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Cet article combine des données quantitatives et qualitatives afin de dresser un bilan de l’extrême droite québécoise au cours de la décennie 2010-2020. Dans la première partie, nous définissons l’extrême droite comme un écosystème d’idéologies et de mouvements sociopolitiques qui promeuvent une vision du monde inégalitaire, en rupture avec les valeurs et les institutions de la démocratie libérale et de la modernité, puis nous examinons trois types de facteurs (socioculturels, économiques et politiques) pouvant expliquer la montée de ces mouvements. Dans la deuxième partie, nous retraçons l’évolution des activités de l’extrême droite québécoise entre 2010 et 2020. Les données montrent que celle-ci a connu une augmentation constante et importante, passant par quatre phases distinctes (celles de germination, d’éclosion, de croissance et de diffusion), chacune étant liée à un contexte spécifique. Dans la troisième partie, nous revenons plus en détail sur la phase de diffusion, qui correspond à l’année 2020, durant laquelle la pandémie a favorisé un recadrage des discours de l’extrême droite autour de thèmes conspirationnistes, ce qui lui a permis de rejoindre des publics beaucoup plus larges et de normaliser, jusqu’à un certain point, quelques-unes de ses thèses antidémocratiques. En somme, sur un plan sous-jacent à l’ensemble de ces données, on remarque que les militants de l’extrême droite expriment surtout une volonté de se réapproprier une part de pouvoir et d’agentivité dans un contexte où ils se sentent humiliés, impuissants, et où ils ne croient plus les promesses brisées de la démocratie libérale.