturelle du théâtre nô et du théâtre kabuki. Elle se rattache à certains aspects (autonomie par rapport à la narration, « émotion choc ») de la théorie des attractions, d’Eisenstein à Gunning. La mise en scène des confrontations et des déplacements fait jouer aux victimes le rôle du spectateur en état de choc. Cependant, les films contemporains intègrent également des mises en série et en réseau des images de fantômes. Le caractère répétitif des apparitions implique une construction diégétique sur le mode de la hantise, de la disparition et de l’oubli. Le champ d’attraction des spectres menace-t-il pour autant l’identité du sujet dans un contexte où les images circulent par voie technologique ? L’attrait contemporain pour le cinéma d’horreur japonais crée plutôt un lien entre esthétique et Histoire : la réémergence de traumas saisie à travers la visibilité des fantômes, déjà apparus, déjà disparus.
EN:
Over the past ten years, the contemporary Japanese horror film has been the site of a return of the ghost film. Through close analysis of specific sequences, the present discussion approaches this phenomenon by postulating a spectatorial mode of address, the ghost attraction. This concept takes into account both spectacular thrills and the special effect of ghostly appearances in the cultural tradition of Noh and kabuki theatre. It is linked in certain ways (independence from the narrative, shock effects) to the theory of attractions, from Eisenstein to Gunning. The staging of confrontations and changes of role make the victims take on the part of the viewer in a state of shock. Nevertheless, these contemporary films also incorporate serial and networked images of ghosts. The repetitive nature of the apparitions suggests a diegetic construction based on a “haunting” mode of disappearance and oblivion. But does the ghosts’ field of attraction threaten the identity of the subject in the present-day context of the technological circulation of images? The appeal of Japanese horror cinema today creates, instead, a link between aesthetics and history: traumas re-emerge which are grasped through the visibility of ghosts which have already appeared and disappeared.
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Sur la dépouille des genres. Néohorreur dans le cinéma français (2003-2009)
Denis Mellier
pp. 143–164
AbstractFR:
Depuis les années 2000, le cinéma d’horreur européen assume un retour au genre et à ses figures, se distinguant ainsi de la réflexivité du métacinéma d’épouvante pratiqué depuis les années 1980. Les contours d’une néohorreur se dessinent, notamment dans le cinéma français, à partir d’une forme de frontalité présente dans des films comme Haute tension (Aja), Sheitan (Chapiron), À l’intérieur (Maury et Bustillo), Martyrs (Laugier), Frontière(s) (Gens) ou Calvaire (du Welz). L’analyse de ces scénarios ouvertement sadiques, déclinant les formes de la claustration et de la mauvaise rencontre, révèle un discours sur la violence propre à ce cinéma, à ses spécificités figuratives et aux options formelles caractéristiques de son montage. L’auteur du présent article interroge la fascination que peuvent exercer ces récits d’ensauvagement, où l’archaïque et l’atavique constituent autant d’épreuves pour les personnages. Il examine également la récurrence de certains motifs obsédants, comme les collections de poupées et d’automates, les capharnaüms d’objets au rebut qu’un étrange naturalisme associe aux mondes ruraux, à la solitude des zones frontalières, aux régions industrielles désertées ou aux arrière-pays attardés.
EN:
In the 2000s, European horror films returned to the genre’s classic style and devices, unlike the reflexivity found in the meta-cinematic thrillers produced since the 1980s. The outlines of a neo-horror genre began to take shape, particularly in French cinema, out of a kind of frontality present in films such as Haute Tension (High Tension, Aja), Sheitan (Chapiron), À l’intérieur (Maury and Bustillo), Martyrs (Laugier), Frontière(s) (Gens) and Calvaire (du Welz). An examination of the openly sadistic scripts of these films—variations on the themes of confinement and ill-fated encounters—reveals a discourse on violence unique to this kind of cinema and to the representational peculiarities and formal options found in its editing. The present article enquires into the fascination that these stories of people gone wild can exert, in which the archaic and the atavistic put the films’ characters to the test. The article also analyses the recurrence of certain haunting motifs, such as collections of dolls and automatons or rooms full of discarded objects that a strange form of naturalism connects with rural life, the solitude of frontier zones, deserted industrial areas or backward hinterlands.
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L’horreur post-apocalyptique ou cette terrifiante attraction du réel
Richard Bégin
pp. 165–191
AbstractFR:
Le film post-apocalyptique plonge le survivant dans une situation où le recours aux références symboliques qui fondent sa culture occidentale s’avère impossible. Dans la « zone » post-apocalyptique, le survivant fait d’emblée l’expérience de la destruction de son monde, tout en étant confronté aux restes matériels et vivants d’une réalité sociale dont l’événement catastrophique n’aura préservé que l’abîme ; cet abîme étant celui du réel tel que l’a théorisé Jacques Lacan. Le réel est ce qui résiste au sens tout en devant sa persistance attractionnelle à une culture qui ne cherche qu’à en refouler la misère essentielle. Le survivant post-apocalyptique erre ainsi dans un avenir indéterminé où se perpétue l’image traumatique d’une culture occidentale désormais impossible. Cette impossibilité constitue le coeur négatif de la réalité sociale, sa part de réel. Le film d’horreur post-apocalyptique institue l’économie narrative de cette impossibilité en personnifiant l’image traumatique de la culture occidentale par l’entremise du zombie, véritable figure refoulée du sujet socialisé. C’est en introduisant ainsi l’abîme dans le registre de l’iconicité que le film d’horreur post-apocalyptique fait le récit d’une impossibilité inhérente à la réalité sociale et sur laquelle repose l’attraction d’une monstruosité originaire et refoulée.
EN:
Post-apocalyptic films plunge survivors into a situation in which recourse to the symbolic references underlying their Western culture is impossible. In the post-apocalyptic “zone,” survivors immediately experience the destruction of their world while they are at the same time faced with the material and living remnants of a social reality of which only the abyss has been preserved by the catastrophic event. This abyss is that of the real, as theorized by Jacques Lacan. The real is what resists meaning while at the same time owing its attractive continuance to a culture which seeks only to repress its underlying poverty. In an uncertain future, the post-apocalyptic survivor thus wanders in a repressed miserablism in which the traumatic image of a now-impossible Western culture persists. This impossibility is the negative centre of social reality, its share of the real. The post-apocalyptic horror film establishes the narrative economy of this impossibility by personifying the traumatic image of Western culture in the form of the zombie, an image of the repression of the socialized subject. By introducing the abyss into the realm of iconicity the post-apocalyptic horror film narrates the impossibility inherent in social reality and on which the attraction of an original and repressed monstrousness rests.
Hors dossier / Miscellaneous
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La scène comme enfermement dans The World de Jia Zhangke
Erik Bordeleau
pp. 195–221
AbstractFR:
The World (2004) de Jia Zhangke offre une occasion unique de penser la globalisation comme enfermement. Le parc thématique autour duquel s’articule le film donne lieu à une puissante allégorie critique de l’espace capitaliste global. C’est un non-lieu, théâtre paradoxal des efforts des personnages du film pour créer une communauté. Comme le souligne Jia Zhangke, la croissance économique a amené dans la vie quotidienne chinoise une constellation de shows, « sort of like economic bubbles, filling up every sector of our lives ». Dans une optique principalement post-heideggérienne, cet article propose d’examiner comment The World prolonge cinématographiquement cette observation, en faisant entrer le spectateur dans l’intimité des conditions de production du spectacle global en lui montrant les répercussions immédiates de celui-ci sur l’être-ensemble. L’auteur présente The World comme pratique du non-lieu et itinéraire d’unilatéralisation du malaise existentiel lié aux conditions de la mobilisation globale capitaliste. Il s’agit de voir comment The World peut contribuer à une démobilisation par la production d’un sentiment claustrophobique chez le spectateur. L’hypothèse dernière de ce travail est que l’effet d’enfermement savamment orchestré par Jia Zhangke assume et conjure le sentiment claustrophobique provoqué par le processus d’enfermement global et provoque ainsi de nouvelles possibilités d’être-au-monde.
EN:
Jia Zhangke’s film The World (2004) provides a unique opportunity to consider globalization as a form of confinement. The theme park in which the film unfolds is a powerful critical allegory for global capitalist space. It is a non-space, a paradoxical theatre for the film’s characters to create a community. As Jia has pointed out, economic growth has brought into Chinese daily life a constellation of shows, “sort of like economic bubbles, filling up every sector of our lives.” The present article adopts a principally post-Heideggerian approach to examine how The World is a cinematic extension of this observation, taking the spectator inside the private space of the production of global spectacle and its immediate repercussions on the level of being-together. The author discusses The World as the practice of a non-space and the unilateral itinerary of the existential malaise caused by the conditions of global capitalist mobilization, examining how it can contribute to demobilization through the production of a claustrophobic sensation in the viewer. The article’s final hypothesis is that the feeling of confinement created by Jia Zhangke takes up and casts out the sense of claustrophobia caused by the process of global confinement, thereby giving rise to new possibilities for being in the world.