Relations industrielles
Industrial Relations
Volume 22, Number 2, 1967
Table of contents (29 articles)
-
Perspectives nouvelles des relations industrielles
Émile Gosselin
pp. 153–186
AbstractFR:
Dans cet article l’auteur écrit que nous continuons à scruter de vieux problèmes qui demeurent pratiquement inexpliqués. Car ces problèmes ont été abordés avec un certain manque d'imagination au niveau des méthodes, sans esprit de continuité et surtout sans déployer les efforts voulus en vue d'intégrer les connaissances acquises au sein d'un corps cohérent de théorie. L'auteur fait le point et surtout dégage des perspectives nouvelles en relations industrielles.
EN:
The main purpose of this study is to know whether the multi-disciplinary approach which gave birth and afterward stimulated the evolution of industrial relations in North America is still valid or not ?
The creation of Departments of industrial relations is the beginning of the modern era in this field. Such departments, as those of Laval's and Montreal's since 1944, in spite of their youth, succeeded in supplying private enterprises as well as Public administration with competent graduates. But the pioneers worried a lot about the slowness of research in industrial relations. Such association as the IRRA, established in 1948, completed the reflexion begun by the foundators in stimulating research in every aspects of labor, particularly in favouring the multi-disciplinary approach.
THE ROLE OF UNIVERSITY AND GOVERNMENT
Conscious of its role in society, the University, by creating departments of industrial relations, wished to bring one of the answers to the many problems of our community in favouring research and accumulation of knowledge on labor problems. This institution cannot ignore the difficulties of our society in evolution. Even though many problems of manpower are out of date, some of them remain unsolved, but it should not refrain us from looking for the true meaning of labor, its role in our environment and its influence on our behaviour.
On the other hand, the role of the state in the field of industrial relations has changed a lot. It must now be more than a simple law-maker and a protector of property and personal security. It must look for a consensus between the interests involved. To do so, the state must have its own staff of specialists in industrial relations.
The growth of trade-unionism, the coming of collective bargaining and the intervention of the governments have given industrial relations an extremely fluid, delicate and complex character that demands everywhere the presence of a highly qualified personnel.
THE NEW APPROACH
After a while, individual research was not valid any more. The need for exchange between the different disciplines became necessary in order to verify the many hypotheses. By creating departments of industrial relations, no one wanted to eliminate or to minimize the role of the traditional sciences. On the contrary they will always remain the basis of study for labor problems. Individual research bringing only parts of solutions, the creation of multi-disciplinary study team was to allow deeper and more comprehensive analysis of certain phenomenous never truly examined.
After surveys and information, one might criticize that we failed to look for a general interest common to all sciences involved in labor problems and that we cared too much for actuality instead of deepening the studies.
We continue to examine old problems which practically remain unexplained because they were approached with a lack of imagination in the methods, without a spirit of continuity and especially without really trying to integrate the results obtained into a coherent theorical framework.
From the preceeding critics does not follow a systematic refusal to the multi-disciplinary approach for the study of labor problems. We believe that multi-disciplinary teaching is essential for a real understanding and interpretation of the problems. Two results will follow :
1 ) more and more important essays of conceptualization ;
2) trends of integration between the different sciences,
A NEW START
If we want a new start in the field of industrial relations, we will have to solve the following problems :
1 ) lack of material and human resources ;
2 ) slowness of research ;
3) lack of professorial resources.
It is only with the multi-disciplinary research that an integration of the concepts and a real dialogue might be realized between specialists of different approaches of multi-disciplinary and inter-universitary research with a frame of progression accepted by all and within a frame of reference that would allow everyone to bring his effort.
The most important thing in my proposal is the notion of exchange which is the counterpart of the principle of the division of labor. We think that if we want to elaborate a frame of reference being common to all specialists in industrial relations, that frame of reference will have to be based on the concept of exchange.
-
The Trades and Labor Congress of Canada and Political Action 1898-1908
Martin Robin
pp. 187–215
AbstractEN:
An examination of the politics of the Trades and Labour Congress of Canada and its relationship with the radical political movement in English-speaking Canada between 1898 and 1908. The Congress moved left in the years around the turn of the Century and supported the principle of independent labour representation but refrained from endorsing the new Socialist movement. A Canadian Labour Party was launched in 1906 but socialists and independent laborities in the Congress remained unreconciled and the new party failed to get off the ground.
FR:
Cette étude porte sur l'action politique du CMTC et sur ses relations avec le mouvement politique socialiste dans la partie anglophone du Canada entre 1898 et 1908. Sur le plan politique les chefs syndicaux du CMTC étaient plutôt de tendance libérale quand les partis travaillistes indépendants et socialistes apparurent vers 1898. Les activités des adhérents de ces partis à l'intérieur du mouvement ouvrier constitua un sérieux défi pour les chefs syndicaux et aussi pour leurs politiques partisanes traditionnelles.
C'est du Manitoba et de la Colombie Britannique que vinrent les premières pressions pour l'adoption par le CMTC d'un engagement politique plus indépendant. En effet dans ces deux provinces des politiciens travaillistes radicaux avaient obtenu un certain succès. Un référendum sur la représentation ouvrière indépendante fut pris au congrès du CMTC en 1899 mais les résultats furent insatisfaisants. Une résolution adoptée au congrès de 1900 favorisait l'élection du président du CMTC Ralph Smith, à la Chambre des Communes en tant que représentant d'un parti ouvrier indépendant.
A partir de ce moment l'engagement politique du CMTC se concrétisa et se développa rapidement. Au congrès de Brantford en 1901 l'exécutif du Congrès ratifia le principe de la représentation ouvrière indépendante et proposa une modernisation radicale des techniques de « lobbying ». Ce nouvel état d'esprit dans le CMTC s'amplifia l'année suivante au congrès de Berlin quand les Chevaliers du Travail, groupe conservateur d'unionistes, furent expulsés du CMTC et que Ralph Smith, sympathisant libéral fut remplacé par John Flett à la présidence du Congrès.
Ce virement vers la gauche effectué par le Congrès ne sanctionnait pas pour autant le socialisme ou le mouvement socialiste auquel était associée une faible minorité à l'intérieur du CMTC. Celle-ci fit des tentatives pour lancer le mouvement syndical vers la gauche. Ces tentatives échouèrent parce que leurs promoteurs en Colombie Britannique favorisaient autant le syndicalisme industriel que le syndicalisme de métier. Cette prise de position fut interprétée par les membres du CMTC comme du socialisme politique et comme contribuant à diviser le mouvement ouvrier au lieu de l'unifier. C'est pour ces raisons que les chefs socialistes furent tenus à l'écart des congrès du CMTC. Dans les années qui suivirent le célèbre congrès de Berlin, le CMTC continua à soutenir le principe de la représentation indépendante mais évita d'endosser le nouveau mouvement socialiste ou de mettre sur pied un organisme pour créer un parti ouvrier national.
En 1906 cependant la conjoncture était favorable à un affrontement entre les tenants de la représentation ouvrière et les socialistes à l'intérieur du Congrès. Il eut lieu au congrès de Victoria en Colombie Britannique. A ce congrès on vota en faveur de la création d'un parti ouvrier canadien et on rejeta le Parti socialiste du Canada et ce même si en Colombie Britannique il était considéré comme le « bras politique normal du mouvement ouvrier organisé ». Des congrès subséquents furent tenues par les sections provinciales du Parti ouvrier canadien en Alberta, au Manitoba, en Colombie Britannique et en Ontario. Les socialistes dominèrent les congrès qui eurent lieu en Alberta et en Colombie Britannique et c'est pourquoi ces mêmes congrès reconnurent le Parti Socialiste du Canada comme représentant le travail organisé sur le plan politique. On essaya en vain de légitimer cette ingérence socialiste aux congrès du CMTC en 1907 et en 1908. Dans les autres congrès qui précédèrent la première guerre mondiale, aucun effort ne fut fait pour relancer le Parti ouvrier canadien agonisant, reconnaître le Parti socialiste du Canada ou régler les chicanes entre les factions politiques traditionnelles,
-
Le capitalisme moderne et la planification : Réflexions sur l’expérience française
Bernard Solasse
pp. 216–240
AbstractFR:
Loin de contredire la « logique » d'une économie capitaliste, la planification souple peut, au contraire, renforcer les conditions d'une croissance soutenue et harmonisée et corriger partiellement les déséquilibres et les tensions nécessairement liés au développement.
EN:
systematic planning, even though flexible and indicative, is frequently considered as one of the decisive elements of a « socializing » economical policy. The French experience may be given as an example of the contrary.
Modem economies are large scale economies where the private enterprise is the prevalent means of production. One cannot explain concentration only by the search of power and profit but also by the requirements of a mass production whose place is only in a large market. These modem economies are also integrated economies : development requires the harmonization of programs and projects between the predominant enterprises and also necessitates proper measures to reduce tensions brought by the development itself. In front of the growing power of oligopolies and of the political administrative influence, the counterpowers, as the labor unions or the consumers' organizations, have a limited efficiency.
These are the important issues which lead to a further investigation of the impact of systematic planning. Does it break into the power of the private enterprise ? To what extent does it transform the structures and the operation of the economy ? To what extent does the debate on organized planning and participation of economic agents in the elaboration of the « plan » bring a renewal of the socio-economic attitudes and strategies on the social front? A reflexion, even shallow, on the French experience should allow us to bring an answer to these questions.
In the present phase, the Fifth French « plan » far from doubting of the logic of a capitalist economy, is a deliberate factor of concentration and modernization. The « plan » tends to prepare the French economy to face the challenge brought by its integration in the Common Market. But paradoxically, the coming complete fusion of the economies of the six countries, members of the European Economic Community, added to the establishment of common policies limit the scope of the national « plan ».
It seems that the French « plan » fulfills a triple positive function :
a ) As a source of information and economic forecast the « plan » guarantees more coherence to the governmental directives and especially to the entrepreneur's decisions. This information widely broadcasted allows everyone to acknowledge the conditions of economical progress, its exigencies and its necessities. Information is the necessary condition of a « concerted economy » defined in the following terms by Mr. François Bloch Laine :
« Un régime dans lequel les représentants de l'Etat (ou des collectivités secondaires) et ceux des entreprises (quel que soit le statut de celles-ci) se réuniront de façon organisée pour échanger leurs informations, pour confronter leurs prévisions et pour ensemble tantôt prendre des décisions, tantôt formuler des avis à l'intention du gouvernement. »
b) The « plan », as a corrective, tends to reduce the tensions inevitably brought by the economic development. The policy of land development tends to slow down and, if possible, to reduce the interregional disparities and disequilibrium. It is based on many different measures, going from an administrative reform to many governmental intervention in the fiscal field... without leaving aside the contribution of the state in the financing of the infrastructural development conducive to the emergence of bringing new enterprises in the lagging areas.
But, it is in the agricultural sector that the changes are the biggest. In the Common Market, the French agriculture, in order to face the active competition, must move into specialization and revamp its cultivation methods. In the present role, the « plan » seeks a more satisfying equilibrium between individual and collective consumptions, equilibrium broken by the spontaneity of the market which tends to privilege the kind of consumption susceptible to realize more profits.
c ) As the Stake of a collective debate, the « plan » leads to the confrontation of the economic agents' projects, attitudes, and desires to the extend to which the development depends upon their accounts. The « plan » tends to institutionalize practices and a type of group relationship that, without looking for a consensus, allows them to have a better idea of the stake and of the consequences of the conflicts that could divide them.
-
The Need for Analyzing Collective Agreements in Canada
Félix Quinet
pp. 241–262
AbstractEN:
In this article, the author explains the reasons why a thorough analysis of collective agreements must be undertaken. These documents are subjected to environmental factors and generate changes. Moreover, they are related to and influenced by broad economic and social policies and objectives. He also investigates some technical problems involved in the analysis of collective agreements.
FR:
INTRODUCTION
Avant d'aborder l'essentiel de notre étude, disons tout d'abord quelques mots concernant le service où se font les analyses de conventions collectives au ministère fédéral du Travail. La majeure partie de l'analyse se fait dans la Division des négociations collectives de la Direction de l'économique et des recherches du Ministère. Dans cette Division, se trouve ce que nous croyons être la collection la plus riche au Canada de conventions collectives. En effet, il s'y trouve environ 8,000 conventions en dossier et des mesures sont prises, il va sans dire, pour que cette collection soit tenue à jour et complétée lorsque le besoin s'en fait sentir.
Cette collection de conventions collectives permet d'effectuer deux tâches essentielles : la première est celle des affaires courantes. Il s'agit d'une analyse mensuelle des conditions figurant dans les accords conclus et des progrès réalisés dans les négociations syndicales qui se déroulent dans les entreprises et groupements de 500 travailleurs ou plus au Canada, sauf dans l'industrie de la construction. Les résultats de ces travaux paraissent mensuellement dans un document connu sous le nom deRevue de la négociation collective, qui constitue un supplément à laGazette du Travail. En prenant cette enquête mensuelle pour point de départ, l'on prépare des tableaux semestriels et annuels sur les augmentations de salaire négociées par les groupements qui ont participé à l'enquête.
En ce qui concerne les affaires courantes, l'on doit souligner le fait que des mesures sont actuellement prises pour étendre le champ de préoccupation de la Revue de la négociation collective. En fait, il s'agit d'une tentative visant à rendre l'enquête plus représentative encore des faits qui surviennent dans le domaine des relations ouvrières-patronales dans l'ensemble du Canada. Il faut signaler qu'à partir de cette expansion des tâches, qui est actuellement en voie de réalisation, il pourrait se faire une enquête comprenant des groupements de négociation plus petits que ceux qui font actuellement l'objet de l'enquête, compte tenu naturellement de la taille la plus commune des groupements de négociation dans chacune des industries couvertes par l'enquête.
Sur la base de cette collection de conventions collectives, l'on fait également dans la Direction de l'économique et des recherches ce que l'on appelle la codification qui, en fait, est une analyse détaillée et générale des dispositions des conventions collectives conclues dans l'ensemble des industries au Canada.
Si un titre plus précis aurait dû être donné à ce texte, le suivant aurait été choisi :La convention collective en tant que document de recherche : ses possibilités et ses limites. En d'autres termes, l'on mettra l'accent sur l'aspect positif des résultats et les caractéristiques utiles de l'information que l'on peut extraire d'une analyse de conventions collectives, mais l'on voudrait également faire bien remarquer les limites des conventions collectives en tant que documents de recherche.
RAISONS QUI MOTIVENT L'ANALYSE DES CONVENTIONS COLLECTIVES
Avant d'étudier ces deux aspects particuliers, l'on tentera de répondre à une question plutôt fondamentale : pourquoi faire l'analyse des conventions collectives conclues dans l'industrie au Canada ?
Dans notre système social et économique, qui n'est pas planifié pour une grande part, les décisions relatives à un grand nombre de questions doivent être prises par les parties aux négociations collectives tandis que dans d'autres pays, où le système est plus ou moins planifié, bon nombre de ces questions sont prévues par des dispositions légales. Il y a également ce facteur très important que notre système de relations professionnelles, fondé en grande partie sur le caractère local des relations ouvrières-patronales, lie intimement les parties aux négociations collectives et les conventions collectives elles-mêmes aux problèmes locaux et au rythme de vie de la collectivité au sein de laquelle sont appliquées les conventions collectives.
Il y a aussi, il va sans dire, cet autre facteur que dans un grand nombre d'entreprises au Canada, les salariés, dans une très forte proportion, sont couverts par des conventions collectives. 1 Par conséquent, les conditions de travail d'une proportion considérable de la main-d'oeuvre dans ces industries sont déterminées par les négociations collectives.
On peut aussi raisonnablement supposer que les conditions de travail déterminées par les négociations collectives dans un groupement de négociation donné peut avoir des répercussions plus ou moins fortes sur les conditions de travail en vigueur dans les autres groupements de négociation et peut constituer aussi un facteur déterminant dans les conditions de travail en vigueur dans les secteurs industriels non syndicalisés.
Il a déjà été dit que les conventions collectives traduisent d'une façon générale les aspirations, les besoins, les objectifs, les valeurs de la collectivité dans laquelle elles sont appliquées D'autre part, l'essentiel de ces conventions reflète à divers degrés la nature des opérations industrielles tout aussi bien que la position économique de l'entreprise et de l'industrie où s'appliquent les conventions. Règle générale, on peut affirmer que la convention collective est à la fois un document qui porte la marque des divers caractères du milieu où elle s'applique et un document qui est à l'origine des attitudes, des façons de vivre, des points de vue d'une collectivité et qu'elle exerce en retour une influence sur la constitution de ces divers éléments.
Il ne serait pas difficile d'illustrer par des exemples ces généralisations quelque peu théoriques. Toute collectivité qui n'a pas favorisé l'emploi des femmes dans l'industrie n'apporterait probablement pas beaucoup d'encouragement aux parties à la négociation collective à faire insérer une disposition sur les congés de maternité dans les conventions collectives. Même si une telle disposition sur les congés de maternité existe dans les faits, il faut encore penser que les attitudes de cette collectivité se traduiront dans les modalités d'application de cette disposition. Serait-ce manquer de réalisme que de supposer que certaines attitudes de la société pourraient exercer quelque pression sur les parties à la convention collective afin que les avantages prévus par la disposition sur les congés de maternité soient attribués seulement aux femmes mariées?
Les traditions sociales ont également des répercussions sur le nombre des congés payés que les conventions collectives peuvent prévoir. Les traditions fortement centrées sur la famille peuvent également avoir des répercussions sur le type des dispositions relatives aux congés de décès payés à être insérées dans les conventions. Dans certains cas, quelques-uns de nos analystes de conventions collectives ont remarqué que les avantages prévus par ce genre de disposition tendent à être plus considérables dans la province de Québec que dans celle de l'Ontario. L'on peut supposer que de fortes traditions familiales peuvent même avoir des répercussions sur le genre des dispositions d'ancienneté qui figurent dans une convention. Certaines dispositions d'ancienneté en relation avec l'avancement ou le licenciement feront entrer en ligne de compte des facteurs comme ceux du nombre des personnes à charge, tout aussi bien que le temps de présence dans l'entreprise et les aptitudes, lorsqu'il s'agira de donner de l'avancement à un travailleur ou de faire le choix des travailleurs à retenir dans l'entreprise.
L'on pourrait multiplier les exemples indiquant avec clarté que la convention collective est un document sur lequel s'exercent des pressions de l'extérieur et influent des traditions et des valeurs. Un autre exemple de ce fait est l'insistance actuelle que l'on met sur le bilinguisme et le biculturalisme et qui, nous pensons, a des répercussions sur les conventions collectives. Au cours de ces derniers mois, nous avons l'impression très nette qu'un nombre croissant des conventions collectives en vigueur dans la province de Québec sont non seulement écrites à la fois en anglais et en français mais encore expriment la réalité culturelle qui correspond à chacune de ces deux langues. Il nous semble qu'à l'heure actuelle les conventions collectives rédigées d'abord en anglais ne sont plus aussi souvent, comme autrefois, simplement traduites en français ; elles font l'objet d'un texte qui exprime la réalité en français.
La convention collective entant que document générateur d'évolution
L'on a également affirmé que la convention collective, par son essence même, avait à son tour des répercussions sur les modes de vie, les attitudes sociales et les valeurs. Les dispositions relatives à l'égalité des salaires féminins et masculins, les congés-éducation et les congés de maternité, aussi bien qu'une insistance marquée sur l'instruction et les aptitudes dans les dispositions concernant l'ancienneté et l'embauchage, peuvent avoir des répercussions très nettes sur les attitudes de l'ensemble des salariés. Par conséquent, la convention collective, parce qu'elle est l'objet de pressions extérieures et parce qu'elle fait état de nouvelles exigences et qu'elle donne satisfaction à ces dernières, produit des effets d'accélération dans le processus d'adaptation sur les plans de l'économie et de la main-d'oeuvre. En ce faisant, la négociation collective et la convention collective servent de terrain d'essai pour les nouvelles idées, les nouvelles méthodes et les nouvelles politiques. Ce phénomène est non seulement conforme à l'évolution mais il est encore cause de l'évolution.
Afin d'illustrer ce qui vient d'être dit et bien que ce ne soit pas là un fait bien récent, prenons le cas de la Formule Rand 2 qui est beaucoup plus qu'une simple disposition de sécurité syndicale.
Que l'on soit partisan ou non d'une telle forme de sécurité syndicale, on peut considérer qu'elle englobe les éléments d'une méthode qui pourrait nous permettre de résoudre le problème qui consiste à assurer la coexistence, dans notre société industrielle, des principes de liberté individuelle aux côtés de ceux de solidarité et de puissance que procure l'organisation ouvrière. Cette méthode, telle qu'elle se trouve traduite dans la formule Rand, aura probablement des répercussions sur les attitudes et les perspectives sociales qui peuvent se manifester bien au-delà des limites du groupement de négociation où se trouve appliquée cette disposition de sécurité syndicale. En fait, l'on peut croire que les répercussions peuvent même se faire sentir en dehors du cadre des relations industrielles. Avant de quitter le sujet de la formule Rand, une simple question pourrait être posée : est-ce inadmissible de supposer que la mise en oeuvre de cette disposition sur la sécurité syndicale pourrait avoir été de quelque façon à l'origine du développement d'un sens social nouveau chez les travailleurs et les directeurs d'entreprises qui, avant de se placer dans l'industrie, ont pu avoir été exposés aux traditions individualistes de leur milieu rural ?3
Lorsqu'il s'agit d'apporter une réponse au problème des innovations techniques et aux nouvelles exigences éducatives qu'elles entraînent, il est permis de penser que la négociation collective peut, dans certains cas, permettre de faire plus que de tenter de trouver une solution à une nouvelle situation. Lorsqu'une convention collective prévoit que des cours de formation de base seront offerts aux travailleurs, avec l'aide concrète ou morale de l'entreprise, cette disposition particulière fait plus qu'entériner une nouvelle exigence d'éducation résultant d'une transformation technique dans une usine particulière. En fait, si cette disposition représente une innovation concernant l'éducation des adultes, elle va certainement permettre de faire des expériences utiles et faire adopter par les ouvriers de nouvelles attitudes au sujet de l'éducation. En réalité, la mise en oeuvre de cette disposition peut être une expérience très significative qui pourra provoquer des changements ailleurs.
On peut ainsi tenter de formuler la conclusion suivante en se fondant sur ce qui a été dit jusqu'ici : il est absolument indispensable dans notre société d'envisager les conventions collectives dans une perspective globale parce qu'il s'agit d'une société dont l'évolution dépend, dans une grande mesure, des décisions prises aux échelons subalternes (souvent, en d'autres termes, au niveau de la convention collective). L'on pourra ainsi comprendre comment les organisations industrielles et sociales font face aux problèmes nouveaux, quelle solution elles apportent à ces problèmes et dans quelle mesure sont positives et constructives ces solutions et contributions concernant les innovations et les transformations.
Le rôle de l'analyse des conventions collectives dans ses rapports avec les grandes politiques et les objectifs économiques et sociaux
Lorsqu'un certain degré de planification économique et social est mis en oeuvre, et c'est là peut-être la direction dans laquelle s'oriente notre propre société, il est important d'étudier, d'analyser et d'évaluer les conventions collectives pour déceler la façon dont ces conventions collectives de même que les pratiques et les mécanismes qu'elles sont susceptibles de mettre en marche, s'harmonisent avec la réalisation des objectifs économiques et sociaux que l'on propose à la nation en général. Cette analyse des conventions collectives est également importante lorsqu'il s'agit de distinguer les diverses façons possibles dont les conventions peuvent, par l'intermédiaire d'autres dispositions, s'opposer aux objectifs que proposent les institutions publiques à la nation.
Dans ce cas ici également, il n'est pas difficile de trouver des exemples. En voici un. Diverses institutions publiques, comme le ministère fédéral du Travail, au cours d'un certain nombre d'années, et le Conseil économique, ont insisté dans leurs déclarations sur le fait que la formation et l'adaptation de la main-d'oeuvre à notre époque d'évolution technique constituent des conditions préalables pour que le Canada tout entier progresse sur le plan économique et social.
L'on pourrait se poser la question suivante : est-ce que toutes les espèces de formation de la main-d'oeuvre sont nécessairement orientées vers l'avancement économique du pays ? En gardant bien cette question-là à l'esprit, traitons d'un exemple en particulier. Dans l'hypothèse où la direction et le syndicat se sont entendus pour mettre au point un programme de formation pour les salariés d'une entreprise afin de permettre à ces derniers de bien s'adapter à l'évolution, il y a plusieurs points auxquels il faut s'arrêter en ce qui concerne ce programme de formation, et surtout en ce qui concerne les grandes politiques et les grands objectifs de la main-d'oeuvre à l'échelle nationale. Ce programme est-il orienté vers des emplois nouveaux et bien spécialisés ? Ou encore a-t-il pour but d'améliorer le niveau général des connaissances non spécialisées des travailleurs afin de rendre ces derniers plus mobiles, sur le plan professionnel par exemple? Ce programme aura-t-il pour conséquence une utilisation plus rationnelle de la main-d'oeuvre sur un plan général plutôt que dans le secteur plus réduit de l'entreprise particulière où un tel programme a été acquis par la négociation? Voilà des questions très importantes et auxquelles on ne peut répondre qu'en faisant une évaluation ou une analyse des dispositions de recyclage. A notre avis, c'est le moyen à prendre pour leur apporter des réponses significatives. 4
Comme il a été mentionné plus tôt, une telle analyse ne doit pas se limiter à chercher comment les conventions collectives sont conformes aux objectifs et aux buts choisis sur le plan national. L'analyse doit également se faire de façon à ce qu'elle puisse permettre de découvrir les moyens employés par les parties â la négociation collective pour innover ou faire passer dans la pratique des solutions inédites qui permettront de résoudre des problèmes spécifiques et pour montrer comment, en fait, elles ont tracé la voie à l'intention de la société en général.5
L'on peut formuler la conjecture que dans certains groupements de négociation, les politiques qui ont du succès ont pu être appliquées durant un certain temps dans les domaines de l'emploi et de l'adaptation des travailleurs âgés. Si depuis quelques années on s'intéresse de plus en plus à la population âgée ou encore à la population vieillissante, nous pensons que certaines des mesures prises à la suite de négociations collectives pourraient être très utiles à ceux qui sont chargés de mettre au point de nouvelles méthodes d'adaptation et de rééducation des travailleurs âgés.
Passons maintenant aux aspects plus techniques de nos commentaires.
L'ANALYSE DES CONVENTIONS COLLECTIVES : PROBLÈMES DE TECHNIQUE
Tout au début, l'on soulignera le fait qu'en notre qualité d'analystes de conventions collectives ou d'analystes des relations professionnelles au service de l'Etat fédéral, nous sommes en quelque sorte obligés de jouer un rôle différent de celui de nos collègues du secteur privé. Notre rôle est de fournir autant d'informations que possible et autant d'analyses et d'études que nous pouvons sur les conventions collectives conclues au Canada, peu importe l'industrie, la région ou les catégories de travailleurs. L'étendue de la réalité à laquelle nous devons nous arrêter est telle qu'il nous est inévitable de présenter des informations qui, dans certains cas, ne sont pas aussi détaillées que les chercheurs le désireraient.
Un autre facteur est celui de l'éloignement de certains d'entre nous, au moins, de l'application quotidienne des conventions collectives ou du rôle que jouent les relations professionnelles. D'autre part, les connaissances que nous avons des industries ou des entreprises ne peuvent pas être aussi détaillées ou aussi générales que celles de nos collègues qui sont au service d'une entreprise ou d'une industrie particulière.
En nous fondant sur les demandes d'information qui nous ont été adressées au cours d'un certain nombre d'années, nous pouvons conclure que les agents, les professeurs et les étudiants en relations industrielles font face à des problèmes qui sont véritablement des problèmes particuliers, que leurs besoins de données sont des besoins spécifiques qui intéressent en réalité des problèmes bien à eux. Par suite de cet état de choses, il est extrêmement difficile pour nous, dans certains cas, d'offrir aux demandeurs de renseignements le genre particulier d'informations détaillées qu'ils recherchent. Attirons également l'attention sur le fait que si nous devions analyser en détail et en profondeur les conventions collectives conclues dans l'ensemble de l'industrie au Canada, il nous faudrait un personnel fort considérable.
D'autre part, l'on sait d'expérience que l'information mise au point par nous est utile à un très grand nombre de personnes qui s'intéressent aux relations industrielles ou encore à celles qui jouent un rôle dans ce domaine, tant au Canada que dans les pays étrangers et sans oublier les organisations internationales.
Terminologie, analyse statistique et autres problèmes
L'analyse des conventions collectives nous pose des problèmes de terminologie très difficiles à résoudre. Il arrive non seulement que les conventions collectives sont écrites dans une langue qui n'est pas très claire, mais encore la même expression employée dans deux conventions distinctes peut avoir des significations complètement différentes de l'une à l'autre. L'on comprendra qu'il est absolument indispensable de mettre au point des définitions et des concepts clairement formulés afin que l'on sache exactement quelles sont les dispositions à classer dans les catégories A, B et C. 6
L'analyse des conventions pose également des problèmes de mesure statistique. Il est tout simplement impossible d'exprimer, globalement ou distinctement, par des statistiques et d'une façon précise, l'essence et les effets de certains types de disposition. Un exemple de ce fait sont les dispositions sur les congés de maladie. L'on est au courant des erreurs qui peuvent se glisser dans un tableau de dispositions sur les indemnités de congés de maladie fondé sur le nombre de jours prévu dans ces dispositions. Par exemple, deux dispositions sur les indemnités de congés de maladie peuvent prévoir chacune huit journées payées par année en cas de maladie. Mais bien que le nombre de jours prévu soit le même, les conditions dans lesquelles ces jours de congé de maladie sont accordés peuvent varier tellement d'une disposition à l'autre que dans ce cas particulier, et dans d'autres semblables, l'on est obligé de présenter des renseignements sur la fréquence des dispositions, sans parler de leur essence.7
De plus, certaines dispositions ne peuvent pas être analysées très en détail bien qu'elles fassent l'objet d'une analyse portant sur une grande diversité de clauses. Un cas en particulier est celui des dispositions sur les indemnités de convocation au travail. Dans un certain nombre de cas, l'indemnité de convocation au travail sera versée au travailleur qui se présente tout simplement au travail à l'heure habituelle. Dans d'autres cas, l'indemnité de convocation au travail sera versée seulement si le travailleur accepte de faire un travail différent qui pourra être ou ne pas être semblable par sa nature à son travail habituel. Les renseignements détaillés sur les divers éléments ou conditions figurant dans les dispositions étudiées ne peuvent s'obtenir qu'en faisant une analyse restreinte à un type spécial de dispositions.
Le facteur industriel et le facteur économique
Lorsqu'il s'agit d'effectuer une analyse des dispositions conventionnelles, il importe de se rappeler l'importance que joue le facteur industriel. Il est possible d'énoncer un principe général voulant que l'essence même d'une convention collective a ses sources dans les processus de négociation collective et qu'elle reflète, dans une certaine mesure, ce qui est très difficile à évaluer, c'est-à-dire, la nature même des opérations effectuées dans le groupement de négociation étudié. En faisant l'analyse des conventions collectives, l'on doit toujours tenir compte du facteur industriel ; par exemple, dans certaines industries l'existence de nombreux comités de sécurité résulte de la nature de l'industrie autant, sinon plus, que du processus de négociation collective. Par conséquent, l'existence d'un nombre plus grand de comités de sécurité dans une industrie par rapport à une autre n'est pas nécessairement une indication d'un esprit de sécurité plus développé dans cette industrie que dans une autre.
Encore ici il est raisonnable de supposer que dans les industries où la sécurité publique joue un rôle très important, l'avancement dans des emplois comportant un « degré élevé de sécurité publique » se fera selon des critères qui probablement vont différer de ceux qui sont en vigueur dans les industries où le facteur de sécurité publique peut être moins important. L'on pourrait dire que dans les deux cas les dispositions relatives à l'avancement pourront très bien se présenter sous une même formule et, même si c'est là le cas, elles seront probablement appliquées de deux façons bien différentes.
En plus du facteur industriel, il faut penser au facteur économique lorsqu'il s'agit d'analyser des conventions collectives. Posons une seule question ici : est-il raisonnable de supposer, dans une situation de transformation technique qui surgit au cours d'une période de grande activité économique et d'avancement dans l'entreprise en cause, que la disposition conventionnelle pouvant résulter de ce développement technique insistera sur la rééducation afin que l'entreprise prenne les mesures voulues non seulement pour rééduquer son personnel mais aussi pour le retenir? D'autre part, serait-il raisonnable de supposer que, dans cette même entreprise, une transformation technique se produisant dans une situation économique moins favorable se traduise par une disposition qui mettrait accent sur la sécurité de l'emploi, ou encore se traduise par une absence de disposition?
On peut estimer qu'il serait assez facile de faire d'autres observations de cette espèce mais l'on désirait simplement indiquer que plusieurs facteurs, dont certains sont difficiles à isoler, jouent tout au long du processus de négociation collective et qu'il faut exercer un degré élevé de prudence au moment de dégager les conclusions d'une analyse de conventions collectives.
Il existe deux catégories d'information et de chiffres que les études de conventions collectives ne donnent pas nécessairement. La première catégorie est celle des pratiques en usage suivies effectivement aux termes des diverses dispositions8, en particulier les dispositions qui donnent naissance à des problèmes d'administration et d'interprétation pour les deux parties. Il est donc nécessaire de faire d'autres recherches pour tenter de découvrir qu'elles sont les répercussions d'une disposition particulière en ce qui concerne la solution à apporter à un problème précis. A ce propos, il a souvent été dit au cours des quelques dernières années que des recherches doivent être faites dans les entreprises pour savoir quel rôle jouent les conventions collectives et le processus de la négociation collective dans le règlement des problèmes de transformation technique et d'automatisation. 9
La seconde catégorie d'information que ne donne pas l'étude des dispositions de conventions collectives concerne évidemment les chiffres des frais qu'entraîne la mise en oeuvre des dispositions. Prenons le cas de la disposition sur les congés payés qui prévoit, par exemple, cinq semaines de congés payés après vingt ans de service. Cette disposition va donner naturellement l'impression à l'homme de la rue qu'il s'agit là d'une affaire coûteuse. Cependant, si cette disposition est mise en vigueur dans un établissement où le personnel est assez jeune et dont les années de service sont peu nombreuses, il pourrait arriver que cet espèce de disposition ne provoquera pas, du moins immédiatement, des frais élevés pour l'employeur.
La convention collective en tant que document global
En dernier lieu, nous devons nous souvenir qu'une convention collective n'est pas simplement la somme de dispositions sans liens entre elles mais plutôt un ensemble de points sur lesquels sont d'accord la direction d'une entreprise et ses salariés et dont certains ont des liens étroits entre eux. Il s'agit là d'un point important parce que même si elles sont classées individuellement, comme elles le seraient dans une analyse de conventions collectives à caractère statistique, les dispositions faibles et les dispositions fortes seront classées comme telles sans tenir compte du fait qu'elles peuvent être renforcées ou affaiblies par d'autres dispositions de la convention collective qui, à leur tour, seront également classées individuellement. Par conséquent, la présentation d'analyses de conventions collectives sous forme de tableaux comporte des risques en ce sens que l'on pourrait constituer un ensemble fractionné des conventions collectives plutôt qu'un ensemble complet et intégré. Prenons ici un exemple qui sera peut-être exagéré mais qui n'est pas totalement détaché de la réalité. Dans une convention collective, il peut exister une clause sur les droits de la direction, rédigée en des termes très forts, mais dans la même convention ou pourra également rencontrer une procédure des griefs également rédigée en termes très forts et qui, en fait, pourrait affaiblir la clause précédente sur les droits de la direction. Présentées individuellement, chacune de ces deux dispositions paraîtront être des dispositions fortes et naturellement la relation existant entre ces deux dispositions pourra se perdre dans la présentation statistique.
CONCLUSIONS
En guise de conclusion, l'on formulera quelques espoirs. L'un de ceux-là est qu'il se fasse dans l'avenir un plus grand nombre d'études des dispositions de conventions collectives et des usages en matière de négociation collective et de relations du travail. Etant donné la situation actuelle qui se transforme rapidement et la grande concurence internationale, l'on ne peut pas se permettre d'ignorer ce que décident les travailleurs syndiqués et les directions d'entreprises au Canada.
L'analyse des conventions collectives est certainement un champ idéal de collaboration fédérale-provinciale et l'assurance peut être donnée ici qu'au cours des dernières années cette collaboration se fait de plus en plus fréquente. Notre deuxième espoir est que cette collaboration va continuer de s'accroître. D'un point de vue plus concret, l'on peut espérer que dans un avenir immédiat l'on aura au Canada tout un personnel d'analystes de conventions collectives qui aura pour tâche de produire un tableau d'ensemble extrêmement utile et coordonné des négociations qui se déroulent entre les syndicats et les directions d'entreprises dans l'ensemble du Canada.
Vu que des objectifs de progrès et d'expansion économiques ont été proposés à toute la nation, l'on ne peut pas se permettre de ne pas étudier de manière exhaustive la façon dont fonctionne le processus de la négociation collective et la façon dont les conventions collectives s'adaptent à l'évolution et y apporte une contribution. Il est extrêmement important de chercher à savoir comment les usages en matière de relations industrielles aident la société en général à atteindre les objectifs hautement souhaitables qui lui ont été proposés et peut-être de voir de quelle façon l'on pourrait réévaluer les usages en matière de relations industrielles afin que l'apport déjà fait par les relations industrielles à l'avancement économique de notre pays, puisse être renforcé davantage. A un point de vue plus général, il est permis de penser que l'analyse des conventions collectives est une tâche importante parce qu'elle nous aide à mieux comprendre ce qui se passe aujourd'hui dans notre société industrialisée, et ce qui nous attend dans l'avenir.
(1) Le rapport annuel de 1964 sur les Conditions de travail dans l'industrie au Canada (Direction de l'économique et des recherches du ministère du Travail du Canada) indique, par exemple, que 69 p. 100 des ouvriers dans l'industrie manufacturière sont couverts par des conventions collectives ; dans les mines de métaux, cette proportion atteint 82 p. 100, dans les charbonnages, 92 p. 100 et dans le secteur des pâtes et papier (fabrication), 89 p. 100.
(2) Le texte de la sentence, bien connue sous le nom de «Formule Rand», se trouve dans la Gazette du Travail de janvier 1946, pages 123 à 131.
(3) Nous pourrions peut être compléter cet exemple fondé sur une disposition de convention collective par un autre, plus large, qui nous fait supposer que le processus des relations industrielles peut être à l'origine d'attitudes nouvelles : nous sommes au courant, et c'est un fait connu, qu'une grève longue et aiguë qui est survenue il y a quelques années a provoqué chez les participants des attitudes et des actions qui témoignaient de l'existence d'un degré de collaboration et de solidarité qui, nous a-t-on dit, n'avait jamais été constaté auparavant dans la localité où la grève s'est déroulée.
(4) Nous voudrions renouveler l'appel que nous avons déjà fait en maintes occasions et souligner que dans ces cas-là (d'une façon particulière mais non pas exclusive), l'analyse des dispositions conventionnelles doit s'appuyer sur des recherches faites dans les entreprises pour que cette analyse soit réellement valable.
(5) Et nous laissons de côté les répercussions qu'une politique nouvelle mise au point dans un groupement de négociation peut avoir sur la politique en vigueur dans un autre groupement de négociation.
(6) Voir la publication intitulée L'étude des conventions collectives au Canada, où le lecteur pourra en apprendre davantage sur cet aspect particulier du travail. L'étude se compose de cinq chapitres qui ont été rédigés par Félix Quinet, de la Direction de l'économique et des recherches, au ministère fédéral du Travail, pp. 3-4 et 11-12.
(7 ) D'autre part, il n'est pas possible de mesurer les seuls effets de certaines dispositions conventionnelles. Les dispositions sur les évaluations du travail faites en commun appartiennent à ces catégories. L'examen que nous avons fait dernièrement des dispositions relatives à l'évaluation du travail a révélé, sauf dans quelques rares cas, que ces dispositions n'étaient pas suffisamment détaillées et précises pour nous permettre de reconnaître celles qui prévoient une évaluation du travail fondé sur une analyse faite en commun par les travailleurs syndiqués et la direction.
(8) Il va sans dire qu'il existe des pratiques qui résultent purement d'ententes verbales entre les parties ; il ne saurait donc être tenu compte de ces ententes dans une étude fondée sur des documents.
(9) En ce qui concerne l'évolution technique, il doit également être remarqué que la nature du phénomène est telle qu'une tentative d'évaluation de son étendue ou encore de sa signification, d'après les effets qu'auront les dispositions relatives aux transformations techniques particulières, pourrait avoir un caractère trompeur parce que les transformations techniques, à notre sens, peuvent être à l'origine de plusieurs dispositions conventionnelles qui ne parlent pas nécessairement des problèmes qui les auront provoquées.
-
L’intégration du jeune sociologue dans le monde de l’entreprise
André Thibault
pp. 263–272
AbstractFR:
L'auteur expose sa conception de la place et du rôle d'un sociologue travaillant pour le compte d'une entreprise. De là il tire certaines conclusions se rapportant à l'enseignement de la sociologie dans les universités.
EN:
Until a few years ago, most of the sociologists in the province of Quebec, were operating in the campus environment or in a few key governmental positions. With the increase in the number of new graduates and the growing search for sociological expertise in our society, young sociologists are now invading many new areas, mainly in business or state bureaucracies.
Their integration in the business world presents many potential areas of difficulty that we shall try to describe. We will also mention certain tentative solutions that appear worth exploring.
Most of the difficulties arise from the differences in the value orientations between the administration as a whole and the young sociologists. This is not specific to the sociologist, nor even to the professional employee. No institution in the industrial world can pretend to involve totally any of its members nor to deserve a total identification with its purposes. It is always a matter of balanced compromise.
The most evident difference is the efficiency orientation of the enterprise, as compared with the rationality orientation of the social scientist. Those values are not mutually exclusive, but differ in the main objective to be accomplished : on one side, the results are most favored; on the other, one strives for completeness, objectivity and clarity of understanding.
Another problem derives from the « system » concept that is prevalent in contemporary sociology. In fact, the enterprise is quite far from being a complete, well-integrated and self-explanatory system. Therefore, many of the theoretical and analytical tools of the sociologist are not ready to be used in a very satisfactory way when applied to this often confusing reality.
The time image is also different. Every problem appears to the social scientist in its long-range implications. On the other hand, the manager continually has urgent decisions to make, and immediate problems to solve. They may easily see one another as a lunar orbiter or as a short-sighted activist.
One of the major challenges the young sociologist has to meet in this context is that of mutual acceptance. To accept industrial men, he must depart from a particular folkloric dogmatism that exists in his academic community, for instance against value judgments and all the not-so-scientific approaches of reality that govern the everyday life of everyone. To be accepted, he must make himself understandable and demonstrate his ability in certain areas that may be more familiar to the people he has to live with, i.e. short-range studies and policy formulation, even though such areas are not the most representative of his potentialities.
That must not mean a sacrifice of his professional identity. On the contrary, he must resist the danger of being completely assimilated by the enterprise. In this respect, he needs a deeply personalized knowledge of his discipline, in order to be able to reinterpret in meaningful sociological terms the administrative questions that land on his desk.
Those complementary objectives require both a very specific and a broad-minded academic preparation. The specificity will be obtained by a better linked approach of theory and methodology, sociology being mainly the art of well defining the social aspects of a problem in order to analyse it with the suitable apparatus. The broad-mindedness supposes a concern with the humanistic background of the professional development.
In any event, the prior education he has received will never be sufficient. We need realistic formulas of continuing education for those sociologists who are engaged in a career outside the academic world. Furthermore, the profession must be organized in a way that allows the handling of those ever-developing and increasingly serious problems.
Commentaires
Jurisprudence du travail
-
L’affaire « White Lunch Limited » : une illustration du réalisme du droit du travail
Fernand Morin
pp. 278–281
AbstractFR:
La Cour suprême du Canada vient de rendre une importante décision * qui démontre la portée des règles de droit du travail, le domaine exclusif de la Commission des relations du travail et la souplesse de ce droit nouveau.
Voyons les principaux éléments de l'affaire « White Lunch Limited » puis, dans un deuxième paragraphe, nous formulerons quelques commentaires.
* Bakery and Confectionery Workers Int. Union of America, Local No. 468, and MattiSalmi and Svend Nielsen (Defendants) and White Lunch Ltd., 1966, R.C.S. 282.
-
Le problème des ententes individuelles plus favorables que la convention collective
Pierre Verge
pp. 281–287
AbstractFR:
Un arrêt récent de la Cour d'appel 1 incite surtout à réévaluer le caractère réglementaire de la convention collective. S'il est acquis que celle-ci impose des normes minima, en matière de salaire notamment, aux ententes individuelles conclues entre un employeur et des salariés, n'admet-on pas, par ailleurs trop facilement que des ententes individuelles puissent déroger à celle-ci en se montrant, de prime abord, du moins, plus favorables à certains salariés?
(1) Gaston Robitaille et al. c. Les commissaires d'écoles pour la municipalité de la Cité de Thetford Mines, dossier 6660, Cour du Banc de la Reine, Québec, 1967 « B.R. » 206.
Informations
-
Deux déclarations du Conseil économique du Canada : l’adaptation de la main-d’oeuvre aux changements technologiques et autres ; vers une amélioration de la communication entre patrons et travailleurs
pp. 288–299
AbstractFR:
Le Conseil économique du Canada a publié deux déclarations importantes touchant les problèmes de relations du travail. La première, datée du mois de novembre 1966, concerne l'adaptation de la main-d'oeuvre aux changements technologiques et autres. La seconde, du mois de février 1967, aborde la question de la communication entre patrons et travailleurs. Ces deux déclarations portent la signature de tous les membres du Conseil économique, lequel, on le sait, est formé de représentants des principaux secteurs de la vie économique — le monde du travail, l'industrie, la finance et le commerce, l'agriculture et les autres industries primaires, ainsi que le public en général.
Recensions / Book Reviews
-
Travail et automation – L’automation : méthodologie de la recherche, Bureau international du Travail, Cahier no 1, Genève 1964, 300 pages.
-
Travail et automation – Progrès technique et main-d’oeuvre dans une économie planifiée, Bureau international du Travail, Cahier no 3, Genève 1966, 102 pages.
-
Travail et automation – Études de cas sur l’évolution technique : tableaux analytiques, Bureau international du Travail, Cahier no 2, Genève 1965, 89 pages.
-
La participation de la collectivité à une planification économique, Cahier de l’I.C.E.A., Montréal, no 3, février 1967, 144 pages.
-
La Ville : phénomène économique, par Jean Rémy, Éditions Vie Ouvrière, Bruxelles, 1966, 297 pages.
-
Collective Bargaining Law in Canada, by A.W.R. Carrothers, Butterworths & Company (Canada) Ltd., Toronto, 1965, 553 pages.
-
Collective Bargaining in the United States Federal Civil Service, by Willem B. Vosloo, Public Personnel Association, Chicago, Illinois, 1966, 226 pages.
-
Le mouvement des grèves en France, par R. Goetz-Girey, Coll. « Economique », no 3, Editions Sirey, Paris 1965, 217 pages.
-
Syndicalisme en péril? La leçon américaine, par B.J. Widick, traduit de l’anglais pas C. Convers et Annie Gérard, Coll. « Masses et Militants », Les Éditions Ouvrières Paris, 1966, 215 pages.
-
Du bon usage de l’Étude Économique dans l’entreprise, par J. Lesourne, Dunod, Paris, 1966, 173 pages.
-
Principes de direction des entreprises, par Neely D. Gardner, version française de Michel de Jihef, Éditions Gamma, Tournai, (Belgique), 3 volumes, 365 pages.
-
Teachers and Unions, by Michael H. Moskow, University of Pennsylvania, Wharton School of Finance and Commerce, Industrial Research Unit, 1966, 288 pages.
-
The Motivation to Work, Bernard P. Indik, Institute of Management and Labor Relations, Rutgers – The State University, New Brunswick New Jersey, 73 pages.
-
Emploi ou assistance, par Bent Anderson, Organisation de Coopération et de Développement Économique, Paris 1966. 125 pages.
-
Manpower Research Projects, Sponsored by the U.S. Department of Labor, Manpower Administration, Washington, D.C., 20210, 1966, 129 pages.
-
Objectives and Standards : An Approach to Planning and Control, by Ernest C. Miller, American Management Association, Inc., New York, 1966, 120 pages.
-
The Selection of Trainees Under MDTA, Institute of Management and Labor Relations, Rutgers – The State University, New Brunswick, New Jersey, 124 pages.
-
L’importance croissante du secteur des services dans les pays membres de l’OCDE, par Maurice Lengellé, Organisation de Coopération et de Développement Économique, Paris, 1966, 144 pages.