Robert Castel
p. 67–78
Notice
Résumé
Partant de l’idée selon laquelle l’éclatement ne prend son sens qu’au regard d’une unité antérieure, l’auteur pense que celle-ci est à rechercher dans la problématique du contrôle social. C’est donc à une étude généalogique de cette analyse unificatrice de l’appréhension du social qu’il nous invite, à l’aide d’un travail qui envisage, de manière plus complexe qu’il n’est coutume de le faire, l’émergence et le déclin de ce type particulier de montage mi-théorique mi-politique qu’a été le contrôle social. L’argument central de l’article est que l’actuel discrédit de la notion n’est pas à interpréter seulement à partir de l’affaissement d’une idéologie politique contestataire, mais d’abord comme symptôme d’une crise plus générale qui touche aujourd’hui tous les secteurs où l’État intervient sur la société, à partir de la mise en cause de la problématique de l’intégration qui a fondé notre conception du social.
Claude Martin et Jean-Noël Chopart
p. 79–87
Notice
Résumé
Cet article se propose d’analyser les conditions scientifiques et sociales de constitution d’un champ de recherches spécialisées sur les questions sociales en France. Après avoir exploré la signification que l’on peut accorder à la spécialisation au sein d’une discipline, les auteurs s’accordent un détour par l’histoire des sciences sociales pour montrer, d’une part, que la question sociale est au principe même de la constitution des sciences sociales, et, de l’autre, que les oppositions entre écoles de pensée, les querelles de méthodes, masquent, plutôt qu’elles n’expriment, le rapport constant de ces sciences à la demande sociale. Ce constat, tiré de l’histoire de la discipline, permet de lever les soupçons d’illégitimité qui marquent trop souvent les recherches consacrées aux questions sociales.La question de la spécificité du champ s’épuise pour faire place à celle de la contribution des sciences sociales à une lecture de l’évolution de la société contemporaine. Un tel champ de recherche sur les questions sociales ne peut donc être réduit à l’étude des technologies de l’intervention. Systèmes de régulation et de normativité visant la conservation ou la restauration du lien social semblent en définitive être les objets à construire pour ce champ.
Jacques Ion
p. 89–93
Notice
Résumé
L’article entend indiquer, d’abord, combien l’objectivation d’une représentation de la société est indissociable des « problèmes sociaux » au sens restreint que se pose cette société; et, simultanément, comment la constitution d’une discipline savante, la sociologie, est tout autant inséparable, malgré ses dénégations, des travaux empiriques effectués dans la tradition des « enquêtes sociales ». À partir de ces prémisses est proposée une rapide analyse de la sociologie spécialisée du social, qui aboutit à réfuter l’idée de crise à propos de cette sous-discipline.
Didier Renard
p. 95–102
Notice
Résumé
Il y a crise du social en ce sens que les modalités de financement du secteur sont obsolètes et que leur inévitable transformation est douloureuse, ou encore dans le sens que l’appauvrissement général de la société retentit plus visiblement sur la situation de ceux qui y étaient déjà le plus mal intégrés. Mais ces changements n’ont rien que de normal. Quant aux savoirs, aucune frontière naturelle ne sépare leurs aspects institutionnels de leurs aspects intellectuels. Le sentiment de leur éparpillement va de pair avec le morcellement des institutions qui les symbolisent. Mais cet émiettement a toujours existé et l’on peut émettre quelques craintes vis-à-vis de l’idéal du paradigme unificateur. La domination intellectuelle d’une idée s’accompagne trop souvent de la domination institutionnelle de ceux qui la soutiennent pour qu’on puisse appeler de telles situations de ses voeux. Alors de quelle crise des savoirs parle-t-on ? Les sciences sociales n’ont-elles pas toujours connu cet éclatement ? Cette prétendue crise pourrait plutôt participer du continuel mouvement des idées, sans qu’il faille y voir aucune rupture qualitative. Peut-être même la tendance est-elle à plus d’unité qu’il n’y en eut jamais.
Alain Médam
p. 103–114
Notice
Résumé
À l’instar des sciences de la nature, la quête d’une transcendance explicative occupa longtemps les sciences de l’homme et de la société. Le réel se voyait ainsi figé, mis en forme et en grille. Mais nous n’en sommes plus là : nous sommes dans le bain social! Or l’objet ici n’est pas neutre et il se rappelle au souvenir des constructions surplombantes. De sorte que ce qui change peut-être, ce n’est pas tant le social — en substance — que notre rapport problématique au social, et son rapport à nous. L’approche en quelque sorte compte tout autant que l’objet. Et à la différence de l’explication surplombante, l’implication semble constituer la voie du dépassement de ce qui nous dépasse et elle ouvre la voie d’un renouvellement du sens même du geste investigateur.
Claude Javeau
p. 115–120
Notice
Résumé
Les sciences sociales ont repoussé « la condition humaine » hors de leur champ de compétence. Seules ont fini par compter des « déterminations » élaborées sur le mode de causalités « démontrées » selon des manipulations mathématiques. Cette façon de faire empruntée aux sciences de la nature a vite recherché à ces démonstrations des applications « pratiques », au bénéfice, pour faire bref, de diverses modalités de contrôle social. Aux sciences sociales est désormais dévolue une finalité technique, à savoir « résoudre les problèmes sociaux ». Cela signifie gérer et contrôler divers espaces sociaux de manière rationnelle, ou qui se veut telle. Ce qui fait problème, à notre époque, c’est la réduction de ces sciences au simple rang de recettes de consolidation, de replâtrage ou de réforme ponctuelle de l’ordre social existant.