TTR
Traduction, terminologie, rédaction
Volume 33, Number 1, 1er semestre 2020 Traduction et adaptation : un mariage de raison Translation and Adaptation: A Sensible Union Guest-edited by Valérie Florentin and Georges L. Bastin
Table of contents (10 articles)
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Présentation
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Translation and Adaptation Studies: More Interdisciplinary Reflections on Theories of Definition and Categorization
Patrick Cattrysse
pp. 21–53
AbstractEN:
This paper discusses how theories of definition and probabilistic theories of categorization could help distinguish between translation and (literary film) adaptation, and eventually between translation (TS) and (literary film) adaptation studies (LFAS). Part I suggests readopting the common parlance definition of “translation” as the accurate rendition of the meaning of a verbal expression in another natural language, and “adaptation” as change that leads to better fit. Readopting these common parlance definitions entails categorical implications. The author discusses three parameters: whereas “translation” represents an invariance-oriented, semiotically invested, cross-lingual phenomenon, “adaptation” refers to a variance-oriented phenomenon, which is not semiotically invested, and entails better fit. Part II discusses how theories of categorization could help distinguish between TS and LFAS. The study of the disciplinarization of knowledge involves epistemic and socio-political conditioners. This section concludes that medium specificity, i.e., the linguistic versus lit-film paradigm, plays a major role in separating TS from LFAS. Another player that deserves more attention is the Romantic as opposed to the Classicist value system.
FR:
Le présent article porte sur la façon dont les théories de la définition et certaines théories de catégorisation graduelle pourraient contribuer à distinguer la traduction et l’adaptation (filmique de textes littéraires), ainsi que les disciplines respectives qui étudient ces phénomènes. La première partie propose d’adopter les définitions du langage commun et de définir la traduction comme la reproduction correcte d’une expression verbale dans une autre langue naturelle, et l’adaptation comme un changement qui entraîne une amélioration. Ces définitions entraînent des implications de catégorisation. L’auteur discute de trois paramètres : alors que la définition de « traduction » implique un « non-changement », une « application sémiotique » et un « passage d’une langue naturelle à une autre », celle de l’« adaptation » implique un « changement », une « absence d’application sémiotique » et une « amélioration ». La deuxième partie étudie comment les théories de catégorisation peuvent contribuer à distinguer l’étude de la traduction et celle de l’adaptation filmique de textes littéraires. L’étude de la disciplinarisation concerne des paramètres épistémologiques et sociopolitiques. Parmi ceux-là, la spécificité médiatique, c’est-à-dire le paradigme linguistique versus film littéraire joue un rôle primordial. Parmi ceux-ci, l’auteur traite de la compétition entre les systèmes de valeurs romantique et classiciste.
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Transmedia, Translation and Adaptation: Parallel Universes or Complex System?
Audrey Canalès
pp. 55–78
AbstractEN:
This article explores the relationship between transmedia narratives, translation, and adaptation, and exposes why one can be lead to believe that these disciplines have very little in common. It first gives a definition of complexity and transmedia narratives, and explains the difference between transmedia, crossmedia, and multimedia. It then describes the types of transmedia projects proposed by Christy Dena (2011, n.p.) and illustrates them with the examples of two cult series’ narrative universes, that is, Twin Peaks and Skam. Transmedia stories, which spread on multiple platforms and involve audience participation, are considered by transmedia theorists to be part of story worlds (story universes, or “storyverses”). Yet, most of these narratives can be considered as adaptations, or as multimodal, intersemiotic translations. Despite the evident relationship between translation, adaptation and transmedia, adaptation is reduced to a mere media transfer, and translation is mostly referred to as an interlinguistic operation in recent academic conversations around transmedia and participatory culture. This article examines how the emergence of transmedia narratives illuminates the fact that adaptation and translation must step into the study of contemporary transmedial landscape, and how transmedia, translation and adaptation could gain from it.
FR:
Cet article explore les relations entre narration transmédia, traduction et adaptation, et met en évidence les arguments pouvant laisser croire que ces trois disciplines ont très peu en commun. Après avoir défini les notions de complexité et de narration transmédia, j’y rappelle ce qui distingue les projets transmédia, crossmédia et multimédia. Les deux types de projets transmédia établis par Christy Dena (2011, n.p.) sont ensuite décrits et illustrés par les univers narratifs de deux séries, Twin Peaks et Skam. Les récits transmédia, souvent déclinés sur des plateformes multiples, sont considérés par les chercheurs en transmédia comme faisant partie d’univers narratifs exigeant un engagement actif de la part du public. Pourtant, la plupart de ces récits peuvent être considérés comme des adaptations ou des traductions intersémiotiques multimodales. En dépit des liens apparents entre traduction, adaptation et transmédia, on constate dans les discussions universitaires récentes sur le transmédia et la culture participative que l’adaptation est souvent réduite à un transfert entre médias, et la traduction, à une opération interlinguistique. Cet article examine comment l’émergence de la narration transmédia met en lumière la nécessité pour la traduction et l’adaptation de s’engager dans l’étude des phénomènes transmédiaux contemporains, et quels en seraient les bénéfices pour la traduction, l’adaptation et le transmédia.
Articles hors thème
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Translation and Loss-Aversion
Tal Goldfajn
pp. 81–98
AbstractEN:
This paper is about the inflation of loss talk in a certain discourse on translation and how translation is often presented as a disaster or even an emblem of what is always missing. My guiding questions will be: Why has the notion of loss become such a dominant concept when talking about translation? Where does this rhetoric of loss—in translators’ reflections, in translation reviews as well as in scholarly material of theoreticians—come from? What are some of the assumptions that underlie this loss discourse on translation products? Can we go beyond a descriptive perspective of the phenomenon and try to come up with a few explanations for this loss talk on translation? I shall furthermore explore the concept of loss-aversion from economics and decision theory (Kahneman, 2011), and argue that loss-aversion may help us to better understand how the notion of loss, and more generally the gain-loss equation, operate in the field of translation. Finally looking at translation discourse through the losing-glass, I will briefly discuss a few “unlosables” from the field of biblical Hebrew translation.
FR:
Cet article traite de la notion de perte dans un certain discours sur la traduction et de la tendance à présenter la traduction comme un échec, voire comme l’emblème de ce qui fait constamment défaut. L’article s’articule autour des questions suivantes : pourquoi la notion de perte est-elle devenue si dominante dans le discours sur la traduction? D’où vient cette rhétorique de la perte que l’on trouve dans les réflexions des traducteurs, les revues de traduction et les ouvrages des théoriciens? Quelles sont certaines des hypothèses qui la sous-tendent? Est-il possible d’aller au-delà d’une perspective descriptive du phénomène et de trouver des explications à ce discours sur la perte en traduction? J’explorerai en outre le concept d’aversion aux pertes issu du domaine de l’économie et de la théorie de la décision (Kahneman, 2011), et soutiendrai que l’aversion aux pertes peut nous aider à mieux comprendre comment fonctionne la notion de perte, et plus généralement l’équation gain-perte, dans le domaine de la traduction. Enfin, en examinant le discours de la traduction sous l’angle de la notion de perte, je discuterai brièvement de quelques « imperdables » du champ de la traduction de l’hébreu biblique.
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Roumi traduit, Roumi réécrit : enjeux politiques d’une réception
Amir Artaban Sedaghat
pp. 99–129
AbstractFR:
Jalāleddin Mohammad Roumi est un poète et penseur mystique (soufi) persan du XIIIe siècle parmi les plus connus en Occident. Sa renommée tient à l’immensité de son oeuvre poétique, qui se compose du Masnavi-e ma’navi et du Divān-e Šams e Tabrizi, ainsi qu’à un engouement significatif et relativement récent en Amérique anglophone pour ses poèmes à caractère spirituel. Traduire Roumi ne peut qu’être imprégné d’enjeux politiques, aussi bien de par l’importance et l’actualité des relations transculturelles entre l’Occident et le monde islamique qu’en raison de la complexité de sa pensée éclectique sujette à la polémique même au sein de l’orthodoxie musulmane. Ainsi, les exemples d’interférences du politique, de l’idéologique et du poétique sont-ils multiples dans le transfert du message de Roumi vers les langues européennes. Cet article s’appuie sur des théories éthiques, sociolinguistiques et herméneutiques de la traduction pour montrer les modalités de l’interférence de l’idéologie dans l’opération traduisante. Plusieurs cas en sont identifiés : des soupçons d’antisémitisme autour de la traduction anglaise d’un récit allégorique du Masnavi, l’intervention de certaines institutions politiques afin d’annexer le penseur persan au giron turc, ou encore les tendances islamisantes de certains traducteurs-spécialistes de Roumi qui, à travers leurs notes et commentaires, cherchent à associer la pensée universelle de l’auteur à la doctrine centrale de l’islam.
EN:
Jalāleddin Mohammad Rumi is a 13th century Persian mystical (Sufi) poet and thinker, among the most renowned in the West. His fame is due both to the immense size of his poetry work, which comprises Masnavi-e ma’navi and Divān-e Šams e Tabrizi, and a relatively recent popular demand in English-speaking North America for his spiritually inspiring poetry. Translating Rumi cannot be devoid of political implications given the topical character of transcultural relations between Western societies and the Islamic world as well as the complexity of Rumi’s eclectic thought, subject to controversy within the orthodox paradigm of Islam. As a result, multiple examples can be cited of the interference between political, ideological, and poetic instances in the process of transferring Rumi’s message into European languages. This article shows how ideology interferes with the operation of translation in light of ethical, sociolinguistic and hermeneutic theories of translation, and presents some notable occurrences of this intervention. Among the cases examined are suspicions of antisemitism arising from the English translation of an allegorical story of Masnavi, the intervention of some political institutions to annex the Persian thinker to the Turkish culture, and the Islamising tendencies of certain translators and specialists of Rumi who attempt, through their commentaries, to associate the author’s universal thought with the central doctrine of Islam.
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Traduire l’interlangue : la traductologie au carrefour de la sociolinguistique et de la linguistique de l’acquisition
Catia Nannoni and Rosa Pugliese
pp. 131–160
AbstractFR:
De nombreux romans contemporains relevant des littératures de migration mettent en scène la langue parlée par les immigrés, ce qui peut s’avérer problématique dans le passage à la traduction. Dans Rue des Italiens de Girolamo Santocono (1986) et Les amandes amères de Laurence Cossé (2011), la représentation de cette « interlangue » emprunte des voies distinctes tant dans la version originale française que dans la traduction en italien. L’analyse de ces oeuvres à l’aide de perspectives différentes (traductologie, sociolinguistique et linguistique de l’acquisition) contribue à une meilleure compréhension de leurs implications linguistiques, traductives et (inter)culturelles. Les connaissances générées permettent en effet de comprendre les mécanismes langagiers représentés et leur fonction dans le cadre des projets esthétiques originaux, tous deux sous-tendus par une volonté de donner la parole à des locuteurs marginalisés par leur appartenance sociale et leur origine géographico-culturelle. Les traductions italiennes de ces deux romans réalisent différemment l’effet de distance propre à la caractérisation des locuteurs immigrés, celle de Rue des Italiens (2006) conservant l’impression d’une langue hybride, mais sans systématicité et sans se soucier du public d’arrivée, alors que Mandorle amare (2012) recherche une équivalence plus globale, qui sonne plus crédible et efficace aux oreilles des lecteurs italophones. Nous croyons que la linguistique de l’acquisition peut favoriser une prise de conscience de la part du traducteur, en lui fournissant des clés d’interprétation et des instruments plus adéquats au traitement de l’interlangue telle qu’elle est représentée dans une oeuvre littéraire, évitant l’arbitraire, l’improvisation et la caricature.
EN:
Many contemporary novels belonging to migration literature provide an insight into the language spoken by immigrants, which can cause problems in translation. In Rue des Italiens by Girolamo Santocono (1986) and Les amandes amères by Laurence Cossé (2011), this “interlanguage” is represented in distinct ways both in the French original and the Italian translation. An analysis conducted from different perspectives (translation studies, sociolinguistics, and language acquisition research) has proved useful for a better understanding of these works and their linguistic, translational, and (inter)cultural issues. This knowledge makes it possible to understand the linguistic mechanisms represented and their function in the context of the original aesthetic projects, both of which underpinned by a desire to give a voice to speakers who are marginalised by their social background and geographico-cultural origin. The Italian translations of these two novels achieve an effect of distance in diverse ways that characterizes immigrant speakers. Rue des Italiens (2006) retains the impression of a hybrid language, without being systematic and without concern for the target audience. Mandorle amare (2012) seeks a more global equivalence, which sounds more credible and effective to Italian-speaking readers. It seems to us that language acquisition research can foster awareness on the part of translators, providing them with interpretation tools and more adequate means of treating interlanguage as represented in a literary work, avoiding arbitrariness, improvisation and caricature.
Comptes rendus
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Charles Le Blanc. Histoire naturelle de la traduction. Paris, Les Belles Lettres, 2019, 304 p.
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Éric André Poirier. Initiation à la traduction professionnelle – Concepts clés. Montréal, Linguatech, 2019, 245 pages
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Douglas Robinson. Transgender, Translation, Translingual Address. London and New York, Bloomsbury, 2019, 248 p.
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Rachel Weissbrod and Ayelet Kohn. Translating the Visual. A Multimodal Perspective. Londres et New York, Routledge, 2019, 223 p.