Journal of the Canadian Historical Association
Revue de la Société historique du Canada
Volume 2, numéro 1, 1991
Sommaire (16 articles)
Kingston 1991
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Presidential Address: A View From the Lectern
J. E. Rea
p. 3–16
RésuméEN :
This paper explores the relationship among teaching, research, and publications for, the author argues, a good teacher must carry out advanced historical research and >report results to a wider academic audience. This observation leads to an examination of three kinds of questions which challenge the historian as teacher: the first, questions to which the primary and secondary literature provide no answer; the second, questions to which standard works offer no adequate response but which inspire research and rethinking and thereby lead to a new understanding of the issue; and the third, questions which can be fully answered only by informed speculation. The paper then illustrates the challenge posed by each type of question by looking at important incidents in twentieth-century Canadian history: the first, why Prime Minister Borden on 1 January 1916 doubled Canada's manpower in the Great War to five hundred thousand; the second, why did the tariff disappear as an issue from elections after 1935; and the third, why did the Cabinet accept the forced resignation of J. L. Ralston as Minister of National Defence in November of 1944? The specialised knowledge required to respond to such questions necessarily enriches our overall understanding of the past.
FR :
Cet article explore Ia relation entre l'enseignement, la recherche et les publications, car l'auteur croit qu'un bon universitaire doit à la fois effectuer des travaux de recherches avancées et en communiquer les résultats à un auditoire plus large. Cette prémisse renvoie à trois types de questions auxquelles les enseignants font face. Il s'agit premièrement des questions auxquelles les sources primaires et la littérature ne donnent aucune réponse. En second lieu, des questions auxquelles les travaux habituels ne donnent pas de réponse satisfaisante, mais qui provoquent la recherche et la réflexion en vue de proposer des solutions. Et troisièmement, des questions auxquelles l'on ne peut répondre que par des spéculations fondées sur de solides connaissances. En guise d'illustrations des défis posés par chaque ordre de questions, l'auteur considère trois problèmes majeurs de l'histoire canadienne. D'abord, comment expliquer la décision du Premier ministre Borden, le premier janvier 1916, de doubler la participation des soldats canadiens à la Grande guerre, pour atteindre le nombre de 500 000 soldats ? Ensuite, pourquoi les tarifs douaniers ont-ils disparu des enjeux électoraux après 1935 ? Enfin, pourquoi le cabinet libéral a-t-il accepté la démission du ministre de la Défense nationale, J. L. Ralston, en novembre 1944 ? Les connaissances spécialisées auxquelles un professeur devra avoir recours pour répondre à ces questions enrichiront sans aucun doute sa compréhension du passé.
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Merchant Capital, the State, and Labour in a British Colony: Servant-Master Relations and Capital Accumulation in Newfoundland’s Northeast-Coast Fishery, 1775-1799
Sean T. Cadigan
p. 17–42
RésuméEN :
This paper uses a case study of class struggle in the late-eighteenth-century Newfoundland fishery to examine the relationship between merchant capital and the employment of wage labour in staple production in early colonial development. Using a modified version of the staple model which emphasises the role of the class relations and institutional structures of staple industries on long-term development, it finds that British regulation of wages to protect the migratory fishery stymied the extensive employment of wage labour by resident planters. Evidence drawn from court records suggests that fishing servants used the law to prevent erosion of wages due from planters at the end of a fishing season by ignoring mandatory preseason contracts or account overcharges. Servants enjoyed less, but still formidable, success in winning suits brought about by masters for neglect. By using wage law beyond the intentions of its British makers, servants forced planters increasingly to rely on family labour rather than wage labour. The struggles of wage labourers with their employers, rather than merchant conservatism as such, contributed to Newfoundland's long-term domination by merchant truck with fishing families.
FR :
La lutte des classes au sein des pêcheries de Terre-Neuve, à la fin du dix-huitième siècle, présente un cas privilégié pour l'étude des relations entre capital marchand et travail salarié, dans le secteur de l'extraction de matières premières, et dans le contexte d'une jeune colonie. Cet article met à profit une version amendée de la théorie de laproduction de matières premières ("staples"), qui jette un éclairage renouvelé sur le rôle des rapports de classe et des structures institutionnelles dans l'évolution à long terme de ce type de production. Il montre que les politiques britanniques de réglementation des salaires, liées à la protection des pêches migratoires, placèrent les maîtres locaux, qui utilisaient le travail salarié de façon extensive, dans l'impasse. Un examen des archives judiciaires fait découvrir en effet que les engagés purent utiliser cette même loi pour empêcher que leurs maîtres ne diminuent le montant du salaire dû à la fin de la saison des pêches, dans les cas où leurs patrons tentaient soit d'ignorer le contrat obligatoire conclu avant la saison, soit d'ajouter aléatoirement un montant à leur acompte. Les poursuites de ces engagés se soldèrent par un remarquable succès, quoique moindre que celui des serviteurs accusant leurs maîtres de négligence. En étendant ainsi la portée de la loi salariale au-delà des limites prévues par ses auteurs britanniques, les engagés forcèrent progressivement leurs maîtres à ne compter que sur une main-d'oeuvre familiale. Ce sont ces luttes entre employés salariés et employeurs, plutôt que le conservatisme des marchands comme tel, qui contribuèrent à l'établissement de la longue domination des entreprises familiales.
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The Spread of Rural Industry in Lower Canada, 1831-1851
Serge Courville, Jean-Claude Robert et Normand Séguin
p. 43–70
RésuméEN :
As a contribution to a larger project which seeks to explore the contours of the socio-economy of Lower Canada in the nineteenth century, this paper utilises the 1831 and 1851 census data to define the extent, nature, and distribution of an essential component in the rural economy — industry — in the St. Lawrence axis during the first half of the nineteenth century. The aggregate census data suggest that a degree of numerical stagnation, or even deindustrialisation, occurred between 1831 and 1851, localised in the Montréal district. An analysis of the individual census schedules for 1851 indicates that no such deindustrialisation actually took place. What is revealed is a picture of great complexity in terms of type and distribution of industries over time. The evolution of the emerging rural industrial landscape is linked to population growth, expanding land settlement, and urbanisation. What emerges is a picture of an integrated economy based on a relatively well-developed structural exchange system.
FR :
Cet article est l'un des éléments d'un vaste projet d'histoire des contours de la socio-
économie du Bas-Canada au dix-neuvième siècle. Il met à profit les données des re-
censements de 1831 et de 1851 pour définir l'étendue, la nature, et la distribution d'un
des aspects lesplus importants de l'économie rurale dans l'axe du Saint-Laurent durant
la première moitié du dix-neuvième siècle: l'industrie. Dans un premier temps, les don-
nées agrégées du recensement suggèrent qu'une stagnation numérique, voire un phé-
nomène de désindustrialisation, se serait produit entre 1831 et 1851 dans les limites du
district du Montréal. Mais dans un second temps, une analyse des fiches individuelles
de recensement pour 1851 ne révèle aucune désindustrialisation du genre. Ce qui ap-
paraît plutôt est une situation d'une grande complexité quant au type et à la distribution
des industries dans le temps. L'émergence d'unpaysage rural industriel est liée à l'ac-
croissement de la population, à l'expansion de la colonisation, et à l'urbanisation.
L'image qui en ressort est celle d'une économie intégrée, basée sur une structure
d'échanges relativement bien développée.
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Discipliner les fonctionnaires de l’administration municipale de Montréal dans les premières décennies du XXe siècle : en théorie ... et en pratique
Michèle Dagenais
p. 71–90
RésuméFR :
Inscrite au coeur du processus de bureaucratisation, la discipline représente un des leviers majeurs permettant la transformation du mode de gestion des entreprises et de l'organisation du travail qui s'amorce au début du XXe siècle. Tout comme les grandes sociétés privées et les autres administrations publiques à cette époque, l'administration municipale de Montréal est amenée à modifier la manière dont elle dirige ses fonctionnaires et exerce son autorité. La croissance importante de ses services de même que l'augmentation rapide de sa main-d'oeuvre favorisent alors l'émergence d'une autorité de type bureaucratique. La mise en place du nouvel ordre disciplinaire quelle induit est mue par une double dynamique qui passe par la redéfinition de l'autorité, de même que par l'élaboration de normes et de codes de conduite nouveaux.À partir de l'analyse du mode de gestion de cette administration publique et de son évolution, à partir aussi de l'étude des règlements de même que des conditions et des modalités entourant leur mise en application, cet article vise à retracer le processus suivant lequel est non seulement adoptée mais aussi intégrée, par l'ensemble des acteurs, une nouvelle conception de la discipline. Au-delà des seuls textes officiels nous verrons donc comment, dans la pratique, sexerce véritablement cette nouvelle autorité bureaucratique, en cherchant à mettre à jour les contradictions qui en résultent et qui sont le plus souvent masquées par l'unité du discours sur la rationalité bureaucratique.
EN :
At the heart of the process of bureaucratisation lies discipline, one of the most important forces fuelling the transformation in the methods of managing businesses and the organisation of work to emerge at the beginning of the twentieth century. Just as was the case in the largest private and public bodies of the period, the municipality of Montréal was led to change the means by which it managed its employees and exercised its authority over them. The growing importance of municipal services in the life of the individual coupled with the expansion in the range of services offered encouraged the emergence of new forms of bureaucratic authority. These required the establishment of a different system of discipline marked by two elements: the redefinition of the concept of authority and the establishment of new codes of conduct. By analysing the methods of management adopted for this sector of the public service and their evolution over time, and by studying both the code of regulations established and the way in which they were applied in a range of situations, this article seeks to explore the ways in which this new definition of discipline was not only introduced but integrated with existing norms at various levels. Going beyond the official documents allows a view of how, in day-to-day activities, this new bureaucratic authority was actually exercised by endeavouring to bring to light the contradictions resulting from its implementation that are often masked by the unified discourse on bureaucratic rationality.
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The Seven Oaks Incident and the Construction of a Historical Tradition, 1816 to 1970
Lyle Dick
p. 91–113
RésuméEN :
The Seven Oaks incident, a violent clash between Métis and Hudson's Bay Company/Selkirk settlers at Red River in 1816, was long represented in Canadian historical discourse as a "massacre." In investigating the genesis of this interpretation, the paper examines the primary record and employs textual analysis to distinguish the "story," or basic facts, from the "discourse," or rhetorical overwriting by the event's historians. The paper also reexamines the respective roles of amateur and professional historians in Western Canadian historiography in the context of the discourse on Seven Oaks. The contemporary report of Commissioner William Coltman and works of Red River amateurs are used to establish that Seven Oaks was generally not considered a "massacre" inthepre-Confederationera. Rather, this interpretation largely dates from the post-1870 period, when Anglo-Canadian immigrants to Western Canada became the region's ruling group. Anglo-Canadian historians utilised partisan accounts of the battle and romantic plot structures to reinterpret the Métis actions as a savage slaughter. In these narratives, the alleged Métis role at Seven Oaks functioned allegorically to justify the dispossession of this western Native group's lands by the newcomers. In structuring their texts to promote the ideological position of their own ethnic group, post-Confederation academics established a tradition of writing that dominated Seven Oaks historiography for one hundred years. Since 1970, this tradition has weakened somewhat in academic circles, while popular historians have continued to reproduce its essentials in their accounts.
FR :
Le discours historique canadien a longtemps considéré l'incident de Seven Oaks, cette violente confrontation entre Métis et colons de la Compagnie de la Baie d'Hudson établis par Selkirk à la Rivière Rouge, comme un « massacre ». Un examen minutieux des textes qui constituent la genèse de cette interprétation permet de départager l« histoire », c'est-à-dire les faits de base, du « discours », c'est-à-dire des éléments qui proviennent de la rhétorique propre aux historiens de cet événement. Par ailleurs, le discours sur Seven Oaks offre un corpus de choix pour réévaluer les rôles respectifs qu'ont joués amateurs et professionnels de l'histoire dans l'historiographie de l'Ouest. L' incident de Seven Oaks ne fut pas considéré comme un massacre avant les années 1870, si l'on se fie aux rapports de l'époque établis par le Commissaire William Coltman et aux travaux des historiens amateurs vivant alors à la Rivière Rouge. Cette interprétation provient plutôt de la période suivant 1870, alors que les immigrants anglo-canadiens commencèrent à former le groupe dominant. Les historiens anglo-canadiens ne retinrent que des comptes rendus de la bataille biaises en faveur des leurs et utilisèrent des techniques romantiques d'exposition de l'intrigue, en vue de présenter les actions des Métis comme celles d'un massacre sauvage. Au cours de ces narrations, la fonction du rôle supposé des Métis à Seven Oaks est de justifier, sur le plan allégorique, la confiscation des terres de ces autochtones de l'Ouest par les nouveaux arrivants. En structurant ainsi leurs écrits pour promouvoir la position idéologique de leur ethnie, les historiens de l'après Confédération ont forgé une tradition qui allait par la suite dominer l'historiographie de l'incident de Seven Oaks durant cent années. Depuis 1970, cette tradition a pâli quelque peu dans les cercles universitaires, mais les ouvrages des historiens amateurs continuent d'en reprendre l'essentiel. The critical comments and editorial advice of Ron Frohwerk, John Thompson, Philip Goldring, and Jennifer Brown are acknowledged with gratitude.
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Un instrument pour une histoire sociale à double échelle : la base de données relationnelle
Claire Dolan
p. 115–129
RésuméFR :
La base de données relationnelle permet, grâce à sa flexibilité, des manipulations fines qui préservent le caractère spécifique des données. Elle constitue, pour les historiens du social qui croient que les courbes et les tableaux statistiques n' expliquent pas tout, une alternative indispensable. Son degré d'efficacité, comme instrument de l'histoire, tient toutefois à la façon dont l'historien structure les données qui l'alimentent. Par là, l'utilisation de la base de données relationnelle exige une réflexion préalable très précise de la part du chercheur quant aux rapports qu'il établit entre ses sources, les problématiques qu'il tente de résoudre et sa propre vision de l'histoire. Cet article donne un exemple de ces rapports, à partir d'une base de données relationnelle mettant en oeuvre une série de contrats de mariage et de testaments du XVIe siècle.
EN :
Because of its flexibility, the relational data base allows a measure of sophisticated informational manipulation while preserving the integrity of the individual fact. For the social historian who believes that graphs and statistical tables do not explain everything, it provides an essential alternative. As an instrument in understanding history, its efficacy depends upon the ability with which the historian structures the input. As a result, the use of relational data bases requires a careful prior consideration of the relationship among the sources available, the problem to be examined, and the historical approach chosen. This article presents an example of these connections, working with a relational data base consisting of marriage contracts and wills from the sixteenth century.
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Amazons and Victims: Resisting Wife-Abuse in Working-Class Montréal, 1869-1879
Kathryn Harvey
p. 131–148
RésuméEN :
When Canadian feminists first began to organise against domestic violence in the 1970s, there was a sense that they were the first to do so. What this article suggests is that resistance to wife-abuse had its roots in the nineteenth century. Its visibility was, in part, due to the efforts of the temperance movement which made wife-battering into a public issue by linking it to its antidrinking campaign. Drunkedness was thought to cause wife-abuse and, as such, shaped people's perceptions of it as a crime. The first half of this article describes the role of temperance ideas informing the public's attitudes towards wife-battering. A common perception was that women beaten by their husbands were passive victims. This was only a part of the story. The actions of a significant number of working-class women in Montréal reveal a competing narrative. Evidence found in Montréal newspapers, police reports, and judicial records showed that women did, indeed, resist their husbands' violence. What sustained these women in their struggles against the physical aggression of their husbands, and the forms which these struggles took, are the subject of the second half of the paper.
FR :
Dans les années 1970, quand les féministes canadiennes commencèrent à dénoncer la violence familliale, plusieurs crurent qu'elles faisaient figure de pionnières. Cet article suggère que la résistance des femmes à la violence conjugale trouve des racines au dix-neuvième siècle. Ce combat vieux d'un siècle doit sa visibilité au mouvement de tempérance qui amena le problème des femmes battues sur la scène publique en l'associant à sa campagne contre la consommation d'alcool. On croyait à l'époque que l'abus d'alcool était à la source de la violence conjugale, une idée qui contribua à répandre la notion que ce phénonéne était un crime. La première partie de cette étude décrit le rôle que les théories du mouvement de tempérance ont joué dans la formation de l'attitude du public face à la violence conjugale. L'idée que les femmes battues ne sont que des victimes passives était au centre de ces convictions. Pourtant, un nombre significatif de femmes de la classe ouvrière de Montréal agissait différement. En effet, des documents trouvés dans les journaux de Montréal, dans les rapports de police de la ville et dans les archives judiciaires montrent que les femmes résistaient à la violence de leur mari. Les fondements de la lutte de ces femmes contre l'agression physique de leur époux, et les manifestations variées de ces combats font l'objet de la seconde partie de cette étude.
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The Fall and Rise of Free Entreprise: State Intervention in Canadian Shipbuilding, 1945-1966
Michael A. Hennessy
p. 149–175
RésuméEN :
Within the growing literature on Canadian industrial policy, relatively little attention has been paid to the shipbuilding sector. This paper identifies and explores the distinct phases of government intervention in shipbuilding from 1945 to 1965. With the formation of the Canadian Maritime Commission, intervention took many forms, which reflected contradictory, conflicting, and competing interests. Over this period, intervention ranged from aiding reconversion to sustaining marginal yards for national security reasons. Defence considerations would play the largest role throughout this era. In examining the varied interests reflected in the deliberations of the Maritime Commission and the Departments of Defence Production, Finance, and Industry, this study demonstrates thai defence policy cannot be ignored when assessing industrial policy for this era. At least for shipbuilding, government policy appears to have hampered domestic and international competitiveness.
FR :
Curieusement, le mouvement d'enthousiasme pour les études sur la politique industrielle du Canada a fait peu de place à l'industrie navale. Cet article identifie et explore les différentes phases de l'intervention du gouvernement dans la construction navale, entre 1945 et 1965. Avec la création de la Commission maritime canadienne, l'intervention prit plusieurs formes qui reflétaient des intérêts contradictoires et conflictuels. Tout au long de la période, l'étendue de l'action gouvernementale alla de l'aide à la reconversion jusqu'au support de chantiers marginaux dans l'objectif de sécurité nationale. Ce sont en effet les considérations liées à la défense qui eurent le dessus au cours de ces deux décennies. Cette étude examine les délibérations de la Commission maritime, des ministères de la Production de Défense, des Finances et de l'Industrie, pour relever les multiples intérêts en cause. Elle suggère qu'aucune évaluation de la politique industielle de cette époque ne devrait sous-estimer l'importance de la politique de la défense. Dans le cas de la construction navale à tout le moins, l'action gouvernementale semble avoir empêché cette industrie de devenir compétitive à la fois sur le marché domestique et sur le marché international.
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The French Revolution: The Origins of a Modern Liberal Political Culture?
James A. Leith
p. 177–193
RésuméEN :
Recently it has been argued that the chief legacy of the French Revolution was that it provided a prototype of a modern liberal political culture. This paper argues that, while some of the features of such a political culture did appear during the revolutionary decade, the revolutionaries never discarded an ancient conception of sovereignty which insisted that political will had to be unitary and indivisible. This led to rejection of political parties, legitimate opposition, and pluralism. The debates in the Constituent Assembly already reveal these illiberal tendencies. The Declaration of the Rights of Man, with its apparent emphasis on individual rights, might seem to have counterbalanced these tendencies, but two clauses inserted at the insistence of Abbé Sieyès vested sovereignty in the nation and asserted that law must be the expression of the general will. These clauses transformed the rights of the individual into the rights of the Leviathan. The insistence on a unified will was revealed in the allegorical figures, symbols, and architectural projects of the period. The figure of the demigod Hercules, which came to represent the People, conveyed a monolithic conception of the citizenry in complete contradiction to the conception of them in a pluralistic liberal democracy. Also the fasces, the tightly bound bundle of rods with no power to move independently, suggested a conception of the body politic at odds with that of a variegated liberal society. If such unity did not exist, it was to be created by the rituals performed in Temples décadaires every tenth day, the republican Sunday. Those who would not join this vast congregation would be excised or coerced. Moreover, throughout the decade there were various theories of revolutionary government at odds with liberal ideals: the unlimited power of a constituent body, the concentration of power in a tribune or dictator, or the dictatorship of a committee. Such notions, too, were important for the future.
FR :
Il a été proposé, récemment, que l'héritage le plus important de la Révolution française serait celui d'un prototype de culture politique moderne et libérale. Le présent essai tente de démontrer que si certains éléments d'une telle culture politique sont apparus au cours de la décennie révolutionnaire, les révolutionnaires eux-mêmes n'ont jamais abandonné une conception plus ancienne de la souveraineté selon laquelle la volonté politique se doit d'être unique et indivisible. Cette croyance les a amenés à rejeter à la fois partis politiques, idée d'une opposition légitime et pluralisme. Les débats de l'Assemblée Constituante font déjà entrevoir ces tendances. Et si la Déclaration des Droits. de l'Homme, aux accents de droits individuels, a pu sembler offrir un contrepoids à ces tendances, deux de ses clauses, insérées à la demande expresse de l'abbé Sieyès, établirent que la souveraineté réside dans la nation et que la loi était l'expression de la volonté générale. Ces dispositions transformaient les droits de l'individu en droits du Leviathan. La croyance en une volonté unifiée s'exprimait aussi bien dans les symboles, personnages allégoriques et projets architecturaux de l'époque. Le personnage du demi-dieu Hercule, qui en vint à représenter le peuple, donnait l'impression d'une conception monolithique de l'ensemble des citoyens, à l'opposé de la conception que s'en ferait une démocracie libérale et pluraliste. Déplus, le faisceau, cet assemblage de tiges liées de façon si serrée qu'elles ne peuvent bouger séparément, suggérait une idée du corps politique bien éloignée de celle que détiendrait une société libérale bigarrée. En outre, au cas ou une telle unité n'aurait pas existé pas dans la réalité, les révolutionnaires entreprirent d'en assurer la création, par la promotion de rituels collectifs, ceux des « Temples décadaires », tenus tous les dix jours, lors du dimanche républicain. Ils menacèrent de coercition, voire de suppression, ceux qui ne voudraient pas se joindre à ces grands rassemblements. Finalement, la décennie vit naître plusieurs théories du gouvernement révolutionnaire à l'encontre des idées libérales — du pouvoir illimité d'une assemblée constituante, à la concentration du pouvoir aux mains d'un tribun ou d'un dictateur, en passant par la dictature d'un comité. De telles notions allaient, elles aussi, devenir importantes dans le futur.
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The Death of Whiggery: Lower-Canadian British Constitutionalism and the tentation de l’histoire parallèle
Michael McCulloch
p. 195–213
RésuméEN :
The Constitutional Act of 1791 was sought to create in Lower Canada a community whose social and political values reflected the basic assumptions of late-eighteenth-century Whiggery. These included representation of interest rather than of individuals, the importance of the "due" weight of property, and the organic nature of the British constitution. These values of "Liberty and Property" constituted the focus of the emotional and cultural image of the British Constitution. For the British Lower Canadians of the 1830s, these values were not fossilised remnants. Rather, they formed a coherent framework that made legitimate their conflict with the French-Canadian majority for control over politics. The influence of organised Constitutionalism did not disappear with the Act of Union of 1841. In the opening years of the union, anglophones identified with the Constitutionalist party which dominated both opposition and government in Canada East. They remained an influence until midcentury. Indeed, the final disintegration of Constitutionalism as a defensible basis for British Lower-Canadian politics was not the result of the inevitable triumph of La Fontaine's Responsible Government. Because they strongly identified, not simply with Britain, but with specific elements of British society, English-speaking Lower Canadians responded to changes in British political society. “La tentation de l'histoire parallèle” ensured that the Irish Repeal agitation and the Free Trade campaign would disrupt the assumption of a united British "interest." After the 1840s, the disproportionate power of British-Canadian élites in Lower Canada was based on their influence among the leaders of political parties rather than a collective identity rooted in the values of ''Whiggery.''
FR :
L'intention de l'Acte Constitutionnel de 1791 était de créer au Bas-Canada une communauté dont les valeurs sociales et politiques refléteraient les suppositions de base des Whigs de la fin du dix-huitième siècle. Celles-ci comprenaient entre autres la représentation des intérêts plutôt que des individus; une représentation des propriétaires digne de leur importance; et une croyance en la nature organique de la constitution britannique. Ces valeurs liées à la « propriété » et à la « liberté » constituaient le point de mire des images culturelles et affectives reliées à la constitution britannique. Dans les années 1830, les Bas-Canadiens d'origine britannique ne considéraient pas ces valeurs comme un archaïsme, mais bien comme un ensemble de principes cohérent. Ces idées procuraient une légitimité aux conflits qu'ils entretenaient avec la majorité canadienne-française, pour obtenir le contrôle de la vie politique. L'influence de cette pensée constitutionnelle ne disparut pas avec l'Acte d'Union de 1841. Au cours des premières années du gouvernement d'Union, les anglophones attachés au Parti constitutionnaliste dominèrent l'opposition, de même que le gouvernement du Canada Est. Et leur influence se perpétua jusqu'au milieu du siècle. En effet, ce n'est pas la victoire inévitable du gouvernement responsable de La Fontaine qui provoqua la désintégration de cette pensée constitutionnelle comme fondement de la position des Bas-Canadiens d'origine britannique, mais bien la réaction de ces anglophones aux transformations des cercles politiques britanniques. Ils s'identifiaient non seulement avec la Grande-Bretagne, mais avec des composantes particulières de sa société, et « la tentation de l'histoire parallèle » allait décider de leur attitude : l'agitation pour l'annulation de l'Union avec l'Irlande ("Repeal") et la campagne libre-échangiste ébranlèrent le principe d'un « intérêt britannique » unique. Ainsi, si les élites canadiennes d'origine britannique purent conserver un pouvoir politique disproportionné après 1840, ce ne fut plus en raison d'une identité collective enracinée dans les valeurs whigs, mais bien grâce à leur influence auprès des leaders des partis politiques.
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The Politics of Food and the Disintegration of the Anglo-Canadian Trade Relationship, 1947-1948
B. W. Muirhead
p. 215–230
RésuméEN :
This paper examines a somewhat peripheral event in postwar transatlantic diplomacy, the 1947-48 food negotiations between Canada and the United Kingdom, because the process and the outcome of these talks illuminate the deterioration in the traditionally close relationship between the two countries. Because of the financial strains caused by British wartime expenditures, Canada was unable to negotiate a reestablishment of the prewar trade relationship, in which surpluses in her trade with Great Britain financed deficits in her accounts with the United States. The British negotiating strategy forced the Canadian government to reconsider its traditional dependence on the British connection, which had hitherto been so fundamental to Canadian history. This paper therefore challenges the view that Canadian politicians ''sold out'' the country in shifting attention from Britain to the United States after World War II.
FR :
Si cette article se penche sur un événement périphérique, en quelque sorte, dans l'histoire de la diplomatie transatlantique de l'après-guerre, soit les négociations entre le Canada et la Grande-Bretagne au sujet du commerce des produits alimentaires, c'est que le processus de même que les résultats de ces rencontres mettent en lumière la détérioration des relations traditionnellement proches entre les deux pays. En raison des contraintes financières apportées par les dépenses de guerre de la Grande-Bretagne, le Canada ne fut pas en mesure de réinstaurer les relations commerciales d'avant-guerre au moyen desquelles il avait pu utiliser ses ventes au Royaume-Uni pour financer le déficit des ses échanges avec les Etats-Unis. La stratégie britannique de négociation allait forcer le Canada à repenser la dépendance envers le marché britannique qui avait occupé une place majeure dans son histoire jusque là. Ces conclusions nous portent à remettre en question l'idée que le gouvernement aurait « vendu » le pays lorsqu'il a détourné son attention de la Grande-Bretagne vers les États-Unis, aux lendemains de la deuxième guerre mondiale.
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Bluestockings, Feminists, or Women Workers? A Preliminary Look at Women’s Early Employment at the University of Toronto
Alison Prentice
p. 231–262
RésuméEN :
Our knowledge of the unease generated by the presence of women in universities, exhibited by the use of terms like "bluestocking" or "feminist" to denigrate academic women, raises at least two questions about the early history of women who worked in Canadian universities. The first concerns such women's own image of themselves as academic workers; the second concerns the actual history of the movement of women into academic jobs. This paper begins an examination of the early employment of women at the University of Toronto. Outlining the structures of that employment over three periods ending in the 1940s, it also explores in a preliminary way how women's university work was perceived and experienced. Arguing that university employment remains gendered to this day, the paper calls not only for more research into its history, but also for a more politically conscious approach to the academic workplace, for greater equality for the female employees of universities, and for efforts to make universities less divisive and hierarchical workplaces altogether.
FR :
La présence des femmes à l'université a engendré un malaise qui transparait dans l'emploi de termes dérisoires à l'endroit des professeures, tels que « bas-bleu » (« bluestocking ») ou « féministe ». Ce sentiment nous porte à questionner l'histoire des débuts du travail des femmes à l'université, sous les deux angles suivants. Le premier concerne l'image que ces femmes avaient d'elles-mêmes en tant que membres d'une telle institution : dans le second cas, il s'agit de l'histoire de l'accession récente de plusieurs femmes à des postes universitaires. Cet article constitue l'amorce d'une étude des structures de l'embauche des femmes à V Université de Toronto, entre 1910 et le début des années 1940. Il présente une esquisse des perceptions et des expériences enfournant le travail de ces femmes universitaires. Son propos est de montrer que les mêmes rapports sociaux de sexe qui ont déterminé l'embauche des professeurs au début du siècle, ont survécu jusqu'à ce jour. Il fait valoir la nécessité d'enquêtes historiques plus nombreuses sur ce phénomène, de même que le besoin de jeter un regard plus politique sur les milieux de travail universitaires. Il se termine par un encouragement à revendiquer des mesures qui contribueront à créer une plus grande égalité pour les employées des universités et qui, plus généralement, affaibliront le caractère hiérarchique des lieux de travail universitaires.
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Building a Living Memory for the History of Our Present: New Perspectives on Archival Appraisal
Jean-Pierre Wallot
p. 263–282
RésuméEN :
This paper examines the practical and theoretical problems that confront archivists — and historians — today. Because of the information overload in our world and of the complexity, diversity, and fragility of supporting media, the way archivists are now choosing archival records, and the very nature of the records retained, are radically changing. The paper summarises the latest thinking that is revolutionising the way archivists do their work. It also clarifies the present strategy of the National Archives of Canada insofar as public records are concerned.
FR :
Cette présentation analyse les problèmes théoriques et pratiques qui confrontent les archivistes — et les historiens — aujourd'hui. Dans ce monde d'explosion de l'information, de généralisation de supports déplus en plus complexes, diversifiés et fragiles, la façon de trier et de préserver les documents d'archives ainsi que la nature même de ces documents sont en train de changer radicalement. Ce texte résume les courants récents de pensée qui révolutionnent l'archivistique. Il clarifie également l'approche actuelle des Archives nationales du Canada à la masse des documents gouvernementaux.
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Memory and Historical Culture in Early Modern England
Daniel Woolf
p. 283–308
RésuméEN :
The place of memory in the thought and culture of early modern England has been often discussed, but usually in the context of the more esoteric aspects of Renaissance culture, such as "memory theatres." Using printed and manuscript sources, this essay reviews the uses of memory and contemporary attitudes toward its importance, with particular attention to its use in the preservation of the past. A distinction is posited between three levels of memory: personal, community, and social, each of which is studied in turn. It is suggested that the formation of a national historical culture in early modern England derives in part from the changing balance between dependence on memory and the use of the written!printed word to commemorate and communicate the past.
FR :
Les nombreuses études sur la place de la mémoire au sein de la pensée et de la culture de l'Angleterre des débuts de l'époque moderne se sont limitées, le plus souvent, aux aspects les plus ésotériques de la culture de la Renaissance, tels que les « théâtres de la mémoire ». Cet essai se base sur des sources imprimées et manuscrites pour recenser plutôt les multiples usages de la mémoire et examiner les attitudes des contemporains vis-à-vis de son importance. Il porte une attention particulière au phénomène de l'utilisation de la mémoire en vue de préserver le passé. Trois niveaux de mémoire sont examinés tour à tour : le personnel, le communautaire et le social, pour suggérer que la formation d'une culture historique nationale dans l'Angleterre moderne provient en partie d'un changement d'équilibre entre deux attitudes : le fait de compter sur la mémoire pour commémorer le passé et en communiquer le souvenir et celui de compter sur l'écrit ou sur l'imprimé.