Volume 42, Number 3, 2011 Gautier. Comme il vous plaira Guest-edited by Cynthia Harvey
Table of contents (8 articles)
Études
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La résurrection du passé ou le Second Faust revisité
Marie-Hélène Girard
pp. 15–31
AbstractFR:
Dans le prolongement de l’étude que Georges Poulet a consacrée à l’influence du Second Faust sur le fantastique de Gautier, l’article montre l’empreinte durable et profonde que ce texte a laissée également dans l’oeuvre du critique d’art. Les échos du texte traduit et commenté par Nerval se retrouvent aussi bien dans la « rétrospection évocatrice », qui rend compte des tableaux d’Ingres, de Meissonier, de Gustave Moreau ou des peintres de genre historique, que dans la réorientation esthétique d’un certain nombre de notions héritées du romantisme, comme celle de couleur locale, d’intuition ou d’ascèse de l’artiste. Les leçons du classicisme weimarien convergent non seulement avec l’image que Gautier a imposée de la perfection ingriste, mais aussi avec son plaidoyer en faveur de la sculpture, avec sa défense de la « forme abstraite » et la prédilection de plus en plus exclusive que ses Salons accordèrent au modèle antique sous le Second Empire. Ces multiples convergences confirment l’ambition prêtée à Gautier par Bergerat, d’être le « Goethe français », en même temps qu’elles éclairent l’originalité et la cohérence d’une critique et d’une esthétique trop souvent jugée opportunistes ou rétrogrades.
EN:
Following on Georges Poulet’s study of the influence of the Second Faust on Gautier’s realm of fantasy, this essay highlights the deep and lasting impact that this work also had on Gautier, the arts critic. Echoes of Nerval’s annotated translation of that text can be found in the “suggestive retrospection” describing the paintings of Ingres, Meissonier, Gustave Moreau or others dealing with History. Such echoes also underpin the aesthetic realignment of a number of Romantic concepts such as local colour or an artist’s intuition or asceticism. The legacy of Weimar classicism agrees not only with Gautier’s depiction of Ingres’ perfection but also with his promotion of sculpture, his support for the “abstract form” and the growing preference expressed in his Salons for the antique models of the second Empire. Such melding confirms Bergerat’s opinion of Gautier seeking to be known as the “French Goethe”. It also illustrates the originality and consistency of a critic whose aesthetics were too often derided as opportunistic or old-fashioned.
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La « plastique de la civilisation » chez Gautier critique
Barbara Bohac
pp. 33–47
AbstractFR:
L’étude porte sur une part mal connue de la critique artistique de Théophile Gautier : les articles consacrés aux arts décoratifs. Elle présente la réflexion de Gautier sur la décadence de la plastique contemporaine et ses causes : l’esprit bourgeois et, au-delà, la lutte du christianisme protestant contre la chair et l’ornement. Elle expose sa défense de l’ornement, seule création authentique tournée vers l’idéal. Y sont analysés les principes de ce que Gautier appelle la « plastique de la civilisation », c’est-à-dire l’esthétique étendue à tous les aspects de la vie, y compris les plus ordinaires — préfiguration du mouvement Arts and Crafts ou de l’Art Nouveau.
EN:
This essay deals with a little-known aspect of Théophile Gautier’s role as an arts critic : his musings dealing with the decorative arts. Here, we learn of Gautier’s thoughts on the decline of contemporary aesthetics and its root causes : a rising gentrification and the war waged by protestant Christians against both flesh and adornment. Gautier supported adornment, which he viewed as an authentic creation seeking an ideal. This essay looks at the principles of what Gautier considered the “figuration of civilisation”, being the pervasiveness of aesthetics in all aspects of life, even its most mundane : a foretaste of what would be known as the Arts and Crafts movement or Art Nouveau.
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Entre barbare et civilisé ou Pour aller en Chine avec Gautier
L. Cassandra Hamrick
pp. 49–69
AbstractFR:
La visite d’une jonque chinoise en exhibition dans les docks à Londres en 1849 fournit à Gautier la matière d’un feuilleton qui, tout en étant humoristique de ton, fait réfléchir à la notion de civilisé par opposition à barbare à un moment où les ambitions commerciales et colonialistes en France et en Grande Bretagne se développent. Cependant, dans cet article, qui concerne la période entre les deux guerres de l’opium, la dichotomie barbare / civilisé, loin d’avoir des connotations politiques pour Gautier, renferme l’essentiel de sa perspective esthétique.
EN:
In 1849, Gautier visited a Chinese junk docked in London. This would lead to a serial both humorous and thought provoking, attempting to define barbarism versus civilisation. This was then a timely topic given France and Great Britain’s growing colonial and trade ambitions. However, Gautier’s musings on the dichotomy opposing barbarism to civilisation, even sandwiched as they were by the two opium wars, eschew political arguments in favour of the quintessential definition of his aesthetic perspective.
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Gautier critique d’Hoffmann
Christiano Merlo
pp. 71–82
AbstractFR:
La fortune et l’influence d’E.T.A. Hoffmann sur la production fantastique de la France du XIXe siècle sont bien connues. Théophile Gautier lui-même a été subjugué par le grand maître allemand : Les Jeunes-France — et Onuphrius notamment — portent les signes visibles de cette fascination ; mais toute son oeuvre fantastique est pétrie, dans ses interstices, de la lectio de « Hoffmann, le fantastiqueur », pour reprendre l’épithète duquel la France littéraire l’affubla. Cet engouement l’amena même à réfléchir sur l’oeuvre « hoffmannique » (comme Baudelaire aimait à dire) en tant que critique. Si son premier article sur l’auteur allemand (resté inédit jusqu’à la fin du XIXe siècle), rédigé quand il n’avait que 19 ans, montre l’enthousiasme exaspéré et un peu naïf de la jeunesse romantique en assumant beaucoup de poncifs de la vogue hoffmannienne, l’essai suivant (Les contes d’Hoffmann, 1836) apporte un point de vue tout à fait nouveau sur la production de ce conteur. Une réflexion fort lucide et ponctuelle, d’une logique infaillible, démystifiant tout cliché, qui va au-delà de l’analyse de l’oeuvre d’Hoffmann, pour proposer une ébauche de la théorie générale du fantastique (au sens propre), qui anticipe les théorisations de la critique du XXe siècle (Castex, Caillois, Todorov, Bessière).
EN:
E. T. A. Hoffmann’s fame and influence on the fantasy genre in 19th century France are well known. Even Théophile Gautier was won over by this great German master, a fascination evidenced in Les Jeunes-France and Onuphrius, among others. Yet beyond that, every facet of Gautier’s fantasy oeuvre pays tribute to Hoffmann, an author who literary France dubbed the “fantasticor”. Gautier’s infatuation led him to ponder the “Hoffmannian output” (as Baudelaire was wont to say) from his viewpoint as a critic. His first take on the German writer, written when he was but 19 years old and not published until the end of the 19th century, is suffused with naïve, intense, youthful enthusiasm, and embraces many hoffmannian stereotypes. Gautier’s next essay (the 1836 Les contes d’Hoffmann) casts a brand new light on the German’s works. It is an extremely lucid and timely take, the inescapable logic of which demystifies all clichés, going beyond a mere analysis and into a proposed general theory on fantasy as a genre, forecasting such theoretical critics of the 20th century as Castex, Caillois, Todorov or Bessière.
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Rencontres vénitiennes : l’héritage esthétique de Gautier
Christopher Bains
pp. 83–92
AbstractFR:
Gautier ne s’est pas empressé d’aller en Italie comme la plupart des romantiques ; il attend l’année 1850 pour se rendre dans ce pays qui, pour des raisons esthétiques, s’avérera devenir pour lui un lieu de pèlerinage. Sans doute, le retard de Gautier s’explique-t-il par un désir d’éviter la recréation dans Italia d’une certaine conception romantique du pays. Le regard de Gautier consiste en une appropriation de l’objet esthétique à travers la délectation de ses parties composantes, ses couleurs, ses aspects et ses contours. Ce mode de consommation optique transforme le réel en l’esthétique et détourne l’image littéraire de toute interprétation du banal.
EN:
Gautier did not rush to Italy like most of the romantics ; he waited until 1850 to undertake the voyage that would become for him an artistic pilgrimage. Without a doubt, Gautier’s lateness can be explained by the desire to avoid recreating a certain romantic conception of Italy. His narrative perspective in Italia consists of appropriating the aesthetic object through the delectation of its different parts, colors, aspects and contours. This mode of optical consumption transforms reality and dislodges the literary image from representations of commonplace reality.
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Pour une esthétique de la désinvolture : Jean et Jeannette, Le petit chien de la marquise, ou le goût du joli chez Théophile Gautier
Catherine Thomas-Ripault
pp. 93–104
AbstractFR:
Dans Jean et Jeannette ou Le petit chien de la marquise, petits pastiches de romans du XVIIIe siècle, Gautier s’empare de sujets frivoles pour restituer une époque qu’il imagine essentiellement festive. Imprégné de ses lectures, il crée un univers ludique et joue avec le langage du passé. Ces récits sans prétention relèvent pourtant d’une esthétique de la désinvolture et de l’excentricité chère à Gautier : le joli, qui n’est qu’agrément de décor, plus libre et plus vivant que le beau, satisfait le goût de l’auteur pour un art gratuit, libre, pour une littérature qui vise avant tout à distraire et à charmer le lecteur.
EN:
Jean et Jeannette and Le petit chien de la marquise are both a pastiche of 18th century novels in which Gautier writes about frivolities and recreates an era he believes was mostly one of parties. Drawing on all he has read, he draws a playful universe in which he toys with a bygone language. These unpretentious works nonetheless speak of Gautier’s taste for nonchalance and eccentricity. Prettiness, which embellishes the décor and is freer and livelier than beauty, caters to Gautier’s wish for a free form of art, for a literature of which the main purpose is to please and distract the reader.
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Mélancolie de Théophile Gautier
Alain Montandon
pp. 105–118
AbstractFR:
La mélancolie de Gautier, inscrite dès l’origine, et dont les images traversent toute l’oeuvre, s’exprime dans la tristesse de la perte de l’objet et le désir de l’ailleurs qu’il appelle « la maladie du bleu ». Mais les rêves solaires comme les rêves d’envol ont leur revers : le soleil devient noir et le vol se fait chute et noyade. Le poème « Tristesse en mer » témoigne de l’artifice du salut qui doit être pris avec ironie.
EN:
Gautier’s constant and pervasive melancholy comes across in the angst of loss and a quest for elsewhere that he calls the “blue affliction”. There is a flip side to going for the Sun or dreaming of flying, however: the Sun can turn dark, and flying can end in a fall and drowning. “Tristesse en mer” is a poem that describes the irony of perceived salvation.