Cahiers de géographie du Québec
Volume 23, numéro 58, 1979 Le Québec et l’Amérique française : I- Le Canada, La Nouvelle-Angleterre et le Midwest
Sommaire (14 articles)
Articles
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Du continent perdu à l’archipel retrouvé : le Québec et l’Amérique française
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L’amorce du redressement des francophones hors-Québec : analyse critique des Héritiers de Lord Durham et de Deux poids, deux mesures
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Mobilité et identité québécoise
Christian Morissonneau
p. 29–38
RésuméFR :
La mobilité (nomadisme) est un des traits qui fondent l'identité québécoise. Cette mobilité date des origines mêmes de la Nouvelle-France, où les migrants ajoutèrent à leur héritage nomade, l'influence d'un espace immense et neuf et celle de l'Indien. Tradition et rapports économiques jouent dans l'explication : se succèdent des exploitations du milieu qui obligent aux déplacements, qui entretiennent cette continuité dans la mobilité : fourrures, bois, mines, construction. Le nomadisme obligé/choisi a été nié et contré par l'élite du pays qui a construit une identité paysanne et des stratégies anti-mouvance (colonisation) et anti-libertaire (encadrement clérical). C'est l'américanité refusée. Ainsi, une continuité dans la mobilité et dans sa négation. Les Québécois ne sont pas peuple de l'espace, se contentant de le parcourir. Les Québécois « occupent » la durée : l'élite se contente des symboles de la permanence dans un espace qu'elle ne possède pas. Le peuple conserve le « lieu » de la parenté (famille étendue) partout en Amérique.
EN :
Mobility, or nomadism, is one of the determinants of québécois identity. This mobility can be traced back to the beginnings of New France where the migrants added to their nomadic heritage the influence of an immense new land and the mark of the Indian inhabitant. Both tradition and economic relations help explain this culture trait. Fur, timber, mining and the construction industry succeed each other as major activities, inciting migratory fluxes which become transformed into a tradition of mobility. This nomadism, at once necessary and voluntary, was denied by a national élite which created a peasant identity and sought to ensure incorporation of the population by the Church and its stabilisation through colonisation schemes. Thus the denial of 'american-ness'. There is continuity in both the mobility itself and in its negation. The Québécois are not a people who occupy space, rather they move within it. They occupy time. The elite contents itself with symbols of permanence in a space that it does not control. For the mass, 'place' is kinship and family wherever it may be in America.
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La franco-américanie ou le Québec d’en bas
Pierre Anctil
p. 39–52
RésuméFR :
La Franco-Américanie en Nouvelle-Angleterre apparaît à la fin du XIXe siècle comme la société francophone la plus prolétarisée d'Amérique du Nord. Sollicités par les besoins de main-d'oeuvre bon marché de l'industrie américaine en pleine expansion, les Québécois commencent à émigrer en masse dès la guerre civile aux États-Unis (1861-1865). En deux vagues successives dont les sommets se situent autour de 1865 et 1890, l'exode des petits fermiers de la vallée du Saint-Laurent s'est concentré autour de villes moyennes comme Manchester, N.H., Lowell ou Fall River, Mass. Dès leur établissement, les populations francophones de la Nouvelle-Angleterre fondèrent paroisses sur paroisses et tentèrent de maintenir vivantes leurs traditions ancestrales, sous l'impulsion d'un clergé nationaliste et d'une petite bourgeoisie très conservatrice. C'est ainsi que sont nés les Petits Canadas dans toutes les villes industrielles du nord-est américain, sauf Boston, véritables enclaves québécoises dans la société anglo-protestante plus vaste. Par l'exemple de Woonsocket au Rhode Island, l'auteur tente d'illustrer les caractères historiques de cette partie majeure de la diaspora québécoise en Amérique du Nord; preuve de l'immense influence au XIXe siècle, de la République américaine sur le développement d'un Québec moderne.
EN :
The Franco-Americans of New England had become at the end of the nineteenth century, the most proletarianized of all French speaking groups in North America. Québécois people migrated in large numbers during the American Civil War (1861-1865), attracted by the early and expanding industrial development in the Northeastern states. In two successive waves, whose peak years appear to be located around 1865 and 1890, the exodus of small farmers from the St. Lawrence Valley converged on such midsized cities as Manchester, N.H., Lowell and Fall River, Mass. Able to found many national parishes in a short period of time, the French-speaking population of New England followed the leadership of their Catholic clergy and conservative petty bourgeoisie in an attempt to maintain intact their ancestral ways and customs. Because of this strong national consciousness Little Canadas took shape in all the industrial cities of the Northeastern United States, with the exception of Boston, forming Québécois strongholds in the midst of the larger Anglo-Protestant society. Through the example of Woonsocket in Rhode Island, the author illustrates the major elements of Franco-American history. As the most important component of the Québécois diaspora in North America, the New England French populations provide strong evidence, in the nineteenth century, of the enduring influence of the American Republic on the shaping of a modem day Québec.
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Franch-Canadian Communities in the American Upper Midwest during the Nineteenth Century
D. Aidan McQuillan
p. 53–72
RésuméEN :
The pattern of nineteenth-century French-Canadian settlements in the American Midwest bore no relation to the pattern of fur-trading posts of the eighteenth century. French-Canadians of the nine-teenth century were attracted by employment opportunities along the farming, lumbering, and mining frontiers. Detroit, Chicago, and Minneapolis-St. Paul developed French-Canadian parishes which maintained links with rural communities. Survival of the French language, cultural heritage, and affiliation with the Catholic Church varied throughout the region. Americanization of French-Canadians went hand in hand with their commercial success. A French-Canadian identity survived in the poorest, marginal, rural areas of northern Michigan, Wisconsin, and Minnesota.
FR :
La distribution des établissements canadiens-français dans l'Ouest américain au XIXe siècle n'avait aucune relation avec la distribution des postes de traite de fourrures du siècle précédent. Les Canadiens français du XIXe siècle furent attirés par les opportunités d'emploi le long des frontières agricole, minière et forestière. Détroit, Chicago et Minneapolis-St-Paul ont vu naître des paroisses canadiennes-françaises qui entretenaient des liens avec les communautés rurales. Le maintien de la langue française, l'héritage culturel et l'affiliation à l'église catholique variaient à travers la région. L'américanisation des Canadiens français fut directement reliée à leur réussite économique. Une identité canadienne-française a été maintenue dans les régions rurales les plus pauvres et marginales du nord des états du Michigan, du Winsconsin et du Minnesota.
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Quand une majorité devient une minorité : les Métis francophones de l’Ouest canadien
Gilles Martel
p. 73–98
RésuméFR :
Les Métis francophones constituaient en 1870 un peu plus de la moitié de l'ensemble de la population métisse de la colonie de la Rivière-Rouge (Assiniboia). En partie grâce à leur unité de langue et de religion, mais surtout grâce à leur infrastructure socio-morphologique (mode d'occupation du sol et genre de vie), ces Métis avaient développé une certaine conscience nationale qui pouvait leur permettre de revendiquer collectivement, au nom de leur ascendance indienne, un droit de propriété sur les territoires du Nord-Ouest.
Or, en une quinzaine d'années après 1870, une évolution extrêmement rapide du pays, à la fois démographique, économique, culturelle et même écologique, sapera leur infrastructure et les précipitera dans un état de grave anomie.
Une petite portion de cette ancienne majorité se lancera en 1884-85, sous la direction de Louis Riel, dans un mouvement millénariste, que les forces armées canadiennes écraseront.
EN :
In 1870, French-speaking Métis made up more than half of the metis population of the Red River colony (Assiniboia). Due in part to their unity of language and religion, but mainly thanks to their sociomorphologic infra-structure (adaptive strategy and life-style), these Métis had developed a kind of national consciousness which allowed them to collectively claim right of possession of the Northwest territories, in the name of their Indian ancestry.
However, during the 15 years following 1870, the country underwent an extremely rapid demographic, cultural and even ecologic evolution, sapping the Métis strength and plunging them into a state of serious anomy.
In 1884-85, a small part of this one-time majority, under the leadership of Louis Riel, was to engage in a millennial movement, destined to be crushed by the Canadian armed forces.
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Les migrations acadiennes
Robert A. Leblanc
p. 99–124
RésuméFR :
L'Acadie fit partie de l'empire colonial français en terre d'Amérique de 1604 à 1713. La majeure partie du territoire et de la population fut cédée aux Britanniques par le traité d'Utrecht. La position équivoque des Acadiens conduisant à l'instabilité politique entraîna leur expulsion en 1755. Leurs tentatives de rapatriement dans les cinquante ans qui suivirent, furent toutes contrecarrées. C'est seulement à la fin du 18e siècle qu'ils purent s'installer dans des lieux sûrs. Nous avons essayé de représenter ici les flux migratoires des Acadiens suite à leur déportation, ainsi que leur implantation « définitive » vers les années 1800.
EN :
Acadia, from its initial settlement in 1604 until 1713, was a part of the French colonial empire in North America. By the Treaty of Utrecht most of Acadia with its French population was ceded to the British. The political instability generated by the anomalous position of the Acadians eventually led to their expulsion in 1755. During the 50 years which followed their efforts at repatriation were thwarted and only toward the end of the period did they finally settle in places offering a measure of security. The trends of their migrations over the period are illustrated, as well as their final settlement pattern in 1800.
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Espace et appartenance : l’exemple des Acadiens au Nouveau-Brunswick
Jean-Claude Vernex
p. 125–142
RésuméFR :
Les Acadiens du Nouveau-Brunswick, descendants des premiers colons français établis sur les rives de l'actuelle baie de Fundy dès les débuts du XVIIe siècle, furent marqués au plus profond de leur mémoire collective par l'impératif de la survivance face à un environnement anglophone peu tolérant, voire franchement hostile, et par une idéologie nationale fondant une identité sur le culte de l'ascendance (l'origine) et sur la mission divine de la défense de la foi catholique et de la langue française (peuple de Marie, divine providence), sans chercher à développer une conscience territoriale nettement affirmée. Pour cette population peu nombreuse, dispersée et minoritaire, donc devant sans cesse transiger avec la majorité anglophone, l'appartenance est histoire, filiation. La « patrie » acadienne, ce sont les vertus des ancêtres, ce n'est pas un territoire nettement délimité. Entre l'enracinement de l'espace proximal constitué par la paroisse, par le village, et l'appartenance à une « nation » abstraite perçue à travers une dimension strictement temporelle, existe un hiatus profond dans le sentiment d'appartenance, hiatus générateur d'une ambiguïté renforcée par l'ouverture des cellules rurales à l'espace plus vaste et plus transparent de la société urbaine et industrielle. Après un survol des fondements traditionnels de l'appartenance acadienne, des mutations consécutives à l'émergence d'une nouvelle société et des résistances caractérisant la permanence d'une certaine « sensibilité » acadienne, l'auteur tente une rapide description de la territorialité acadienne à travers l'analyse des résultats d'enquêtes menées auprès de jeunes francophones du Nouveau-Brunswick. Il souligne la complexité du sentiment d'appartenance au sein de cette population minoritaire, le rôle de l'idéologie nationale diffusée par l'élite dirigeante dans l'ambiguïté de cette appartenance, tout comme la nécessité, pour cette population, de repenser en termes de pouvoir et de territoire un nouveau « projet acadien ».
EN :
The New Brunswick Acadians are the descendants of French colonists that settled from the start of the 17th Century along the shores of the present Bay of Fundy. They have been profoundly marked in their collective consciousness by both the need to survive in a hostile anglophone environment and a collective ideology that define identity in terms of ancestry and in a divine mission to defend the Catholic faith and French language. Because of these preoccupations there was an attempt to formulate a clearly defined territorial consciousness. In this minority group, few in numbers, dispersed, and having continually to come to terms with the anglophone majority, belonging is history, filiation. The Acadian « homeland » is the virtues of the ancestors and not a clearly defined territory. Between the rootedness of proximal space, characterized by the parish and the village, and identity with an abs-tract « nation » that is perceived in stricly temporal terms, there exists a profound hiatus with respect to belonging, a hiatus generating an ambiguity that is reinforced by the exposure of the rural « cells » to the vaster and more transparent space of urban, industrial society.
After reviewing the traditional bases of Acadian identity, the successive changes leading to the emergence of a new society, and the résistance characterized by the persistance of a certain Acadian « sensibility », the author furnishes a brief description of Acadian territoriality based on the analysis of a survey administered to young francophones in New Brunswick. In so doing he insista on the complexity of the minority group's ethnic identity, the role of the national ideology that is diffused by the power élite in creative ambiguities, as well as the necessity for the population of reforrnulating, in terms of power and of territory, a new "Acadian project."
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Les Franco-Terre-Neuviens : survie et renaissance équivoques
Éric Waddell et Claire Doran
p. 143–156
RésuméFR :
Des trois noyaux francophones de Terre-Neuve, seul celui de Port-au-Port est enraciné dans le milieu. Ses origines française et acadienne rappellent l'ancien statut juridique de cette Côte Française et les grandes migrations acadiennes du 19e siècle. En dépit d'un peuplement anarchique, de l'absence d'institutions autonomes et de relations intimes avec le monde francophone, le maintien de l'identité ethnique est assuré jusqu'à la Deuxième Guerre. Dès lors la mise en place d'une hiérarchie régionale et le passage d'une économie familiale à une économie prolétaire provoquent de profonds remous culturels. Le statut minoritaire est confirmé; il en découle une assimilation généralisée. Cependant, vers les années 1970, ce processus est remis en question avec l'apparition d'une petite élite locale consciente de son identité ethnique, et l'intervention d'un gouvernement fédéral cherchant à assurer la survie d'une francophonie pan-canadienne. Soutenue uniquement par le Fédéral et n'intéressant que l'élite locale, la renaissance qui en suit reste équivoque.
EN :
Of the three concentrations of French in Newfoundland only that of Port-au-Port can be considered indigenous. Its French and Acadian origins bear witness to what was once the French Shore and to the 19th century Acadian migrations. In spite of the anarchic circumstances of settlement and of the absence of any institutional autonomy or of close ties with the larger French-speaking world, the persistence of ethnic identity is assured until the 2nd World War. Thereafter the creation of a regional hierarchy and the passage from a household to a proletarian economy have dire cultural consequences. Minority status is assured, and massive assimilation results. However, c. 1970, this processus is challenged with the emergence of a small local élite, conscious of its ethnic specificity, and the intervention of a federal government concerned to ensure the survival of a pan-canadian francophonie. The resultant renaissance remains ambiguous because supported uniquely by the federal government and of interest only to the local élite.
Notes
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Maillardville : à l’Ouest rien de nouveau
Paul Y. Villeneuve
p. 157–164
RésuméFR :
L'évolution de la communauté francophone de Maillardville met en cause l'approche fonctionnaliste utilisée dans l'étude des relations ethniques. La question ethnique ne peut se dissocier de la question des classes sociales. Certains concepts du matérialisme historique et dialectique, appropriés à l'analyse des rapports sociaux conflictuels, aident à renouveler les connaissances sur les francophones d'Amérique.
EN :
A brief description of certain key aspects of the evolution of the French speaking community of Maillardville, B.C. leads to a critical appraisal of the functionalist approach to the "ethnic question". It is suggested that certain concepts of historical and dialectical materialism can shed a new light on the history of French speaking America.
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L’Ontario français : guide bibliographique
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Bibliographie commentée sur les Franco-Américains de la Nouvelle-Angleterre